La Maison des Journalistes au cœur de la lutte contre la désinformation

Ce jeudi 26 janvier, la Maison des Journalistes a accueilli une conférence sur l’action européenne en faveur de la liberté de la presse et contre la désinformation, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères. La MDJ a eu l’honneur de recevoir la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, ainsi que Patrick Penninckx, chef du service « Société de l’Information » au Conseil de l’Europe.

Dans son propos introductif, Darline Cothière directrice de la MDJ a rappelé l’étendue de l’action de la Maison des journalistes en faveur de la liberté de la presse et la lutte contre la désinformation. « Cette conférence a toute sa pertinence dans ce lieu unique au monde qui accueille des journalistes exilés venus des quatre coins du monde. Elle permet d’apporter un éclairage sur les initiatives européennes pour lutter contre le fléau de la désinformation qui affecte nos sociétés », a-t-elle déclaré avant d’adresser ses remerciements à la Secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, initiatrice de l’événement. 

La directrice de la MDJ Darline Cothière avec la secrétaire d’Etat Laurence Boone. Crédit photo : MEAE

Au micro de la MDJ, la secrétaire d’Etat affirme avoir choisi la Maison des Journalistes pour sa raison d’être, à savoir protéger la liberté de la presse et d’expression. « Tenir cette conférence au sein de la MDJ était l’évidence-même », a-t-elle assuré avec le sourire.

La secrétaire d’Etat chargée de l’Europe Laurence Boone ouvre la conférence. Crédit photo : MEAE

La secrétaire d’Etat Laurence Boone.

Sciences Po Media Lab, l’AFP et l’INA étaient également présents pour discuter du projet, accompagnés de divers journalistes européens. Sabina Tsakova, responsable juridique et politique de la DG Connect de la Commission européenne, a évoqué le « Media Freedom Act », instauré en septembre 2022 et dont les bénéfices se font déjà sentir auprès des populations concernées. Cet acte permet en effet de préserver l’indépendance éditoriale des médias, tant de la part des états-membres que de la presse elle-même. La nouvelle législation accorde également un large pan à la protection des sources et à la transparence des détenteurs de médias (qui possède quoi).

Des outils toujours plus nombreux pour assister les journalistes

« La vérité n’est pas une chose absolue, nous pouvons tous avoir des opinions, mais les faits demeurent une fondation stable. » Ainsi fut lancé la seconde partie de la conférence, consacrée à la lutte contre la désinformation en Europe. Des journalistes biélorusse, maltais, polonais, lituanien se sont succédés pour évoquer la censure, les mensonges étatiques et l’exil que certains ont subi. Antoine Bayet, directeur éditorial de l’INA, était chargé de la modération. Pour éviter les fake news, deux grands outils : l’éducation et les fact-checker.

Soutenue par l’AFP, le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) et le Media Lab de Sciences Po, « De Facto » est la plateforme recensant les outils de fact-checking des médias français, pour permettre à tous de lutter contre la désinformation. Affiliée au réseau européen EDMO (European Digital Media Observatory), « De Facto » sera en position jusqu’en 2024 et continue de présenter ses nouveaux outils et méthodes dans les écoles et pour le grand public.

Pour ce faire, la plateforme européenne « De Facto » permet aux professeurs, citoyens, et organismes de presse d’utiliser les outils en ligne pour vérifier les informations, apprendre à s’informer ou encore « debunker » les rumeurs les plus populaires (notamment sur la guerre en Ukraine). Mais ces outils et plateformes peuvent se révéler insuffisants, à l’instar de la lutte contre la désinformation en Lituanie, très préoccupante depuis le début de la guerre. 

« Certains des outils créés pour combattre la désinformation ne s’appliquent pas sur les petites langues comme le lituanien. Ce pourquoi nous avons besoin de spécialistes et chercheurs pouvant adapter nos outils à tous les pays-membres », a expliqué un des intervenants.

Autre problème, la plupart des lois européennes se basent sur la démocratie et la pluralité, poussant les Etats-membres à ne pas interdire certaines chaînes d’informations russes sur leur territoire. Alors, comment l’Europe va-t-elle se prémunir de la désinformation ? Patrick Penninckx, chef du service « Société de l’information » au Conseil de l’Europe, a accepté de nous adresser quelques mots, notamment sur la mauvaise situation de la presse en Grèce.

Le chef de service Patrick Penninckx

Une conférence réussie au sein de la Maison des Journalistes, qui continue d’œuvrer pour la liberté de la presse et de protéger des journalistes du monde entier.

Un article de Maud Baheng Daizey. Tournage d’Alhussein Sano.

