EGYPTE – Episode 4 – La peur et la dépression contaminent la société égyptienne

EGYPTE – Episode 4 – La peur et la dépression accompagne la société égyptienne


«Je ne peux pas dormir, je ne peux plus penser, je me sens détruite» m’écrit la mère d’Hossam tard dans la nuit.


La famille d’Hossam attend. Que se passe-t-il pour lui ? Le manque d’information dévore de l’intérieur. Certains jours, sa mère est pleine d’espoir. Quelques temps plus tard, elle désespère. Ce rythme s’impose au quotidien. 

Durant les premières semaines de détention, j’ai observé la lente détérioration psychologique de la mère d’Hossam. Une souffrance profonde qui l’accompagne. Elle a beau imaginer où est son fils, ce qu’il fait, avec qui il est… Son seul désir, c’est sa sécurité malgré les rumeurs de torture en prison, et l’espoir d’un retour à la maison.

Ce n’est pas que dans sa tête que la mère d’Hossam perd pied face à l’emprisonnement de son fils : Un jour, la famille se préparait à visiter le fils en prison ; Le lendemain, la visite est reportée. Incertitude, frustration, impuissance ont infesté la maison d’Hossam pendant son absence. Le moral est atteint. 

L’impact de la répression sur les égyptiens

Derrière chaque citoyen égyptien détenu (sans motif et le plus souvent torturé), il y a toujours une famille, des amis, des collègues… Ces personnes ne sont pas seulement affectées psychologiquement par l’absence de leur proche, elles sont aussi menacées par le gouvernement.

Durant ces derniers mois, le gouvernement a étendu la répression aux proches, y compris les parents de ceux qui sont considérés dangereux pour la sécurité du pays. Nous avons plusieurs exemples. Lors d’une descente de police en janvier 2020, la maison d’un journaliste critique du gouvernement, Mohamed el-Gahry, a été perquisitionné, et finalement son frère a été arrêté.

Son frère n’est ni politisé ni revendicatif. Il est arrêté car c’est le frère de Mohamed el-Gahry. Donc, si Mohamed s’était rendu à la police, son frère serait libre. Project on Middle East Democracy («Projet sur la Démocratie du Moyen Orient») a rapporté après que la directrice du Carnegie Endowment’s Middle East Programme, Michelle Dunne: «C’est l’exemple le plus récent (parmi beaucoup) où les gouvernement égyptien cible des membres de famille des dissidents».

En conséquence, des milliers d’égyptiens sont affectés directement et indirectement par la répression. C’est un processus de détérioration graduelle de la santé mentale d’une société entière car elle atteint psychologiquement les familles égyptiennes. Il y a de quoi être angoissé. 

Le Président d’Egypte Abdel Fattah al-Sissi

Les gens brisés par la répression égyptienne

«Sh’ab Maksour» signifie «les gens brisés». Ce sentiment est partout en Egypte, souffrir de la perte d’un être cher car il est enfermé n’a rien d’exceptionnel. En revanche, les souffrances qui sévissent au sein des familles prennent des formes très différentes.


«Je regarde autour de moi et tout ce dont je me souviens n’est plus là. Amis en prison, amis à l’étranger, amis déprimés chez eux. Je n’ai pas de choix, sinon celui de m’habituer à ce sentiment de manque»


Parmi la jeunesse égyptienne, des gens sont morts durant la révolution. D’autres ont été blessés et n’ont jamais récupéré physiquement ou mentalement, d’autres jeunes sont encore en prison ou ont été forcés de s’enfuir.

Et comme si cela ne suffit aps, les arrestations en masse dès septembre 2019 a enfoncé encore plus de famille dans cette crise étatique et sociale. Pour le peuple égyptien, la dernière décennie est devenue une succession de traumatismes difficiles à oublier.

«Je regarde autour de moi et tout ce dont je me souviens n’est plus là. Amis en prison, amis à l’étranger, amis déprimés chez eux. Je n’ai pas de choix, sinon celui de m’habituer à ce sentiment de manque» s’exprime un ex-activiste en regardant tristement les autres tables d’un café bondé au centre-ville du Caire.

J’ai observé en silence ce scénario se répandre autour de moi.

Des gens sont assis seuls en sirotant leur thé et café turque. Quelques hommes âgés fument la shisha et jouent au traditionnel tawla. Des groupes d’amis partagent un repas en plaisantant. Malgré ces scènes normales de la vie quotidienne, je pouvais percevoir les dures épreuves de la société égyptienne contemporaine avec ses effets durables sur le bien-être des gens. Or, les données officielles ne font que confirmer cette triste atmosphère.

Des études récentes montrent les problèmes psychologiques en forte augmentation ces dernières années. En aout 2019, le Centre National d’Etudes Sociales et Criminologiques a enregistré qu’au moins 25% des égyptiens souffre de problèmes psychologiques.

