Les chrétiens d’Egypte traités comme des citoyens de seconde zone dans les tribunaux

Les chrétiens d’Egypte, les Coptes, représentent en moyenne 15% de la population égyptienne. Cette communauté est soumise à des violences et diverses discriminations. Le dernier rapport de l’ECLJ (Europe Center for Law and Justice) relate de graves violations des droits de l’homme auxquelles font face cette communauté. A travers une enquête édifiante, la journaliste Iman Adel révèle la discrimination juridique que subissent les Chrétiens égyptiens.

[par Iman Adel, publié le 28/04/2025]

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© capture d’écran « Catholiques d’Égypte, une minorité dans la minorité », KTO Vidéo

« Vous cherchez un témoin musulman. Celui-ci est chrétien : donc son témoignage n’est pas recevable. » Ce sont les mots de l’un des juges de la juridiction familiale égyptienne d’Alexandrie à propos de Suleiman Shafiq, un citoyen égyptien de confession chrétienne qui était venu témoigner dans une affaire d’héritage. Cette déclaration lui fit l’effet d’un coup de massue. Anéanti, il quitta la salle d’audience, ce qui laissa le temps aux avocats et aux clients de s’empresser de trouver un témoin musulman, jusqu’à faire sortir quelqu’un du café le plus proche.

La mésaventure de Shafiq n’est pas un cas isolé. Dans toute l’Egypte, des témoignages de chrétiens sont régulièrement évincés des juridictions familiales du fait de leur appartenance religieuse ; une violation manifeste de la Constitution du pays et des accords internationaux. Ainsi, beaucoup de chrétiens ont l’impression d’être traités comme des citoyens de seconde zone, d’autant plus à cause de cette pratique systématique.

Shafiq n’oubliera jamais le moment où son témoignage a été invalidé ; il en est sorti bouleversé, peut-être même plus que les autres. En tant que chercheur spécialisé dans les questions des minorités, il sait appréhender les dangers de la discrimination systémique.

Depuis les années 1980, il mène des recherches sur les minorités religieuses en Egypte, mais aussi dans d’autres pays arabes comme le Liban ou le Soudan du Sud. Peu de temps après cet incident, Suleiman Shafiq décida de réaliser une étude sur les discriminations auxquelles font face les chrétiens d’Egypte et de soutenir les organisations de droits humains qui s’opposent à ce genre de pratique.

Selon Shafiq, les chrétiens d’Egypte ne sont pas seulement en proie à des discriminations dans les tribunaux, mais aussi dans les universités et dans diverses professions telles que la gynécologie, la justice, entre autres.

Une jurisprudence omnipotente vs des lois défaillantes

Bien que l’Egypte ait aboli le tribunal de la charia en 1955, les lois islamiques restent le principal socle de législation dans la plupart des lois égyptiennes. En conséquence, la juridiction familiale dépend de la jurisprudence islamique qui empêche les chrétiens d’Egypte de témoigner dans des cas d’affaires personnelles impliquant des musulmans.

Elle est appuyée par les interprétations de professeurs musulmans. Traditionnellement, ils écartent les témoignages de non musulmans qui désavantagent les musulmans.

Sheikh Mohamed Abdullah Nasr, professeur de l’Université d’Al-Azhar, avance que, dans la loi, la décision d’un juriste n’est pas contraignante pour l’Etat, même si les lois du pays sont fondées sur des principes islamiques.

« Pourquoi est-ce qu’un chrétien est considéré comme un citoyen à part entière en temps de guerre -obligé de combattre- alors qu’au tribunal, son témoignage le relègue au rang de citoyen de seconde classe ? Sheikh Mohamed Abdullah Nasr

Il explique que l’imam Abu Hanifa –à l’origine du règlement interdisant les non musulmans de témoigner en défaveur des musulmans- appartenait à un courant insistant sur la raison et la pensée critique. Autrement dit, ses opinions sont soit acceptées soit disputées.

