Elections Européennes : L’influence des fakes news dans la confiance des jeunes envers la politique

Les fakes news et les théories du complot participent à la défiance des jeunes envers la politique mais celles-ci arrivent parfois à être réfutées. À J-3 des élections Européennes, l’abstention risque d’être importante selon les derniers sondages. Les institutions luttent pour que les Français aillent voter en connaissant la réalité de ce qu’est l’Europe et non en se basant sur des idées fausses.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes: dans son dernier sondage pour Paris Match, Cnews et Sud-radio, Ifop-fiducial affirme que plus des 3/4, soit 77% des jeunes électeurs (18-25ans), prévoient de s’abstenir pour les élections Européennes.

En 2014 ils étaient 74% à ne pas avoir voté contre 71% en 2009. Mais pourquoi de plus en plus de jeunes ne se rendent plus aux urnes ?

Selon l’Ifop c’est “principalement pour des raisons liées au pessimisme sur la capacité de cette élection à changer les choses ou par manque d’identification à l’offre politique actuelle”.

“77% des jeunes électeurs prévoient de s’abstenir”

Jérome, représentant de la maison de l’Europe à Paris forme et informe sur la citoyenneté Européenne. Il organise des ateliers pédagogiques avec des adultes et des projets pédagogiques en partenariat avec des écoles pour toucher les plus jeunes. Il affirme que “les jeunes sont un peu perdus et savent qu’il y a des théories du complot, des fakes news. Mais ils ont du mal à savoir qui est quoi. C’est ce qu’(il) ressort de (son) expérience avec les jeunes, notamment les jeunes de banlieue.”

Toujours selon l’Ifop, 69% des jeunes électeurs se sentent mal informés sur l’Union Européenne. 17% se sentent même très mal informés précisément sur les actions de l’Union Européenne. Cependant, il existe des moyens pour réfuter et lutter contre ces fakes news ou ces théories du complot. En réponse à cette désinformation, pour les élections Européennes a été remis en avant le site les décodeurs de l’Europe lancé fin 2016 par la représentation de la Commission européenne en France.

La construction européenne fait selon elle l’objet de toute sorte d’idées fausses qui alimentent les fakes news. La volonté première de ce site est alors de permettre aux électeurs d’exprimer un vote «en connaissance de cause» en se basant sur la réalité et non sur des fakes news.

“C’est difficile pour eux de faire confiance”

Jérome nous confie aussi que les jeunes “ne connaissent pas les décodeurs de l’Europe et même quand (il) leur en parle c’est difficile pour eux de faire confiance à une institution que ce soit à l’échelle européenne nationale ou locale, peu importe ils ont du mal à faire confiance à une institution“.

Seulement 9% des français déclarent avoir confiance envers les partis politique nous apprenait le 10e baromètre annuel de la confiance du Centre d’étude de la vie politique (Cevipof) réalisé par l’institut OpinionWay et publié en Janvier dernier. Les fakes news et les croyances en des théories du complot participent en partie à augmenter cette défiance envers les institutions et les acteurs de la vie démocratique, qui n’a jamais atteint ce niveau.

“Les grandes rédactions s’attachent aussi à lutter contre les fakes news” 

Rudy Reichstadt, directeur de conspiracy Watch nous indique que de leur côté, les grandes rédactions s’attachent aussi à lutter contre les fakes news et théories du complot grâce à des cellules dédiées.

Il existe entre autre les décodeurs du monde, afp factuel ou encore fact check Eu. Fact Check Eu réunit 19 médias européens. Ils vérifient les fakes news liées aux élections européennes. Le Monde, 20 minutes, l’AFP et Libération en font parti notamment pour la partie française.

Rudy Reichstadt ajoute que les moyens pour lutter contre les fakes news ou les théories du complot sont “nécessaire mais pas suffisant. C’est important de répondre à cette propagande et ne pas laisser les Français sans élément pour contre argumenter donc ce travail est précieux”.

*Sondage Ifop: réalisé sur un échantillon de 1498 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 25 ans par questionnaire auto-administré en ligne du 15 au 24 avril 2019. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession).

Le comité d’éthique des médias: un rempart à la liberté?

Dans le cadre des 12ème assises internationales du Journalisme de Tours, le collectif #Payetoiunjournaliste a proposé de donner la parole aux citoyens sur la question des médias avec la création d’un comité d’éthique. Avec une telle instance, certains journalistes craignent que leur liberté d’exercer soit menacée.

Un comité d’éthique, comment ça marche ?

Le comité d’éthique est un organe professionnel d’autorégulation composé de représentants des journalistes, des éditeurs et du public. Cette composition peut changer d’un pays à l’autre. En Italie, on y trouve uniquement des journalistes ; en Ukraine, des journalistes et du public ; en Grande-Bretagne, des éditeurs et du public ou encore en Allemagne où sont regroupés journalistes et éditeurs.