Le taux de suicides est aussi alarmant. Environ 150 jeunes égyptiens entre 25 et 30 ans se sont suicidés pendant les premier huit mois du 2019, selon la Coordination Egyptienne des Droits et Libertés (« Egyptian Coordination for Rights and Freedoms »). Lorsqu’en décembre 2019 l’étudiant Nader Mohammed, âgé de 20 ans, se jette d’un bâtiment de 187 mètres au Caire, les vidéos qui capturent son suicide sont devenues virales sur internet. Malgré le chox des images, les égyptiens n’ont aps été surpris.

«Il y a de nombreuses sources de pression sur les jeunes égyptiens, y compris les études, la famille, les attentes sociales et les problèmes économiques… La dictature actuelle nous empêche de supporter la vie en Egypte» me confie un ami en lisant les journaux.

Nader Mohamed, 20, threw himself from the top of Cairo Tower

Sensibiliser la population égyptienne

Dans ce contexte, aborder le problème de la santé mentale n’est pas une tache simple. Si d’un côté le stigma social associé avec les problèmes psychologiques empêchent beaucoup de gens d’exprimer leurs difficultés, de l’autre nous trouvons très peu de services disponibles.

Comme les institutions gouvernementales sont insuffisantes, les organisations citoyennes ont essayé de combler la fosse, mais pas sans enjeux.

Le Centre de Gestion – Réhabilitation des victimes de violence El Nadim a aidé des milliers d’égyptiens en fournissant des thérapies psychologiques et physiques. Le Centre a gagné le Prix Amnesty International Droits de l’Homme en 2018 et il continue courageusement ses activités malgré les nombreux obstacles qu’il rencontre, y compris sa fermeture administrative par la police en février 2018.

@picture-alliance/dpa/Polaris Images/Amnesty/D.smile

Il y a d’autres initiatives créatives qui contribuent à sensibiliser les égyptiens sur les questions de santé mentale. Dans les années qui ont suivi la révolution du 2011, le journal indépendant en ligne Mada Masr a lancé une section spéciale dédiée à la santé mentale en Egypte. La série d’articles publiée était une tentative de briser un tabou traditionnel dans la société égyptienne en créant une plateforme d’échange sécure et libre.

Les égyptiens unis dans la peur et dans la dépression

Peur et dépression se propagent dans l’esprit des gens. Elles sont accompagnées par des sentiments de vulnérabilité, d’insécurité et même de culpabilité : pour n’importe quoi tu peux être placé sans raison en détention. Cela affecte durement le bien-être général de la société égyptienne et de sa jeunesse révolutionnaire en particulier. L’esprit des grands espoirs et de l’attente ambitieuse et ouvertement démocratique du printemps arabe qui dominaient les rues d’Egypte en 2011 a été remplacé par la frustration, voir de l’indifférence.

Avec toutes ces émotions difficiles à partager et la répression aveugle qui pèsent sur les épaules des égyptiens, les expressions artistiques qui mentionnent les problèmes psychologiques sont appréciées avec enthousiasme par la population.

Cette nouvelle scène artistique est révélatrice de l’explosion d’énergie des gens qui chantaient les paroles de «Cherofobia» lors du dernier concert de la rock band égyptienne Massar Egbari. Des paroles simples et pénétrantes qui touchent le cœur des égyptiens, laissant sortir l’accumulation de sentiments négatifs tenus à l’intérieure trop longtemps.

I’m apologizing to you for my silence, when you want to talk

I’m apologizing for my existence, and apologizing for my absence

And that i tend to isolate, and row material for depression

And that i have Cherophobia, and severe lack of interest


Je m’excuse avec toi pour mon silence, quand tu veux parler

Et que moi j’ai Cherophobia, et une sévère manque d’intérêt

Je m’excuse pour mon existence, et je m’excuse pour mon absence

Et que je tends à m’isoler, et matière première pour la dépression


انا بعتذرلك عن سكوتي، وقت ما تحبي الكلام

وان عندي شيروفوبي ونقص حاد في الاهتمام

انا بعتذرلك عن وجودي، وبعتذر ع الغياب

واني مايل لانعزالي، ومادة خام للاكتئاب

« Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne », la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.

Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.

La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.

Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».

Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.

Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.

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Iran – Un général des pasdaran nommé président du parlement

La nomination du général des pasdaran Mohammad Baqer Qalibaf à la tête du pouvoir législatif iranien est une nouvelle étape vers une plus grande fermeture du régime iranien.

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Iran – Coronavirus, la réalité des chiffres

Selon les estimations du “Comité national du coronavirus” en Iran: si nous n’appliquons pas la quarantaine,  à la fin du mois de mai, 700.000 personnes vont mourir. Christian Malard, responsable du service étranger de France 3 et consultant sur la chaine israelienne i24news, confirme: “Le régime iranien tente de profiter au maximum de la propagation du coronavirus pour empêcher toute rébellion et liquider un maximum d’opposants et de prisonniers politiques qui sont dans les geôles iraniennes“.

IranWire, un site d’informations, a publié les sources reçues par un représentant du gouvernement. Selon une estimation officielle établie par le “Comité national du coronavirus”  à la demande du gouvernement iranien, la mise en garde est explicite.

