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TUNISIE. Les plaies de la liberté de la presse ravivées par le président Kaïs Saïed

L’expulsion des journalistes d’Al Jazeera Tunis, le 26 juillet 2021, a soulevé de multiples questions en Tunisie après la prise des pleins pouvoirs du président Kaïs Saïed. Un mois après ces évènements, les acteurs de la société civile s’inquiètent pour la liberté de la presse.

 

  •  Par Luna Laferiere

Dimanche 25 juillet 2021. En direct à la télévision tunisienne, Kaïs Saïed, président de la République de Tunisie, annonce qu’il prend les pleins pouvoirs. Il fait usage de l’article 80 de la Constitution, suspend les activités du Parlement pendant 30 jours puis “jusqu’à nouvel ordre” et présente la démission de son Premier ministre et ministre de l’Intérieur par intérim Hichem Mechichi.

Les jours suivants ont inquiété les acteurs et protecteurs de la liberté de la presse. Le lendemain, lundi 26 juillet, les forces de police tunisienne expulsent tous les journalistes des bureaux d’Al Jazeera à Tunis. Sans mandat, les forces de l’ordre ont évacué les locaux et confisqué les clés. Une quinzaine de journalistes se réfugient dans les locaux de la SNJT (Syndicat National de Journalistes Tunisiens). Ils travaillent et retransmettent avec les ordinateurs qu’ils possèdent. Kaïs Saïed n’a pas commenté cette atteinte envers la liberté de la presse dont l’ordre provenait directement du palais présidentiel. Cet abus de pouvoir aurait pu être le début d’une longue liste d’atteintes à la liberté de la presse. Il s’avère pourtant qu’Al Jazeera est le seul média privé à avoir subi un tel traitement. « Bien sûr que la fermeture d’Al Jazeera est une atteinte à la liberté de la presse, souligne Kamel Labidi, journaliste tunisien, ancien directeur d’Amnesty International et l’ancien président de l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC) dissous en 2012. “Si on replace cet évènement dans son contexte, Al Jazeera est un cas particulier. Car, il est un outil entre les mains des Qataris. Les Qataris comme la Turquie, soutiennent le parti Ennahdha et veulent voir l’islam politique gagner le pouvoir. » Sa fermeture, dont l’origine reste encore floue, résulterait de nombreux désaccords politiques entre Kaïs Saïed et les partis islamistes. 

Deux jours plus tard, mercredi 28 juillet. Kaïs Saïed limoge le président de la chaîne Nationale Wataniya après que le vice-président de la LTDH (Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme) Bassem Trifide et la vice-présidente du SNJT (Syndicat National des journalistes tunisiens), Amira Mohamed sont interdits d’accès au bâtiment de la chaîne par un agent de sécurité pendant 30 minutes. L’émission à laquelle devaient participer Bassem Trifide et Amira Mohamed a commencé avec une heure de retard. Une enquête a été ouverte à la suite de cet incident, aujourd’hui impossible d’affirmer de qui provenait réellement l’ordre. Pour Bassem Trifide, il a été donné à l’agent de sécurité par l’armée. Selon le président de la SNJT, le limogeage du président de la chaîne était déjà en préparation. Cet événement ne l’aurait que poussé vers la sortie.


Kaïs Saïed a fait l’usage de l’article 80 au  prétexte d’un péril imminent. De nombreuses manifestations, rassemblant plusieurs milliers de personne, se sont déroulées dans le pays notamment à Tunis, Gafsa, Sousse et Monastir pour dénoncer les conditions socio-économiques, et sanitaires déplorables. La crise sanitaire bat son plein en Tunisie. Au mois de juillet, les hôpitaux étaient saturés dans le pays. Le taux de mortalité lié au virus est le plus élevé du continent africain. La Tunisie enregistre toujours une moyenne de 150 à 200 morts du Covid-19 par jour. Un pays aussi à bout de souffle sur le plan économique et financier : l’endettement public a dépassé les 100 % du PIB, le pouvoir d’achat des tunisiens baisse depuis 10 ans. Une crise aussi politique : depuis des mois, le président de la République était en conflit politique ouvert avec le Premier ministre Hichem Mechichi.