Aucun représentant des pouvoirs exécutif, judiciaire ou législatif ne participe au conseil puisqu’il est totalement indépendant de l’Etat et de la politique.

Ces professionnels et non-professionnels se saisissent des plaintes et revendications de lecteurs, d’auditeurs, de téléspectateurs, d’internautes. Ils émettent un avis après enquête contradictoire, sur la base de la déontologie journalistique. Cet avis est par la suite rendu public.

Les décisions favorables au plaignant sont parfois accompagnées d’un blâme à l’intention du journaliste et/ou du média. Le comité d’éthique condamne tout ce qui n’est pas passible de sanctions au tribunal. On note notamment la réprobation des publicités déguisées en articles, des “ménages” (animations de débats rémunérés au sein d’une entreprise ou organisation), des bidonnages comme la fausse interview de Fidel Castro par Patrick Poivre d’Arvor, des conflits d’intérêts ou encore des atteintes à la vie privée.

Copyright Dessin-Schwartz pour la SNJ

Et ailleurs en Europe ?

Depuis 1950, de nombreux pays se sont dotés d’un conseil de presse appelé aussi conseil de déontologie des médias ou comité d’éthique. On en compte aujourd’hui une centaine dans le monde.

La majorité des pays européens, une vingtaine, dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suède, la Belgique, ont créé ces instances. En France, l’idée revient périodiquement d’instaurer un conseil de déontologie du journalisme.

La France est-elle en retard par rapport à ses voisins européens ?

Depuis les prémices du mouvement des Gilets Jaunes, la défiance de la population vis-à-vis des médias n’a jamais été aussi forte.

Un contexte qui amène à réfléchir à l’éventualité de créer un conseil de presse français. Certains y voient l’occasion de s’interroger sur la profession.

Copyright L’Express – 1964 – janvier

Le 15 mars, aux Assises du Journalisme, le ministre de la Culture Franck Riester a affirmé qu’il faut “retisser le lien entre les Français et les médias”.

Il existe déjà en France des comités d’éthiques spécifiques pour certains groupes de médias. Radio France, Le Monde ou encore France Télévisions disposent d’une chartre de déontologie et d’un conseil de presse à leur échelle.

Pierre Ganz, vice-président de l’Observatoire de la déontologie de l’information, durant les Assises de Tours note que “si tous les médias acceptent que leur travail soit examiné par un organisme indépendant, ce serait un outil qui permettrait de regagner la confiance du public.”


Il faut “retisser le lien entre les Français et les médias“.

Franck Riester, ministre de la Culture


Favorable à la création d’une telle instance, il est rejoint sur ce point par le SNJ (Syndicat Nationale des Journalistes).

Dans ses dix engagements, le syndicat national des journalistes note: “Le SNJ appelle [de ses vœux] la création d’une instance de déontologie paritaire et même tripartite, associant des représentants des salariés, des employeurs et du public.”

Je propose qu’il existe un tribunal professionnel qui puisse être saisi et qui ait le pouvoir de sanction symbolique contre les menteurs, les tricheurs, les enfumeurs. Je vais donc lancer avec mes amis une pétition en ce sens.”

Ce sont les propos tenus par Jean-Luc Mélenchon suite à son passage dans l’Emission Politique sur France 2. En décembre 2017, au cours de sa campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon relance l’idée d’une instance d’auto régulation en lançant une pétition plaidant pour la création d’un “conseil de déontologie du journalisme”.

Le chef de fil de la France Insoumise avait déclaré sur son blog que “la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine”.

Devenu l’ex ministre de la culture, Françoise Nyssen (mai 2017 à octobre 2018) qui était alors en poste, est allée dans le sens de Jean-Luc Mélenchon en annonçant le lancement d’une mission sur la déontologie de la presse.

Un conseil qui, en cas de création prochaine, aura à sa tête l’ancien PDG de l’AFP et de l’INA Emmanuel Hoog.

Les inconvénients du comité d’éthique

Une limite commune à la majorité des comités d’éthique concerne la justice.

En effet, sur le plan juridique, le Conseil de Presse est une association à but non lucratif. Lorsque ce dernier diffuse un blâme, il ne dispose d’aucune immunité. Il risque donc de devoir répondre de ses propos devant les tribunaux. En d’autres termes, le journaliste ayant reçu un blâme peut se retourner contre le comité de presse et l’astreindre devant les tribunaux.

Ceux-ci auront à déterminer si les évaluations, jugements et opinions exprimés par le Conseil ont ou non pas, un caractère fautif au regard de la loi.

