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Maroc. La surveillance des journalistes n’a pas attendu Pegasus (ENQUÊTE)

Un article co-écrit par Alexandre GARNIER et Eliott AUBERT pour Orient XXI

L’enquête de Forbidden Stories a mis au jour en juillet 2021 l’usage intensif du logiciel israélien Pegasus pour venir à bout de la presse indépendante au Maroc. Mais depuis des décennies, des journalistes marocains subissent surveillance et harcèlement, grâce notamment à des logiciels fournis par des sociétés italiennes et françaises.

En octobre 2019, Fouad Abdelmoumni apprend que son téléphone apparaît dans une liste de 1 400 mobiles infectés par le logiciel espion Pegasus. Cela ne le surprend pas. « Je dirais que j’ai été immunisé à cette surveillance constante puisque j’ai grandi dans cette atmosphère », raconte l’économiste militant des droits humains, déjà emprisonné et torturé à deux reprises durant le règne d’Hassan II. Il sait que chacun de ses mouvements est épié. Pour autant, apprendre quels moyens sont mis en œuvre contre lui, « c’est déjà un progrès ». D’un ton serein, il détaille :« Ce n’est pas quelque chose qui me choque particulièrement. Je considérais qu’avoir des flics à la porte, qui relèvent ceux qui vont et viennent, même envisager qu’il y ait des écoutes ou des caméras […], à la limite pour un pays en transition, je peux le comprendre. Mais là on est face à un État voyou ».

Les journalistes marocain·es racontent des dizaines d’histoires de ce genre. Chacun de leurs déplacements est scruté jusqu’aux moindres détails. Omar Brouksy collaborateur régulier d’Orient XXI, se remémore une discussion avec son gardien d’immeuble : “J’habitais dans un appartement. Peu après mon arrivée à l’AFP en 2009, la police est venue devant chez moi pour voir le concierge ». Les questions à propos de son quotidien s’enchaînent : qui vient le voir ? Quand est-ce qu’il sort ? Qu’est-ce qu’il fait ? Quel est son programme « Ils l’ont menacé s’il me le disait. Comme c’est un ami, il m’a averti. » 

Maroc, les enquêtes interdites” de Omar Brouksy, Nouveau Monde Eds (2021)

Plus récemment fin juillet 2021, le journaliste marocain Hicham Mansouri, ancien résident à la Maison des journalistes (MDJ) et actuellement chef d’édition du site de l’Œil de la MDJ et membre de la rédaction d’Orient XXI, a été suivi par des hommes en civil dans le métro parisien. « J’avais rendez-vous à Gambetta avec deux amis dont Maâti Monjib. Je suis descendu du métro, j’ai pris le sens inverse puis j’ai repris le bon sens. Ils ont continué à me suivre ». Maâti Monjib se rend à Montpellier quelques jours plus tard et retrouve des photos de son voyage publiées dans un média de diffamation proche du pouvoir.

« L’ESSENTIEL EST LA SÉCURITÉ DES SOURCES »

Les journalistes marocain·es mettent tout en œuvre afin de contourner ces différents types de surveillance. « Je m’entretiens physiquement avec toutes mes sources. Je les rejoins dans la rue, en marchant, dans un café… Je ne dis jamais le lieu où on se rencontre. Au téléphone, c’est inimaginable, je suis trop méfiant », détaille Omar Brouksy. Aboubakr Jamaï, fondateur des hebdomadaires marocains Le Journal et Assahifa Al-Ousbouiya a également recours à ce genre de ruse. Après la publication d’une enquête en 2000 sur l’implication de la gauche marocaine dans le coup d’État de 1972 contre Hassan II, le journaliste apprend par un haut fonctionnaire que les services de renseignement connaissent sa source avant même la publication.

Aboubakr Jamai (crédit : Saïd Laayari)

Quelques mois plus tard, le rédacteur en chef du Journal redouble de vigilance lors de la publication de l’enquête sur l’affaire Ben Barka publiée conjointement avec Le Monde. Les deux journaux apportent la preuve de l’implication des services de renseignement marocains dans la disparition du principal opposant politique d’Hassan II, Medhi Ben Barka, enlevé le 29 octobre 1965. Pour ce faire, Aboubakr Jamai a réussi à convaincre l’ancien agent secret Ahmed Boukhari de témoigner. « Dans cette affaire-là, l’essentiel était la sécurité de la source. On craignait pour la vie du type. On a eu recours à des ruses pour échapper à leur surveillance », se remémore-t-il.


“La rédaction ne savait pas qu’on allait sortir l’affaire Ben Barka. Trois journalistes étaient au courant. Pour le rencontrer, on descendait dans mon parking en voiture. On changeait de voiture et on sortait par une autre sortie. On a été très vigilants et c’est une grande fierté de ne pas avoir mis au courant les services secrets de la sortie de cette enquête. Ça a fait l’effet d’une bombe. C’est rare qu’une information tombe sans qu’ils ne sachent rien.”


DES LOGICIELS ESPIONS ITALIENS ET FRANÇAIS DÈS 2009

Pegasus ne représente que le dernier outil en date utilisé pour museler la presse indépendante et plus généralement la société civile. Certains, à l’image de Maâti Monjib, Omar Radi, Fouad Abdelmoumni, ou encore Aboubakr Jamaï ont appris avoir été ciblés par Pegasus en 2019 lors des révélations du Citizen Lab de l’université de Toronto. D’autres ont été averti·es en juillet 2021 lors de la publication de Projet Pegasus comme Taoufik Bouachrine, Souleimane Raissouni, Maria Moukrim, Hicham Mansouri, Ali Amar, Omar Brouksy. « Les journalistes savent qu’ils et elles sont constamment surveillé·es ou sur écoute », explique ce dernier, ancien rédacteur en chef du Journal et professeur de sciences politiques au Maroc. « À chaque fois que je parle au téléphone, je sais qu’il y a une troisième personne avec nous », confirme Aboubakr Jamaï. « Ça ne date pas d’hier ».

Ce n’est pas la première fois que le Maroc achète ce type d’outils, avec la bénédiction d’États peu regardants de l’utilisation qui en est faite. L’Italie a permis l’exportation des différents logiciels espions de la société Hacking Team qui proposaient une surveillance similaire à ce que permet aujourd’hui Pegasus. Des documents internes ont révélé que le royaume a dépensé plus de trois millions d’euros à travers deux contrats en 2009 et 2012 pour s’en équiper. L’État français, qui n’en est pas à son premier contrat avec les états autoritaires du Maghreb et du Proche-Orient, a également estimé qu’un outil de surveillance massive du web serait entre de bonnes mains (celles de Mohammed VI) au Maroc.

La société Amesys/Nexa Technologies, dont quatre dirigeants sont actuellement poursuivis pour « complicité d’acte de torture » en Égypte et en Libye a également vendu son logiciel de deep package inspection nommé Eagle. Au Maroc, le contrat révélé par le site reflet.info est surnommé Popcorn et se chiffre à un montant de 2,7 millions d’euros pour deux années d’utilisation. Pour les États européens, ces contrats permettent également de sceller des accords de collaboration avec les services de renseignement marocains bénéficiant de ces outils. L’État marocain est libre dans l’utilisation qu’il en fait, mais en échange il fournit à Paris les informations dignes d’intérêt, notamment en matière terroriste comme lors de la traque d’Abdelhamid Abaaoud, terroriste d’origine belge et marocaine qui a dirigé le commando du Bataclan.

LA CONTINUITÉ DES « ANNÉES DE PLOMB »

Pour Fouad Abdelmoumni, les logiciels Pegasus et Amesys représentent la suite plus sophistiquée de la ligne sous écoute et de l’ouverture du courrier d’antan. Hassan II comme son successeur et fils Mohamed VI ont toujours eu recours à la surveillance massive. « Le Maroc n’a jamais été considéré comme une démocratie. Comme dans tous les régimes autoritaires, il y a une surveillance sur toutes les personnes considérées comme un danger », poursuit Aboubakr Jamaï. Pourtant, après trois décennies de répression durant le règne d’Hassan II, à partir des années 1990 le roi entreprend une ouverture démocratique. De nombreux journaux indépendants prolifèrent.

Lorsque Mohamed VI succède à son père en 1999, le nouveau roi n’a de cesse de s’attaquer à la presse et aux militants. « Si je sors aujourd’hui les enquêtes de l’époque, je risque la prison. D’ailleurs on a été interdits pour ces raisons sous Mohamed VI. Hassan II ne nous a jamais interdits pendant deux ans », décrit Aboubakr Jamaï. Aujourd’hui, de multiples journalistes et observateurs de la situation au Maroc comparent la politique répressive de Mohamed VI à celle des « années de plomb » (1960-1990) du règne d’Hassan II. Les autorités s’immiscent désormais dans la vie privée de ses opposants.

DES CAMÉRAS CACHÉES À DOMICILE

Après son infection par Pegasus, Fouad Abdelmoumni, alors secrétaire général de la branche marocaine de Transparency International saisit la Commission nationale de contrôle de la protection des données personnelles. Plusieurs médias proches du pouvoir multiplient alors les menaces pour tenter de le faire taire. « Dès que je m’exprimais sur Facebook ou ailleurs sur un acte de répression, immédiatement il y avait des articles de menaces qui suivaient ». À la fin du mois, plusieurs médias pro-monarchie l’accusent d’adultère (crime passible de peine de prison au Maroc) ou même de proxénétisme. ChoufTV lance la rumeur qu’une sextape circulerait sur WhatsApp. D’autres sites reprennent l’accusation.