Si la politique de quarantaine complète n’est pas mise en œuvre dans toutes les zones infectées du pays et si la même tendance se poursuit jusqu’à la fin du mois de mai, le nombre de décès par coronavirus en Iran pourrait atteindre 700.000.  En cas de mise en quarantaine totale des zones infectées, le nombre de morts est estimé à près de 200.000″.

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Iran – Histoire de la résistance des femmes sous le régime des mollahs

L’Histoire écrite par les hommes passe sous silence les luttes menées par la Femme durant les 150 dernières années en Iran. Les témoignages qui permettent de vérifier ce combat ne sont plus qu’une poignée de documents, qui ont survécu à la censure des dictatures et des intégristes.

En 1979, les émeutes qui ont conduit à la chute de la dictature du Chah sont marqués par une présence de grande envergure des femmes dans ce mouvement.

Aussitôt après la victoire de la Révolution, un grand paradoxe s’empare de la société iranienne. L’élan des femmes pour une participation de plus en plus remarquée à la vie politique et sociale du pays est inconciliable avec le nouveau régime fondé par l’Ayatollah Khomeiny qui affiche rapidement des mesures qui vont à l’encontre des droits des femmes.


“Les femmes iraniennes  sont le visage de la révolte contre le régime des mollahs.”


Le califat instauré par Khomeiny tentera dès les premiers jours de soustraire la femme de la vie sociale et politique afin de la limiter le plus possible, notamment par des lois comme le port obligatoire du voile.

Quatre décennies de dictature religieuse et misogyne en Iran

Khomeiny a commencé son offensive contre les libertés des femmes iraniennes une semaine à peine après la Révolution de 1979, avec une répression de leurs droits.

La discrimination sexuelle et la misogynie sont l’essence idéologique du régime fondé par Khomeiny. C’est pourquoi il s’est mis à agresser les femmes dès son arrivée au pouvoir.

Chronologie des lois contre les femmes en Iran 

  • 26 février 1979: Le bureau de Khomeiny annonce que la loi sur la protection de la famille Légiférée sous le régime du chah va être abrogée.
  • Le 28 février 1979: La discrimination sexuelle est étendue au domaine du sport et les compétitions sportives féminines sont annulées les unes après les autres.
  • Le 2 mars 1979: Les femmes sont exclues de la magistrature.
  • Le 4 mars 1979: Le droit au divorce est accordé exclusivement aux hommes, ce qui leur permet de décider unilatéralement du divorce à tout moment de leur choix.
  • Le 7 mars 1979: Khomeiny lance une fatwa sur le voile obligatoire, obligeant les femmes à se couvrir les cheveux au travail.
  • Le 22 mai 1979: Une première femme est fouettée en public.
  • Le 12 juillet 1979: Première exécution de trois femmes accusées d’avoir commis un vice.
  • Le 30 septembre 1979: Une nouvelle loi qui remplace la loi sur la protection de la famille supprime les avantages limités accordés aux femmes par le chah.
  • Le 3 février 1980: La première directive gouvernementale est publiée, obligeant les femmes médecins et infirmières à porter le voile au travail.
  • Le 19 avril 1980: Les chanteuses sont convoquées au tribunal, intimidées et humiliées, et privées à jamais de chanter en public.
  • Le 29 juin 1980: Pour la première fois, deux femmes sont lapidées à Kerman, dans le sud de l’Iran.
  • En 1983, l’âge légal du mariage pour les filles est abaissé à 9 ans. Il sera ensuite relevé à 13 ans.
  • Selon l’article 102 de la loi répressive ratifiée en 1983, les femmes qui apparaissent en public et dans les rues sans le voile religieux sont passibles de 74 coups de fouet.

Entre 1983 et 2010, peu de nouvelles lois ont été créées. Mais depuis, le rythme des lois contre la liberté des femmes a repris. 


  • En 2010, une autre loi a été adoptée pour «diffuser la culture de la chasteté et du voile», selon laquelle au moins 26 organes gouvernementaux ont été chargés de faire respecter le voile obligatoire par les femmes iraniennes.
  • En 2012, le régime a mis en œuvre un vaste plan dans toutes les universités, imposant des quotas pour l’admission des étudiantes. Selon ce plan, il était totalement interdit aux filles dans 77 domaines d’études.
  • En 2014, le parlement des mollahs a adopté deux articles d’un nouveau projet de loi soutenant ceux qui font la promotion de la vertu et la prohibition du vice. De telles législations ont préparé le terrain à des gangs liés au pouvoir qui ont vitriolé un grand nombre de femmes iraniennes sous prétexte qu’elles ne portaient pas correctement le voile.
  • Le 16 septembre 2015, L’interdiction de voyager sans la permission du mari : Selon l’article 18 de la loi sur les passeports.
  • En janvier 2016, le parlement des mollahs a adopté un projet de loi pour protéger la chasteté et le voile. les femmes ont été soumises à de nouvelles limites de temps limitant leur travail entre 7 heures du matin à 22 heures.