La démission d’Hichem Mechichi et le gel du Parlement avait pour but de faire reculer la mainmise des islamistes modérés afin que le président reprenne les rênes du pays. Kaïs Saïed est confiant quant à la légalité de ses actions au point où il repousse “jusqu’à nouvel ordre” la suspension du Parlement. Aucune institution ne peut condamner sa décision. À part la Cour Constitutionnelle, instaurée dans la Constitution de 2014, qui n’a pas encore été formée. Populaire, le président jouit d’une confiance de la majorité du peuple tunisien même s’ils gardent toujours un œil sur ses faits et gestes. Désespérément à la recherche de stabilité et de liberté, la population de la seule démocratie émergée du printemps arabe se méfie : « Bien sûr qu’il y a un risque. C’est à la société civile de la Tunisie de redoubler de vigilance », estime Kamel Labidi.


Une liberté de la presse défaillante qui persiste

Le président tient à rassurer ses alliés et les journalistes : « « Croit-on qu’à 67 ans je vais me lancer dans une carrière de dictateur ? » me lance le président, citant Charles de Gaulle [lors d’une conférence de presse en 1958]. « Il n’y a aucune raison de craindre une atteinte à la liberté d’expression, affirme le président, aujourd’hui âgé de 63 ans, pas plus qu’il ne faut s’inquiéter pour le droit de manifester », écrit Vivain Yee, correspondante pour le New York Times , dans son article Tunisia’s President Holds Forth on Freedoms After Seizing Power [Le président tunisien défend les libertés après avoir pris le pouvoir]. Mardi 27 juillet, deux jours après la prise des pleins pouvoirs de Kaïs Saïed, la journaliste Vivian Yee et son équipe ont été brièvement arrêtés, interrogés pendant deux heures puis relâchés après les demandes de la SNJT. Plus tard, le président Kaïs Saïed l’a convoqué à une conférence où le chef d’Etat lui aurait donné « une drôle de leçon de démocratie », titrait le Courrier International. 

L’état de la liberté d’expression n’est pas pour autant en alerte rouge selon Sarra Grira, journaliste pour Orient XXI : « Le président a fait appel à l’article 80, le 25 juillet au soir. Dès le 26 juillet au matin, les débats médiatiques, comme les tribunes dans les journaux, portaient sur : « Est-ce un coup d’État ? ». Les journalistes qui ont qualifié cela d’un coup d’Etat n’ont jamais eu de problème. Même les représentants du parti Ennahdha ont eu des prises de paroles. On n’est pas dans un paysage homogène où il n’y a que la version officielle par le président qui est diffusée. »

Alors, comment expliquer de tels incidents et les défaillances de la liberté de la presse en Tunisie ?

Pour Sarra Grira, ces atteintes à la liberté d’expression sont des pratiques ancrées qui ne sont pas entièrement démantelées après la chute de Ben Ali. « Je rentre régulièrement en Tunisie. À chaque fois, à l’arrivée comme au départ, on me pose la question : où est-ce que je travaille en France et dans quel média ? Ils n’ont pas le droit de me poser cette question, ils le font quand même. Plus d’une fois je leur demande « pourquoi vous me posez ces questions ? » et ils me répondent que c’est juste par curiosité ou qu’il s’agit d’une vieille habitude. Pourtant, les jeunes ne posent pas ces questions. Ce sont surtout les agents sous Ben Ali qui ne se défont pas de leurs habitudes. »

Des piliers à refonder

D’après les journalistes contactés, il « est donc nécessaire » de réformer la législation tunisienne pour mettre fin à ses abus et protéger les journalistes. Depuis 2014, aucune avancée significative n’a été faite par le Parlement. La liberté de la presse est menacée non plus seulement par les vestiges d’un régime autoritaire, mais également par l’introduction de lois liberticides. En réaction à une série d’attaques armées et d’attentats en 2015, la Tunisie a déclaré l’état d’urgence. Cette mesure permet régulièrement des arrestations arbitraires, des détentions, l’usage de la violence par la police, ainsi que l’utilisation du code pénal pour accuser les journalistes et les blogueurs de diffamation. Aucune harmonisation entre la Constitution et le code pénal n’a été engagée. Certaines lois relatives à la sécurité criminalisent la liberté d’expression. Comme l’article 128 du code pénal, qui prévoit jusqu’à deux ans de prison le fait d’imputer aux fonctionnaires publics des faits illégaux en rapport avec leurs fonctions, ou encore l’article 86 du code des télécommunications datant du règne de Ben Ali, qui prévoit un à deux ans de prison pour quiconque « nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ».