En février 2020, peu avant son mariage, des proches de Fouad Abdelmoumni, dont sa belle-famille, reçoivent via WhatsApp sept vidéos, filmées à son insu lors d’un rapport sexuel avec sa nouvelle compagne. Celles-ci ont été enregistrées à l’aide d’une caméra discrète cachée dans le climatiseur de la chambre de sa propriété secondaire en banlieue de Rabat. « Il y a deux implantations, une première dans le salon qui ne devait pas être suffisamment intéressante. Ils en ont fait une seconde dans la chambre à coucher. Ils ont ensuite pu pénétrer une dernière fois pour retirer ce qu’ils avaient installé ».

Fouad Abdelmoumni

Hajar Raissouni n’a quant à elle pas été traquée par Pegasus, mais le 31 août 2019 la journaliste d’Akhbar Al Yaoum est arrêtée alors qu’elle sort d’un rendez-vous chez son gynécologue. Une caméra de ChoufTV est présente pour immortaliser l’arrestation« À chaque fois qu’il y a un meurtre ou une affaire qui fait le buzz, ChoufTV sont directement informés par la police et ils ont l’exclusivité. Un ami à moi a trouvé un très bon parallèle : ChoufTV c’est comme si InfoWars1 était un département du FBI et que les États-Unis étaient une dictature ». Elle est accusée avec son compagnon de « débauche » (relation sexuelle hors mariage) et « d’avortement illégal ». Malgré le manque de preuves, ils sont condamnés à un an de prison et le gynécologue à deux années fermes.

Un an auparavant, le 23 février 2018, une quarantaine d’agents de police débarquent dans les locaux d’Akhbar Al-Youm pour y arrêter son directeur de publication, Taoufik Bouachrine. Le patron de presse et journaliste est accusé, vidéos à l’appui, d’avoir eu des relations forcées avec deux journalistes. Avec de telles accusations, Reporters sans Frontières (RSF) s’est retenu de commenter l’affaire jusqu’au jour du délibéré, huit mois plus tard, pour finalement évoquer un « verdict entaché de doute ». Le journaliste purge une peine de 15 ans de prison pour « traite d’êtres humains », « abus de pouvoir à des fins sexuelles » et « viol et tentative de viol ». Si le procès a été critiqué pour le manque d’éléments attestant des faits — les deux plaignantes se sont retirées au cours du procès —, le nom de Taoufik Bouachrine refait surface cet été dans la liste des 50 000 numéros visés par Pegasus.

Suleiman Raissouni, directeur de publication de Akhbar Al-Youm est lui arrêté à son domicile le 22 mai 2020 après qu’un témoignage d’un militant LGBTQ+ sur Facebook l’accuse d’agression sexuelle en 2018. Pour avoir pris position en faveur du journaliste, RSF s’est fait accuser de nier le témoignage de la victime, signe de la difficulté de traiter ce type d’accusation. « Ils portent ces accusations [d’agressions sexuelles] [pour ne pas leur donner le statut gratifiant de prisonnier politique. La question des agressions sexuelles est extrêmement sensible », estime Omar Brouksy.

En mars 2015, Hicham Mansouri passe devant un tribunal alors qu’il est encore au Maroc. Des policiers ont pénétré son appartement de force et ont monté un dossier l’accusant de proxénétisme et d’adultère. Un collectif de voisins dément ces accusations, mais on refuse leur témoignage. Un document est présenté durant le procès : le témoignage du gardien de l’immeuble qui l’accuse de tous les maux.


“Le juge l’a convoqué. Au Maroc les gardiens, les cireurs de chaussures, les vendeurs de cigarettes, tous ces travailleurs informels collaborent avec la police, parce qu’ils sont fragiles, parce qu’ils craignent les pressions. Donc quand je l’ai vu au tribunal, je me suis dit : ‟Voilà, c’est lui qui va m’enfoncer!” Mais en fait non. Le juge lui a dit :
— La police vous a entendu, voilà ce que vous leur avez déclaré.
— Non Monsieur, c’est exactement l’inverse que j’ai dit ! Je n’ai jamais rien vu, c’est quelqu’un de très bien.
— Mais c’est bien votre signature ?
— Oui, mais je ne sais ni lire, ni écrire.”


À la fin d’un procès kafkaïen, seule l’accusation d’adultère sera retenue contre Hicham Mansouri. À sa sortie de prison en janvier 2016, un autre procès le guette pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Il risque jusqu’à 5 ans devant un tribunal, et 25 ans s’il passe devant un juge antiterroriste. « L’objectif premier [de ces procès] avant d’être celui de mettre au pas des individualités, c’est de terroriser l’ensemble des élites et de la société civile du pays », analyse Fouad Abdelmoumni. Le fait que tous ces journalistes aient été surveillés permet de remettre en cause l’impartialité de la justice marocaine dans le traitement de ces dernières accusations.

UN PRIX À PAYER EXTRÊMEMENT LOURD

Les mœurs sexuelles ne sont pas le seul motif d’accusations péremptoires : Maati Monjib pour « blanchiment de capitaux », Ali Anouzla pour « apologie du terrorisme », Hamid el Mahdaoui pour « non-dénonciation de l’atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Malgré un préambule très bavard sur les droits humains, la Constitution de 2011 et les lois ne garantissent pas l’indépendance de la justice. Le roi Mohamed VI préside et nomme certains membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) en charge d’élire les magistrats. L’article 68 de la loi organique relative au CSPJ lui octroie d’ailleurs un droit de regard sur ces élections. De surcroît, les verdicts sont prononcés selon l’article 124 de la Constitution « au nom du Roi ». Une atteinte à la séparation des pouvoirs, souligne Omar Brouksy. « Quand nous sommes poursuivis pour « atteinte à l’image du roi, de la monarchie, ou quand nous critiquons un proche du pouvoir, nous serons jugés par une personne nommée par le Roi et le verdict sera prononcé au nom de celui qui vous a attaqué. »

Omar Boruksy

La révision du code de la presse de 2016 a supprimé les peines privatives de liberté pour tous les délits de presse. Une avancée de façade, car la dépendance de la justice à l’égard du pouvoir permet à la monarchie de l’instrumentaliser selon ses propres intérêts. Le régime se base notamment sur des accusations de viol, d’agression sexuelle ou d’atteinte à la sûreté de l’État afin d’enfermer les journalistes.

Au-delà de s’attaquer à un individu, le régime marocain cherche à « semer le trouble sur les journalistes pour décourager les sources », analyse Omar Brouksy, voire de les trouver. Fouad Abdelmoumni conclut :

“Il y a une spécificité de la répression au Maroc : elle ne veut pas être méconnue. Elle veut être connue et identifiée. Mais pas d’une manière qui puisse être probante devant une ‟justice molle”. Ce qui les intéresse ce ne sont pas tant les personnes ciblées que les milliers ou dizaines de milliers d’autres qui pourraient, soit être encouragées à agir, soit au contraire se dire que le jeu n’en vaut pas la chandelle. En voyant que si on s’engage et si on s’expose trop, le prix peut devenir extrêmement lourd.”

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D’autres articles

CENTRAFRIQUE – Comment la Russie influence les médias ?

Un article co-écrit par Eliott AUBERT et Alexandre GARNIER pour l’Oeil MDJ.

Officiellement présente en République Centrafricaine, officieusement omniprésente dans les médias, la Russie développe un nouveau réseau en Centrafrique depuis trois ans. Moscou met en place des campagnes médiatiques agressives en faveur de ses intérêts dans le pays. Enquêter sur ces nouveaux réseaux expose les journalistes à des menaces, voir des assassinats.

Fin août, dans les rues de Bangui, capitale de la République CentrAfricaine -RCA-, des tracts sont distribués aux passants. Sur la couverture: une poignée de main fière entre le président centrafricain Faustin Archange Touadéra et son homologue russe, Vladimir Poutine.


«La Fédération de Russie est aux origines de la paix en République centrafricaine» affirme le tract.


En arrière-plan, des photos de la parade militaire célèbrent le 60ème anniversaire de l’indépendance du pays. Cet hebdomadaire public, la Feuille Volante du Président rapporte et vante l’actualité politique du chef de l’État. L’édition du 27 août 2020 met en exergue l’étroite collaboration entre la RCA et la Russie. Les deux premières pages sont consacrées aux discours «de son excellence professeur Faustin Archange Touadera». La dernière est dédiée à la coopération entre le Kremlin et Bangui: «La Fédération de Russie est aux origines de la paix en République centrafricaine» affirme le tract, «et la coopération continue de plus belle !»

Dans les 29 dernières éditions disponibles sur le site de la présidence centrafricaine, 19 mentionnent la coopération russo-centrafricaine.

Un nouveau partenariat militaire: la Russie en RCA

Depuis 2017, la Russie s’engage massivement dans de nombreux projets en RCA: formation des forces armées centrafricaines (FACA), médiation avec les groupes rebelles (accord de Khartoum du 6 février 2020), exploitation des ressources, financement de médias.