Il renchérit : « Le Coran ne stipule pas que la religion est une condition pour accepter un témoignage. Un musulman peut, lui aussi, ne pas être complètement intègre. Ceci a pour effet de faire des interprétations juridiques, des lois strictes qui menacent à la fois la société et la législation. Quand des juges se basent sur des interprétations obsolètes, la société pâtit de contradictions majeures, étant donné que la Constitution égyptienne garantit une égalité des citoyens fondée sur la nationalité et non sur l’appartenance religieuse.« 

Puis, il pose une question critique : « Pourquoi est-ce qu’un chrétien est considéré comme un citoyen à part entière en temps de guerre -obligé de combattre- alors qu’au tribunal, son témoignage le relègue au rang de citoyen de seconde classe ? Il y a même des interprétations sunnites qui rejettent les témoignages shiites. Globalement, ce concept est dangereux : diviser la population sur des fondements religieux détruit des nations. »

L’histoire du litige en Egypte et de la discrimination systématique

Selon l’étude, L’histoire du litige en Egypte, les tribunaux de la charia furent établis pendant le règne ottoman s’occupant des problèmes commerciaux, civils et criminels, en plus des litiges personnels. En 1856, les « conseils locaux judiciaires » furent édictés suivis par les « tribunaux mixtes » en 1870, qui fonctionnaient selon les fondements des lois françaises jusqu’à 1883.

Par la suite, un cadre de régulation fut introduit dans les tribunaux civils où la plupart des pouvoirs des tribunaux de la charia ont été délégués, sauf ceux des litiges personnels. Les tribunaux de la charia furent complètement abolis avec la « loi d’unification des autorités judiciaires » de 1955.

Leur juridiction fut transférée aux tribunaux ordinaires qui gèrent les affaires de statut personnel en accord avec les lois islamiques. Les juges appartenant à ces tribunaux sont diplômés d’universités spécialisées dans la charia et le droit.

Les témoignages des chrétiens évincés des tribunaux

Le juge Essam Rifaat, ancien président du Conseil d’Etat égyptien et chef du « Groupe de services juridiques de justice », a déclaré avoir vu de ses propres yeux, dans les tribunaux, l’éviction de témoignages de chrétiens par ses confrères. Ces juges partent du principe erroné qu’« un non musulman ne peut pas exercer de l’autorité sur un musulman. »

Pour Rifaat, c’est l’une des pratiques les plus dangereuses dans les tribunaux qui traitent des litiges personnels, en Egypte. Rifaat alerte : rejeter les témoignages des chrétiens induit des conséquences délétères, puisque cela viole les dispositions constitutionnelles et légales, tout comme les principes légaux de l’islam. De telles actions sapent la paix, troublent l’ordre public, et érode la fondation même de la « citoyenneté et de l’Etat de droit. »

Il met en évidence l’article 110 du « Code de procédure criminelle » qui promulgue : « Le juge d’instruction doit écouter les déclarations du témoin requises par les plaidoyers, à moins qu’il estime que ce n’est pas nécessaire. » De fait, si un juge refuse d’écouter un témoin seulement en raison de sa religion, cela constitue une violation de la loi et de la constitution.

Rifaat critique également le principe selon lequel « un non musulman ne peut pas exercer de l’autorité sur un musulman », affirmant qu’il détruit la société. Si c’était un principe universel, cela signifierait qu’un ministre chrétien, à l’instar de Boutros Ghali, ne pourrait pas signaler un employé négligent pour un examen juridique étant donné « qu’un chrétien ne peut pas exercer de l’autorité sur un musulman. »

De la même façon, les tribunaux devraient rejeter tous les cas de corruption, de meurtre, de drogue et de prostitution où les officiers de police sont chrétiens, puisque les rapports de police constituent une forme de témoignage.

10% des Egyptiens sont victimes de discriminations religieuses

Selon le Pape Tawadros II, Pape d’Alexandrie et patriarche du siège de Saint Marc, en 2018, le nombre de chrétiens en Egypte s’élevait approximativement à 15 millions. Le « rapport international de la liberté religieuse de 2022 » publié par le département d’Etat des Etats-Unis (Bureau de la liberté religieuse internationale), estime que la population de l’Egypte était de 107,8 millions d’habitants à la mi-2022.

La majorité des experts et des ressources médiatiques en Egypte estime que les musulmans sunnites représenteraient 90% de la population, tandis que les chrétiens seraient aux alentours de 10%.

Le rapport international de la liberté religieuse de 2022 de l’ambassade des Etats-Unis en Egypte stipule que presque 90% des chrétiens d’Egypte appartiennent à l’Eglise orthodoxe copte, alors que les autres groupes chrétiens pris dans leur ensemble forment moins de 2% de la population. Cela inclut les Eglises anglicanes, épiscopales, arméniennes apostoliques, catholiques.

Des discriminations systématiques à l’encontre des chrétiens

Les rapports internationaux qui surveillent la situation des coptes en Egypte, notamment « l’Observatoire des droits humains » confirment que les chrétiens font face à des discriminations systémiques. A titre d’exemple, ceux-ci sont en proie à des restrictions dans la construction des églises, des menaces à la sécurité personnelle à travers des attaques ciblant les villages chrétiens, les familles et les églises.