Le pays enregistre ces dernières années de nombreux témoignages d’harcèlements, d’agressions et de violences policières envers les journalistes. Pour le président de la SNJT, Mohammed Jelassi : « Dans tous les gouvernements de transition, nous avons observé des abus des forces de l’ordre et des violences policières. » D’après RSF, au moins 29 reporters, dont 15 femmes journalistes, ont été agressés le 27 février 2021 lors d’une manifestation organisée par Ennahdha. Trois d’entre elles ont rapporté avoir été victimes de violences sexuelles. Des abus ont été notamment observés ce mois de juin et lors des dernières manifestations de juillet. Certains journalistes ont reçu des coups et leurs appareils photos ont été détruits pendant que les manifestants dont certains membres du parti Ennahdha se tenaient devant les portes du Parlement pour réclamer la reprise des activités des parlementaires.

« Les gouvernements successifs depuis 2011 ont tout fait pour que les Tunisiens ne croient plus au processus démocratique », dénonce Kamel Labidi. Plus récemment, un projet de loi gouvernemental relatif à la communication 2020 venait soutirer une des prérogatives de la HAICA s’il était voté. Un amendement relatif au décret-loi 116 du 2 novembre 2011 propose de supprimer l’octroi de licences par la HAICA pour la création des chaînes de télévision. Pour créer un média il suffirait désormais d’une simple déclaration à la HAICA. Cet amendement irait à l’encontre des principes de régulation des médias énoncés dans la Constitution de 2014. Le SNJT et la Fédération générale des médias (FGM) ont vivement critiqué ce projet de loi. Hichem Mechichi l’a donc retiré en octobre 2020 au moment où les parlementaires allaient examiner ledit amendement. Durant son mandat, il s’était engagé à le renvoyer à l’Assemblée après sa révision. Ses interférences « [ouvrent] la voie à un projet de loi sur mesure pour les partis politiques et les lobbies ainsi qu’à leurs chaînes illégales », avait déclaré le député Attayar Chaouachi.

En parallèle, les conflits d’intérêts préexistent dans la gouvernance des médias. Des hommes politiques sont à la tête de certains journaux pour appuyer leur influence. Les projets de loi pour l’indépendance des médias dorment dans les casiers, ne sont pas votés ou repoussés pour surfer sur un flou et un vide juridique. Six télévisions sur les dix analysées par RSF ont été fondées ou sont détenues par des personnalités politiques alors que la HAICA interdit le cumul entre responsabilité politique et propriété d’un média audiovisuel. « Nebil Karoui, le fondateur de Nessma TV a des responsabilités au sein de Nidaa Tounes », “Oussama Ben Salem [fils de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Moncef Ben Salem lui-même ancien membre du parti Ennahdha], fondateur de Zitouna TV [chaîne conservatrice qui se décrit comme « une chaîne qui s’attache à l’identité tunisienne arabo-musulmane »] et de Zitouna Hidaya, est cadre au sein du parti Ennahdha . » Certaines chaines enfreignent leur interdiction de diffuser. L’instance de régulation des médias la HAICA a rapporté que Nessmatv, ZitounaTv et la radio Quran diffusaient leurs programmes sans licence. Elles sont considérées depuis des années comme des chaînes pirates. Sous les observations de la HAICA, leurs matériels ont déjà été saisis par exemple. En vain. Depuis février 2020,  leurs cas ont été transmis à l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC).

La HAICA ne peut pas appliquer la loi sans passer par un pouvoir exécutif comme l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE) ou le gouvernement. Ces décisions prennent donc effet uniquement avec leur aval. « Jusqu’à maintenant ce Parlement, le précédent ainsi que tous les gouvernements ont refusé de voter les projets de loi en faveur de la liberté de la presse. Les propriétaires ne veulent pas que les médias prennent leur indépendance pour qu’ils restent sous leur influence », déplore le président du syndicat des journalistes tunisiens Mohammed Jelassi. Kamel Labidi, ancien président de l’INRIC (Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication) estime que sans réforme approfondie du paysage médiatique « la démocratie ne peut s’enraciner ». 

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Didier Decoin, nouveau président de l’Académie Goncourt – Réactions exclusives de Tahar Ben Jelloun et Philippe Claudel

Lors de leur réunion mensuelle qui se tient chaque mois au restaurant Drouant à Paris, comme le veut la tradition depuis 1914, les membres de l’académie Goncourt ont élu, presque à l’unanimité, le lundi 20 janvier 2020, Didier Decoin comme nouveau président de l’Académie.

Succédant à Bernard Pivot, Didier Decoin nous a livré ses sentiments en exclusivité, juste avant de tenir une conférence de presse qui a eu lieu à la Bibliothèque, l’un des salons chics du restaurant Drouant, établissement centenaire.

