République Démocratique du Congo : trois présidents, trois vampires et le “hasard”

Trois personnes : Joseph-Désiré Mobutu ; Laurent-Désiré Kabila, dit Mzee, et père putatif de Joseph Kabila. Trois vampires, parvenus au sommet de l’Etat “par hasard”. D’où, par ailleurs, les misères du Congo auquel on a attribué, en moins d’un demi-siècle, trois noms différents. Pour, à chaque fois, monter en épingle un faux changement. Et, du coup, faire durablement assoir des régimes dictatoriaux.

A propos de ce changement, en voici la chronologie : Congo-Kinshasa, 1960-1971 (pour faire la différence avec Congo-Brazzaville ; changement pour le moins justifié) ; Zaïre : 1971-1997 (affabulation sortie tout droit de l’esprit retors de Mobutu ; sans justification qui vaille) ; République démocratique du Congo (RD Congo) : 1997 à nos jours (supercherie de Laurent Kabila, pour occulter, dès ses son accession au pouvoir, son autocratie viscérale).

Voilà pour le décor. Reste l’histoire. Mais, une histoire dont un maillon important manque souvent sur sa chaîne ; il a pour nom : hasard. C’est le mal absolu pour le pays, puisqu’il constitue le moteur de l’ascension de ces trois hommes au pouvoir. Or, ce fait n’a jamais été suffisamment pris en compte sur la déroute de la politique congolaise.

Joseph-Désiré Mobutu : retenu sans casting

C’est Joseph-Désiré Mobutu qui ouvre le bal. Intelligent mais tête brûlée. Il est expulsé, après sa première année d’études, de l’école secondaire catholique de Coquilhatville, aujourd’hui, Mbandaka. En 1950, alors qu’il est âgé de 20 ans, il est enrôlé de force dans l’armée coloniale. C’était la règle, à l’époque, pour éviter la “divagation de la jeunesse dévoyée”.

La suite est connue. Un concours de circonstances veut qu’en 1960, Mobutu se trouve à Bruxelles, aux côtés de Lumumba, pour négocier les termes de l’indépendance du pays. Là, un hasard, encore une fois, fait croiser son chemin avec celui d’un certain Larry Delvin, agent de la CIA, chargé de recrutement. Le Congo est dans le collimateur des Etats-Unis, ces derniers étant empêtrés dans la “guerre froide”. Il leur faut un pion en Afrique centrale. Mobutu est retenu pour la besogne sans casting.

C’est son point de départ, qui favorisera sa réintégration à l’armée, où il sera nommé colonel et, de ce fait, deviendra chef de l’armée. Position qui lui permettra, en 1965, avec l’onction de l’Oncle Sam et de la Belgique, de fomenter un coup d’Etat. Il dirigera le pays, en vassal de l’Occident, jusqu’en 1997. Soit pendant trente-deux ans. A travers un règne dictatorial, scandé par un rare culte de la personnalité, à la limite de la déification.

Bilan : destruction, par pans entiers, des structures socio-économiques héritées de la colonisation belge. Le tout couvert par un fleuve de sang. Il n’y allait ni plus ni moins d’un véritable vampirisme : à la fois élimination d’opposants et dilapidation de deniers publics. Le règne du “léopard” (un de ses surnoms de gloire), par l’effet du matraquage de la propagande, fut des plus nocifs pour le mental du Congolais. Aujourd’hui, le peuple congolais est un peuple apathique. Qui laisse faire… Sinon, il n’aurait pas laissé Joseph Kabila faire allègrement main basse sur la démocratie dix-huit ans durant.

L’itinéraire de Mobutu est rectiligne. On ne voit nulle part où il s’est illustré dans le combat pour l’indépendance du pays, alors que telle fut la préoccupation majeure, à l’époque, de tous les “clercs” (lettrés). Sa rencontre avec Lumumba ou Delvin, à l’analyse, n’était que le fait du hasard dont la suite l’a hissé au sommet de l’Etat.

Laurent-Désiré Kabila : une vie de pacha

Vint le tour de Laurent-Désiré Kabila. Un “Katangais” pur jus. Sa date de naissance reste floue : 1939 ou 1941 ? Peu importe. L’homme est intelligeant. Il termine ses études secondaires à l’Institut Saint-Boniface, à Elisabethville, aujourd’hui, Lubumbashi.

Contrairement au chemin parcouru par Mobutu, dicté exclusivement par le hasard, il se forge un destin. En 1959, son talent oratoire l’aide à s’insinuer dans les milieux de la jeunesse politique, où il joue un rôle de leader. Ainsi du “Balubakat” (ancien grand parti politique du Nord-Katanga) ou du Mouvement national congolais (MNC) de Lumumba. Le nom de Kabila est cité en termes élogieux.