Ils sont aussi victimes de discrimination dans l’accès à certaines opportunités, que ce soit dans le football professionnel, les rendez-vous judiciaires ou ministériels, et dans les postes à responsabilité.

L’article 53 de la Constitution égyptienne déclare : « Les citoyens sont égaux devant la loi. Ils ont les mêmes droits, jouissent des mêmes libertés et fonctions publiques. Aucune discrimination fondée sur la religion, la croyance, le genre, l’ethnie, la couleur de peau, la langue, le handicap, le statut social, l’affiliation politique ou géographique, ou tout autre raison ne devrait exister. »

Néanmoins, l’article 2 de la Constitution est à l’origine de failles juridiques qui permettent aux juges d’appliquer la jurisprudence islamique. Voici ce qui est écrit : « L’islam est la religion de l’Etat, l’arabe est sa langue officielle, et les fondements de la charia sont la principale source de législation. »

Témoignages chrétiens rejetés au tribunal

L’avocat Yasser Saad a constaté à plusieurs reprises des témoignages chrétiens rejetés dans des procès impliquant des musulmans dans les tribunaux de la famille du district de Shubra. Une région qui compte une importante population chrétienne et plus de dix églises majeures.

Me Saad a personnellement été témoin de deux affaires de ce type au tribunal de Zanany, dans le district de Rod El-Farag, qui fait partie de Shubra, au Caire. La première affaire s’est déroulée en 2007 et la seconde en 2014. Dans les deux cas, il s’agissait de témoins chrétiens qui témoignaient dans le cadre de litiges relatifs à l’héritage

Celui-ci souligne qu’il n’existe aucune disposition légale empêchant explicitement les témoignages chrétiens au tribunal. Cependant, certains juges adhèrent à la jurisprudence Hanafi, qui sert de fondement à la tradition juridique égyptienne, et qui stipule que les témoins doivent être deux « hommes justes ».

Selon Abu Hanifa, un témoin juste doit être musulman, et certains juges interprètent la « justice » comme exigeant intrinsèquement que le témoin soit musulman.

En vertu de la loi n° 46 de 1972 sur l’autorité judiciaire, il est possible de déposer une plainte contre un juge auprès de l’autorité d’inspection judiciaire s’il enfreint la loi. Toutefois, le problème réside dans le coût financier élevé d’une telle action en justice.

En outre, la plupart des plaideurs ne sont pas disposés à passer des années au tribunal pour poursuivre une affaire secondaire contre un juge, car cela retarderait leur procès initial et perturberait leurs intérêts financiers.

L’Eglise ignore les discriminations

En quête de nouveaux témoignages de chrétiens, nous nous sommes souvent heurtés à une réponse : “Nous devons d’abord demander à notre prêtre.” Cette insistance à consulter l’église a souvent mené à leur disparition, sans qu’ils donnent suite à une coopération pour raconter leurs expériences de discriminations. La plupart des Egyptiens chrétiens hésitent à parler sur des sujets sensibles tels que ceux-ci.

D’après l’avocat Yasser Saad, l’église ignore délibérément le problème malgré son importance et son impact sur la coexistence pacifique des religions en Egypte. Pour obtenir le point de vue de l’Église, le chercheur a contacté le père Moussa Ibrahim, le porte-parole de l’Église Copte orthodoxe d’Egypte, lui demandant un rendez-vous afin de discuter des témoignages recueillis.

Au départ, il a répondu via WhatsApp, donnant son adresse mail afin de recevoir davantage de détails sur la recherche. Cependant, après que l’email fut envoyé, il ne donna aucune réponse.

Le rôle de l’Eglise

Patrick George, un ancien chercheur de l’Egyptian Initiative for Personal Rights, et actuellement chercheur à l’Université de Bologne, en Italie, a commenté le silence de l’église : « Il est préférable de garder l’Église en dehors de ce conflit et de limiter son rôle dans les problèmes de religions. En tant que chrétiens, nous sommes des citoyens égyptien,  et nous devons revendiquer nos droits via la justice, comme tous les autres citoyens. Cette question peut être contestée judiciairement si un chrétien porte plainte contre ces formes de discriminations. Néanmoins, nous ne faisons pas assez d’efforts pour réclamer nos droits. »

Makarios Lahzy, un avocat chrétien originaire de Sohag, a vu son témoignage être rejeté par le bureau du ministère de la Justice au Caire alors qu’il assistait à l’enregistrement du mariage d’un ami au bureau des mariages étrangers.