Les femmes iraniennes défient les mollahs

Ces restrictions n’ont pas empêché les femmes iraniennes de se battre pour leurs droits. Après quatre décennies d’oppression inhumaine, non seulement elles ne se sont pas tues, mais elles résistent de plus en plus chaque jour.


La première série d’exécutions en juin 1981 concernait des lycéennes de 16 et 17 ans qui n’avaient même pas donné leur nom.


Au cours des deux ans et demi qui ont suivi la révolution, des milliers de jeunes filles soutenant le mouvement d’opposition des Moudjahidines du peuple (OMPI/MEK) ont été arrêtées, blessées et des dizaines tuées lors d’attaques de matraqueurs soutenus par le gouvernement.

La première série d’exécutions en juin 1981 concernait des lycéennes de 16 et 17 ans qui n’avaient même pas donné leur nom.

Des femmes enceintes ont été exécutées et des jeunes filles vierges ont été violées avant leur exécution. Lors du massacre des 30.000 prisonniers politiques en 1988, les femmes membres de l’OMPI ont été pendues par groupes entiers.

En 1999, le soulèvement des étudiants a de nouveaux éclatés dans tout l’Iran. De nombreuses étudiantes ont donné une nouvelle leçon de résistance aux mollahs. Une étudiante du nom de Fereshteh Alizadeh, a été tuée lors des manifestations. En outre, lors du soulèvement de 2009, plusieurs femmes ont été blessées et tuées, comme Neda Agha Sultan qui est morte innocente et qui est devenue un symbole de la pureté et d’innocence des femmes iraniennes lors des soulèvements.

[ATTENTION, LA VIDÉO CI-DESSOUS EST TRES VIOLENTE, ON Y VOIT NEDA AGHA SULTAN QUI VIENT DE RECEVOIR UNE BALLE, MOURRIR SOUS L’OEIL DE LA CAMÉRA, CETTE VIDÉO A PROVOQUÉ UN TOLLÉ EN IRAN]

En janvier 2018, les femmes ont joué un rôle de premier plan dans la formation des mouvements populaires.

Des étudiantes scandaient lors d’une manifestation de janvier: “Réformateurs, conservateurs: le jeu est terminé”, visant la dictature religieuse, un slogan qui a mis un terme à toutes les revendications réformatrices d’Hassan Rohani et de ses factions affiliées.

Après les soulèvements de janvier 2017, une vague d’arrestations a commencé. Plus de 500 filles et jeunes femmes ont été arrêtées pour avoir participé aux soulèvements de janvier 2018.

Manifestations en novembre 2019 et janvier 2020

Les responsables et les autorités du régime ont reconnu le rôle remarquablement actif et le leadership des femmes dans le soulèvement de novembre en déclarant que “dans de nombreux endroits, en particulier dans les banlieues de Téhéran, les femmes de 30 à 35 ans semblent avoir joué un rôle particulier dans les émeutes et les troubles. La direction par les femmes dans les émeutes est remarquable“.

Le 15 décembre 2019, la Résistance iranienne a annoncé que plus de 1.500 personnes avaient été tuées par les forces de sécurité lors des manifestations de novembre. Puis, le 23 décembre, l’agence de presse Reuters a confirmé des sources au sein du régime iranien qui affirment que 400 femmes et 17 adolescents figuraient parmi les morts et les personnes assassinées.

Par ailleurs, lors du soulèvement de janvier 2020, des étudiantes ont protesté contre les tirs de missiles des pasdarans sur un avion de ligne ukrainien tuant plusieurs étudiants à bord de cet appareil. Elles scandaient: «Commandant en chef, démission! Démission!»

Le site du Guardian a également fait état du rôle prépondérant des femmes dans les rassemblements antigouvernementaux en Iran. L’article fait référence au rôle de premier plan des femmes et mentionne que de nombreux groupes se sont rassemblés sur la place centrale Azadi de Téhéran dimanche soir (dimanche 8 mars, journée inetrnationale des femmes), portant des masques et des foulards pour cacher leur identité. Elles ont affronté la police anti-émeute et des agents en civil.

A présent, les femmes iraniennes, avec leur leadership courageux et leur bravoure dans les manifestations, continueront jusqu’au renversement de toute la théocratie misogyne des mollahs et la chute de leur dictature absolue pour être effacées de l’histoire de l’Iran.

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Partir ou rester ? Être homosexuel russe… en Russie

«Je ne conseille à personne, si celle-ci a le choix, de partir de son pays» témoigne Yousef, jeune activiste LGBT russe réfugié en France, à la table ronde organisée par IREX Europe au sein des locaux d’OXFAM, et de l’organisation Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM) le 19 novembre 2019 à Paris. Auparavant, ce groupe était venu rendre visite à la Maison des journalistes où un échange a pu avoir lieu entre journalistes exilés et militants de la cause homosexuel.