Après l’assassinat de Lumumba, en janvier 1961, et l’échec de la rébellion de Pierre Mulele, en 1965, à laquelle il participe activement, il se retire sur les plateaux du Sud-Kivu. Il y crée un maquis, avec une poignée d’hommes, dans la perspective de venir à bout du régime de Kinshasa. Il donne à cet endroit le nom paradisiaque de “Hewa Bora”, en kiswahili “l’air pur”. Au cours de la même année, le mythique sud-américain Che Guevara lui rend visite pour le booster, mais l’homme incline plus à la contrebande qu’à une lutte révolutionnaire.

Ainsi mène-t-il une vie de pacha, entre 1966 et 1997, à travers le trafic de l’ivoire et de l’or. Il élit domicile, à Dar es Salam, en Tanzanie. L’idéal politique, face à la toute-puissance du dollar, a lâché prise…

Pendant ce temps, Mobutu n’est plus en odeur de sainteté des Américains. Ces derniers décident de s’en débarrasser, en 1997, avec l’aide des armées rwandaise et ougandaise. L’opération devant revêtir un caractère national, le nom de Kabila émerge dans l’esprit des comploteurs. C’est ainsi qu’il y est associé, à travers l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), montée de toutes pièces pour la circonstance. Celle-ci marche, en mai 1997, sur la capitale congolaise, faisant du “trafiquant un calife” d’un de plus grands pays de l’Afrique.

Si sa gouvernance est kafkaïenne, sur le plan économique, Laurent Kabila est au moins clairement un vampire, qui porte beaucoup de sang sur les mains. A son actif macabre : le viol et le massacre des sœurs religieuses, à Wamba, en 1965, celui des Hutus rwandais, en 1997, ainsi que l’assassinat de ses compagnons d’armes, Kisase Ngandu et Masasu… Il est assassiné, en janvier 2001, dans des circonstances non élucidées.

N’eût été l’épisode de l’intervention américaine contre Mobutu, ce contrebandier affirmé ne serait jamais parvenu au pouvoir. Le hasard, encore une fois, a joué !

Joseph Kabila Kabange : Président “par défaut”

Enfin, Joseph Kabila Kabange. Il remplace immédiatement son putatif de père, sur décision prise à la hâte par l’armée. Encore en gestation, celle-ci pense que son passage au pouvoir sera rejeté par le peuple. Une façon aussi pour elle d’éloigner tout soupçon sur le meurtre du chef de l’Etat. Ainsi, la désignation du jeune Joseph présenta-t-elle un exutoire parfait, pour l’armée tétanisée. Il devint donc, “président par défaut”.

C’est le plus médiocre, par rapport à ses deux prédécesseurs. Car, il n’a ni la prestance de Mobutu ni la faconde de Laurent Kabila. Ni l’intelligence de l’un ou l’autre. C’est un vrai quidam ! Mais, un manœuvrier, dont l’aspect inoffensif, souligné par un visage poupin, cache un “monstre froid”. Les récents événements tragiques, à travers la marche des chrétiens, à Kinshasa, le démontrent à suffisance. Sa garde prétorienne a tiré sur la foule à balles réelles.  Massacre auquel il faut ajouter la découverte des fosses communes, un peu partout, sans compter plusieurs cas de disparitions et d’assassinats ciblés.

Son bilan socio-économique est tout autant médiocre. Marqué par la corruption, le clientélisme et le farniente, son règne a plongé le pays dans une misère indescriptible. Coiffée de son bonnet d’âne, la Rpublique Démocratique du Congo a occupé, en 2017, l’avant-dernière place au classement des pays les plus pauvres de la planète.

Ici, le hasard a brutalement imposé un “homme venu de nulle part” ! Un vampire !

Défauts de la cuirasse

Faut-il plus pour démontrer que c’est le “hasard”, coup sur coup, qui a présidé à l’arrivée au sommet de l’Etat de ces trois présidents successifs ? Et que c’est dans les plis de celui-ci que se cachaient et continuent de se cacher les défauts de la cuirasse, à la base du “mal congolais” ?

Pourtant, dans ses définitions, le mot hasard n’endosse pas que le sens négatif. Il laisse également entendre la survenance d’un événement heureux. Tel n’est pas le cas pour la RD Congo. Ce mot devra être pleinement compris, en fonction du résultat de la gestion du pays pendant un demi-siècle, dans son sens négatif : un “mauvais concours de circonstances”.