Outre les limites juridiques constatées, certains journalistes expriment leurs craintes face à une forme de censure de la presse. Selon le SPIIL, le syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, cette idée n’arrive pas au bon moment, le contexte politique étant bien trop défavorable.

copyright Plantu – Le Monde

Sur son site internet, le syndicat déclare qu’il “n’appartient pas à l’État de susciter la création d’une instance d’autorégulation de la presse. Un Conseil né sous de tels auspices n’aura jamais la légitimité nécessaire. Seule une réflexion sereine issue de la profession elle-même et non du pouvoir politique permettrait d’envisager les contours d’un Conseil de déontologie ambitieux.

Pour le directeur de la rédaction d’OWNI, Guillaume Dasquié, la création d’un organe auto-régulateur n’est pas envisageable puisque le journalisme est “un milieu qui vit grâce à ses conflits, petits et grands. […] Les métiers de la presse se nourrissent de diversités mais aussi de divergences, d’antagonismes, voire de rapports concurrentiels animés.”

Il n’est donc pas concevable selon Guillaume Dasquié de créer une instance régulant la moindre discorde dans le but de lisser le paysage médiatique.

Clash

Il n’existe pas d’instance nationale contrôlant l’éthique des journalistes. Le 16 juillet 2014, une proposition de loi présentée par Jean-François Mancel allant en ce sens n’avait finalement pas vu le jour.

Dans cette proposition, le député UMP s’inspire en grande partie du projet du Conseil de déontologie journalistique de la Belgique francophone. Il explique que les Français ne comprennent pas qu’une corporation aussi puissante que le journalisme ne soit pas encadrée par un conseil indépendant.

En 2014, le fossé entre médias et citoyens se veut important ; la communication entre les deux parties est au bord de la rupture.

Le député rapporte “que 77 % des Français ne font pas confiance aux médias“. Composée de 8 articles, cette proposition n’a finalement pas convaincu les résistants comme Olivier Da Lage, journaliste à RFI. Il reproche au député de vouloir “inventer l’ordre des journalistes” et “mettre sous tutelle” la profession.

A ce jour, un comité d’éthique est en passe d’être créé en France. Jeudi 16 mai s’est tenu à Vanves une réunion entre éditeurs, journalistes et représentants du public pour poser les bases d’un futur conseil de médiation et de déontologie journalistique. L’objectif ? Que cette instance voit le jour d’ici la fin de l’année 2019.

Nouvelle avancée sur ce “Conseil de l’ordre des journalistes”. Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique, invite les journalistes à s’organiser pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation, faute de quoi c’est l’Etat qui s’en chargera. Interview par Reuters le 20 juin 2019

Tribune : universitaires et chercheurs s’inquiètent de l’ingérence marocaine envers Maâti Monjib

Un procès ouvert en 2015, reporté 15 fois. Avec notre confrère de la Maison des journalistes Hicham Mansouri, Maâti Monjib est visé par une plainte suite à la création d’une application mobile aidant les journalistes marocains et depuis censurée par le pouvoir. Hicham a du quitter le Maroc après avoir connu la diffamation et la prison. Maâti Monjib, universitaire a pu rester au Maroc, mais à quel prix?

Le 22 avril 2019, l’historien Maâti Monjib est entré dans une grève préventive de la faim pour 48 heures. Enseignant-chercheur à l’Institut des études africaines (IEA) de l’Université Mohammed V de Rabat, il est menacé de se faire radier de l’université et de la fonction publique, après avoir accepté de participer, en qualité de rapporteur, à la soutenance d’habilitation à diriger les recherches (HDR) de Mounia Bennani-Chraïbi, le 13 février 2019, à l’École normale supérieure (ENS), à Paris.

L’affaire de l’ENS

Quatre ans plus tôt, Maâti Monjib a mené une grève de la faim illimitée qui a duré 24 jours, pour défendre son droit à la libre circulation. En lien avec la formation de jeunes journalistes à des outils de la presse citoyenne, il a été poursuivi avec six autres personnes, d’abord pour “atteinte à la sécurité intérieure de l’État”.

Le procès court toujours et Maâti Monjib fait l’objet de campagnes incessantes de diffamation et d’harcèlement moral. À l’origine des pressions que Maâti Monjib subit actuellement, rien de bien révolutionnaire : il a tenu à remplir ses engagements auprès de ses collègues en prenant part à un événement hautement académique.

Invité dès le mois de juin 2018 à faire partie du jury d’HDR de Mounia Bennani-Chraïbi, il a rapidement avisé les autorités de tutelle et produit tous les documents exigés, y compris la convocation officielle de l’ENS, sans pour autant obtenir un accord administratif formel, que peu d’universitaires sollicitent.

Maâti Monjib décide quand même de participer à la soutenance : sa présence est essentielle au bon déroulement de ce processus d’habilitation long et complexe. Peu après son retour à Rabat, il reçoit plusieurs “demandes d’explication” de la part des autorités universitaires pour non-présence sur son lieu de travail.