Depuis le départ en octobre 2016 des troupes françaises de l’opération Sangaris, la Russie exploite le vide laissé. Jusqu’alors, des militaires français formaient l’armée régulière à l’aide d'armes factices en raison de l’embargo international sur les ventes d’armes instauré en 2013. Bien que la coopération russe est largement mise en évidence dans les médias centrafricains, les instructeurs de la mission de formation de l'Union européenne en République centrafricaine restent les principaux formateurs des FACA.

La naissance de la coopération militaire russo-centrafricaine débute en octobre 2017. Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra se rend à Sotchi pour rencontrer le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. Il lui demande notamment une aide militaire. Deux mois plus tard, Moscou obtient de l’ONU une dérogation à l’embargo. S'ensuit une série de livraisons d’armes (pistolets, fusils d’assaut, lance-roquettes).

La Russie déploie également 235 formateurs militaires avec l’accord de l’ONU. Puis, en août 2018, la Russie et la RCA signent un accord de coopération renforcée. En septembre 2020, il entraîne l’ouverture d’un bureau du ministère russe de la Défense à Bangui et devrait permettre l’implantation d’une base militaire russe sur son territoire. «Les quelques dizaines de soldats français qui étaient restés après la fin de l’opération Sangaris n’étaient pas là pour soutenir le régime, ils protégeaient la communauté française et les accès à Bangui» indique Christian Bader, ambassadeur français à Bangui de 2016 à 2018 qui a accepté de répondre aux questions de l'Oeil de la MDJ. «Or le régime de Touadéra a une peur bleue d’un coup d’État.»

 

Saturation de l’espace médiatique : la presse russophile inonde les kiosques à journaux

«La Russie surfe sur le sentiment anti-français pour s’implanter en RCA. Tous les maux du pays sont attribués à la France» estime Saber Jendoubi, journaliste indépendant basé en République centrafricaine entre 2016 et 2019 et auteur de la publication «Panorama de la presse centrafricaine. Entre pauvreté et politique d’influence» pour l’Institut français des relations internationales qui a accepté de répondre à nos questions.


«Il est courant que des journalistes acceptent d’écrire des papiers pro-russes contre de l’argent. Peu importe ce qu’ils écrivent, ils veulent manger.»


Aux yeux de la population centrafricaine, l’absence de passé colonial de la Russie procure une plus forte légitimité à son intervention. Arrivé début 2018 en RCA, Valery Zacharov, ancien responsable des renseignements russes, est nommé par Touadéra au poste de conseiller de la présidence en matière de sécurité nationale.

Mais en parallèle, son cabinet s’assure de la diffusion massive d’articles de promotion des initiatives du Kremlin. «C’est toute une équipe. Zacharov a fait venir des personnes qui l’accompagnent dans la propagande et la communication politique», pointe Vincent Mambachaka, président de l’association Espace Linga Tere composée de médias communautaires centrafricains. Il nous répond ainsi. 

«Je dirige un lieu culturel important dans le pays. J’ai été approché par un Centrafricain. Il m’a dit qu’il connaissait des personnes qui souhaitent collaborer avec moi. Les russes me proposaient de l’argent pour travailler avec eux et m’ont demandé s’ils pouvaient utiliser ma radio.» «Il est courant que des journalistes acceptent d’écrire des papiers pro-russes contre de l’argent. Peu importe ce qu’ils écrivent, ils veulent manger.»

Sous la houlette de Zakharov, il est proposé aux journalistes de percevoir 20.000 FCFA (30 euros) pour couvrir un événement organisé par la Russie ou pour réaliser un article critique vis-à-vis de la France. Vincent Mambachaka nous confirme l’utilisation massive de cette méthode.

«Ça saute aux yeux, quand je lis un papier je suis capable de dire si la personne est payée. Ce n’est pas du journalisme. En dehors de 2 ou 3 journaux, le reste c’est de la manipulation russe. Ces journaux sont à la merci de tout ce qui peut leur permettre de survivre.»

Le Potentiel Centrafricain se méfie des ambitions du président Macron / Capture d’écran du média “Le Potentiel Centrafricain”

En Centrafrique, les journalistes ne perçoivent pas de salaire fixe et il n’existe pas de revenu minimum légal. «Ils exercent leur métier dans une situation très précaire, ils crèvent la dalle» nous souligne Saber Jendoubi. «Il est courant que des journalistes acceptent d’écrire des papiers pro-russes contre de l’argent. Peu importe ce qu’ils écrivent, ils veulent manger.»

Cette stratégie, également pratiquée par la France et la Chine (à moindre échelle), permet à Moscou d’impacter significativement la ligne éditoriale des journaux locaux. Des médias, se revendiquant du panafricanisme et de l’anticolonialisme, affichent une complaisance certaine vis-à-vis de la présence russe: Centrafric Matin, l’Expansion, le Potentiel centrafricain, l’Occident, Radio Révolution Panafricaine.

Les campagnes anti-françaises en République Centrafricaine dépendent bien souvent des relations franco-russe du moment. Dès 2018, une opération médiatique agressive vis-à-vis de la France a été organisée, mais lors des négociations entre les deux pays au sujet de la Libye, l’influence médiatique russe s’est adoucie.


“On vit en Centrafrique avec 1 dollar par jour. Dans ce pays, la liberté de la presse est donc facilement achetable à moindre coût. La Russie s’est emparée de la situation pour saturer l’espace médiatique.”


Début janvier 2020, le refus de la France de supprimer l’embargo lors du vote à l’ONU a provoqué une forte réaction des médias sous influence russe.

Centrafric Matin, la Russie et la France / Extraits de unes du journal

Il demeure aujourd’hui difficile de connaître précisément l’implication financière russe au sein des différents canaux informatifs. Néanmoins, la création de certains d’entre eux comme le Potentiel centrafricain ou La feuille volante du président corrobore avec la campagne pro-russe dans le paysage médiatique lancée en 2018 – qui succède à leur arrivée en RCA.

Quand les russes sont arrivés, ils ont mis le paquet. On vit en Centrafrique avec 1 dollar par jour. Dans ce pays, la liberté de la presse est donc facilement achetable à moindre coût. La Russie s’est emparée de la situation pour saturer l’espace médiatique. Elle est venue inonder le marché de son message et de ses idées” atteste Saber Jendoubi à notre journaliste.

Radio Lengo Songo : les diamants centrafricains financent le discours pro-russe

Le taux d’alphabétisation en RCA ne dépassait pas les 38% de la population en 2018 (50 % pour les hommes mais seulement 25% pour les femmes). Dans ce contexte, la presse écrite est réservée à la classe aisée et décisionnaire. Les tirages de la plupart des titres ne dépassent les 500 exemplaires et restent concentrés dans la capitale.

Pour le reste de la population, la radio représente le premier média d’information. Le 9 novembre 2018, la station de radio Lengo Songo voit le jour. Le directeur de la rédaction, Fred Krock, ancien rédacteur en chef du quotidien national l’Hirondelle, annonce durant la première conférence de presse: «Lengo Songo n’a nullement la prétention de vouloir révolutionner le monde médiatique en Centrafrique, mais plutôt de contribuer dans la mesure du possible à la consolidation du rôle avant-gardiste que les médias sont appelés à jouer pour le relèvement de ce pays et pour le bien de son peuple

La radio vise notamment à promouvoir la «cohésion sociale et le renouveau dans le pays». Une importante campagne publicitaire débute pour accompagner ce lancement. Des affiches publicitaires aux couleurs du drapeau national centrafricain célèbrent l’ouverture de la nouvelle station de radio Lengo Songo «construire la solidarité».

À l’origine de ce slogan, une société minière russe Lobaye Invest. Sur les affiches publicitaires, le nom de l’entreprise est associé ouvertement avec la radio. Le financement de cette station permet à Lobaye Invest de s’acheter une image positive auprès de la population. Les louanges des initiatives russes constituent en réalité une grande part de sa ligne éditoriale.

Cette implantation économique et médiatique russe se développe en parallèle des partenariats militaires à partir de septembre 2017. Plusieurs rencontres se succèdent entre le président Touadéra et des hommes d’affaires proche du président Poutine. Le 6 novembre 2017, l’homme d’affaire russe Evgueni Khodotov, ancien directeur général de M-Finance enregistre en RCA Lobaye Invest, dont M-Finance détient la totalité du capital.

Lobaye Invest débute l’exploitation et la recherche de diamants et d’or dans sept différents sites de RCA au mois d’août 2018 selon des documents obtenus par CNN.

Exploitation minière en RCA : des diamants et des armes


Après le coup d’État en Centrafrique de 2013, une guerre civile éclate entre les milices Anti-balaka et Seleka. L’exploitation minière dont l’État perd le contrôle est utilisée pour financer le conflit.

En raison du chaos, le forum de négociation international du processus de Kimberley met en place la même année un embargo sur l’exportation de diamants de République Centrafricaine.

En 2015, plusieurs régions sont libérées de l’embargo. Lorsque la Russie prend la présidence du processus de Kimberley en janvier 2020, elle affiche une volonté d’assouplir les restrictions pour développer sa coopération économique avec le gouvernement centrafricain.

Bien que les importantes ressources minières de la RCA ne représentent pas un intérêt économique suffisent pour Moscou (7 % du PIB de la RCA en 2007, avant la guerre civile), elles permettent à l’échelle locale de compenser les investissements russes. Surtout, ce partenariat permet à la Russie de prendre un rôle stratégique dans la région (en 2016, le secteur minier ne représentait plus que 0,2 % du PIB centrafricain).