L’analyse montre que c’est ce “mauvais concours de circonstances” qui a porté à-bras-le corps Joseph-Désiré Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila Kabange au pouvoir. Or, “sur la route du hasard, il y a plus de chance de rencontrer un diable (muzimu) qu’un envoyé des dieux (musangu)”, proclame un proverbe de l’Afrique centrale. C’est tout dire.

Avec les yeux de la superstition, il y a même lieu de voir et de conclure qu’une “chaîne de malédiction” s’était formée pour charrier au pouvoir les personnes issues d’un même pedigree : celui des vampires. Trois personnes, curieusement, liées par les mêmes prénoms : “Désiré”, prénom porté à la fois par Mobutu et Kabila père, d’une part, et “Joseph”, prénom porté à la fois par Mobutu et Kabila fils, d’autre part. Curieuse homonymie !

EN SAVOIR PLUS SUR CE THÈME

RD CONGO : LA FEMME, LE SEXE ET LE PRÉSIDENT

Le titre est-il outré ? Rien de scandaleux quand on sait que la plupart des présidents au monde sont des « sex-symbols ». Quand on compare « L’Affaire Denise/Gisèle », les deux femmes du président Tshisekedi entrées en guerre, à d’autres aventures amoureuses que cachent des palais présidentiels, celle-ci n’a rien de plus piquant, en particulier. Ni rien de plus grave, en général.

Le scandale, qui a certainement couvé depuis longtemps auparavant, a éclaté mardi 21, accompagné par des scènes de violence spectaculaires. Depuis, il n’a cessé d’enfler en spéculation. Avec des commentaires à la pelle.

On parle souvent de la « sacralité » de la fonction de chef d’Etat. On n’y voit, souvent, que le haut échelon social auquel ce dernier est parvenu, alors qu’il s’y cache également un petit mystère. En fait, à ce stade de la situation, il semble que tous les chefs d’Etat deviennent beaux, forts, riches, etc. Mais ce qui est pour le moins étrange, ce que les intéressés eux-mêmes se considèrent comme tels.  Sujet d’exploration pour la psychologie.

Quand on se sent beau, fort et riche… et que toutes les femmes vous couvent d’un regard des plus attendrissants, le « sex-symbol » en soi se construit petit à petit, et la tripotée de scandales s’installe très vite. Est-ce le cas du président congolais ?

“Les deux femmes sont belles”

En cela, le cas d’Hitler, le dictateur allemand, est emblématique. Cet homme moustachu, en trois ans de pouvoir, avait reçu 12 000 lettres d’amour, provenant de femmes allemandes de toutes les conditions. Une lettre de l’une d’elles concluait : « Je ne peux plus aimer d’autres personnes plus que vous. Ecrivez-mois s’il vous plaît. » (Femmes de dictateur, édition Perrin 2011).

Pour en revenir au président congolais, sachez que Gisèle est la mère de ses deux enfants. Elle est belge à travers naturalisation, donc, congolaise par essence. A voir son visage sur photo, elle est belle. La Première dame, Denise, ne l’est pas moins. Donc, toutes les deux femmes sont belles. Y a-t-il une troisième et quatrième cachées ? Va savoir.

Quid ? On en est à une longue liste de questions, sans réponse. Dont celle principale : « Gisèle commençait-elle à avoir plus d’emprise sur le cœur du mari-polygame, au point d’effaroucher l’autre camp ? » En tout cas, le feu de la colère avec lequel Denise s’est fondu sur sa rivale reste inexplicable. Malmenée par la police en civil, accompagnée par ses deux enfants, Gisèle a été fort humiliée, avant d’être expulsée manu militari du pays. Motif : validité du passeport expirée.

Pour tout dire, on sent qu’il y a eu un sérieux télescopage entre les deux femmes, pour chercher à posséder le cœur de leur homme devenu « sex-symbol », par la force des choses. Et, à partir de là, bénéficier du « ruissellement » de la richesse qu’il engrange.

Sous l’ombre du baobab

Quant à notre constat, celui-ci est simple : une affaire privée, qui a pris à outrance le caractère public. Si la plupart des présidents sont des « sex-symbols » et que leurs aventures, par mégarde, ont atteint le degré à faire jaser, il faut avouer que « L’Affaire Denise/Gisèle » a eu le tort d’avoir donné en spectacle ce qui devait être réglé autrement. En douce, sur le mode de la palabre africaine, sous l’ombre réconciliatrice du baobab.  L’Afrique ne manque pas d’énergie langagière.

N’empêche. Les condamnations continuent de se multiplier. Les unes accusant la Première dame. D’autres pointant du doigt Gisèle. Une troisième catégorie fustigeant la « Maison civile » – chargée des affaires privées du président -, et surtout, le prince charmant en personne, en l’occurrence le président de la République. Qui a raison, qui a tort ?  Secret d’alcôve !