Un choix cornélien

Il y répond et dépose personnellement, à chaque fois, ses réponses à l’administration de l’institut ; preuve supplémentaire de sa présence. Or, son ministère de tutelle a engagé contre lui une procédure en abandon de poste (depuis le 11 février 2019), notifiée le 18 avril. Sommé de signer un formulaire de “reprise du travail” dans un délai de sept jours, Maâti Monjib a le choix entre reconnaître des accusations fallacieuses ou se faire radier.

Il a déposé un dossier officiel attestant qu’il n’a nullement abandonné son poste et 19 de ses collègues de l’institut ont témoigné par écrit qu’il “se présente régulièrement au poste de son travail” à l’institut et s’acquitte normalement de ses tâches.

Le procès-verbal signé par l’ensemble des membres du jury d’HDR atteste également de sa participation active à une activité scientifique, qui relève du cahier des charges de tout professeur universitaire.

L’Institut des études africaines se flatte sur sa page web de favoriser la coopération universitaire internationale et la mobilité des enseignants. N’est-ce pas contradictoire de soumettre Maâti Monjib à des épreuves kafkaïennes, alors même qu’il ne faisait que représenter son université dans une institution pour le moins prestigieuse ? En notre qualité de professeurs universitaires et de chercheurs, nous exprimons toute notre inquiétude face à cette entrave à la liberté académique.

231 signataires au 9 mai 2019 : 

NomPrénomPaysInstitut / fonction
Bennani-ChraïbiMouniaSuisseUniversité de Lausanne
AllalAminTunisieCNRS-IRMC
BoccoRiccardoSuisseThe Graduate Institute
BurgatFrançoisFranceCNRS
CamauMichelFranceInstitut d’études politiques d’Aix-en-Provence
CasimiroIsabel MariaMozambiqueEduardo Mondlane University
CatusseMyriamFranceCNRS
ChalcraftJohnRoyaume-UniLondon School of Economics and Political Science (LSE)
DakhliLeylaAllemagneCentre Marc Bloch
DesruesThierryEspagneIESA-CSIC
El KhawagaDinaLibanAmerican University of Beirut
FillieuleOlivierSuisseUniversité de Lausanne
GamalWaelÉgypteCarnegie Endowment for International Peace
GreemanRichardÉtats-UnisUniversity of Hartford
GusevAlekseyRussieMoscow State University
HammoudiAbdellahÉtats-UnisPrinceton University
HudisPeterÉtats-UnisOakton Community College
IharchaneOmarMarocUniversité Cadi Ayyad
JeppieShamilAfrique du SudUniversity of Cape Town
KaneOusmaneÉtats-UnisHarvard University
López GarcíaBernabéEspagneUniversité Autónoma
LöwyMichaelFranceCNRS
Miller G.SusanÉtats-UnisUniversity of California, Davis
MounaKhalidMarocUniversité Moulay Ismail
MounibNabilaMarocUniversité Hassan II
NaciriMohammedMarocGéographe, Université Mohammed V
NeveuErikFranceSciences Po Rennes
OfferléMichelFranceÉcole normale supérieure de Paris
RachikHassanMarocUniversité Hassan II
Siméant-GermanosJohannaFranceÉcole normale supérieure de Paris
StennerDavidÉtats-UnisChristopher Newport University
UysalAysenTurquiePolitologue (expulsée de l’Université d’Izmir)
VairelFrédéricCanadaUniversité d’Ottawa
VillalonLeonardoÉtats-UnisUniversity of Florida
VermerenPierreFranceParis 1 Panthéon-Sorbonne, France
WainscottAnn MarieÉtats-UnisMiami University
WaterburyJohnLibanAmerican University of Beirut

 

Les autres signataires par ordre alphabétique :

 