Pourtant, si certains peuvent «se battre», d’autres n’ont d’autres choix que de quitter leur pays pour des horizons plus tolérants vis-à-vis de leurs orientations sexuelles. C’est le cas de plusieurs activistes membres de la diaspora russe en France, qui ont connu résiliences et traumatismes, aussi bien moraux qu’institutionnels.


“Si on me le demandait, je ne conseille à personne, si celle-ci a le choix, de partir de son pays.”


Outre le défi de quitter son pays d’origine, il y a le défi d’intégrer son pays d’asile. La migration forcée entraîne une véritable souffrance, une isolation à plusieurs niveaux. Les barrières culturelles et linguistiques, mais aussi géographiques vis-à-vis de ses proches restés en Russie, rendent les enjeux d’une telle migration essentiels à prendre en compte.

Que dit la loi russe sur l’homosexualité ?

Si l’homosexualité est légale en Russie depuis 1993, une loi réprimant la «propagande homosexuelle» pour défendre les mineurs est entrée en vigueur en 2013.

Selon une décision de la Cour européenne des droits de l’homme en juin 2017, cette nouvelle loi renforce «la stigmatisation des homosexuels et encouragent l’homophobie, ce qui est incompatible avec les valeurs d’une société démocratique».


“L’homophobie ne cesse de grimper en Russie”


Appuyé par une étude du centre analytique Levada, Mikhail Tumasov représentant élu du Russian LGBT Network et activiste et défenseur des droits de l’Homme, confirme que l’homophobie ne cesse de grimper en Russie.

En 2017, c’est 83% de la population russe qui considère que les relations homosexuelles ou LGBT sont toujours ou presque toujours condamnables.

Depuis 2013, les activistes sur le terrain et présents à la table ronde témoignent qu’en effet, le rejet de la minorité LGBTQI+ et les violences à son encontre sont «plus fréquentes, plus visibles».

«Être un membre de la Communauté LGBTQI+ en Russie, c’est se confronter à des situations violentes, mais aussi paradoxales ou contradictoires.» affirme Mikhail Tumasov.

C’est le principal combat comme l’exprime Yousef.

«Ici, il faut créer ses propres liens, son propre entourage. Pour moi, ma famille, ce sont mes amis français désormais. Ce que je souhaiterais tout de même ajouter: je suis reconnaissant à la France pour cette décision et cela m’a sauvé, le système en France est costaud, je ne critique pas mais c’est mon fait et mon vécu.

Le système en France est assez darwinien. L’attente est longue sans que tes droits soient à 100% garantis. Logement, nourriture, santé. Tout est compliqué. Si tu es jeune et en forme tant mieux. Mais ta survie dépend essentiellement de toi. Si on me le demandait, je ne conseille à personne, si celle-ci a le choix, de partir de son pays.»


«Seul le peuple russe peut faire changer la Russie» conclut Mikhail.


A l’inverse, Temur Kobalia, fondateur de NCO TV Russia et journaliste, rajoute: «Si nous sommes persécutés pour nos articles et certains uniquement pour leur orientation sexuelle mais que l’on décide malgré tout de rester en Russie, ce n’est ni pour nous plaindre, ni pour subir sans rien dire, mais pour témoigner et éclairer nos concitoyens de ce qui se passe véritablement en Russie.»

«Seul le peuple russe peut faire changer la Russie» conclut Mikhail.

Crédit Sarah Villard

D’autres articles sur la Russie

Pascal Brice: “Tant que nous n’aurons pas une politique migratoire européenne digne de ce nom, la politique du droit d’asile restera sous pression.”

Ce lundi 14 octobre, il y a foule dans l’Amphi 4 de la Sorbonne pour accueillir Pascal Brice, ancien directeur de l’OFPRA et auteur du livre “Sur le fil de l’asile” paru chez Fayard. Il va s’exprimer pendant plus d’une heure au sujet de  l’accueil des réfugiés en France et en Europe, et plus particulièrement l’asile politique. C’est aussi une rencontre entre monde diplomatique et académique.

Pascal Brice © Camille Millerand

Contrairement aux précédentes interventions publiques de Pascal Brice relayées sur notre média, le directeur de l’OFPRA a quitté ses fonctions, c’est donc le citoyen qui nous parle.


OFPRA, Pascal Brice: “Je ne connais qu’une réponse: l’accueil, l’humanité et la rigueur”


​Durant cette allocution, il va dresser plusieurs constats: l’Union Européenne est désunie sur l’immigration et cela a des conséquences négatives pour les européens et les migrants. De plus, le droit n’est que partiellement appliqué.

L’explosion migratoire, la crise syrienne et les défaillances de l’Europe : 2015, année du chaos

Depuis 1946, le droit d’asile est inscrit dans la Constitution française. Il est même considéré comme un droit fondateur de la République française. Sa directive inclut une protection juridique et administrative aux migrants ainsi qu’une procédure définie par le Conseil Constitutionnel.


Le citoyen peut être bouleversé par l’ampleur de la catastrophe humanitaire, mais le directeur de l’OFPRA agit en fonction d’un cadre juridique.”