Alors qu’il y était, un homme de confession musulmane lui a demandé de servir comme témoin pour son mariage avec une femme de nationalité étrangère. Lahzy a alors présenté sa carte d’identité à l’employé de bureau, mais dès que ce dernier a vu que sous le champ “religon” était indiqué “chrétien”, il lui a rendu sa carte d’identité demandant un témoin musulman à la place.

Makario se rappelle : “Ce qui a été le plus frappant, c’est la réaction de la mariée étrangère. Elle était visiblement bouleversée et choquée. ‘Si mon frere chrétien avait été ici pour assister à mon mariage avec un musulman, est-ce que son témoignage serait aussi rejeté?Elle se demanda même si il s’agissait vraiment d’un bureau de mariage civil.”

En réfléchissant à cette expérience, Makario dit : « Il y avait un sentiment de discrimination. Mais en tant que chrétien en Egypte, j’ai commencé à m’y habituer. J’ai géré la situation de manière professionnelle et je suis passée à autre chose. Néanmoins, une pensée me restait en tête : qu’un chrétien en Egypte est perçu comme inférieur à un musulman, qu’il n’est pas perçu comme un vrai citoyen. Cela crée, sans aucun doute, des problèmes majeurs dans le concept de citoyenneté. »

Une discrimination persistante

Makarios a assisté à un autre cas de discrimination à l’encontre d’un chrétien témoin alors qu’il représentait un client de Shubra, un département où se trouve un nombre important de chrétiens. Ce client a amené deux voisins en tant que témoins, mais au moment où le juge a appris leurs identités, il a reporté l’étude du cas. Après que le témoin soit parti, le juge dit à Lahzy : « Le témoin doit être musulman. » Makario a donc été obligé de trouver un témoin musulman.

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Makarios Lazhy/©DR

Il conclut que le juge appliquait en fait la jurisprudence islamique, citant la loi no. de 2000, plus spécifiquement l’article 3, qui stipule qu’ « en l’absence d’une disposition légale spécifique, la juridiction se réfère aux opinions les plus autorisées de l’école de jurisprudence Hanafi. »

Markarios affirme qu’il n’est pas facile de changer cette pratique. Pour qu’un tel changement advienne, il faut une disposition légale claire autorisant explicitement les témoignages de chrétiens, ce qui empêcherait les juges de recourir à la loi islamique.

Néanmoins, pour qu’un tel changement advienne, il faudrait qu’un témoin chrétien rejeté dépose une plainte, qui pourrait ensuite être amenée devant la cour suprême constitutionnelle pour contester le cadre juridique existant.

La difficulté de prouver la discrimination judiciaire

L’Initiative égyptienne pour les droits personnels (IEDP) a documenté depuis longtemps les cas de discrimination, y compris ceux fondés sur le sexe et la religion, et a publié plusieurs études importantes sur la question.

L’avocate et chercheuse à l’IEDP (L’initiative Egyptienne pour les Droits de la Personne) Hoda Nasrallah, confirme l’existence d’une fatwa de Dar al-Ifta (l’autorité religieuse officielle égyptienne), publié sur son site officielle, affirmant qu’un témoin dans une affaire musulmane doit être aussi musulman. Ainsi, de nombreux juges rejettent les témoignages des chrétiens sur la base de cette décision.

« Plus on s’éloigne de la capitale, plus on trouve de cas de discrimination contre les chrétiens. Le sentiment d’exclusion des coptes dans ces régions est difficile à ignorer. » Patrick George, ancien chercheur

Cependant, il a été impossible de déposer un recours en justice pour contester la constitutionnalité de cette pratique, car les juges rejettent généralement les témoignages des chrétiens verbalement, sans les consigner dans des documents judiciaires. Ils retardent ensuite l’examen de l’affaire sans en donner officiellement la raison, ce qui rend difficile l’apport d’une preuve légale de discrimination.

Hoda Nasrallah se souvient d’un cas datant de 2014, où une femme musulmane, victime d’abus domestiques, a demandé le divorce pour préjudice au tribunal. Les seuls témoins de ces violences étaient ses voisins chrétiens. 

Cependant, lorsqu’ils ont témoigné, le juge a rejeté leurs témoignages au seul motif qu’ils étaient chrétiens.