Si l’embargo est levé, cela permettrait à Lobaye Invest d’augmenter ses rentes. L’entreprise possède d’ors et déjà plusieurs concessions en zone sous embargo. La RCA recherche également une stabilité au sein de ses frontières pour développer le secteur du diamant et de l’or. Lors d’un entretien au New York Times, Albert Yaloke Mokpeme, le porte parole du président Touadéra affirme qu’«avec l’aide de la Russie, nous allons être capable de sécuriser nos mines de diamants.»

En échange de cette aide militaire, la Russie par le biais de Lobaye Invest reçoit des concessions de mines.

Des journalistes enquêtant sur les réseaux russes assassinés

Le 28 juillet 2018, trois journalistes russes expérimentés, Alexandre Rasstorgouïev, Orhan Djemal et Kirill Radtchenko arrivent à Bangui. Ils ont pour projet d’enquêter sur les intérêts de la Russie en RCA et la présence d’une société militaire privée nommée Wagner.

Selon un ancien responsable du gouvernement cité anonymement par le New York Times, des mercenaires russes se chargeraient de la sécurisation des mines en centrafrique, dont celle de Lobaye Invest.

Trois jours après l’arrivée, l’équipe se rend dans le nord de Bangui avec leur chauffeur centrafricain. Vers 21h45, alors qu’ils sont à 23 km de Sibut, la voiture est arrêtée par un groupe de neufs hommes armés. Les passagers sont sortis de force puis mitraillés.

Les trois journalistes sont assassinés, seul le chauffeur survit à l’attaque.

Deux ans après, l’enquête qui n’a identifiée aucun suspect est toujours au point mort.


Un an et demi après les faits, l’enquête de Moscou est catégorique: le mobile est crapuleux et les journalistes ont ignoré les risques. Mais l’enquête russe semble passer sous silence de nombreux éléments troublants.


Dans une interview pour la chaîne qatari Al Jazeera en avril 2019, Valery Zacharov revient sur l’affaire. Il déclare ne pas comprendre pourquoi ces journalistes sont allés dans cette région.

«On leur a déconseillé de se rendre dans cette zone, ils ont été arrêtés à un checkpoint. Malgré, les avertissements, ils y sont allés. C’était une mort stupide. Je pense qu’ils n’avaient pas à aller là-bas

Quatre jours après l’assassinat des journalistes russes, une «cérémonie» est organisée par les autorités russes. Dans un hangar de fret de l’aéroport de Bangui, sur quelques palettes de bois, un drapeau russe est déposé sur les cercueils des trois reporters. Capture d’écran RFI

Derrière le journaliste qui interroge Valery Zacharov, des militaires centrafricains s’entraînent au combat. Les formateurs sont masqués et d’origine russe. «Des réservistes sélectionnés par le ministère de la Défense russe», affirme le conseiller, qui assure ne pas avoir connaissance d’éléments attestant de la présence en Centrafrique d’une «société militaire privée russe».

Un an et demi après les faits, l’enquête de Moscou est catégorique: le mobile est crapuleux et les journalistes ont ignoré les risques selon un article de Russia Today France. Mais l’enquête russe semble passer sous silence de nombreux éléments troublants.

Après le drame, le média Investigation Control Centre, pour lequel les trois journalistes assassinés travaillaient met un terme à ses activités. Cependant, le milliardaire et dissident politique Mikhaïl Khodorkovski propriétaire du média, décide de financer une contre-enquête.

En octobre 2019, le site Dossier Center qui recherche les liens des cercles d’oligarques proches de Poutine, publie le résultat de son investigation en Centrafrique. Dossier Center suspecte que le voyage en centrafrique n’ait été qu’un piège. Le journaliste qui a mis les reporters assassinés sur la piste centrafricaine, Kirill Romanovsky, travaille pour la Federal News Agency, agence de presse appartenant au même groupe que M-Finance et sa filiale Lobaye Invest.

Une heure et demi avant la première dépêche de l’AFP, le lendemain du massacre, son historique de recherche piraté révèle les mots clés « Russes à Bangui » et « Trois Russes tués ».

Romanovsky a redirigé les journalistes russes vers un fixeur centrafricain nommé «Martin», un prétendu officier néerlandais de la MINUSCA (Mission de l’ONU en Centrafrique depuis 2014). Celui-ci n’a pas pu être identifié. Les journalistes pensaient le rencontrer à Bambari, où ils se rendaient en voiture, mais les données mobiles des échanges via WhatsApp indiquent que celui-ci se trouvait en réalité dans la capitale. Son numéro de téléphone était enregistré à un faux nom et n’a été utilisé que trois fois au cours du mois de juillet.

Reconstitution réalisée par Dossier Center du meurtre des trois journalistes selon l’examen médico-médical et des images prises après le meurtre, le 30 juillet 2018.

Le chauffeur qui accompagnait l’équipe de journalistes, est également suspecté d’avoir espionné pour le compte d’un gendarme centrafricain, Emmanuel Kotofio proche des forces russes en RCA.

Ce dernier était en contact constant (plus de 108 appels entre juillet et août 2018) avec un numéro local enregistré sous une fausse identité étasunienne. Les enquêteurs de Dossier Center sont parvenus à identifier cette personne comme étant Alexandre Sotov, instructeur en espionnage, en recrutement et en renseignement pour M-Finance.

Cinq mois après les meurtres, le service de sécurité d’Ukraine (SBU), en charge du contre-espionnage, identifiait 37 membres de la société militaire privée russe Wagner présents sur le territoire centrafricain fin juillet.

Dans cette liste apparaissaient notamment les noms de Valery Zacharov sous le matricule M-5658 et d’Alexandre Sotov sous le matricule M-5661.

Dossier Center a relevé entre juillet et août 2018, 167 messages et appels téléphoniques entre les deux hommes. La liste SBU révèle qu’un nombre conséquent de ces hommes sont originaires de la ville de Saint-Pétersbourg. Aucun document écrit n’atteste explicitement de la présence du groupe Wagner, de l’achat de journalistes, ou de la chaîne hiérarchique officieuse russe en RCA. Mais l’accumulation de témoignages et corrélations depuis deux ans et demi conduit à un même nom: Evgeni Prigogine.

Evgeni Prigogine est un milliardaire russe proche de Vladimir Poutine. Surnommé par les médias le «cuisinier de Poutine» pour ses activités de restauration auprès de l’armée russe et du locataire du Kremlin, l’oligarque est également soupçonné par les États-Unis de manipulation lors des élections de novembre 2016.

La diplomatie Française l’accuse quant à elle de contrôler M-Invest, le groupe Wagner et d’être «étroitement lié à la mafia de Saint- Pétersbourg».

Trois pistes au moins associent M-Finance, société détentrice de Lobaye Invest à l’oligarque russe Evgueny Prigogine



Trois mois avant l’assassinat des trois reporters, un autre journaliste russe enquêtant sur la présence du groupe Wagner dans le Donbass ukrainien, perdait la vie dans des circonstances troubles.

Le 12 avril 2019, Maxime Borodine du média Novy Dien, faisait une chute mortelle du 4e étage de son immeuble. L’appartement était fermé à clef quand les inspecteurs sont entrés dans l’appartement.

Les autorités privilégient la thèse du suicide.

Pourtant, Viatcheslav Bachkov, collègue du journaliste, recevait la veille un appel alarmant du journaliste qui lui décrivait une personne armée et masquée sur son balcon et plusieurs autres sur son palier !

Le groupe Wagner a fait son apparition courant 2014 auprès de milices pro-russes dans l’est de l’Ukraine. Depuis cette société militaire privée (SMP) est intervenue dans de nombreux conflits à travers le monde: en Syrie dès l’année suivante, en Libye, au Soudan, au Venezuela, au Mozambique, au Mali, et récemment lors des élections au Bélarus qui ont causé des soulèvements dans le pays et la grève des journalistes.

Dmitri Outkine, néo-nazi revendiqué et ancien officier des services de renseignement militaires russes est le commandant des unités Wagner (dont le nom serait une référence au compositeur favori du troisième Reich). Officiellement, aucun lien n’apparaît entre l’État russe, l’État centrafricain et Wagner.

Les SMP n’ont d’ailleurs pas d’existence légale en Russie et les médias russes ont longtemps nié leur existence même, qualifié «d’invention» visant à «compromettre la Russie».

Le déni de Moscou s’est cependant heurté en 2018 à la colère des premiers concernés, les mercenaires. Après la mort de 200 Wagner dans un bombardement américain à Der ez-Zor en Syrie, plusieurs SMP déplorent dans une lettre publique que l’État russe refuse de reconnaître leur existence et de leur octroyer le statut de vétéran, notamment aux blessés de guerre.

Ces mercenaires, payés de deux à six fois plus que les réservistes, ont l’avantage pour les États de représenter une force militaire engageable avec plus de liberté qu’une armée régulière comme le décrit Ilyasse Rassouli dans son mémoire de fin d’étude.

«Les SMP peuvent être utilisées pour prendre en charge des missions que ne peuvent pas effectuer les forces armées nationales quand elles sont jugées trop polémiques ou illégitimes. (…) Un État n’a pas besoin d’un aval parlementaire pour engager une SMP sur un théâtre d’opération. Ainsi, leur utilisation évite parfois des délais très longs liés aux processus administratif et bureaucratique.»