En 2014, la Méditerranée devient la route principale de l’exil et les européens découvrent avec effroi les nombreux morts par noyade. L’année suivante, les demandes d’asile explosent: tandis que la Turquie reçoit de l’argent par l’Union Européenne pour prendre en charge 3 millions de réfugiés, l’Europe agit en ordre dispersé.

Camp de réfugié le long du canal de la Vilette proche de la rotonde de Stalingrad – Hiver 2017 © Valentine Zeler

En 2015, l’Allemagne accueille un million de réfugiés tandis que la France se limite à 120.000 personnes.

La Grande Bretagne quant à elle ferme ses frontières au mépris de toutes les conventions signées, y compris celle de Genève. L’Europe de l’est suit la tendance britannique.”

Parmi eux, certains subissent les passages de milliers réfugiés comme l’Autriche.

Des difficultés d’organiser le droit d’asile

Le citoyen peut être bouleversé par l’ampleur de la catastrophe humanitaire, mais le directeur de l’OFPRA agit en fonction d’un cadre juridique.” Or, la convention de Genève et les autres traités internationaux dédiés à l’immigration sont mal appliqués.

On est loin des exigences” rappelle-t-il. “Tant que nous n’aurons pas une politique migratoire européenne digne de ce nom, la politique du droit d’asile restera sous pression.”

Quelle est la capacité des européens à  faire face aux questions migratoires ? “Il faut avant tout éviter le catastrophisme car l’argument se transforme en chantage. Essayons d’être bienveillant et d’appliquer le droit.”

Ce droit, Pascal Brice a essayé de l’appliquer dès sa prise de fonction en décembre 2012. Il constate que l’OFPRA a accordé le droit d’asile à 9% des demandeurs en 2012. Les 91% qui ont été refusés peuvent demander un appel devant la Cour Nationale du droit d’asile. Parmi ceux qui ont fait cette nouvelle demande, 12% était admis. Ainsi, il y avait plus de demandes accordées par le juge que par l’OFPRA. “Cette situation était anormale. Comment l’oganisme indépendant qui valide les demandes peut valider un chiffre inférieur de régularisation par rapport à un juge qui tranche en appel ?”

Pascal Brice a décidé d’agir. “Ce n’est pas la question d’être sympa ou non, c’est la rigueur de l’application du droit. Nous avons à la fois codifié ‘le bénéfice du doute’ et ‘la crédibilité des craintes’ par rapport à un récit mal construit” souligne-t-il. 

En outre, la vigilance vis-à-vis de potentiels terroristes est impérative. “Même si c’est vraiment infime, la menace est bien réelle”.

Comment organiser l’arrivée des migrants ? Hotspot versus Externalisation

Pour Pascal Brice, “deux choix s’offrent à l’Europe.”

La seule solution viable à ses yeux est la création d’hotspot. Un hotspot est situé aux frontières de l’espace Schengen. Il a pour mission d’accueillir dignement tous les migrants et de lancer leurs procédures administratives.

Camp de la Moria à Lesbos en Grèce – Photographie Mortaza Behboudi

Durant le temps de traitement, les migrants ne sont plus libres de circuler, c’est un centre fermé. Une fois la décision rendue, ils sont soit raccompagnés à la frontière ou bénéficient d’une aide de réinstallation fournie par le HCR, soit ils obtiennent un statut de réfugié ou une carte de séjour.

Il existe certains camps comme celui de la Moria à Lesbos en Grèce où notre journaliste Mortaza Behboudi a travaillé plusieurs mois. Mais dans les faits, ces centres sont relativement inhumains et les drames se succèdent.

L’autre solution a été proposée dès 2003 par plusieurs dirigeants européens comme Sivio Berlusconi en Italie, José Maria Aznar en Espagne ou Tony Blair en Angleterre. Elle consiste à externaliser les demandes d’asile aux pays frontaliers comme la Lybie. “Mais outre les difficultés de mis en place, il est évident qu’on est loin des critères d’accueil signés dans les traités internationaux.”

Pour Pascal Brice, cette solution d’externalisation est mauvaise.

L’impact important et très négatif du traité de Dublin

Le traité de Dublin impose une demande dans le premier pays où le migrant est arrivé. Conséquence, les pays du sud de l’Europe reçoivent la plupart des demandes.

Durant des années, ce traité était resté bien enfoui dans un fond de tiroir de l’Union Européenne. Quand il a dû être appliqué, cela s’est accompagné d’un certain laxisme” se souvient Pascal Brice, un brin désabusé. A cette époque, la police des frontières laissait plus ou moins passé les migrants aux frontières greques ou italiennes. Mais l’arrivée du gouvernement italien d’extrême droite de Matteo Salvini a changé la donne.

Pascal Brice se rend régulièrement à Calais pour rencontrer des migrants et les persuader de quitter la “jungle” ou  du moins établir un dialogue. S’y rendant en 2018 comme chaque année, il se rend compte que les 400 migrants venu l’écouter ont systématiquement été enregistrés dans le pays d’arrivée. Il est donc impossible pour eux de demander leur statut en France tant que l’Italie n’a pas statué sur leur cas.


