Ferdinand Ayite est un journaliste d’investigation togolais. Un métier qui peut être risqué alors que le régime menace la liberté d’expression. Pour sa sécurité, il s’exil en 2023 mais continue toujours à se battre aujourd’hui pour informer la population togolaise depuis la France.
[Par Jeanne Lefort, publié le 09/07/2025]

Après un séjour en prison en 2021, Ferdinand Ayite est interpellé une nouvelle fois en 2023. Il prend alors la décision de s’exiler pour échapper à une nouvelle condamnation. L’unique reproche qui lui est fait est d’avoir voulu exercer son métier de journaliste.
La liberté de la liberté de la presse est inscrite dans les textes de lois du Togo. Mais celle-ci n’est que rarement respectée par le régime de Faure Gnassingbé. En 2025, le pays arrive 121e sur les 180 pays analysés par Reporters sans frontières dans le cadre de leur classement mondial de la liberté de la presse. L’association avait également dénoncé en avril 2024 le traitement réservé à Thomas Dietrich, alors qu’il couvrait les manifestations liées à la nouvelle Constitution togolaise. Le journaliste avait été violemment arrêté avant d’être condamné à 6 mois de prison puis expulsé du territoire togolais.
Ainsi, les journalistes indépendants vivent dans l’insécurité et encourent de nombreux risques s’ils décident de remettre en question les actions des autorités politiques. Cette menace pèse d’autant plus sur le journalisme d’investigation, qui implique d’enquêter afin de dévoiler au grand public des faits cachés délibérément ou non sur des sujets plus ou moins sensibles.
Ferdinand Ayite est fondateur et directeur du journal l’Alternative qui s’attaque régulièrement aux problèmes de corruption et dénonce les dérives autoritaires du pouvoir en place. Sa rédaction a notamment travaillé sur l’incident des Panama papers, une importante affaire d’évasion fiscale qui avait fait scandale lors de sa publication en 2016.
Son journal rencontre des menaces, enchaîne les problèmes avec la justice, l’administration fiscale ou encore les institutions de régulation de la presse. Ferdinand Ayite lui-même explique avoir dû faire profil bas
« Je ne me mêlais pas à la foule, je n’allais pas dans des hôtels, dans des conférences, aux tables rondes… […] Je ne m’invitais pas à des événements ou je n’y allais pas même si on m’invitait »
Malgré ces précautions, le journal se retrouve contraint de supprimer ses publications au format papier pour ne pas aggraver la situation et protéger ses employés. Après son exil et celui de son rédacteur en chef, Ferdinand Ayite parvient à relancer le journal en ligne aidé par Reporters sans frontières. « Nous continuons de publier des articles en lignes, au moins une dizaine par semaine, moi ici en France et le rédacteur en chef à Dakar »
Selon Ferdinand Ayite, c’est sa capacité d’adaptation qui fait la force du journal l’Alternative qui est davantage suivi aujourd’hui, alors qu’il multiplie les lives sur les réseaux sociaux comme Youtube, Tik Tok ou encore Instagram.
Ce choix d’être journaliste, pour Ferdinand Ayite, s’est fait avant tout par passion. Dès l’université, il s’engage et écrit des articles pour ses camarades de classe. « Quand j’étais étudiant j’étais très actif dans les mouvements de contestation à l’université, on menait les combats sur le campus et je signais des articles dans les journaux. »
Un engagement qui va au-delà de l’exercice de son métier, puisqu’en effet Ferdinand Ayite est membre de plusieurs associations qui luttent au quotidien pour la liberté de la presse. Il est par exemple membre de l’OCCRP ( organisation crime and corruption reporting project ) et dirige pendant plusieurs années SOS journalistes en Danger, une association spécialisée dans la promotion de la liberté de la presse au Togo.
Le journaliste voudrait être un modèle pour la nouvelle génération togolaise.
« Je ne cherche pas à être un héros, je cherche juste à être quelqu’un qui fait son travail avec rigueur et qui laisse des traces pour l’avenir .»
En poursuivant ses engagements, il souhaite démontrer que la rigueur journalistique constitue une forme de résistance face à un régime déterminé à dissimuler la vérité.
Ferdinand Ayite est un des journalistes lauréats de la deuxième promotion du programme de Voix en Exil.
LE PROJET. Lancé par CFI, la Maison des journalistes (MDJ), SINGA et Reporters sans frontières (RSF), Voix en Exil est un nouveau projet de soutien et d’accompagnement à Paris de journalistes et médias en exil, soutenu par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, afin de faire de la France l’une des principales terres d’accueil des journalistes en exil.
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