Pendant ce temps – et c’est là le drame -, les réseaux sociaux n’en démordent pas. Leur imagination sarcastique va jusqu’à vouloir embarquer faussement l’hebdomadaire « Jeune Afrique » dans cette « scène de ménage » burlesque, en vue de corser la sauce toxique, préparée malheureusement dans la propre cuisine du président.

Jean-Jules LEMA LANDU

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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MONTPELLIER. UN SOMMET FRANCE-AFRIQUE AVEC LES JEUNES. UNE PREMIÈRE.

L’information diffusée sur l’antenne de RFI mardi 14 septembre, au sujet de la tenue du sommet France-Afrique à Montpellier, le 9 octobre prochain, a laissé la plupart des Africains perplexes. Et pour cause. La rencontre ne mettra face au président français que les sociétés civiles, les jeunes. C’est une première. Exit donc les vieux présidents, frustrés !

L’idée a été discutée, en amont, entre l’Elysée et quelques élites intellectuelles africaines, dont le politologue et historien camerounais, Achille Mbembe. Celui-ci est également auteur de plusieurs ouvrages appelant au combat pour le développement du continent, tels « De la post-colonie » ou « Critique de la raison nègre », etc. Qui plus est, a accepté, dans le cadre du sommet de Montpellier, de piloter les dialogues France-Afrique : soixante-six ateliers dans 12 pays différents, quatre mois durant. Face aux jeunes.

Qu’à cela ne tienne, l’information paraissait avoir l’air de déjà-vu, à prendre en compte les opinions exprimées à travers les réseaux sociaux. De fait, les Africains pensent que tous les prédécesseurs du général de Gaulle ont eu chacun, en cette matière, leur propre antienne. Si celle-ci changeait de forme, son contenu ne variait pas d’un seul iota : « l’Afrique doit continuer de demeurer la chasse-gardée de la France », fredonnait-elle. Selon le vieux concept de « pré carré » médiéval.

Mais qu’en dit Benoît Verdeaux, fonctionnaire de l’Elysée et secrétaire général du Sommet de Montpellier, en contre-pied à cette conception quasi-générale des Africains ? Verdeaux est celui qui a accordé à Christophe Boisbouvier de RFI l’interview diffusée mardi, à l’origine de l’information qui fait question sur des réseaux sociaux. Surtout.

Volonté sans force

Visiblement fort en thème, Verdeaux s’est employé, en résumé, à démontrer que le temps était venu de mettre en valeur un autre type de relation entre la France et l’Afrique. « La vocation du sommet de Montpellier, c’est de réfléchir à réinventer et à redynamiser cette nouvelle relation », a-t-il souligné, tout en précisant que « les sommets de chefs d’Etat sont fondamentaux, très importants et utiles ».

C’est le grand plan dans lequel se côtoient les sujets habituels ayant trait au développement, à la démocratie, aux droits de l’Homme, etc. Mais, le sommet de Montpellier – une rencontre avec les jeunes -, ne manquera pas de jeter un coup d’œil sur les sujets additionnels d’actualité qui importent : les coups d’Etat successifs en Afrique de l’Ouest et l’avancée de la Russie en Afrique centrale et au Sahel.

Pour la France, la situation du Tchad est dérangeante. La position du chef d’Etat français est diversement appréciée, avec plus de condamnations. On pense généralement qu’il y a soutenu le coup d’Etat fomenté par le fils d’Idriss Déby, tué. Macron s’en expliquera, sans filtre, a prévenu le fonctionnaire de l’Elysée, Verdeaux.

Quid de ce sommet aux allures martiales ? N’assisterons-nous pas aux mêmes éléments de langage affectionnés par tous les successeurs du général de Gaulle ? Macron est-il « libre » d’engager cette « réforme » libératrice pour les pays africains ? Car, dans cette histoire de Françafrique – différente du concept classique France-Afrique -, se trouvent plusieurs centres d’intérêt, prêts à ne rien lâcher. Jean-Jacques Rousseau ne pensait-il pas, à juste titre, que « la volonté sans force est peine perdue » ?

Jean-Jules LEMA LANDU

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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LA RD CONGO ET LES MARCHANDS DE RÊVES

Parole d’or ? On ne se gratte pas l’occiput, pour en connaître le sens. Celui-ci coule de source : c’est une parole de sagesse (cependant, différente de celle que donne la Bible, pour les chrétiens) ; elle est éclatante comme si elle était faite d’or. Or, l’or a de la valeur, laquelle, une fois prêtée à la parole, celle-ci se transforme vite en « vérité » ; en « vertu » ; en « bien » …

Le contraire, heureusement, ne fait pas dans l’explication longue, comme c’est le cas de son antonyme, épinglé ci-haut. Tissé en périphrase. Non, non. Le contraire, en peu de mots, veut dire : mensonge. Tout simplement.