Le nouveau président du Goncourt Didier Decoin nous raconte son élection 

«C’est le plaisir d’avoir été reconnu comme un bon compagnon! C’est essentiellement ça. Ce n’est même pas une question d’autorité. J’ai présenté un projet axé, surtout, sur l’humain et les relations internationales. Il ya des grandes questions, notamment, les questions internationales, que je traiterais avec beaucoup d’attention. Je me suis présenté, après le retrait de mon ami Bernard Pivot et ça a bien marché ; je suis heureux du résultat, et le fait que je sois nommé à la tête de cette institution, c’est comme réaliser un rêve d’enfant» nous confie-t-il.

Il ajoute: «Ma collègue Françoise Chandernargor a présenté aussi un projet tout à fait recevable, basé sur les questions juridiques et administratives, qui est également important pour notre institution…»

Tahar Ben Jelloun et Philippe Claudet ont répondu à nos questions

En marge de cette rencontre, nous avons rencontré l’écrivain Tahar Ben Jelloun, lui aussi membre du jury du Goncourt. Il nous a fait quelques confidences sur le nouveau président.

«C’est un type très paisible et apaisant. Didier mérite d’être à la tête de cette mythique Académie! C’est le plus ancien parmi nous! Cela fait 25 ans qu’il est là! Il va apporter beaucoup de choses à l’institution, j’en suis persuadé!»

Quant à Philippe Claudel qui est resté dans le salon Goncourt, sirotant son Armagnac après un excellent repas, n’est pas uniquement le plus jeune représentant de cette vieille institution, c’est aussi le plus gentil et le plus avenant. 

Il se confie à l’Œil de la Maison des journalistes.

«On avait un choix difficile à faire ! Ils sont là depuis plus de vingt ans. Il faut savoir que Françoise et Didier sont les plus anciens membres de l’Académie Goncourt. Le choix a été porté sur Didier, parce qu’on voulait que l’académie soit présidé d’une façon humaniste et cordiale.

Et en même temps, l’autre candidate, qui est Françoise et qui ne démérite pas, a proposé quelque chose de différent et intéressant! Mais il ne faut tout de même pas prendre ça comme des élections politiques ou présidentielles (rires)! Françoise a présenté quelque chose, comment dirais-je, axé sur l’aspect, pas financier, mais administrative et juridique. Didier incarne, les valeurs de cette académie.»

«Ce que je veux dire aussi de primordial, c’est que l’académie Goncourt est plus forte que nous tous! Nous on passe et l’académie reste. Françoise, Bernard, Virginie, Didier ou moi, on passe. Cela fait plus d’un siècle qu’elle existe! On est juste là pour la servir et non pas pour se servir d’elle!» conclut l’auteur de L’archipel du Chien.

Qui remplacera Virginie Despentes et Bernard Pivot au jury du Goncourt? 

Tahar Ben Jelloun, le lauréat du prix Goncourt “La Nuit sacrée” de 1987 avoue: «On cherche encore! On n’en trouve pas! Vous savez; c’est difficile de trouver des gens qui vont travailler tout le temps. Il faut trouver le temps pour lire et écrire! Et ce n’est pas une mince affaire!»

À notre question s’il y avait des noms qui se profilaient à l’horizon ? «Pour l’instant je n’ai pas de noms à vous avancer. On le saura le 11 février 2020 lors de notre prochaine réunion qui se tiendra ici chez Drouant.»

Certaines rumeurs dont nous ne pouvons prouver le fondement murmure les noms de Yann moix et Daniel Pennac pour remplacer Bernard Pivot et Virginie Despentes !

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Guinée : Un enfant de 10 ans tué lors d’une manifestation, le pays continue de s’embraser

La Guinée brûle, Alpha Condé s’en moque. Décidément, le chef d’État guinéen n’a pas fini d’humilier son peuple! Rien d’autre ne le préoccupe plus que de bâtir son empire avec le sang des innocents. Les manifestations appelées « résistance citoyenne, active et permanente » par le FNDC (Front National pour la défense de la Constitution), partis politiques pour contrer le président Alpha Condé, s’apprête à renoncer à son projet de doter la Guinée d’une nouvelle constitution.

Ajoutons à cela le mouvement de grève du SLECG -Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée- qui continue de faire des victimes et des dégâts matériels importants en Guinée.

Le 29 janvier 2020, la Guinée se réveille avec la vidéo de cette femme trainée par les forces de police pour avoir manifester. 