AainoussAbdelghaniMaroc 
AarourFatihaFrance 
AbdelmoumniSouadMaroc 
AbdelmoumniNaimaMaroc 
AchahbouneAbdellazizMaroc 
AchibaneMehdiMaroc 
AfkirMostafaFrance 
AfsahiKenzaFranceCentre Emile Durkheim – Université de Bordeaux
AghbalAhmedMarocUniversité Moulay Ismail
AhndarMohamedMaroc 
AitbaMouhssineMaroc 
AkanniSalouaFrance 
AkesbiNajibMarocInstitut agronomique et vétérinaire Hassan II
AksikasJaafarÉtats-UnisColumbia College Chicago
Alami MchichiHouriaMarocUniversité Hassan II
AllalTewfikFrance 
AlliouiHananeMaroc 
Andalous OuartassiKamalMaroc 
AnkariHamidMaroc 
AribAhmedMaroc 
AssidonSionMaroc 
AugierJean-PaulFranceHistorien
AzdemMehdiMaroc 
BaczkoAdamFranceUniversité Paris I
BajjajiGabrielFrance 
BalarbiNajatSuisse 
BaranziniRobertoSuisseUniversité de Lausanne
BelarbiMohamed  
BelfquihAbdelkhalekFrance 
BelghaziAmineMaroc 
BellaHassanMaroc 
Ben MamiAmineFranceSciences Po Aix
Ben SaudYoussefMaroc 
BenchebabAbdellatifMaroc 
BenmoussaYounesMaroc 
BennaniTaoufikMaroc 
BenslimaneDouniaMaroc 
BernichAbdallahMaroc 
BouabidAliMarocPolitologue
BouaggaYasmineFranceÉcole normale supérieure de Lyon – Triangle
BoubelrhitiLhoucineMaroc 
BouchraMouloudaMaroc 
BouguiyoudSaidQatar 
BouharouSullimanMaroc 
BoulaFaroukMaroc 
BoulakhrifAhmedMaroc 
BoutaharDrissMaroc 
BouzendagaAbdallahMaroc 
BrazekAbdeslamFrance 
BrouksyOmarMarocJournaliste et universitaire
ButinCyprienFranceConsultant en développement urbain
CaponCorinneSuisse 
CasaniAlfonsoEspagne 
ChahirAzizMarocPolitologue
CharpentierIsabelleFranceUniversité de Picardie
ChbibiMohamed  
CheikhMeriamFranceAnthropologue
CherbibMouhieddin e 

 

Militant des droits de l’homme tunisien

CherouaouBrahim  
CherquiIlhamCanada 
CherradouMohammedMaroc 
ChoubiMohamedMaroc 
ChoukriHmedFranceUniversité Paris Dauphine
ChraibiSaadMaroc 
DafirHassanMaroc 
DeğerOzanTurquiePolitologue (expulsé de l’Université d’Ankara)
DemetriouEleniChypreAix-Marseille Université
DerouichSaidMaroc 
DianiMoradQatarUniversité Cadi Ayyad (actuellement chercheur au Doha Institute)
DirècheKarimaFranceCNRS
DuchesneSophieFranceCNRS
DuthuFrançoiseBelgiqueUniversité Paris Ouest Nanterre
EichenbergerPierreÉtats-UnisChercheur invité à la New School
El AmineAmalMaroc 
El AyarMhamedMaroc 
El FahliMohamedMaroc 
El ImameSoumiaMaroc 
El KawkabiHassanMaroc 
ElalaouiCharifFrance 
ElAmineAdnanLibanAmerican University of Beirut
ElbelghitiRachidMaroc 
ElbouskyBelaidÉtats-Unis 
ElkhairiAyoubMaroc 
ElouajjaniSaidMaroc 
ElyamlahiZakiaMaroc 
EmperadorMontserratFranceUniversité Lyon 2
FakirIntissarÉtats-UnisCarnegie Endowment for International Peace
FarhatAbdellatifFrance 
FatmiYoussefMaroc 
Fernandez-MolinaIreneRoyaume-UniUniversity of Exeter
GanevVenelinÉtats-UnisMiami University
GaubertJulieSuisseChercheuse
GhadeerAhmedÉgypteChercheuse
GobilleBorisFranceÉcole normale supérieure de Lyon
GonnetAurélieFranceChercheuse
González García de ParedesMartaEspagneIESA-CSIC
GrazJean- ChristopheSuisseUniversité de Lausanne
GrottiLaetitiaMaroc 
GuediraAbdellahMaroc 
HayatSamuelFranceCNRS
HeddouchiOmarMaroc 
IdbelaidHamidMaroc 
IdhmidaMohamedMaroc 
IlahianeHsainÉtats-UnisMississipi State University
ImmAnasMaroc 
    
