Bienvenue en France

Suite du périple de Diddy. Après avoir couvert une manifestation dans son pays puis avoir été arrêtée, elle a pu prendre l’avion et traverser la douane sans encombre. Extenuée, la voici à Paris où sa nouvelle vie commence.

Ma bonne amie Hawa est venue avec un ticket de train pour moi. On y entre facilement, il y a du monde. Je me sentais un peu mieux depuis qu’on avait quitté l’aéroport.

Premières rencontres en France

Dans le train, elle commence à m’expliquer les trajets, les fonctionnements des transports en France. Franchement, j’avais pas besoin de ça en ce moment. Je lui ai dit d’attendre parce que je ne comprenais rien. En plus, j’étais gênée que les gens entendent ce qu’on se disait. Qu’ils sachent que je viens d’arriver et mettent un visage sur les immigrés dont ils entendent parler à la télé et la radio. Sans oublier internet. C’est gênant.

Bref, on arrive chez elle à midi je crois bien. On y a déposé mes bagages. C’est une toute petite chambre.  Je ne comprenais rien à sa situation mais elle me dit qu’on aura le temps d’en parler puis elle m’amena manger un hamburger, à ses frais. C’était bon et le geste généreux de sa part . Une autre “amie” vint nous rejoindre au Mcdo. Elle me dit qu’elle a faim mais qu’elle n’a pas d’argent pour manger. J’ai payé pour elle. De bon cœur.

On était très très proches au pays mais elle a été tellement méchante et mauvaise avec moi ici que je me demande si elle mérite même que je lui consacre quelques lignes de cette chronique.

Mais elle a aussi une histoire qui illustre la méchanceté des africains en France, donc je suis presque obligée de la citer quand j’aborderai son vécu. Elle ment comme elle respire mais elle a beaucoup subi. Sans vouloir me vanter, j’ai fait d’elle une icône dans son domaine au pays, à coups d’interviews dans mes émissions et celles de mes connaissances. Pas grave, c’est une leçon de vie.

Après ce repas, nous sommes retournées chez Hawa. C’est une chambre d’hôtel qu’une association lui a donnée à cause de l’enfant.

Je découvris que le fait d’avoir un enfant est un moyen aussi de s’en sortir en France , d’avoir un toit pour vivre. Quelle vie !

Mensonges ?

Bref, elle n’a pas le droit d’héberger quelqu’un.

A ce moment là mon cerveau arrête de fonctionner normalement. C’est comme défaire un puzzle que tu as fini de montrer et le remonter à l’envers. Je ne sais même pas si c’est exactement comme ça que je voyais le nouveau puzzle à faire mais c’est incroyable comme mon manque de sommeil accumulé depuis des semaines m’a quittée.

On ne savait pas quoi faire à cet instant précis.  Celle qui a été la première à profiter de mon argent de poche au Mcdo dit qu’elle ne peut pas m’accueillir et de manière si sèche en plus! Puis elle dit qu’elle vit dans un hôtel qui est très surveillé et qu’il n’y a même pas de visite. Ce qui est faux.

Quand je fus hébergée plus tard, elle m’invita à venir passer quelques nuits avec elle dans ce même hôtel.  J’ai décliné en ne manquant pas de lui demander si l’hôtel à changé ses règles. Elle s’est mise à débiter des sornettes que j’ai même pas écoutées.

Hawa passa des coups de fil et une personne accepte enfin de me recevoir pour la nuit. Je ne réalise pas en ce moment tout ce qui m’arrive. Recevoir quelqu’un peut donc être un problème ? En France en plus ? Trouver où dormir peut donc être un combat. Dans ma tête, c’est pas possible. Non. Tout sauf ça quand même. En Afrique, même si tu trouves quelqu’un dans une cage, tu auras de la place à ses côtés.

Une amie d’Hawa arrive aussi. Une fille qui a l’air sympa mais un peu sotte et le comble, elle aussi ne peut pas m’accueillir. Incroyable. De toute façon, je dois aller dormir ailleurs.  C’est déjà réglé.

Sincèrement, si Hawa avait été claire avec moi sur sa situation, j’aurais contacté d’autres personnes pour ne pas me retrouver dans cette détresse.

La copine d’Hawa qui est venue m’a suivie sous la douche pour me dire de ne pas me laver d’abord, d’aider ma copine dans le ménage vu qu’elle m’a accueillie. Que c’est comme ça que les choses se passent en France.

Ok. Je fais la vaisselle empilée depuis je ne sais combien de jours dans les toilettes puis je prends enfin ma douche. Tous les mots du dictionnaire atterrissent dans ma tête sans que je ne puisse décrire vraiment ce qui m’arrive mais le fait d’être en vie est plus important.

Où dormir ?

Le soir venu, on a pris un bus, puis un deuxième et ensuite le train. On a acheté des tickets pour moi. Avec mon argent. Faut pas abuser. Hawa ne peut pas m’accueillir et payer pour mes déplacements mais elle me demanda de l’argent pour acheter les céréales lactées de son enfant, prétextant d’avoir oublié d’en prendre.

Enfin on arrive chez la fille qui a accepté que je dorme chez elle. Une compatriote. Elle est d’une telle froideur… C’est limite humiliant pour moi. Mais l’essentiel est de dormir. C’est une petite chambre, elle m’a donné un matelas une place et un drap que j’ai utilisé pour me couvrir. C’était l’automne et pour moi qui vient d’Afrique, c’était l’hiver.

Ma copine, en retournant chez elle ce soir là, me demanda 20€ pour prendre le taxi. Elle me dit qu’il est 20h et que la police et même les gens dans les transports ne lui feraient pas de cadeau si on la voit avec l’enfant à cette heure si tardive dehors. J’ai donné bien-sûr. Je savais pas que c’était un énorme mensonge en ce moment. Quelle menteuse ! En même temps c’est la poule aux œufs d’or de sa famille, peu importe comment il faut avoir de l’argent, l’essentiel est d’envoyer. En plus elle se plaît dans cette situation.

J’avais écrit le trajet du retour sur un papier pour retourner chez Hawa le matin.

A force de demander aux gens, je ne me suis pas perdue. Je ne savais pas comment utiliser les filets et franchement je n’ai rien validé. Je pensais qu’il suffisait de les avoir et c’est bon. Cette idée me fait rire aujourd’hui. J’ai vu les gens passer par le grand passage à la gare et j’ai suivi, ne sachant pas qu’ils étaient aussi dans l’illégalité…

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#marenostrum : l’art comme résistance

[EXPOSITION] Le mardi 16 octobre à partir de 18 heures, la MDJ vous invite au vernissage de l’exposition #marenostrum d’Haude Bernabé à l’église Sainte Merry, avec le soutien de La Fondation Villa Seurat pour l’Art Contemporain dans le cadre de Voir et Dire. Cette exposition aura lieu jusqu’au 16 novembre, elle est gratuite et ouverte à tous. Pour mieux comprendre les sens de l’exposition, la Maison des journalistes est allé à la rencontre de sa créatrice, Haude Bernabé.