Avant d’aboutir à cette violence, un processus s’est mis en place en Guinée Conakry. La volonté du président de changer la constitution pour se rpésenter à déclenché la colère du pays et des mouvements de grève. Retour sur le début de ces manifestations. 

Un premier jour de révolte dramatique

La journée du lundi 13 janvier fut le début de la résistance active de la population guinéenne. Bilan : deux morts par balle selon des sources hospitalières.

Le premier s’appellait Thierno Mamadou Sow, jeune lycéen abattu à Conakry dans le quartier Cosa, les proches de la victime pointent du doigt accusateur les forces de sécurité. 

La seconde victime, Alhassane Diallo, un adolescent âgé de 15 ans apprenti carreleur, est la première victime de la manifestation à Labé. Sa mort s’est passée dans des circonstances non élucidées.

Selon  des sources bien informées, Labé a connu une révolte qui a touché les administrations : le bureau du procureur et la salle d’audience du tribunal de première instance de la ville de Labé ont brulé, idem pour le fief de l’opposition ; il y a aussi les véhicules garés dans l’enceinte de la brigade de proximité du quartier de Daka.

La même source indique que les forces de l’ordre étant pris de court, des militaires sont venus en renfort du camp Elhadj Oumar Tall.

Le second jour de révolte en Guinée : suite de la répression

Selon une source hospitalière, les affrontements entre jeunes partisans du FNDC et les forces de défense et de sécurité qui secouent la ville de Labé depuis le 13 janvier ont fait une nouvelle victime.

Souleymane Diallo, âgé d’une vingtaine d’années. Il aurait  succombé dans la salle de réanimation de l’hôpital régional de Labé où il avait été admis après avoir reçu une balle dans la tête.

L’annonce de ce nouveau décès continue à embraser les esprits : cela porte désormais à trois morts et plusieurs blessés ainsi que d’importants dégâts matériels.

A Conakry, l’horeur est à son paroxisme. C’est un enfant de moins de 10 ans qui a été touché dans le quartier Sonfonia, lui aussi touché par une balle dans la tête. Cette affaire amplifie les enjeux de communication : un enfant de 10 ans a été tué par balle lors d’une manifestation!

Dans une vidéo devenue virale sur la toile, on voit un individu à terre, se vider de son sang.

Le lendemain, un habitant de Sonfonia se présentant comme le grand-père et homonyme de l’enfant, a tout simplement nié les premières versions sur les circonstances de la mort du petit Fofana. Il affirme que l’enfant n’a pas été touché par les balles de la police mais par un explosif qu’il aurait ramassé dans une poubelle…

Cette version, contestée par l’opinion publique, laisse sans voix.

Ailleurs, on brûle les symboles de l’Etat

A Lélouma, une préfecture de la région administrative de Labé, le préfet est en fuite car sa résidence a été saccagée et des véhicules de commandement ont été brûlés.

A Pita, les locaux de la gendarmerie et de la police ont été incendiés. La tension est très vive dans cette ville située à 260 kilomètres de la capitale. Des forces de sécurité en renfort sont déployées dans toute la ville. Après trois jours de désobéissance civile, soldée par quatre morts, plusieurs blessés, des dégâts matériels importants et des arrestations à Conakry ainsi que dans plusieurs villes de la Guinée.

Le FNDC a décidé de suspendre les manifestations ce mercredi 15 janvier pour enterrer les victimes et permettre aux guinéens de se réapprovisionner en nourriture en vue des actions intenses qui vont suivre.

Les manifestations ont repris le 21 Janvier 2020 sur l’ensemble du territoire national selon le communiqué du Front National pour la défense de la constitution.

Suite à l’emprisonnement des enseignants grévistes et de certains syndicalistes, l’USTG  solidaire du SLECG annonce une grève générale et illimitée dès le mardi 21 janvier.

Pendant ce temps, le président Alpha Condé prend un décret d’ouverture de la campagne électorale  pour les élections législatives (le Président de la République) Alpha Condé a décrèté l’ouverture de la campagne électorale en Guinée pour les législatives le 16 Janvier 2020 à minuit et ferme le 14 février 2020 à minuit. Cette attitude du chef de l’Etat risque de mettre le feu aux poudres.

La France réagit à la situation en Guinée Conakry

Sur le plan international, la France a réagi, par la voix de son Ministre des affaires étrangères à l’Assemblée Nationale française, appelant toutes les parties à l’apaisement.