Ce mot, qu’il soit dit, écrit ou pensé en français, en lingala, en kiswahili ou en chinois, il est hideux. Nous, Congolais, en connaissons le sens profond que n’importe quel autre peuple au monde. Pour en être victime, des décennies durant. Le mensonge, en RD Congo, n’est pas le fait du peuple, c’est plutôt celui de ses dirigeants ringards. Ils en raffolent, à la vie, à la mort.

Tenez, depuis Mobutu, ils nous ont roulés dans la farine, jusqu’à nous faire rêver d’îlots aux frontières du Paradis. En pure fabulation. Voyons voir maintenant un mensonge, un seul, par individu :

Joseph Mobutu, qu’a-t-il dit ? Il fut plus mégalomane qu’un distributeur de rêves. Il créa plutôt une légende bien ficelée – et bien gobée par une bonne partie de Congolais -, selon laquelle il avait tué (à 17 ans) un léopard, à mains nues. Était-ce pour cela que sa toque en peau de léopard faisait-elle peur aux Congolais ? Du vrai machiavélisme à la congolaise ;

Laurent Kabila, un menteur invétéré. Dès sa prise du pouvoir en mai 1997, il dit au peuple congolais, enthousiasmé devant ce deus ex machina, qui a fait fuir le dictateur Mobutu : « Je vais vous construire une ‘autoroute’ de l’ouest à l’extrême sud-est.», au sud-ouest. Soit près de 2000 km, à travers forêts, montagnes et escarpés. Ahurissant ! Même les Belges ne l’ont pas fait. Ils ne pouvaient même pas imaginer un projet aussi loufoque ;

Joseph Kabila, le taiseux. Ah, malgré tout, il a touché à un lourd mensonge ! Il a promis la réalisation de « Cinq Chantiers », comprenant le développement intégral du Congolais. Il semble que l’homme était (il l’est encore ?) un chrétien protestant zélé. Et qu’il voulait faire de la RD Congo un pays de prière. En lieu et place, c’est du macabre, comme leg : fosses communes, corps surgelés dans la résidence d’un général à sa dévotion … dans une chapelle ardente animée par des cantiques diaboliques d’une classe politique médiocre ;

Enfin, Félix Antoine Tshisekedi, dit Fatshi-Béton,  ou celui qui commence à construire l’avenir de la RD Congo en béton. Pourtant, avec lui, c’est le bouquet.

En voici un fait plus que parlant : c’était tout récemment en Allemagne, devant la chancelière Angela Merkel : « Madame, je vais faire de la RD Congo, l’Allemagne d’Afrique », avait-il déclamé.  Comment un chef d’Etat Africain, par-dessus tout, quémandeur professionnel, sébile à la main, peut-il se gonfler à ce point… plus que la grenouille de La Fontaine ? Or, nous connaissons le triste sort de cette grenouille-là …

Mensonge, qui, en Allemagne, a fait remuer dans leurs tombes Goethe, Kant et Martin Luther. En RD Congo, pour la première fois, Lumumba (sans tombe, mais bienheureux au Ciel) s’en est vraiment offusqué, couvert de honte. Devant la multitude d’autres saints.

Mentez, mentez, chers présidents-marchands de rêves, il en restera toujours quelque chose. Puisque les souvenirs de mauvais rêves, surtout, ont la peau dure. Le peuple vous en tiendra éternellement rigueur.

Jean-Jules LEMA LANDU

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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RD CONGO. DE MOÏSE TSHOMBE À MOÏSE KATUMBI ?

Qu’on le veuille ou non, on est déjà en face du bégaiement de l’Histoire. Certes, à des nuances près. De Moïse Tshombe à Moïse Katumbi – 59 ans après -, il ne reste plus qu’un petit pas à sauter par ce dernier, pour se voir placé sur la ligne de départ de la présidentielle, en 2023. Et tenter ainsi d’accéder au pouvoir. Sera-ce, encore une fois, au mépris de la paix ?

La chose est dans le viseur de l’ex-gouverneur de la province du Katanga, Moise Katumbi. Y arrivera-t-il, compte tenu de l’obstacle majeur, publiquement dressé sur son chemin ? Il s’agit de la proposition de « loi Tshiani », qui préconise l’exercice des hautes fonctions du pays être uniquement le fait des sujets nés « de père et de mère » congolais. Or, Katumbi est de père grec.