JamalAyoubMaroc 
Janne d’OthéeNathalieBelgiqueCentre national de coopération au développement (CNDD 11.11)
JenkalAbdelaziz  
JeradiMohamed  
JimenezMarEspagne 
JouvenetMorganFranceCNRS
KerdellassAchrafMaroc 
KhadirKhaddoujFrance 
KhalilOmniaÉgypteChercheuse
KheirAhmedÉgypteChercheur
KosuluDenizFranceChercheuse
KsikesDrissMarocÉcrivain et professeur à HEM
KurtoğluZerrinTurquieSociologue
LaaroussiOmarMaroc 
LahmamedElmehdiQatar 
LizéWenceslasFranceUniversité de Poitiers
López HernándezDoloresEspagneUniversidad de Navarra
Loukili ChrifAl MostafaMaroc 
MaaninouLarbiFrance 
MachAndréSuisseUniversité de Lausanne
MachrouhiDahbiMaroc 
ManryVeroniqueFranceSociologue
MasrourAissaMaroc 
MathieuLilianFranceÉcole normale supérieure de Lyon – Centre Max Weber
MayauxPierre-LouisFranceCentre international de recherche pour l’agriculture et le développement
MazighBahriMaroc 
McLaughlinFionaÉtats-UnisUniversity of Florida
MejjadGhaniMaroc 
MelianiYoussefMaroc 
MenouxThibautFranceUniversité de Nantes
MeziatyMouadMaroc 
MezziYoussefMaroc 
MiasColineFranceDoctorante Sciences Po Aix
Mohamed-ChaabaniSalihaFrance 
MortabitZouhairFrancePolytech Clermont-Ferrand
MotaMiltonSuisse 
Mouhallil-LeroySophieBelgique 
MoustekfuAbdellatifMaroc 
MrabtiMohammedMaroc 
MulhemMonifSyrieIntellectuel et militant syrien
NaguibMohamedFrance 
NaihMohammedMaroc 
NaimMustaphaMaroc 
NajemeIbrahimMaroc 
NaouaAdibaMaroc 
NasrAymanFrance 

 

Nuino Mourad

Mourad Nuino

 

Maroc

 

Docteur en droit

OcanaMorganFrance 
OlivierIsabelleFrance 
OubakaBrahimMaroc 
OukmeniIdirMaroc 
OumlilKenzaMarocUniversité Al Akhawayn
PaboeufJean-LouisFrance 
PagisJulieFranceCNRS
PapadopoulosIoannisSuisseUniversité de Lausanne
PaternotteDavidBelgiqueUniversité libre de Bruxelles
PereiraCristinaSuisse 
PierretMoniqueBelgique 
QmichouKhadijaMaroc 
RaddaouiRaddaouiMaroc 
RajibSaidMaroc 
RaoudMostafaMaroc 
RaymondCandiceFranceIREMAM
RhribSamiSuisse 
RivetBénédicteFranceCentre Max Weber
RuchetEvanSuisse 
RuelAnneFranceHistorienne
Ruiz de ElviraLauraFranceUniversité Paris Descartes

 

Sadki

Abdelouahe d

 

Maroc

 
SaidiRachidaMaroc 
SammouniMohamedMarocJournaliste et chercheur en sociologie politique
SefriouiKenzaMarocDocteure de l’Université Paris IV, journaliste culturelle, critique littéraire et éditrice
SillyVincaFrance 
SolanasFacundoArgentineUniversité de Buenos aires
SommierIsabelleFranceUniversité Paris 1
TajMustaphaMaroc 
TalbiAlaaTunisie

Docteur de l’Université de Tunis, Forum

tunisien pour les droits économiques et sociaux

TayebiMohammedMaroc 
TbeurIssam- EddineMarocUniversité Mohammed V
TekEylemTurquie 
TisserdiRachidMaroc 
TmartAhmedMaroc 
TokerNilgunTurquiePolitologue (expulsée de l’Université d’Izmir
TurkmenBuketFranceCentre Emile Durkheim
WahnichSophieFranceCNRS
YukselHakanFrance 
ZejlyNassimFrance 
ZwanenburgElsaSuisse 

Etre une femme journaliste en exil


A l’occasion de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse, la Maison des journalistes et Magnum Photos se sont associés pour une exposition nommée “D’ICI”. Inauguré le 3 mai 2019, le vernissage a été suivi d’une table ronde sur le thème “La liberté de la presse, un enjeu rédactionnel et photographique” à l’Hôtel de Ville. L’opportunité pour Thelma Chikwanha et Rowaida Kanaan de se livrer sur leur condition de journaliste en exil.

Des itinéraires sombres et pourtant, le sourire n’a jamais quitté le visage des deux journalistes durant la rencontre-débat. A l’aide de leurs interprètes, les deux femmes se sont prêtées au jeu des questions dont les réponses touchantes débordaient de sincérité.

L’exil, une nécessité pour la survie

Rowaida Kanaan est une journaliste syrienne née à Damas en 1976. Elle a écrit pour plusieurs sites internet syriens en parallèle de son activité principale à la radio. Elle est arrêtée dès le mois d’août 2011 pour sa participation aux manifestations. Puis de nouveau en 2012, et en 2013, lors d’un contrôle à un checkpoint alors qu’elle est avec son compagnon. Elle est emprisonnée pour détention de carte de presse.


“Chaque minute, une femme est violée ou torturée en prison en Syrie”.


Avec émotion, Rowaida décrit la torture qu’elle a observée mais aussi subie en prison. De la même manière que les hommes, les femmes y sont battues, certaines subissant des violences sexuelles répétées. La gorge tremblante, la journaliste l’affirme, “chaque minute, une femme est violée ou torturée en prison en Syrie”. Des faits avérés passés sous silence par le gouvernement syrien.