Sewa Security Services aux côtés du président Touadéra – Capture d’écran Twitter

En Centrafrique, plusieurs mercenaires des SMP russes opéreraient en collaboration avec l’État centrafricains, notamment Wagner, Patriot ou encore Sewa Security Service qui se charge de la sécurité de la présidence.

Cette dernière pourrait même être une branche officieuse de Wagner, qui s’était déjà renommé Evro Polis dans ses contrats avec le dirigeant syrien en 2017. En novembre 2017, Outkine est nommé directeur général de l’entreprise Concord Management & Consulting de Evgueny Prigogine. Ce dernier nie officiellement tout lien avec la SMP, alors même que les deux hommes entretenaient déjà des relations proches avant cette promotion.

Dans une note de mai 2018 adressée à la diplomatie française, l’ancien ambassadeur en Centrafrique, Christian Bader, alerte sur la stratégie russe «militaro-sécuritaire, économique et politique» qui se déploie dans le pays.

L’ambassadeur avertit également sur la «très active campagne de dénigrement et de désinformation dirigée contre la France» et les «actions d’agit prop» financés par Lobaye Invest.

«Mon premier courrier sur la présence russe datait du 8 novembre 2017», précise Christian Bader, «mais le message n’est pas passé. Des gens pensaient que ça n’avait aucune importance. Il a fallu attendre mars pour une réaction de la diplomatie française.»

La note évoque notamment la présence de mercenaires du groupe Wagner entrés, pour certains, dans le pays avec des passeports falsifiés.

«On voyait passer les passeports, on savait que le groupe Wagner était présent. On retrouvait des mercenaires russes à Bangui qui étaient autrefois passés par des théâtres d’opération en Ukraine ou autres.»

À l’approche de l’élection présidentielle prévue le 27 décembre 2020 (qui pourrait être repoussée en raison de la pandémie), l’emprise médiatique et politique russe en RCA questionne.

«L’impact de cette présence peut être désastreux pour l’élection», insiste Vincent Mambachaka auprès de notre journaliste.

La Russie devrait soutenir le président sortant Faustin Archange Touadéra malgré une «insatisfaction causée par l’impopularité du personnage», note Thierry Simbi, activiste de la société civil et blogueur.

Saber Jendoubi estime que l’implantation russe en RCA est «une réussite». Selon lui, au niveau politique et médiatique, la Russie fait et fera «la pluie et le beau temps à Bangui.»

D’autres articles

Centrafrique : 2 journalistes violemment interpellés dans le cadre de leur activité professionnelle

Samedi 15 juin, deux journalistes ont été violemment interpellés à Bangui en Centrafrique. C’est lors d’une manifestation de l’opposition interdite par les autorités, qu’ils se sont vu confisquer et détruire leur matériel. Charles Bouessel et Florent Vergnes, correspondants de l’AFP en Centrafrique accrédités, couvraient la manifestation de l’opposition à Bangui samedi 15 juin lorsqu’ils ont été interpellés.

 

Avec Florent, nous tentons de partir (…). L’OCRB nous voit et semble furieux qu’on ait filmé la scène, ils foncent sur nous” a confié Charles Bouessel selon l’AFP. Flavien Mbata, ministre de la justice en Centrafrique a affirmé que les journalistes “ont été interpellés par la police, car ils étaient présents sur les lieux d’une manifestation interdite par la police“.

Retenus plus de six heures Ils ont déclaré, selon l’AFP, avoir été auditionnés trois fois et retenus plus de six heures par des membres de l’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB).


Ils [les journalistes de l’AFP] ont à leur tour tenté de partir lorsqu’ils ont “entendu des tirs à balles réelles”. L’OCRB a alors foncé sur eux car ils ont vu qu’ils filmaient la scène.


Récit de l’arrestation de ces deux journalistes

Charles Bouessel, confirmant la version de Florent Vergnes, a affirmé que tout se déroulait bien : les CRS (leur équivalent en Centrafrique) les laissaient filmer jusqu’à ce que les manifestants se dispersent. Ils ont à leur tour tenté de partir lorsqu’ils ont “entendu des tirs à balles réelles”. Mais l’OCRB a foncé sur eux lorsqu’ils ont vu qu’ils filmaient la scène.

 “l’un d’eux attrape ma caméra et la fracasse par terre.” raconte Charles Bouessel. Il ajoute ” je met les mains en l’air mais je me prend une première claque dans la tête. mon sac à dos où il y a mes papiers, passeport, carte bleue, accréditation presse,  est arraché et jeté par terre. je demande à le prendre, ainsi que les débris de mon appareil mais je reçoit seulement des coups”.

Le journaliste est “ceinturé à la gorge”

Florent Vergnes affirme, toujours selon l’AFP, avoir “été ceinturé à la gorge” et s’être “pris des beignes, des coups de crosse de Kalachnikov dans le dos”.

Il ajoute “ils m’ont arraché mon sac, mon appareil photo et mon téléphone”.

Ils ont été arrêtés aux alentours de 15H00 (14H00 GMT) et ont été libérés à 20H48 sans papiers, argent, ni téléphone.

Dimanche matin, Florent Vergnes a consulté un médecin à Bangui pour faire constater les blessures dues à son interpellation. Selon le certificat médical, “ce jour, il présente un volumineux hématome temporal droit, un hématome sur l’omoplate droite, un hématome sur la base du nez et une douleur sur l’articulation temporo-mandibulaire gauche et un trouble de l’articulé dentaire”.

Reporters sans frontières (RSF) n’a pas attendu pour condamner cette agression. L’ONG a notamment réagit sur Twitter en affirmant que “ces mauvais traitements ne doivent pas rester impunis “.

Ces agressions s’ajoutent au triple assassinat de journalistes Russes en juillet dernier et à l’assassinat de Camille Lepage journaliste française tué en 2014, prouvant l’insécurité journalistique qui règne en Centrafrique depuis quelques années maintenant.

Situation en Centrafrique

Le Centrafrique n’arrive pas à sortir de la guerre civile et des violences qui en découlent.

Les attaques contre les médias, les destructions de radios sont permanentes. La situation des journalistes est donc précaire selon Reporters sans frontières (RSF). L’Etat ne contrôle plus la majorité du territoire et les autorité tolèrent de moins en moins la critique par la presse. La censure s’exerce notamment en presse écrite.

Camille Lepage, journaliste Française de 26 ans avait été tué en République centrafricaine le 12 mai 2014. 

L’an dernier, au mois de juillet, 3 journalistes avaient été retrouvés tués.

L’insécurité pour les journalistes n’est pas récente. Il y a 5 ans, la Maison des journalistes accueillait un journaliste centrafricain victime de la répression : “Certains ont détruit ma maison et ont arrête mon petit frère afin d’obtenir des renseignements me concernant. Nous n’avons toujours pas de nouvelles de mon frère à l’heure qu’il est.

Il faut noter que la République Centrafricaine a perdu 33 places au classement mondial de la liberté de la presse en 2019 et se positionne au 145 ème rang mondial sur 180. 

Rencontre Renvoyé Spécial PJJ, Romaric Kenzo Chembo : « N’arrêtez jamais de croire en vous »

[Par Clara LE QUELLEC]

Mercredi 19 octobre, la Maison des journalistes accueillait un groupe de jeunes et de professionnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) du Val d’Oise. Environ cinq adolescents, leurs éducateurs et la référente laïcité et citoyenneté de la structure val-d’oisienne, Odile Villard, ont pu découvrir la « Maison de la liberté d’expression » et échanger avec l’un de ses anciens pensionnaires, le journaliste centrafricain, Romaric Marciano Kenzo Chembo. Cet après-midi initiait la première rencontre du projet Renvoyé Spécial PJJ dont l’objectif vise à aider les jeunes à mieux s’informer, à les amener à s’ouvrir à d’autres mondes, et ainsi à prendre conscience des valeurs de la liberté de la presse et d’expression, de la tolérance et du vivre ensemble. 

Rencontre entre Romaric Marciano KENZO CHEMBO journaliste et les jeunes et professionnels de la PJJ – Val d’Oise, mercredi 19 octobre. (Crédits photo : Lisa Viola ROSSI)

Pendant plus d’une heure, les jeunes ont pu écouter le témoignage tant professionnel que personnel de Romaric Kenzo Chembo : sa lutte pour exercer son travail de journaliste librement, son enfance, les difficultés de l’exil, ses doutes et obstacles mais également ses réussites et ses espoirs… Une histoire qui a particulièrement fait écho dans la tête et le cœur de ces jeunes, tous passés par des étapes de vie douloureuses et difficiles.

« Un peuple qui n’a plus d’espoirs et de rêves est un peuple mort »

A trente-six ans, Romaric Marciano Kenzo Chembo revient de loin. Aujourd’hui en pleine résilience, il raconte avec un mélange de gravité et d’humour son enfance en Centrafrique. Le combat en faveur de la liberté d’expression semble avoir été en partie délaissé par la population de ce pays de quatre millions d’habitants « où tout est surveillé par le gouvernement ». « Si à la maison vous avez la chance de répondre avec respect à votre père, considérez-vous chanceux » note Romaric. Le ton est donné. La salle déjà captivée. Le quotidien de la majorité des enfants centrafricains est rythmé par la faim, les 15 km par jour à effectuer pour aller à l’école et le travail. « Il y a beaucoup d’enfants de rue chez moi – explique le journaliste – mais nous ne pouvons pas parler de ce sujet. Systématiquement, on nous traite d’opposants et on nous accuse de préparer un putsch ». Les enfants travaillent à partir de six ans et sont souvent recrutés par les armées rebelles. Romaric se souvient par exemple d’un enfant-soldat surnommé « Colonel » pour avoir eu beaucoup de morts à son actif. Les jeunes découvrent alors la dure réalité de ce pays où « les grenades se vendent à 1 euro, les kalachnikov à 10 euros et où il y a trois fois plus d’armes que de population ». « Vous voyez, un peuple qui n’a plus d’espoirs et de rêves est un peuple mort » déclare le journaliste.