Il faut avouer que cette attaque est foudroyante, en dépit de tout ce qu’elle peut avoir d’accent démocratique. Vient-elle, en sourdine, de la présidence de la République, le président Félix Tshisekedi s’étant déjà déclaré partant pour la course, et Katumbi étant son challenger potentiellement dangereux ?

Quoi qu’il soit, on a vite oublié que Katumbi a été le premier à s’opposer publiquement à la toute-puissance du précédent président Joseph Kabila. C’est un va-t’en guerre, un baroudeur et homme à ne pas se laisser marcher sur ses bisées, sans réactions, de sa part. S’il ne l’a pas toléré sous le régime de plomb de Kabila, le ferait-il sous celui de Tshisekedi, dont les bases de la dictature sont encore flottantes ?

La ligne rouge

Sa réponse, dans cet ordre d’idée, à la question lui posée dernièrement par l’hebdomadaire Jeune Afrique (n° 3104, septembre), révèle le degré de sa pugnacité :

— Jeune Afrique : Quitteriez-vous l’Union sacrée (la majorité parlementaire créée par Tshisekedi) si cette loi venait à être adoptée  

— Moïse Katumbi : Oui, il s’agit d’une ligne rouge. Si elle venait à être ne serait-ce que programmée pour être débattue au Parlement, nous quitterons la majorité.

Moïse Katumbi

Les dés sont-ils jetés ? C’est là une sorte de « Alea jacta est » de Jules César. Un défi direct qu’il lance au pouvoir en place (dont il fait partie). Mais au-delà de cette contradiction apparente, Katumbi n’a jamais été du même bord que Tshisekedi. Il ne pouvait en être autrement quand on sait qu’il nourrissait des ambitions présidentielles, depuis 2015, après avoir rompu brutalement avec Kabila.

Partant, il est peu de dire que les deux protagonistes évoluaient, depuis, dans une atmosphère de guerre larvée, faite d’hypocrisie, dont chacun prévoyait une fin du moins inamicale. Ils savaient tous deux que cette histoire de l’Union sacrée ne les servirait qu’un temps, pour masquer leur différence. Et, sans doute, les préparer avant de monter sur l’arène.

Et donc, c’est en termes de « guerre » qu’il faut analyser les propos de l’ancien gouverneur de province. « Quitter l’Union sacrée », pour Katumbi – et pour nous tous, par ailleurs -, ne signifie pas moins briser la majorité parlementaire actuelle et amener ainsi le chef de l’État à un autre mode de gouvernement pour se maintenir au pouvoir. Katumbi sait ce qu’il dit. Il sait qu’il suffit de provoquer une fissure sur cet assemblage – fait de bric et broc -, pour que l’édifice s’écroule de toute sa laideur politique. Tsisekedi le sais aussi pertinemment bien.

Voilà pour la riposte de l’ancien gouverneur du Katanga ! Ce n’est pas tout. Il garde encore une flèche supplémentaire dans son carquois : il est en capacité, à tout moment, de mener une rébellion sécessionniste du Katanga. On sait qu’ils s’y tassent des « cellules dormantes », disciples d’un « Katanga indépendant », qui n’attendent que la présence d’un leadership puissant et organisé. L’ex-gouverneur de province bouderait-il le plaisir, à travers une telle occasion, de faire pièce à son rival ?

Velléités de séparatisme 

En politique, point d’amitié. Sauf des intérêts, dit-on. Rien d’étonnant donc que les deux hommes, les « deux frères », en arrivent aujourd’hui à se regarder en chiens de faïence, aussi discrètement soit-il. Dans son célèbre ouvrage intitulé « Le savant et le politique », Max Weber affirme que « la politique est, par essence, conflit entre les nations, entre les partis, entre les individus ».

Que faut-il en penser, globalement ? À partir de ce point, le spectre des années soixante commence à reprendre chair : situation politique trouble ; acteurs sur scène ne sachant pas ce qu’ils y font ; tribalisme à outrance et velléité de séparatisme, à l’image de Moïse Tshombe, pour la province du Katanga ; Albert Kalonji, pour la province du Kasaï, et même, dans une faible mesure, de Kasavubu, pour la province du Bas-Congo.

De toutes les rébellions, la sécession du Katanga, emmenée par Moïse Tshombe et épaulée ouvertement par la Belgique, fut la plus dure. Elle fut, à partir de 1962, un projet des Congolais, sur la base des ambitions déçues, les Belges n’y ayant occupé que la place du troisième larron, pour piller. La preuve en fut administrée, lorsque sous l’égide de l’ONU, Tshombe accepta de bonne grâce le poste de Premier ministre (1964-1965), sous Mobutu.