Les citoyens des pays d’accueil constatent cette inactivité alors que les migrants sont nourris et logés au frais de l’Etat du pays d’accueil. Cela renforce la xénophobie.”


Le premier pays européen où arrive le migrant est donc obligé de déclencher une procédure d’accueil. Tant que la réponse n’est pas donnée, le migrant ne peut pas entreprendre d’autres démarches administratives. C’est donc les pays frontaliers qui endossent les demandes d’asile. 

Quant aux pays qui ne sont pas frontaliers, ils refusent de prendre les demandes de migrants se réfugiant derrière la loi de Dublin. La France a aussi joué ce jeu qui fait le lit des nationalistes xénophobes.

Pour résumer sa colère, Pascal Brice souligne “non seulement le manque de solidarité entre pays d’arrivée et pays de destination”, mais aussi l’inactivité imposée aux migrants durant des périodes allant jusqu’à 18 mois. “Les citoyens des pays d’accueil constatent cette inactivité alors que les migrants sont nourris et logés au frais de l’Etat du pays d’accueil. Cela renforce la xénophobie.”

La dissuasion et la reconduite à la frontière

Il ne faut pas que les conditions sociales soient trop bien pour les migrants sinon ils viendront tous !

Cette phrase maintes fois entendues n’est pas du tout recevable pour Pascal Brice. “D’abord parce que les gens viennent quand même, mais en plus ils sont mal accueillis, dans des conditions très difficiles qui renforcent les incompréhensions de part et d’autres”.


Le droit d’asile n’est pas qu’une politique migratoire, c’est un droit politique.


L’asile doit être garanti comme le stipule le droit européen dans le respect de l’ordre public. Ni plus, ni moins. C’est inscrit dans la Constitution française et c’est notre devoir de Nation.

Pascal Brice: “Réformer le droit d’asile est indispensable mais cela ne suffira pas”

Au fil de l’exposé, on comprend que la politique migratoire est non seulement inefficace mais aussi dangereuse, aussi bien pour les migrants que pour les européens. Pascal Brice ajoute: “Le droit d’asile n’est pas qu’une politique migratoire, c’est un droit politique.”

Il est donc nécessaire que ce problème soit pris de manière collégiale au sein des pays qui appliquent la libre circulation du traité de Schengen. Les répartitions deviendraient plus équitables. Alors qu’au contraire, chaque pays réfléchit pour lui-même. Dès lors, on constate le retour implacable des frontières entre chaque pays. 

L’autre point, c’est la stricte application du droit. Le droit des migrants se confond de plus en plus avec ceux des réfugiés politiques. Beaucoup de migrants ne correspondent pas à ces critères. Ils n’auront même pas de carte de séjour.

Quid des expulsions.  

Nous avons pris la mauvaise habitude de s’habituer au fait que le droit est plus ou moins appliquée”. Parfois l’expulsion est impossible mais quand c’est le cas, c’est rarement effectif.  “Les conséquences sur la montée des xénophobies européennes sont dévastatrices pour le vivre ensemble.”

Et la régularisation de masse ? “C’est un aveu d’échec.”

Comment la France accueille administrativement les migrants?

Chaque pays européen a un processus d’accueil spécifique. Certains camps comme Lesbos en Grèce sont dirigés par le HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés).

  • En France, les migrants s’inscrivent sur la plateforme PADA (Plateforme d’Accueil de Demandeurs d’Asile) qui leur demande le relevé d’état civil.
  • Ils obtiennent alors un rendez-vous « au guichet unique ». Ce guichet est géré par la préfecture et par l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration).
  • Soit ils sont dans le cadre de la procédure Dublin et doivent attendre la décision du premier pays par lequel ils sont passés, soit se déclenche une procédure normale ou accélérée.
  • La demande d’asile est formulée. Le guichet unique renvoie le dossier à l’OFPRA qui vérifie le récit de la personne.
  • Soit l’OFPRA valide le dossier, soit il est renvoyé devant un juge du CNDA. Si le CNDA refuse le droit d’asile, le migrant rentre alors dans un processus d’expulsion.

Impact et révélations sur l’affaire des ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite par les journalistes d’investigation de Disclose

Mardi 28 mai à 19h30 se tenait à Paris, au bar le grand Bréguet, le grand live Disclose. L’occasion de revenir sur l’enquête explosive “Made in France”. 

Le 15 avril dernier, Disclose a publié une enquête mettant en avant la problématique des ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite.

Suite à cette enquête, le 14 mai, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal étaient convoqués par la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure).

Les deux journalistes sont suspectés d’avoir compromis le secret de la défense nationale en publiant un rapport “confidentiel défense”. Au total, huit journalistes ont été convoqués par la DGSI dans cette affaire.

Disclose assume le choix de son enquête sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et revendique ce type de journalisme d’investigation

Disclose est un média français d’investigation d’intérêt général et à but non lucratif lancé le 6 novembre 2018. Lors du grand live Disclose, Mathias Destal, son cofondateur a commencé par évoquer son questionnement quant à la pertinence du sujet “Made in France” comme première enquête.