« Portrait(s) d’une Résistance » La MDJ reçoit la photographe Justyna Mielnikiewicz.    INTERVIEW

Traduction Rim Benomar

Invitée à La Maison des journalistes à l’occasion de son exposition photo « Portrait(s) d’une Résistance », Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise installée à Tbilissi (Géorgie) a été interviewée par Manar Rachwani, Journaliste syrien actuellement résident de La MDJ.

M.R : Généralement, les gens admirent les photos, mais s’intéressent peu à la personne derrière l’objectif. Selon vous, quelle est la différence entre un photojournaliste et un journaliste, et comment pourriez-vous décrire votre expérience en tant que photographe de guerre ? 

J.M : La photographie est un outil de communication dont disposent les journalistes, à travers lequel ils peuvent transmettre au monde des fragments de nos réalités. J’ai capturé ces cinq dernières années l’évolution de l’invasion russe et ses conséquences sur la vie quotidienne du peuple ukrainien. C’était important pour moi de dévoiler la réalité d’une vie en guerre et de raconter l’histoire d’une résistance qui dure depuis 2014. J’ai vécu sous l’ombre de l’invasion russe en Géorgie et notamment en Ukraine. Ma motivation pour documenter la guerre est surtout personnelle avant d’être professionnelle. Je raconte tout simplement les difficultés des deux pays qui m’ont accueillie. Je considère que la technologie permet de faciliter la communication dans le monde, ma mission est de donner une voix à l’Ukraine et la Géorgie. Ces deux pays manquent de moyens nécessaires pour transmettre leurs propres messages. Depuis le début de l’invasion russe, de nombreuses fausses informations sur l’Ukraine ont été diffusées sur internet. La Russie a le pouvoir d’orchestrer de diverses campagnes de désinformation sur la guerre en Ukraine. En tant que photographe, je désire partager la vérité.

M.R : On parle souvent de l’objectivité et surtout de l’obligation de neutralité en journalisme. Selon vous, est-ce que chaque journaliste doit disposer d’un message particulier à transmettre ?

J.M : En tant que journalistes, l’objectivité est un outil que nous devons appliquer et respecter dans nos recherches. Il faut partager l’information sans faire intervenir des préférences personnelles. C’est à nous de restaurer la crédibilité des médias, et dévoiler les vérités. Toutefois, il est difficile d’atteindre l’objectivité dans certaines situations, surtout face à des événements monstrueux. 

M.R : Que représente pour vous cette exposition de vos portraits à la Maison des journalistes ?

J.M : Voir mes portraits tirés en grand format et exposés sur la façade de la MDJ me fait très plaisir, cela les rend beaucoup plus accessibles, en effet, les passants s’arrêtent et peuvent découvrir les photographies directement, contrairement aux galeries. De plus, j’admire beaucoup le travail de cette structure qui défend les journalistes menacés. La France se mobilise beaucoup plus que la Géorgie et l’Ukraine pour les journalistes.  

Quelques pages du livre “Ukraine Runs Through it (2019)” de Justyna Mielnikiewicz

M.R : Les photos affichées sur la façade de la MDJ ne sont qu’une petite partie des portraits que vous avez pris lors de votre déplacement en Ukraine. Quelle est la particularité de ces photos et est-ce qu’elles montrent les différents aspects de la guerre ? 

J.M : La guerre n’est qu’une partie de la vie parmi tant d’autres, et elle n’empêche pas les habitants du pays de pratiquer leurs activités et d’assurer les responsabilités quotidiennes : faire les courses, emmener les enfants à l’école, etc.. Ces aspects de la vie, certes, impactés par la guerre, continuent d’exister.

Le but de ces photographies est de montrer que la vie de ces femmes et ces hommes continue malgré la pression du conflit, afin que chacun puisse s’identifier dans leur quotidien et de se retrouver dans leur histoire.

Dans mon travail, j’essaye de mettre en avant la résistance de tous ces gens ordinaires face à cette guerre qu’ils sont en train de subir, et essentiellement les femmes, afin de déconstruire les idées reçues et démontrer que la guerre n’est pas qu’une affaire d’hommes.

M.R : En tant que photographe qui documente la vie en Ukraine depuis 2014, est-ce que vous étiez surprise par la résistance Ukrainienne, ou vous vous y attendiez ? 