Les éléments de similitude entre les deux époques sont du moins frappants, sinon inquiétants. On en prendra quelques-uns pour l’illustration : hier, ce furent les Belges, en position de troisième larron, pour piller, aujourd’hui, ce sont le Rwanda et l’Uganda, se livrant à la même besogne, pour soutenir un régime illégal ; la scène politique brouillée, avec des acteurs jouant le théâtre des ombres ; le retour avec force du tribalisme… et, enfin, les deux « Moïse », avec des ambitions présidentielles en obsession. L’un alla, pour ce faire, jusqu’à monter une sécession.

Histoire des chaumières

Dans la perspective des élections prochaines et de toutes les combinaisons qu’elles impliquent pour donner la victoire aux plus méritants (choisis par le peuple), quelle est la « pensée » du nouveau Moïse ? Va-t-on passer de Moïse Tshombe à Moïse Katumbi, avec élégance, sans recourir à la sécession comme arme ultime, quelles qu’en soient les raisons ? Il faut empêcher l’Histoire de bégayer !           

Mais qu’en pense également le président Tshisekedi ? Qu’importe le projet de « loi Tshiani », pour le moment ? Quelle est son urgence, par rapport aux problèmes cruciaux qui accablent le peuple ? Qu’importe le personnage de M. Kadima pour le siège de président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ? Une multitude de Congolais ne peuvent-ils pas assumer ces fonctions avec brio ? Somme toute, des questions solubles. Très solubles.

Devant toutes ces questions de la Cité, il appartient au président Tshisekedi d’apporter des solutions idoines. Et de faire ainsi, tous les jours, le choix entre la place de grands hommes dans l’Histoire et le prestige fugitif, propre à satisfaire les esprits obtus… à loger dans des chaumières.

Jean-Jules LEMA LANDU

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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La France en passe de lâcher le gouvernement de Brazzaville ?

Anatole Collinet Makosso

Une forte délégation gouvernementale du Congo-Brazzaville, conduite par son premier ministre, Anatole Collinet Makosso, arrive à Paris le 23 août pour faire la manche. Mais selon des observateurs avertis de la vie politique franco-congolaise, des nuages épais qui planeraient sur les deux pays, et d’autre part la crise socio-économique et sanitaire que traverse l’Occident, ne militent pas en faveur de cette délégation qui risque de percevoir au cours de son aumône moins de dividende que ce qu’elle espérait récolter.

Nonobstant leur hold-up électoral perpétré le 22 mars 2021 et les relations diplomatiques entretenues entre le Congo avec la Russie, la Chine, la Turquie, mais aussi les dons et legs reçus çà et là, M. Sassou et ses lieutenants n’arrivent toujours pas à sortir le Congo du gouffre. Ce pays traverse une période de récession sans pareil. Tous les indicateurs financiers sont au rouge. L’arrivée de la mission gouvernementale congolaise à Paris en France va-t-elle permettre de débloquer certains accords financiers remis aux calendes grecques depuis belle lurette ?

Pour « déblayer » le terrain, quelques lobbies et autorités politico-administratives congolais et des ministres Antoine Nicéphore Fylla Saint-Eudes et Thierry Lezin Moungalla, sont déjà à Paris. La tâche est difficile car, selon certaines indiscrétions, ces deux mousquetaires et autres sont en France non pas seulement pour prendre des contacts préliminaires avec les autorités françaises concernées par la mission du premier ministre congolais, mais aussi pour des soins médicaux. Si cette dernière thèse est vérifiée, il est normal que ces deux hommes politiques congolais s’y rendent, car, le Congo-Brazzaville est dépourvu des plateaux techniques médicaux complets.

Ces hommes politiques qui ont développé, depuis leur entrée au gouvernement, un penchant à se considérer comme le centre du monde, brillent par l’indifférence notoire vis-à-vis des difficultés et des souffrances auxquelles les populations sont confrontées avec beaucoup d’acuité. Ce n’est un secret pour personne. Ces nouveaux riches n’hésitent pas à faire main basse sur les fonds publics pour satisfaire leurs intérêts égoïstes. Pour se requinquer, ils sont admis dans les hôpitaux de renom d’Europe. Et souvent, leurs séjours médicaux répétés sont rendus possibles par l’argent du contribuable congolais.

Par ailleurs, les lobbies maçonniques, mais aussi d’affaires, qui devaient influencer certaines sphères de décisions grâce au congolo-zaïrois, Nick Fylla, sont en déroute depuis le départ du pouvoir de Nicolas Sarkozy, du Vénérable Très Grand Recessime Maitre Jean François Stifani y compris les rivalités fraternelles auxquelles des adeptes des loges sont exposés qui les caractérisent actuellement.