Pour survivre, Rowaida n’avait pas d’autres choix que fuir.


Un départ similaire à celui de Thelma qui a quitté le Zimbabwe pour éviter le pire. Consultante en communication, correspondante pour One World UK, rédactrice politique pour les plus grands magazines, Thelma Chikwanha a couvert de nombreux évènements mondiaux.

Le 6 octobre 2016, elle se rend à l’aéroport à la demande d’un média pour prendre l’avion : direction la Suède pour assister à une conférence. A peine les portes franchies, la journaliste se fait attaquée. Ses effets personnels, son téléphone et son ordinateur lui sont arrachés. 3 jours plus tard, ses assaillants font irruption chez sa mère, retourne la maison et lui profère des menaces. Ils lui jurent de faire disparaitre Thelma de la même façon qu’ils avaient éclipsé l’un de ses collègues journalistes. Pour sa sécurité ainsi que celle de sa famille, Thelma Chikwanha décide de quitter le Zimbabwe pour faire de la France sa terre d’asile.

Rowaida KANAAN s’exprimant lors de l’événement #DICI à la Mairie de Paris : regards croisés entre journalistes exilés et photographes de l’agence Magnum.

Les premiers pas sur le sol français

La fraicheur et la pluie du 23 janvier 2017 ont marqué Thelma à son arrivée. Une journée d’hiver où elle est accueillie par une policière dont elle garde un sympathique souvenir. A cette époque, les mots “Bonjour”, “Au revoir” et “Je t’aime” constituent la base de son vocabulaire français. Ayant emportée son fort caractère avec elle et son franc-parler dans ses bagages, elle exige aux policiers du commissariat voisin d’appeler le 115, le numéro d’urgence pour l’hébergement.


Elle dit se sentir dans les premiers temps “comme un arbre arraché à ses racines”.


Elle est hébergée la première semaine puis fait la connaissance d’une famille qui l’accueille à Mantes-la-Jolie. “Je leur dois énormément” déclare t-elle avec émotion en pointant du bout des doigts l’une des membres de cette famille assise au fond de la salle.

Pour Rowaida, l’intégration semble plus rude. Arrivée en 2014, les débuts sont difficiles. Passé 40 ans, la journaliste en exil comprend qu’il est compliqué de décrocher un travail et d’apprendre une nouvelle langue qui lui est inconnue. Elle dit se sentir dans les premiers temps “comme un arbre arraché à ses racines”.

Rowaida garde tout de même en tête une anecdote qui l’a fait sourire. “En France, on a besoin de faire beaucoup de papiers” s’exclame t-elle. Après un an et demi d’attente, elle fini par obtenir ses premiers papiers officiels. Par inadvertance, elle perd son sac à main quelques semaines plus tard. De quoi décrocher un vif fou rire dans l’auditorium.

Thelma CHIKWANHA s’exprimant lors de l’événement #DICI à la Mairie de Paris : regards croisés entre journalistes exilés et photographes de l’agence Magnum.

Comment se reconstruire ?

Rowaida a choisi le théâtre dès son arrivé en France. Elle est l’une des comédiennes de la pièce “X-Adra”, un projet porté par Ramzi Choukair, comédien et metteur en scène franco-syrien.


Les journalistes savent où la trouver mais s’intéresse bien plus à la manière dont elle s’occupe d’un enfant plutôt qu’à son avis sur la situation au Zimbabwe.


Un décor où se mêlent témoignages de femmes, sur deux générations, passées par les geôles et la torture du régime syrien. Cette pièce est un moyen pour la journaliste de s’intégrer en France sans pour autant oublier son beau pays jalonné de problèmes politiques et sociaux. Pour elle, le théâtre est une forme de lutte. Thelma, de son côté, ne trouve pas la paix qu’elle recherchait en France. Lorsque Michel Urvoy lui pose la question de l’intégration, la journaliste débute un monologue passionnée sans laisser le temps à son interprète de traduire.

Thelma se révolte d’être une babysitter en France, elle qui a pourtant couvert des évènements majeurs tels que les élections américaines ou encore le G8. Selon elle, les journalistes savent où la trouver mais s’intéresse bien plus à la manière dont elle s’occupe d’un enfant plutôt qu’à son avis sur la situation au Zimbabwe.

Un sentiment partagé par une grande partie des journalistes en exil comme Maria Kuandika qui déclare “tels sont effectivement les secteurs les plus accessibles aux étrangers, pour ne pas dire aux réfugiés et aux migrants”.

Malgré la réintégration et la nouvelle vie qui s’offre aux journalistes, l’exil reste une blessure psychologique. Le temps apaise la douleur mais ne permet pas à ces femmes d’oublier qu’elles ont perdu leur statut pour lequel elles ont travaillé avec acharnement. La peur est définitivement présente mais l’envie d’écrire et d’informer reste plus forte. Comme le déclare Thelma, le journalisme, ce n’est pas une profession mais une vocation.