L’enquête concerne les ventes d’armes Françaises à l’Arabie Saoudite qui seraient utilisées dans sa guerre contre le Yemen.

Géographiquement, les victimes de ce conflit se situent à des milliers de kilomètres de la France. De fait, une hiérarchisation de l’information s’installe et ces informations géographiquement lointaines intéressent moins l’opinion publique qui ne se sent pas ou peu concernée par ces ventes d’armes.

Les ONG connaissaient la vérité sur ces ventes d’armes mais tout était encore au conditionnel sans preuve” confirme le cofondateur de Disclose. Ces ventes d’armes, soupçonnées par des ONG comme Amnesty International depuis des mois ont finalement été prouvées.

Disclose a fondé son enquête sur la fuite de documents à leur attention portant la classification “Confidentiel Défense”, rapport rédigé par la DRM (Direction du Renseignement Militaire) en septembre 2018.

C’est la première fois qu’une autorité officielle confirme les soupçons des ONG.

Hors de question pour les cofondateurs et journalistes de Disclose de mettre de côté ce genre d’informations qu’ils qualifient d’intérêt général. Sans savoir si l’enquête allait exploser dans la société française, les journalistes ont mené un travail sur plusieurs mois afin de recouper toutes les informations nécessaires à prouver ces ventes.

La volonté de Disclose dans cette enquête avait aussi pour but d’informer le grand public des vérités omises par le pouvoir exécutif.

“Le but est d’informer le grand public des vérités omises par le pouvoir exécutif”

Pour Michel Despratx, journaliste dans cette enquête, c’était “une belle occasion pour mettre fin à un gros débat entre les ONG et le gouvernement français” sur ces ventes d’arme.

Pourtant, diffuser un dossier classé “Confidentiel Défense”, relève d’une infraction qui est passible 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour toute personne.

Les journalistes ont un cadre: la loi sur la liberté de la presse de 1881 qui les oblige à rendre des comptes. Par contre, ils sont aussi protégés par leur statut et leur devoir d’informer le public lorsque l’enquête relève d’un intérêt général.


“La DGSI voulait mes sources”

Benoit Collombat


Malgré tout, le gouvernement a vivement réagi et une pluie de convocations par la DGSI est tombée.

Benoit Collombat, journaliste pour Disclose témoigne. “La DGSI voulait mes sources, ils me posaient des questions sur notre façon de travailler par exemple.” Selon lui, le message derrière ces convocations est: “Arrêtez de vous intéresser à ces sujets!». C’est pour lui une sorte d’intimidation qui ne lui fait pas peur et ne l’empêchera pas de continuer à exercer son métier et à informer le public.

Virginie Marquet, avocate des journalistes de Disclose dans cette affaire affirme que le cadre de la loi de 1881 n’est pas sans faille et divulguer des documents classifiés “confidentiel défense” est une nouvelle infraction. Le cadre n’est pas assez protecteur pour les journalistes.

La mission des journalistes est d’informer. C’est une liberté fondamentale et ils doivent être protégés dans le cadre de cette mission importante pour tous les citoyens. C’est cette liberté d’information et d’expression qui fait de notre société une démocratie. Ils doivent bénéficier d’une protection liée à leur travail qui est finalement une mission sociale“.

Le statut de journaliste remis en cause

Dans certaines convocations par la DGSI, il n’y a aucune référence à leur qualité de journaliste, ils sont convoqués à titre personnel dans le but d’obtenir le plus d’information possible.

Qu’ils soient entendus en tant que témoin par exemple, leur confère moins de droit” affirme Virginie Marquet.

Michel Despratx n’a répondu à aucune des 30 questions posées lors des convocations en invoquant à chaque fois la protection de ses sources.

“Une pression s’exerce sur le gouvernement”

Benoit Collombat affirme que ces convocations sont “une façon de déligitimer le sujet” qui a eu un impact considérable en France.

L’opinion publique n’est finalement pas désintéressée au contraire. La population s’en saisit et une pression s’exerce sur le gouvernement. Les politiques en parle à l’Assemblée, des actions concrètes s’organisent telle que le blocus du chargement de canons Caesar le 7 mai dernier selon Disclose, tout cela prouve l’impact de l’enquête“.

En effet, le 7 mai 2019, le cargo Bahri Yanbu devait arriver au port du Havre pour que de nouvelles armes françaises soient expédiées vers l’Arabie Saoudite. Les ONG ASER et ACAT avaient bloqué le chargement du cargo grâce à un référé.

Les semaines passent et l’impact de cette enquête ne faiblit pas. Encore hier (lundi 27 mai 2019), au port de Marseille-Fos, le même cargo dénommé Bahri Tabuk qui était à quai devait transporter des munitions à destination de l’Arabie saoudite. Le syndicat des dockers du port a affirmé qu’ils ne chargeraient aucune arme ni munition. De quoi pousser l’Etat à s’organiser autrement pour ce marché controversé.