TRIBUNE. Au Bangladesh, une liberté réduite pour les partis d’opposition 

A moins de quatre mois des élections législatives bangladaises, l’étau se resserre autour des partis d’opposition. Pourtant, la démocratie est une pratique ouverte. Grâce à elle, la liberté individuelle des personnes s’épanouit. La démocratie ne se développe pas à travers des chaînes. 

Il n’y a pas d’alternative au système démocratique pour le développement de l’État, de la société et de l’esprit individuel. La démocratie signifie que les citoyens de l’État peuvent s’exprimer et mener leurs activités sans crainte, sans activités qui ne portent pas atteinte à l’indépendance et à la souveraineté de l’État.  

Le gouvernement et les forces de l’État ne pourront pas créer d’obstacles aux réunions et aux rassemblements. À l’instar d’autres pays démocratiques dans le monde, la Constitution du Bangladesh garantit également ce droit au peuple. 

Par exemple, l’article 37 de la Constitution de notre pays stipule clairement que « tout citoyen a le droit de se réunir pacifiquement et sans armes et de participer à des réunions et des processions publiques, sous réserve des restrictions raisonnables imposées par la loi dans l’intérêt de l’ordre public ou de la santé publique. » Un droit que le gouvernement bafoue régulièrement.

Aujourd’hui, la classe dirigeante du Bangladesh (composée du président Mohammad Shahabuddin et de la Première ministre Sheikh Hasina, tous deux membres de la Ligue Awami) jouit d’un pouvoir reclus et dictatorial qui ressemble beaucoup à celui de la Corée du Nord. 

Comme la Corée du Nord, la famille dirigeante de notre pays veut obliger chaque citoyen à faire preuve d’une loyauté totale envers le dirigeant au pouvoir. Au contraire, le gouvernement ne tarde pas à mettre des bâtons dans les roues de la loi sur les TIC, les Technologies de l’Information et de la Communication.

 

Fondée en 1949, la Ligue Awami est un parti politique bangladais qui joué un rôle prépondérant dans l’indépendance du Bangladesh en 1971. Au pouvoir jusqu’en 1975, elle a été évincée du pouvoir par un coup d’Etat militaire. Mais à la fin des années 1980, la Ligue s’allie avec d’autres partis (notamment le BNP, le Bangladesh National Party) de l’opposition du pouvoir en place jusqu’à la démission du président, le général Ershad en 1990.

Depuis, la Ligue n’a cessé d’être en concurrence dans les urnes avec le BNP, jusqu’à s’imposer aux élections en 2008, 2014 et 2018. Aujourd’hui, la Ligue a le plus de sièges au Parlement et domine la vie politique du pays.

Plus de 500 arrestations politiques

Dans un communiqué de presse envoyé aux médias le 14 novembre 2022, l’organisation de défense des droits humains Ain O Salish Kendra (ASK, ou le Centre de droit et de justice en anglais) a déclaré que le droit de réunion pacifique et d’association est reconnu dans la Constitution du Bangladesh (article 37). Ce droit est également inscrit dans divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). 

Mais cela n’empêche pas les autorités et la police bangladaises de ruser pour empêcher ou interrompre les rassemblements. Dernier évènement en date, l’alerte à la bombe du 8 novembre 2022. La police avais mis en scène un drame à la bombe, car une bombe a été trouvée dans le bureau du BNP. Mais des journalistes avaient vu des images de vidéosurveillance montrant la scène de la police transportant la bombe dans un sac blanc.

Ce n’est pas le comportement d’un État démocratique civilisé. Cependant, sous prétexte d’empêcher le BNP de tenir un rassemblement à Nayapaltan, capitale régionale de Dhaka, la police a bloqué la route pendant quatre jours et a créé elle-même des souffrances publiques.

En effet, le parti d’opposition BNP voulait organiser un rassemblement à Nayapaltan, le gouvernement lui a laissé la localisation du mémorial de Suhrawardy Udyan pour le 10 décembre 2022. Le gouvernement a assorti de 26 conditions à la tenue du rassemblement, telle que : mise en place de caméra haute résolution pour l’occasion, interdiction des micros et projecteurs, interdiction des caricatures et des discours anti-étatiques… Des conditions qui ne sont en aucun cas applicables à une assemblée démocratique.