Centrafrique : un adolescent de la rébellion Séléka pose avec une arme, le 25 mars 2013 à Bangui

Centrafrique : L’enfant-soldat de la rébellion Séléka, surnommé “Colonel”,  le 25 mars 2013 à Bangui (Crédits photo : Sia KAMBOU/AFP)

Du combat pour la libre parole aux menaces

Romaric Kenzo Chembo a travaillé de 2006 à 2012 à la Radio Ndeke Luka de la Fondation Hirondelle. Animateur d’une émission intitulée « À vous la parole », il n’avait qu’un seul leitmotiv : « Non à la censure ». Chaque jour, pendant une heure, l’émission donnait la voix aux citoyens, protégés par l’anonymat, sur différents thèmes d’actualité. Pour le journaliste, « tous les propos devaient être écoutés ». A partir de l’année 2010, il était de plus en plus difficile pour Romaric d’exercer son métier librement. « Chaque jour, il y avait une critique au vitriol. Il fallait me faire taire ». C’est alors qu’ont commencé les appels téléphoniques anonymes, les lettres de menaces et les agressions physiques. Pendant cette période, Romaric a perdu sa fiancée et sa famille. Sa mère est restée son seul soutien infaillible. « Quand ça commence à chauffer, tout le monde te laisse. Les gens privilégient leur propre intérêt car ils ont peur de la mort ». Émotion palpable dans la salle. Un jour, la radio entend parler d’une histoire avec le fils du Président de la République. Ce dernier aurait enterré une personne presque vivante pour une histoire amoureuse de jalousie. La radio charge le journaliste d’obtenir le scoop. Le lendemain, toute la ville était au courant et Romaric en danger de mort. Le journaliste quitte alors la capitale pour rejoindre le Cameroun afin de prendre l’avion. « J’ai marché 550 km à pied à travers la brousse ». « A pied ? » s’exclame un des jeunes.

Une patrouille des Casques bleus à Bangui le 2 janvier 2016 (Crédits photo : Issouf SANOGO)

Une patrouille des Casques bleus à Bangui le 2 janvier 2016
(Crédits photo : Issouf SANOGO)

L’exil et l’arrivée en France

En septembre 2012, Romaric Kenzo Chembo débarque à l’aéroport Charles de Gaulle et est placé dans la zone d’attente de Roissy avec de nombreux autres étrangers. « Vous savez, ce fameux hôtel cinq étoiles » ironise t-il. Les autorités veulent le ramener en Afrique. Ils sont deux dans ce cas. « J’ai fait un scandale. Me ramener en Afrique, c’était comme signer mon arrêt de mort ! ». Attitude payante. Son compagnon d’infortune n’a malheureusement pas eu cette chance et a été renvoyé dans un avion. « Vous voyez, si je ne m’étais pas battu, j’aurais été raccompagné comme lui ». Croire en soi et ne jamais lâcher, tel est le message passé ici par le journaliste aux jeunes de la PJJ. Après avoir dormi à la Gare du Nord et dans les abribus, Romaric se laisse guider au plus profond de lui-même par une seule conviction : « Je dormais avec les SDF mais je me suis dit que ça allait changer ». Le journaliste entend alors parler par l’association France Terre d’Asile de la Maison des journalistes accueillant des professionnels de l’information en exil pour avoir exercé leur métier librement. Romaric y obtient une chambre et commence le long travail de reconstruction. Grâce à une formation, il est maintenant responsable de communication dans une grande entreprise de sécurité. « La France nous donne l’opportunité de refaire sa vie et d’obtenir une seconde chance ». « Vous voyez les amis, l’essentiel n’est pas de tomber mais bien de savoir se relever » conclut le journaliste, aujourd’hui en attente de rapatrier ses six enfants en France.

Arrive alors le temps des questions. « Vous allez repartir en Centrafrique ? » demande un des jeunes au 1er rang. « Peut-être un jour, j’aimerais y créer une station de radio ». « Où sont vos enfants ? » s’interroge un de ses camarades. « Ils sont réfugiés dans un pays voisin » répond Romaric. « Mais pourquoi vous n’avez pas arrêté ? » questionne un autre. « Car j’adore le journalisme. Si je ne m’étais pas battu, je ne serais pas fier de moi aujourd’hui ». La rencontre touche à sa fin. « J’ai beaucoup aimé ce témoignage – note un des jeunes du public – ce n’est pas un exemple de plus raconté par d’autres, c’est juste réel ». Une formidable leçon de combativité, de détermination et d’optimisme à partager donc sans modération et au plus grand nombre.  

 

Centrafrique : et la prise d’otages continue…

[Par Marciano Romaric KENZO CHEMBO]

Je ne comprends pas que les Centrafricains et la communauté internationale ne comprennent pas que depuis plus de deux décennies, en République Centrafricaine, l’histoire, tristement, se répète avec les mêmes acteurs, posant les mêmes actes, produisant les mêmes effets tels d’éternelles scènes de répétitions d’acteurs de troupes théâtrales.

Les anciens presidents Bozizé et Djotodja

Les anciens presidents Bozizé et Djotodja

Hélas! ici les scènes sont bien réelles, les conséquences toujours dramatiques et malheureusement les acteurs et les spectateurs ont tous des visions et des méninges enfumées qui les empêchent de voir la réalité, de s’imprégner du quotidien, de se souvenir du passé récent, de se remettre en cause afin de trouver d’efficaces remèdes aux maux qu’ils ont eux-mêmes créés, exploités, entretenus…et qui, au tournant de l’histoire les engloutissent, tel le sable mouvant, petitement, mais inéluctablement, entraînant dans leur décadence des vies innocentes.
Quand la conscience sera-t-elle une denrée partagée par ceux-là même qui nous gouvernent?
Quand les autorités centrafricaines de transition prendront-elles enfin leurs responsabilités en assumant pleinement les rôles qui sont les leurs par des prises de décisions efficaces et courageuses privilégiant et garantissant les intérêts supérieurs de la nation, sans diktat de l’extérieur et des lobbies mafieuses devant les hommes et devant l’histoire et quand la raison rallumera-t-elle la lanterne de la communauté internationale, au chevet de la République Centrafricaine depuis deux décennies ?
Nous nageons, il va sans dire, en pleine eau puante dans ce pays! Et les événements le démontrent à chaque fois!

Rebelles Seleka

Rebelles Seleka

Dommage que seuls les aveugles sont aux commandes du navire Centrafrique qui chavire et les sourds appelés à son secours !!!
Des groupes rebelles et des milices “terroristes” qui prennent en otage toute une Nation, réclamant à cor et à cri la répartition de son territoire, qui décident de l’expatriation forcée d’une composante de sa population, qui instaurent comme mode de gestion la politique du totalitarisme et d’extermination de certaines de ses communautés, qui s’obstinent dans la négation volontaire de la reconnaissance des autorités légitimes et des valeurs républicaines en menaçant de mettre à feu et à sang le pays et qui assassinent des populations misérables, se voient dérouler le tapis rouge et reçus à bras ouverts, le sourire jusqu’aux oreilles et avec les honneurs de chef d’Etat digne de ce nom dans des pseudos conférences de négociations et pourparlers de paix fictive à n’en plus finir, qui au finish n’accouchent que de souris et dont les résolutions n’ont pour durée de vie que le temps de la tenue des dites assises .
La Honte!