Il en est de même pour Thierry Lézin Moungalla et sa patronne, Claudia Lemboumba Sassou Nguesso, chargée de la communication et des relations publiques à la présidence de la République du Congo. Claudia Sassou-Nguesso et Lézin Moungalla n’ont pas pignon sur rue. Ils peinent à vendre l’image de leur pays, malgré les millions d’euros qu’ils sortent du trésor public congolais, et les manœuvres intempestives et maladroites de propagande qu’ils mettent en place pour redorer le blason terni de Sassou et du Congo à cause de certains problèmes qui fâchent. Ensuite, les deux communicateurs en chef de M.Sassou doivent solder le contentieux qu’ils ont créé, en refusant aux observateurs occidentaux et à certains journalistes, dont Florence Morice de RFI, d’avoir un œil sur déroulement de la présidentielle de mars 2021.

Ce scrutin a été purement et simplement, pour une énième fois, un hold-up électoral. Il a emporté, le même jour, Guy Brice Parfait Kolelas, challenger de Sassou Nguesso. La dépouille mortelle est toujours en dépôt à l’Institut médico-légal de Paris, depuis le 22 mars 2021 pour des recherches approfondies sur les causes de son décès. 

Du coup, les minimes chances de succès de cette délégation gouvernementale reposent désormais sur les épaules des ministres, Denis Christel Sassou NGuesso, soutenu par quelques membres du MEDEF, Roger Rigobert Andely, qui n’est pas trop pointé du doigt dans des scandales. Mais, les business français ont-ils vraiment oublié le scandale de 2010 concernant les détournements de fonds de la Banque des États de l’Afrique centrale et des obligations de la BSCA (Banque sino-congolaise pour l’Afrique), où il a été respectivement, vice-gouverneur et président du Conseil d’administration ?

Une nouvelle chance pour le Congo ?

Oui, la mission est difficile et délicate, mais, rien n’est impossible à celui qui croit. Certains hommes politiques congolais se disent confiants à l’issue heureuse des rencontres qui auront lieu. Un haut responsable du Quai d’Orsay qui s’est confié à nous, a exprimé également son optimisme quant à la réussite de la mission congolaise. Il avoue que la France, stratégiquement, n’a aucun intérêt à perdre le Congo, après les tensions qui ont été récemment observées en Centrafrique, au Mali, etc. En Afrique centrale, le Congo-Brazzaville est, économiquement, le 3ème client de la France avec un solde commercial excédentaire en 2020, estimé à 215 M euros. En sus, le patronat français qui est plus ou moins indépendant devrait donner une nouvelle chance au Congo, par le gouvernement Makosso, s’il s’engage à assainir le climat des affaires et à œuvrer pour la réduction des dépenses de prestige. D’ailleurs, le chef du gouvernement actuel qui est bien connu dans des milieux français, pour ses publications littéraires et scientifiques, mais aussi par ses différentes initiatives en faveur du rétablissement de la paix dans plusieurs pays, bénéficie donc d’une forte admiration.

Les institutions internationales, comme la Banque Mondiale, l’Unicef, l’Unesco, par exemple, qui l’ont accompagné pendant qu’il était ministre de l’Enseignement connaissent bien l’homme. « Pourvu que la lutte contre la corruption et la dilapidation des fonds publics soit une grande priorité pour son gouvernement, y compris l’éradication de la pandémie Covid-19 », a renchéri ce cadre du Quai d’Orsay.

Certes, Anatole Collinet Makosso est un homme de dialogue. Il voyage, constamment, dans des vols commerciaux, entre Pointe-Noire et Brazzaville, une manière pour lui de respecter, tant soit peu, la règle d’orthodoxie financière. Mais, tout homme sorti du moule de Sassou Nguesso est un potentiel danger. La preuve, voyons comment Collinet Makosso opérera sa transmutation. Restera-t-il comme le bois qui ne se transforme pas, même après un long séjour dans l’eau ? Laissons le temps au temps. Ses prédateurs sont en ordre de bataille, parce qu’ils souhaitent son échec. C’est un secret de polichinelle. Selon nos indiscrétions, ils se donnent déjà des tacles et militent pour faire échec à cette mission au MEDEF, auprès de l’État français et à l’union européenne.

Ghys Fortune BEMBA-DOMBE, journaliste congolais, ancien résident de la Maison des journalistes (MDJ). Auteur du livre “De l’Enfer à la Liberté” (2019)

 

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