«L’engagement du président Alpha Condé à demander une réforme de la Constitution, ne nous paraît pas être obligatoirement partagée ni par sa population, ni par ses voisins», a déclaré Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française. Jusque-là, la France avait opté pour la discrétion sur ce dossier.

Cet appel à l’apaisement, le ministre l’exprime dans un cadre bien précis: il ne s’agit pas d’une «déclaration», mais d’une prise de position prononcée en réponse à une question posée par la Commission des Affaires étrangères, minimise ainsi un député.

Mais sur le fond, le souci de respecter la Constitution a été soulevé à plusieurs reprises. Depuis plusieurs mois, Paris discuterait en coulisses de façon directe, en envoyant des messages de retenus au Président Alpha Condé, indique un parlementaire français.

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Guinée : en grève, le pays refuse une nouvelle constitution

La Guinée est encore à la croisée des chemins pour cette année 2020. Une année de mouvements convulsifs pour nombre de guinéens fortement éprouvés par une crise politique, attisée par le projet d’une nouvelle constitution.

La création du FNDC (front national pour la défense de la constitution sous l’initiative de la société civile répond à cette préoccupation. Un mouvement qui rassemble autour de lui des leaders de l’opposition, syndicat, artiste et société civile, lancé le 03 Avril 2019 en Guinée.

Les hostilités commencent le 14 octobre 2019, date de la première mobilisation contre toute idée de changement constitutionnel ou de troisième mandat du président Alpha Condé.

La crise s’enlise, le FNDC multiplie les manifestions. A la veille de la manifestation du 14 octobre, Abdourahamane Sanoh et plusieurs de ses collègues sont arrêtés, jugés et condamnés plus d’un mois à la maison centrale suite a des pressions internationales et l’implication des corps diplomatiques accrédité en Guinée.

Sanoh et Sué sont libérés le 29 novembre 2019 suite à un non lieu prononcé par la cours d’appel de Conakry.

Parallèlement la CODENOC (coalition démocratique pour la nouvelle constitution) se positionne pour une nouvelle constitution et porte des graves accusations contre les opposants au projet de référendum constitutionnel.

La CODENOC déclare: ’’Au moment où nous célébrons la nouvelle année, contre toute attente, l’opposition dite républicaine réunie au sein du FNDC vient encore une fois de faire preuve d’extrémisme en omettant son droit élémentaire qui est celui de participer ou non à des élections, tout en déclarant publiquement sa volonté d’empêcher la tenue des élections législatives prochaines appelant à des actions d’incivisme et même de «djihad », entendez «appel à la guerre sainte». Cela se confirme par l’introduction frauduleuse d’armes et de munitions saisies au niveau de nos frontières sur des groupes de personnes mal intentionnées et déterminées dans leur déclaration à instaurer une situation de guérilla et de «djihad» dans notre pays’’.

Le F.N.D.C privilégiant les manifestations, a une nouvelle fois battu le pavé ce lundi 6 janvier 2020. A Conakry, c’est une marée rouge qui a inondée les rues de la capitale.

L’acte 7 dénommé «Marche ultimatu» par les organisateurs, s’est déroulé pacifiquement à Conakry et à l’intérieur de la Guinée. Il reste à savoir si le Président de la république fléchira à son projet de nouvelle constitution ou d’un troisième mandat.

Les jours à venir semblent préoccupant entre pouvoir, oppositions et FNDC qui projettent des marches continues à partir du 13 janvier. A Labé, la marche s’est déroulée sans incident. Pendant ce temps, le Président Alpha Condé a été accueilli à Kindia en grande pompe avec des pancartes ou l’on pouvait lire : “Oui à la nouvelle constitution !”.

Selon le site guinews.org, la ville de Kankan été sous tension ce lundi 6 janvier suite à des attaques attribuées à une bande jeunes gens, proches du parti au pouvoir, qui ont visé des opposants. Le siège de l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg), principal parti d’opposition, ainsi que de nombreux commerces ont fait les frais de la fureur de la bande, qui agirait en toute impunité.

Le syndicat libre des enseignants et chercheurs de guinée (SLECG) annonce une gréve a partir de 9 Janvier 2020. un préavis de gréve serait déposé le 6 Janvier, Aboubacar soumah secrétaire général du SLECG soutient que « si rien n’est fait, nous irons en gréve le 9 janvier». Il rappel qu’auprès du gouvernement le syndicat a déposé une correspondance dans laquelle il a «rejeté purement et simplement» le rapport général de l’assainissement du fichier de l’éducation à la fonction publique.

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