Milice Anti-Balakas (source : la-croix.com)

Milice Anti-Balakas (source : la-croix.com)

Jusqu’à quand cette politique de terreur, d’intimidations, de menaces… va-t-elle continuer? Et quand enfin les uns et les autres qui se trompent en organisant ces incessantes messes comprendront-ils que cela n’apportera rien de concret tant que les pressions coercitives et les méthodes fortes n’entreront pas dans les principes du jeu? A quand l’application réelle et effective de la résolution 2127 adoptée par l’ONU le 05 décembre 2013 autorisant l’usage de la force pour « rétablir la sécurité et l’ordre public » en Centrafrique, restaurer l’autorité de l’Etat face à ceux qui n’ont pas intérêt à ce que la paix revienne, qui continuent de terroriser et de tuer des civils, aux regards des évènements du vendredi 05 Décembre 2014 à Bambari, ville du centre du pays, qui ont coûté la vie à trois soldats centrafricains de la garde rapprochée du président du Conseil National de Transition( parlement provisoire), Alexandre Ferdinand Nguéndet qui a failli être tué?
A quand la fin de l’Etat de siège imposé par des bandes armées de tout bord et la communauté internationale qui s’illustre par son mutisme et son inaction, aux Centrafricains?
Que se passe-t-il?
Les autorités de la transition et les Nations Unies, représentées par la Mission Intégrée et multidimensionnelle de Stabilisation de la Centrafrique (MINUSCA) appuyée par son bras armé, les casques bleus, seraient- ils des géants aux pieds d’argile, des “généraux d’opérette” face aux milices chrétiennes Anti-Balakas et aux rebelles musulmans de la coalition Séléka au point de négocier à tout bout de champ et de faire des concessions ne satisfaisant que les intérêts égoïstes, particuliers et partisans des uns et des autres au grand dam du peuple Centrafricain?
Ces bandits et “terroristes” qui sèment désolation, tristesse, mort sur leur passage… depuis plus de deux ans et continuent d’exécuter leurs machiavéliques politiques de destruction et d’aliénation de toute une Nation seraient-ils ainsi assez intouchables et vêtus de cuirasses d’impunité au point de disposer du Droit de vie ou de mort d’un peuple sans pouvoir s’inquiéter en déambulant fièrement avec leurs armes de guerre, arborant leurs galons opportunistes à la barbe de leurs propres victimes, le peuple, au vu et au su des forces internationales et du gouvernement avec qui ils se croisent et se partagent les tribunes des institutions républicaines, sur le sol centrafricain?
De qui se moque-t-on?
Cette politique de “bras ouverts” à sens unique et d’impunité n’octroie-t-elle pas une réputation de “poltrons”, en traduisant une faiblesse du gouvernement centrafricain et de son alliée, la MISCA? Au point de favoriser la radicalisation des positions des belligérants, la redynamisation de leurs ambitions démesurées, leurs velléités politiques et le retour des principaux artificiers de la poudrière Centrafrique, les pyromanes et Seigneurs de guerre , les principaux dirigeants, financiers et pourfendeurs des groupes armés tels le général Koumtamadjim, alias Abdoulaye Miskine, libéré par les autorités camerounaises, puisque servi comme monnaie d’échange en contre partie des militaires camerounais retenus en otage par ses éléments, les anciens chef d’Etat Centrafricains, Michel Djotodja et le Général François Bozizé, pour ne citer que ces deux-là, dont les intentions …pour la reconquête du pouvoir ne sont plus à cacher.

L'armee française
Nonobstant, le peuple dont il a fait couler le sang, arborant son mépris du pays qu’il a dirigé tel un patrimoine familial et sans partage pendant une décennie, le général Bozize, quant à lui, est sorti de son silence ce 10 décembre 2014 dans une adresse faite au peuple Centrafricain pour dénoncer « le caractère inopérant de l’accord de cessation des hostilités », signé à Brazzaville en juillet, d’après ses propres expressions, mais surtout pour réaffirmer sa volonté de renouer avec la vie politique centrafricaine, ayant dans sa ligne de mire les échéances électorales de 2015 …
Il n’y a qu’en République Centrafricaine que le ridicule ne tue pas pas! Les gens ont la mémoire courte !
Mais rien ne nous étonne, telle est la conséquence logique de la passivité, de la “politique du ventre” et de distribution généreuse et gracieuse de l’argent des contribuables et des prêts contractés auprès des institutions de Bretton-Woods et des Bailleurs de fonds internationaux au nom du peuple, par les autorités. La transition, à ceux-là (rebelles, milices) même qui maltraitent, terrorisent et tuent le peuple. Comme si on les supplie de se calmer, de ne pas s’énerver. Comme quoi pour être “quelqu’un” en Centrafrique il faut être un terroriste et assassin! (1)

Scénario digne d’un film hollywoodien qui occuperait la première place du box-office américain! Car plus tu tues et excelles dans la rébellion, plus tu t’élèves dans la société, en Centrafrique. Pour devenir ministre, il suffit d’avoir quelques kalachnikovs, des munitions, réunir les siens, sa communauté, prendre une localité en otage, abattre quelques pauvres citoyens…et se voir bombarder X portefeuilles ministériels, direction générale, être véhiculé, logé, entretenu aux frais l’Etat avec la bénédiction de la communauté internationale…sans être inquiété de lendemains difficiles, ni d’une quelconque poursuite par les juridictions nationales ou internationales. Pauvre Centrafrique!
Nombreux sont ceux qui sont passés par ce tristement célèbre canal, qui ont fait piètre figure…évincés en un temps record, ils veulent encore revenir aux affaires, quitte à massacrer le peuple. Suivez mon regard!
Trop c’est trop!
Le peuple n’a que trop souffert de ces alliances macabres et des calculs politiciens! Et nous sommes en droit de nous poser cette question qui brûle toutes les lèvres: “A quel jeu joue la France et la force Onusienne en Centrafrique?”
Car, plus d’un an après le lancement de l’opération Sangaris et le déploiement des forces onusiennes le bilan est mitigé. La sécurisation du pays et la restauration de la paix sur l’ensemble du territoire sont loin d’être concrétisées.
Les Sélékas bloquent et occupent des villes entières de province avec armes en main, instaurent leur administration, elles font ce qu’elles veulent; les anti-Balakas divisent la capitale Bangui, érigent des barrières illégales et dictent leur loi, pillent, braquent…et Sangaris et force onusienne ne les inquiètent pas. C’est vraiment triste de constater cet amateurisme.
Pourquoi ce jeu??? Il a fallu moins de deux mois à la France de Hollande pour libérer le Mali des groupes rebelles d’Acqmi lourdement armés et de rétablir l’ordre républicain. (2)

La presidente Catherine Samba Panza

La presidente Catherine Samba Panza

Les centrafricains et l’opinion internationale doivent être vigilants. Le peuple demande juste la paix et la liberté ses ses mouvements, c’est à dire le désarmement équitable de toutes les milices (anti Balakas, Sélékas) et autres groupes rebelles, à l’instar du mouvement rebelle ougandais, la LRA, de Joseph Koni ( Sud-Ouest) qui pullulent le territoire centrafricain pour éviter que cet Etat soit le véritable sanctuaire des groupes rebelles et terroristes, car comme le déclarait l’ambassadeur de France en Centrafrique, Charles Malinas, en octobre dernier «Il est clair que le redressement de la situation en Centrafrique joue un rôle important dans la lutte contre le terrorisme. (3) Car si à l’inverse nous n’y parvenons pas, si la République centrafricaine devait glisser comme elle a glissé au mois de décembre 2013 dans des affrontements, naturellement cela formerait un terrain favorable pour les terroristes. Les forces internationales, les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne, les Etats Unis, la France et les pays voisins de la Centrafrique sont unis pour lutter contre le terrorisme».
Alors il est temps que tout ce beau monde prenne ses responsabilités, afin que le peuple Centrafricain soit enfin libre!
Qui a des oreilles pour entendre, entende!

 

(1) Depuis la mise en place du gouvernement centrafricain de transition, les bailleurs de fond traditionnels de la Centrafrique tels que la France, l’Union Européenne et les pays amis de la sous région à l’instar du Congo Brazzaville, de la Guinée Equatoriale, de l’Angola…ont accordé à la RCA d’importantes sommes d’argent pour la paiement de salaires, le relèvement du secteur économique, la subvention du budget de l’Etat…malheureusement une bonne partie de cet argent est détournée et alimente les comptes de certains chefs rebelles, leurs miliciens et politiciens centrafricains (NDLR affaire 10 millions de dollars octroyés par l’Angola, qui a défrayé la chronique il ya 2 mois).

(2) L’intervention française au Mali en Janvier était baptisée “Opération Serval “. Et il a fallu moins de 2 mois à la France pour “nettoyer” le territoire malien des djihadistes et les mettre en cavale.

(3) Le Sud-Est de la Centrafrique est occupée depuis 2009 par la rébellion ougandaise de la L.R.A (Armée de la résistance du Seigneur) de Joseph Koni et y est élue domicile en semant terreur et désolation dans cette localité sans être inquiétée. La semaine dernière elle a encore fait des malheurs.

 

Centrafrique : Amnesty plaide pour la protection des civils et la lutte contre l’impunité

[Par Makaila NGUEBLA]

La situation des droits de l’Homme, la protection des civils et la lutte contre l’impunité en République centrafricaine préoccupent Amnesty International (voir le récent rapport intitulé Les ravages de la haine ). Christian Mukosa, responsable de recherches au programme Afrique d’Amnesty International, de retour d’une mission de dix-neuf jours dans plusieurs localités, a fait face à la presse, ce jeudi 06 novembre 2014 au siège de l’organisation, au 76, Boulevard de la Villette à Paris.

(Source :amnesty.fr)

(Source :amnesty.fr)

Une équipe de chercheurs d’Amnesty International a sillonné Bangui, Bambari, Boda et d’autres régions de la République centrafricaine pour évaluer la situation des droits de l’Homme dans le pays.

Constat alarmant.

(Source : fr.africatime.com)

(Source : fr.africatime.com)

Selon Christian Mukosa, Amnesty International partage deux préoccupations au sujet de la situation en Centrafrique. Pour le chercheur, la protection des civils et la question de la sécurité sont des problèmes extrêmement inquiétants, malgré la présence des forces internationales déployées depuis le 15 septembre 2014: « des gens sont pillés, tués. », dit-il.
Au mois d’octobre dernier, les Anti-balaka ont attaqué à Bangui les hommes de la Séléka et des groupes musulmans armés, causant dix morts.
« Ces actes de violences se sont déroulés dans Bangui au nez et à la barbe de la communauté internationale. », a déclaré Christian Mukosa, avant de s’interroger : « Qu’en sera-t-il pour les gens des villages situés loin des regards extérieurs ? ».
Il y a également le cas des civils chrétiens tués par des Peuls armés.
La Séléka, important groupé armé, est désormais partagé entre Joseph Zindeko et Ali Darassa, qui se regardent en chiens de faïence dans Bambari. « Tout peut arriver. », redoute Christian Mukosa.
Devant cette situation, la question de l’impunité demeure préoccupante pour le chercheur, qui a rencontré les deux principaux chefs religieux et échangés avec les citoyens ordinaires. Il a estimé que l’arrestation des responsables des Anti-Balaka et de la Séléka ne provoquera pas la fin du monde.