J.M : En 2014, un grand nombre d’Ukrainiens s’est porté volontaire dans l’armée et l’État ne pouvait pas fournir l’équipement à tout le monde. Donc les Ukrainiens ont organisé plusieurs campagnes de collecte de fonds afin de se procurer des armes, des gilets de sauvetage et des médicaments. C’est en restant unis qu’ils ont réussi à résister face à l’invasion russe. Actuellement, l’armée de l’Ukraine est mieux équipée et mieux gérée, mais  les Ukrainiens continuent à faire des dons et d’aider de toutes les manières possibles. Par exemple, une de mes amies a perdu son compagnon durant le conflit de 2014. Suite à ce drame, elle a décidé de travailler dans le bureau des personnes disparues à Dnipro en tant que bénévole en parallèle de son travail à l’Université. Quand la guerre a éclaté en 2022, elle a commencé à récolter les dons pour les réfugiés et à préparer les médicaments pour les soldats. Les gens qui sont bien informés sur la situation de l’Ukraine, savent très bien que les Ukrainiens ont toujours résisté face à l’occupant russe. 

M.R : Est-ce que vous avez peur que le monde commence à oublier la guerre en Ukraine et à négliger la souffrance du peuple ukrainien ? 

J.M : Je pense que c’est un souci qui vient avec chaque guerre. Les guerres en Syrie et Afghanistan ont été oubliées au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. J’espère que le monde n’oubliera pas l’Ukraine et que le peuple ukrainien continuera à écrire son histoire. 

Justyna Mielnikiewicz avec Darline Cothière, directrice de la MDJ, et Alberic De Gouville, président de la MDJ

 « Portrait(s) d’une Résistance – Ukraine 2004-2022 » est une exposition de photographies de la photographe-documentaire Justyna Mielnikiewitcz, mise en place par la Maison des journalistes en partenariat avec L’Institut polonais de Paris, le Centre Culturel Ukrainine et la communauté des bellaruss à paris 

Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise, vit à Tbilissi, en Géorgie, depuis 2003. Ses travaux ont été publiés dans le monde entier entre autres par le New York Times, Newsweek, Le Monde, Stern et National Geographic. Elle a été lauréate du World Press Photo, de la Bourse Canon de la Femme Photojournaliste , du prix du jeune photographe du Caucase de la Fondation Magnum, de l’Aftermath Project Grant et du Eugene Smith Fund. La plus grande partie de son travail est consacrée à des projets personnels de long terme, publiés sous forme de livres: Woman with a MonkeyCaucasus in Short Notes and Photographs (2014), Ukraine Runs Through it (2019). Ce dernier a été présélectionné parmi les 20 meilleurs livres par Paris Photo et Aperture. Justyna Mielnikiewicz est représentée par l’agence MAPS

© Elyaas Ehsas


Revue de presse

« Photographie : la résistance ukrainienne dans l’objectif de Justyna Mielnikiewicz », La Croix

« Exposition « Portrait(S) D’une Résistance – Ukraine 2004-2022 » À Paris XV », Carnets de Week-end

« L’Ukraine dans le viseur de Justyna Mielnikiewicz : « Portrait(s) d’une résistance ». Maison des Journalistes, Paris », Blog de Philippe Rochot

« UKRAINE : UNE EXPO PHOTO À LA MAISON DES JOURNALISTES », Sgen-CFDT 

« Portrait(s) d’une ukrainienne sur les grilles de l’Hôtel de Ville », Mairie de Paris

« Portrait(s) d’une résistance ukrainienne sur les grilles de l’Hôtel de Ville », Sortir à Paris

« Journée internationale de la liberté de la presse : mise à l’honneur de la résistance ukrainienne par la Maison des journalistes », L’Oeil de la Maison des journalistes 

« Une exposition pour rendre hommage aux reporters de guerre en Ukraine », France 24, reportage 

« Portrait(s) d’une résistance en Ukraine », TV5 monde

Journée internationale de la liberté de la presse : mise à l’honneur de la résistance Ukrainienne par la Maison des journalistes

Par Emma Rieux-Laucat

« C’est une guerre géopolitique mais c’est aussi une guerre de l’information avec tout ce qui va avec : les fakes news, la manipulation, le complotisme. Présenter ce travail c’est montrer en « toute objectivité » ce qui se passe en Ukraine » a expliqué Darline Cothière, directrice de la MDJ, invitée par la chaîne de télévision TV5 monde pour présenter l’exposition grand format «Portrait(s) d’une Résistance. Ukraine 2004-2022. Justyna Mielnikiewicz » accueillie sur la façade de l’association du 3 mai au 3 septembre 2022.