Cas documentés

L’IEDP a documenté de nombreux cas de rejet de témoins chrétiens dans des affaires musulmanes. En juin 2021, Hani Riyad, un Egyptien chrétien a vu son témoignage rejeté dans le cas d’une affaire sur un héritage concernant une famille de confession musulmane. 

En 2017, La cour a refusé d’accepeter un témoignage d’un homme chrétien dans l’affaire d’une déclaration d’héritage de Mahmoud Ezzat Al-Alaily, un citoyen musulman.

Cependant, Hoda Nasrallah explique qu’en l’absence d’un dossier juridique officiel contestant spécifiquement le rejet d’un témoin chrétien pour des raisons religieuses, la Haute Cour constitutionnelle ne peut pas examiner la question. Elle déclare : « Jusqu’à présent, pas un seul procès n’a été entamé contre un juge rejetant un témoin chrétien. En l’absence d’un tel dossier, je ne peux pas légalement contester cette pratique. En outre, l’IEDP  n’a pas le droit d’intenter une action en justice au nom des personnes concernées. » 

Discrimination tacite : Un problème largement répandue au-delà du Caire

Patrick George, ancien chercheur de l’IEDP, se souvient qu’en 2019, alors qu’il travaillait au sein de l’organisation, il reçut un une plainte orale de coptes dont les témoignages avaient été rejetés en raison de leurs religion. Le nombre de ces cas oscillait entre sept et huit par mois, provenant de diverses régions d’Egypte.

Il note que la plupart de ces plaintes venaient de coptes vivant en dehors du Caire, déclarant : « Plus on s’éloigne de la capitale, plus on trouve de cas de discrimination contre les chrétiens. Le sentiment d’exclusion des coptes dans ces régions est difficile à ignorer. Nous, avocats, journalistes et hommes politiques, n’avons pas agi face à ce problème. Nous avons laissé les juges appliquer leurs propres préjugés devant les tribunaux, ce qui leur a permis d’exercer une discrimination à l’encontre des droits des citoyens. »

En 2019, George a été arrêté après avoir publié un article dans le média Daraj, documentant la discrimination à l’encontre des chrétiens en Egypte. L’article abordait également la question des témoignages chrétiens rejetés dans les affaires musulmanes.

Celui-ci souligne que le soutien politique et juridique est essentiel pour mettre fin à cette pratique. Sans ce soutien, toute personne qui s’y oppose risque d’être accusée d’incitation aux conflits sectaires.

Violation des traités internationaux

L’existence de ce type de discrimination à l’encontre des chrétiens concernant l’acceptation de leurs témoignages constitue une violation des traités et engagements que l’Egypte a pris au niveau international.

L’Egypte a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vertu du décret républicain n°536 de 1981. L’article 2 de ce Pacte stipule que « tout Etat parti au présent pacte s’engage à respecter les droits qui y sont reconnus et à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa compétence les droits qui y sont reconnus, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance  ou de toute autre situation. » 

Il stipule aussi que « chaque état partie au présent pacte s’engage à prendre les dispositions nécessaires, conformément à ses règles constitutionnelles et aux dispositions du présent Pacte, pour adopter les lois ou autres mesures nécessaires pour donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte et pour que toute personne dont les droits ou libertés reconnus dans le présent pacte auront été violés dispose d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de fonctions officielles. »

Ainsi, signer ce pacte international oblige l’état à garantir, de cette manière, qu’une autorité judiciaire, administrative, législative, toute autre autorité spécialisée ou toute autre autorité prévue par le système juridique de l’Etat, se prononce sur les droits prétendument violés et fournisse au plaignant des recours judiciaires, ainsi qu’à assurer l’exécution des jugements en faveur des plaignants.

L’Égypte a également signé la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1981, en vertu du décret républicain n° 77 de 1984. L’article 2 de ce texte stipule que « toute personne a le droit de jouir des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale et sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »

Elle stipule que « chaque Etat partie à la présente Charte s’engage à prendre les mesures nécessaires pour assurer la réalisation des droits et libertés garantis par la présente Charte sans discrimination d’aucune sorte, à assurer l’égalité juridique effective dans la jouissance de tous les droits et libertés prévus par la présente Charte, à garantir aux autorités compétentes l’exécution des jugements en faveur des requérants ».

Malgré toutes les garanties et les traités internationaux signés par l’Egypte, les chrétiens font face à une discrimination quotidienne dans les salles d’audience devant la « plate-forme de justice », qui ferme les yeux sur l’application du principe de « citoyenneté et d’égalité », laissant Suleiman Shafiq et d’autres membres de la communauté copte se sentir comme des « citoyens de seconde zone ».

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