La communauté internationale interpellée.
Le chercheur a insisté sur le rôle de la communauté internationale, qui doit mettre un terme à l’impunité des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par des acteurs clés de cette crise.
La communauté internationale doit venir appuyer les efforts locaux, non seulement pour limiter les dégâts, mais aussi afin d’aider à assainir l’espace politique, préparer les élections et protéger les civils à travers des stratégies cohérentes.
M. Christian Mukosa soutient que son organisation plaide en faveur de la sécurité des citoyens et d’un Etat de droit en RCA : « nous invitons la communauté internationale à assurer la sécurité des citoyens pour un Etat de droit. » a-t-il insisté.
Et le chercheur de conclure : « Amnesty International a encouragé la présence des forces internationales en Centrafrique. ». Toutefois, il ne nie pas les efforts de celles-ci en faveur du retour de la paix en Centrafrique.

Crimes contre l’Humanité : L’histoire du Rwanda jamais contée

[Par Sintius MALAIKAT]

La Journée des Nations Unies marque l’anniversaire de la fondation des Nations Unies, le 24 octobre 1945 à la suite de la Seconde Guerre mondiale. L’institution mondiale a été créée afin de préserver les générations futures du fléau de la guerre et des crimes contre l’humanité, comme le génocide dans le monde, de réaffirmer la foi des pays membres envers les droits fondamentaux de l’homme dans le monde, de favoriser le progrès social et d’ instaurer de meilleures conditions de vie pour une liberté plus grande et plus sécurisée pour tous.

La Journée des Nations Unies est aujourd’hui célébrée dans les 192 États membres des Nations Unies. Le drapeau des Nations Unies est arboré symboliquement dans les lieux publics. En cette journée, des rencontres et des débats sérieux sont organisés sur la place publique traitant de questions sur lesquelles travaillent les Nations Unies. Des propositions y sont également formulées quant à la façon de résoudre les problèmes mondiaux par la coopération internationale. La Journée des Nations Unies donne la possibilité aux groupes et aux particuliers de mieux connaître les activités et les réalisations des Nations Unies et de relever les défis auxquels tous les pays sont confrontés au 21e siècle.

Dans le documentaire, le chef de l'Etat Paul Kagame est accusé d'être le commanditaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana (source : Rfi)

Dans le documentaire, le chef de l’Etat Paul Kagame est accusé d’être le commanditaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana (source : Rfi)

Au Rwanda : En 1994, le pays a connu “le génocide”, crime contre l’humanité. Lors de la 20ème commémoration du génocide, le Secrétaire Général de l’Onu, Ban Ki-Moon, présent à l’événement, a reconnu la faiblesse de la communauté internationale qui a « assisté » de loin à ce qui se passait. « Nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus… »
Le 1er octobre, la BBC diffuse Rwanda’s untold story, « L’histoire du Rwanda jamais contée ». Un documentaire à charge contre le président rwandais Paul Kagame, l’accusant de crimes de guerre pendant le génocide, de massacres au Congo, d’assassinats politiques et d’être responsable de l’attaque contre l’avion du président Habyarimana. Dans ce film, Marie, jeune femme belgo-rwandaise hutu témoigne des atrocités commis par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) contre des réfugiés rwandais hutus qui étaient en République Démocratique du Congo entre 1996-1998. Très triste, en larmes, Marie condamne la communauté internationale qui n’a joué aucun rôle pour empêcher les crimes contre les hutus : « C’était l’apocalypse. C’était la fin du monde. Un jour je me suis demandée : si la Communauté Internationale existe, pourquoi sommes-nous en train de mourir comme ça sans aucune aide ? … il fallait tuer le plus grand nombre possible de réfugiés hutus …et on les tuait parce qu’ils étaient nombreux. » Aujourd’hui, le film documentaire a fait polémique ; des manifestations ont été organisées au Rwanda contre la BBC et le parlement rwandais demande la suspension de la diffusion des émissions de la BBC au Rwanda. Finalement, ce 24 Octobre, l’Agence Rwandaise de Régulation, RURA décide de suspendre toute émission de la BBC en langue nationale.

En Centrafrique : L’Amnesty international dénonce des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les deux parties en conflit.

Laurent Gbagbo (source : apricainfo.com)

Laurent Gbagbo (source : apricainfo.com)

En Côte d’Ivoire : La crise de 2010-2011 a commencé quand le président Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle de 2010 face à l’actuel chef d’Etat, Alassane Ouattara.
Dans son mandat d’arrêt, la CPI estime qu’il est raisonnable de croire que cet ancien fer de lance des violentes manifestations antifrançaises en 2003 et 2004 recevait des instructions de la part de Laurent Gbagbo, qui comparaît également devant les juges de la CPI, dans le cadre d’un “plan commun”, pensé par M. Gbagbo et son entourage. Il donnait des instructions directement aux jeunes qui étaient systématiquement recrutés, armés, formés et intégrés à la chaîne de commandement des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS) et Il a été surnommé “général de la rue” ou encore “ministre de la rue” pour sa capacité de mobilisation.
La Cour a également émis un mandat d’arrêt contre son épouse Simone, mais Abidjan refuse de la transférer à La Haye, avec pour motif que la justice ivoirienne est désormais en capacité d’assurer équitablement son procès. Inculpée le 18 août 2011 pour atteinte à la défense nationale, attentat ou complot contre l’autorité de l’État, constitution de bandes armées, direction ou participation à un mouvement insurrectionnel, trouble à l’ordre public ou encore rébellion, elle a vu, en février 2012, les charges retenues contre elles s’étendre à des “faits de génocides”.
Plus de 90 pro-Gbagbo sont jugés à partir du 22 octobre. Ils sont poursuivis pour leur rôle dans la crise postélectorale de 2010-2011. Outre Simone Gbagbo, l’ex-première dame et plusieurs personnalités de haut rang sont concernées. Qui sont-ils et que leur reproche la justice ivoirienne ? Si certains devront un jour répondre des chefs de génocide ou de crimes économiques, le procès qui a démarré ne concernera que l’accusation d'”atteinte à la sûreté de l’État”.

Uhuru Kenyatta (source : telegraph.co.uk)

Uhuru Kenyatta (source : telegraph.co.uk)

Au Kenya: Le président kényan Uhuru Kenyatta a comparu devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, le 8 Octobre, où l’un de ses avocats a demandé l’abandon des poursuites pour crimes contre l’humanité à son encontre. “Ce n’est pas le moment d’affaiblir un pays et une région en renvoyant un président en justice” Le monde livre une terrible bataille contre des terroristes insurgés radicaux dont l’intention est de détruire notre mode de vie. La Corne de l’Afrique et l’Afrique de l’Est sont un théâtre crucial de cette même guerre.
Il y a un an, réunis en sommet extraordinaire à Addis-Abeba, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine avaient pareillement demandé le report du procès en s’inquiétant de voir la CPI pratiquer la règle du “deux poids, deux mesures” en concentrant ses procédures sur l’Afrique tout en ignorant les crimes commis dans d’autres régions du monde.
Elu à la présidence du Kenya en mars 2013, Uhuru Kenyatta est accusé d’avoir co-orchestré les violences à caractère ethnique qui ont fait 1.200 morts après l’élection présidentielle de décembre 2007, remportée par Mwai Kibaki.
Le crime contre l’humanité est sans doute le procès du siècle aujourd’hui, le genre d’événement qui tient tout un peuple en haleine. C’est pourquoi le monde aujourd’hui doit s’ unir contre les crimes contre l’humanité partout dans le monde : au Rwanda, au Congo, en République Centrafrique, en Côte d’Ivoire, au Soudan et contre la menace que font peser les groupes armés contre l’Afrique de l’Est, à commencer par les miliciens islamistes somaliens AL-Chabaab qui ont tué 67 personnes dans un centre commercial de Nairobi en septembre dernier.

Onze ans après sa création, la CPI n’a prononcé que deux condamnations contre deux ex-chefs de guerre de la République démocratique du Congo, Thomas Lubanga et Germain Katanga. D’autres procédures sont en cours, notamment contre Jean-Pierre Bemba du Congo Kinshasa et le président Soudanais Omar Hassan al Bachir et l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, en attente de son procès. Des enquêtes sont ouvertes sur la situation au Mali ou bien encore en Centrafrique.
Le bureau du procureur effectue parallèlement des examens préliminaires dans un certain nombre de pays dont l’Afghanistan, la Géorgie, la Colombie, le Honduras et la Corée du Sud. Mais ils n’ont pas encore débouché sur des affaires.

Germain Katanga (afriqueredaction.com) et Thomas Lubanga (afriqinter.com)

Germain Katanga (afriqueredaction.com) et Thomas Lubanga (afriqinter.com)