Ce jour-là, les dirigeants du parti se sont réunis au bureau du parti avant le rassemblement. Cela fait partie des pratiques démocratiques d’un parti. Mais le gouvernement a créé un environnement anarchique avec les forces de police de l’État. Il a tué une personne par des tirs aveugles, tiré et blessé de nombreux militants et arrêté environ 500 militants qu’il a envoyés en prison et qu’il a maintenus en prison en déposant de fausses plaintes contre eux.

En outre, le secrétaire général du parti, Mirza Fakhrul Islam Alamgir, et le membre du comité permanent, Mirza Abbas, ont été arrêtés et maintenus en prison. De plus, des émeutes ont eu lieu dans les bureaux du parti.

Le 29 juillet 2023, le BNP a organisé un programme de sit-in dans différentes localités de Dhaka, où des affrontements avec la police ont eu lieu à certains endroits. Près de 800 personnes ont été arrêtées, membres du BNP et civils confondus. 

Auparavant, il y a eu des incidents de blocage de certaines villes pour des rassemblements en appelant à une grève des transports publics sur les instructions du gouvernement pour empêcher le rassemblement de personnes dans les rassemblements départementaux du BNP.  

Il est triste mais vrai qu’au Bangladesh, l’exercice de ce droit est de plus en plus limité. Les partis politiques ou les citoyens ordinaires doivent faire face à diverses difficultés. Les allégations de violation de ces droits, d’attaque, d’incitation à la violence, de harcèlement et d’arrestation de diverses manières à l’encontre de la police et de l’administration, des travailleurs ou des partisans des partis gouvernementaux s’intensifient. 

L’Occident aux côtés des manifestants bangladais

Selon Asker, l’article 144 du code de procédure pénale a été invoqué 945 fois dans différentes régions du pays au cours du siècle dernier. Il permet à des magistrats d’interdire certaines actions aux citoyens pour protéger la Nation, comme les emprisonner par précaution ou interdire les réunions publiques de plus de quatre citoyens.

Les diplomates étrangers à Dhaka sont également catégoriques sur le droit de réunion pacifique. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion, Clément Voule, a exprimé son inquiétude quant à la situation politique actuelle au Bangladesh. Il a déclaré que depuis juillet 2022, les attaques et l’usage de la force meurtrière contre les manifestations pacifiques au Bangladesh ont fait des morts.

J’observe attentivement les événements au Bangladesh. Les autorités bangladaises doivent garantir le droit de réunion pacifique. Dans le même temps, il convient d’éviter le recours à une force excessive contre les manifestants.

Gwyn Lewis, coordinateur résident des Nations unies à Dhaka, a exhorté le Bangladesh à respecter ses engagements envers les Nations unies en tant qu’État membre de l’organisation, en lui rappelant son engagement en faveur de la liberté d’expression, de la liberté des médias et de la liberté de réunion pacifique.

De son côté, l’ambassadeur des États-Unis à Dacca, Peter Haas, s’est dit préoccupé par les morts et les blessés survenus lors du rassemblement du BNP à Nayapaltan. Il a appelé tout le monde à respecter l’État de droit et à s’abstenir de toute violence, de tout harcèlement et de toute intimidation.

À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme le 10 décembre, les 15 missions diplomatiques de Dhaka ont insisté sur le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Il s’agit des missions de l’Union européenne, du Canada, de l’Australie, du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, de la Suède et de la Suisse.

Le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, s’est dit préoccupé par la répression des rassemblements pacifiques des partis d’opposition au Bangladesh. « Nous appelons tous les partis politiques à respecter l’État de droit et à s’abstenir de toute violence, de tout harcèlement et de toute intimidation. »

Nous pouvons donc dire que pour développer la démocratie, les gens doivent être impliqués. Dans un État démocratique, le pouvoir de décision appartient uniquement au peuple. En contournant le peuple, en le trompant, en supprimant sa voix libre, en renforçant les piliers de la dictature par l’emprisonnement, la tyrannie, l’oppression et la torture, on détruit les piliers de la démocratie. 

Elle détruit les fondements de l’égalité, de la liberté et des droits constitutionnels. Mais le principal slogan d’un État démocratique est d’établir des libertés civiles. C’était la principale motivation de notre guerre de libération. Mais aujourd’hui, les citoyens de ce pays sont à mille lieues de cette motivation.

Crédits photo : ©AFP – JIBON AHMED, Ligue Awami.

Jamil Ahmed