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*S.E Vadym Omelchenko, ambassadeur d’Ukraine, pendant sa prise de parole
* Natalia Barbarska, chef de projet à l’Institut Polonais de Paris, et Laetitia Ganaye, coordinatrice chez MAPS, en train de présenter l’exposition
*Darline Cothière, directrice de la MDJ, lors de sa prise de parole

Le 3 mai dernier, journée mondiale de la liberté de la presse et dans le cadre des célébrations de ses vingt d’existence, la Maison des journalistes a mis à l’honneur le travail de Justyna Mielnikiewicz, journaliste polonaise qui documente la situation ukrainienne depuis le début des années 2000. Résidents-journalistes, partenaires et amis de la MDJ ont pu découvrir sur la façade de la Maison, 13 photos grands format prises en Ukraine par la photographe entre 2004 et 2022. Date à la symbolique forte, pour la liberté de la presse et les droits des journalistes dans le monde et aussi fête nationale pour la Pologne.

En collaboration avec l’Institut Polonais, l’Ambassade d’Ukraine en France et la Communauté des Bélarusses à Paris, ce projet, lancé à une date hautement symbolique pour la défense du droit à l’information et des droits des journalistes, a surtout été l’occasion de mettre en lumière l’actualité immédiate du conflit en Ukraine, notamment en offrant une tribune à son Ambassadeur en France, S.E Vadym Omelchenko. Devant une assemblée de représentants diplomatiques et politiques européens et internationaux, tels que l’Ambassadeur de Colombie en France, l’Ambassadeur d’Haïti en Belgique, le Ministre plénipotentiaire auprès de l’Ambassade d’Allemagne, la Représentante de la France auprès de l’Unesco ou encore le Maire du 15ème arrondissement,  l’ambassadeur ukrainien en France a délivré un poignant discours.  Prenant en exemple l’assassinat de la journaliste russe Anna Politovskaïa et le rapprochant des décès des 12 journalistes depuis le début du conflit, il a rappelé l’importance de documenter la guerre et a salué cette exposition expliquant, qu’ « être ukrainien c’est le choix d’être libre et cela est très bien exprimé dans le travail de Justyna Mielnikiewicz ».

Monsieur l’ambassadeur d’Ukraine S.E Vadym Omelchenko accompagné de son traducteur, pendant sa prise de parole le 3 mai 2022.

Sur le terrain en Ukraine, au moment du vernissage, la photographe a cependant rédigé un texte pour accompagner ses photographies. Elle y explique notamment son travail de documentation depuis plus de 10 ans sur les divergences politiques entre l’Ukraine et la Russie vis-à-vis de leur passé soviétique commun et des conflits idéologiques et territoriaux qui en ont découlés. Les photographies de Justyna Mielnikiewicz sont prises dans les régions avoisinantes du Dnipro, fleuve qui traverse le Bélarus et l’Ukraine, que la documentariste  a choisi comme ligne métaphorique de son travail. Ce choix n’est pas le fruit du hasard :  ce courant d’eau est devenu au fil des années la ligne de défense des soldats ukrainiens face à l’arrivée des troupes russes. Au travers de ses reportages, la photographe cherche à mettre en lumière l’omniprésence de la guerre et ses impacts immédiats sur le quotidien des Ukrainiens. Dans le texte accompagnant l’exposition, elle explique d’ailleurs que « les récits rassemblés ici sont le témoignage d’expériences individuelles sur fond de problèmes fondamentaux, moteurs de la transformation d’un pays et de sa société ».  Des portraits de femmes et d’hommes dans l’ombre de la guerre pour parvenir à dresser celui d’un peuple en résistance.

Au premier plan, Laetitia Ganaye membre de l’agence MAPS qui représente Justyna Mielnikiewicz en France, entrain de faire une présentation du travail de la photographe.

« Portrait(s) d’une Résistance. Ukraine 2004-2022. Justyna Mielnikiewicz » est exposée jusqu’au 3 septembre sur la façade de la Maison des journalistes. 

Le travail de la photographe est aussi  visible sur les grilles de l’Hôtel de ville à Paris du 10 mai et jusqu’au 20 juin 

Une table-ronde est organisée à l’Académie du Climat, le 08 juin 2022, avec la participation de Justyna Mielnikiewicz, Mohamed Badra photojournaliste syrien lauréat des Prix Bayeux Calvados-Normandie et Worldpress photographie, Julie Dungelhoeff grande reporter à France 24 et à RFI, Stefan Foltzer journaliste franco-polonais correspondant de la radio “Polskie Radio SA” et Manon Loizeau grande reporter franco-britanique prix Albert Londres et spécialiste de la Russie. Albéric de Gouville, président de la MDJ et Secrétaire général de l’info à France 24  est en charge de la modération de la discussion. 

©Ahmed Muaddamani

REPORTAGE, FRANCE 24