Ghislaine Dupont, Claude Verlon et Camille Lepage : une place en leur mémoire pour honorer la liberté de la presse

Le 3 mai 2019, à l’occasion de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse, une place au nom des trois journalistes français Ghislaine Dupont, Claude Verlon et Camille Lepage sera inauguré dans le 2ème arrondissement de Paris. La municipalité de Paris a décidé de rendre hommage à ces trois personnalités qui se sont distinguées par leur travail journalistique et au cours duquel elles ont finalement été tuées. Un regard plus attentif sur leurs histoires inspire de nombreuses réflexions pour cette date importante consacrée à la liberté de la presse.

Ghislaine Dupont, tuée à l’âge de 57 ans au Mali aux côtés de Claude Verlon, âgé de 55 ans, a commencé sa profession de journaliste dès son plus jeune âge.

Ghislaine Dupont, une vie dédiée au journalisme

Après une spécialisation à l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris (ESJ) et des expériences de travail antérieures dans le domaine de l’imprimerie et des émissions de radio, Ghislaine Dupont s’est tournée vers l’Afrique, où elle avait déjà passé une partie de son enfance.

Ghislaine Dupont et Claude Vernont

Journaliste à Radio France Internationale (RFI), elle a couvert depuis les années 1990 les principaux événements de l’époque, dont la mission de l’UNITA en Angola, le conflit érythréen-éthiopien, le génocide au Rwanda, puis au Soudan, en Algérie et en Côte d’Ivoire. A travers son journalisme d’investigation rigoureux, elle a rapporté à plusieurs reprises au monde des histoires vitales et dénoncé des faits cruciaux tels que l’existence de fosses communes à Abidjan en Côte d’Ivoire. Tout en gardant son intérêt persistant pour la région africaine, entre 1997 et 2007, elle s’est installée en République Démocratique du Congo où elle a continué activement à rendre compte de la réalité politique et sociale interne tout en démarrant une série de nouveaux projets. Elle a non seulement participé à la création de la nouvelle Radio Okapi, qui deviendra plus tard le principal média d’information du pays, mais elle s’est également impliquée dans la formation de jeunes journalistes dans la région. Les années passées en République Démocratique du Congo révèlent l’engagement sans faille de Dupont à rendre compte de la réalité de manière indépendante et précise sans exception. En raison de ses activités sur les questions sensibles et de sa couverture de la campagne électorale de 2006, elle a été expulsée de la République démocratique du Congo sous le gouvernement de Joseph Kabila. Tout en essayant de continuer à couvrir les événements de la République démocratique du Congo, l’attention de Dupont s’est concentrée sur de nombreux autres sujets, dont le Mali.

La rencontre avec Claude Verlon

C’est à ce moment qu’elle croise le chemin de Claude Verlon, avec qui elle partagera le même destin cruel d’assassinat le 2 novembre 2013. Journaliste et ingénieur du son de renom, Claude Verlon est arrivé au Mali après des années d’expérience sur le terrain. Après avoir étudié à l’Ecole Nationale Supérieure Louis-Lumière et plusieurs cours du soir, Claude Verlon rentre en 1982 à Radio France Internationale (RFI) en tant qu’ingénieur du son, poste pour lequel il travaillera jusqu’à sa mort. Spécialisé dans les zones de conflit, il n’a cessé de reporter sur des pays difficiles comme l’Afghanistan, le Liban, l’Irak, la Libye et bien d’autres encore. Tout au long de son travail sur le terrain, il s’est largement fait connaître comme un journaliste talentueux, capable de faire des reportages dans les régions les plus reculées du monde. Parmi les innombrables pays et conflits dont il a été témoin, le continent africain a constitué un domaine d’intérêt majeur depuis le début de sa carrière. C’est notamment de l’Afrique et, surtout, du Mali que son dernier reportage “La crise au Nord Mali et la réconciliation” devait traiter. Cependant, à son arrivée à Kidal au Mali dans la matinée du 29 novembre 2013, sa collègue Ghislaine Dupont et lui ne savaient pas encore ce que la vie allait leur réserver quelques jours plus tard.

En effet, le 2 novembre, les deux journalistes ont été enlevés et tués par balle. Leurs corps ont été retrouvés quelques heures plus tard par des soldats français. De nombreux doutes subsistent quant aux circonstances et aux raisons de leur mort et deux enquêtes sont ouvertes au Mali et en France selon RFI Afrique. Tout en attribuant l’assassinat à des membres de l’organisation militante islamiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), de nombreux faits restent à élucider, notamment le lien entre leur assassinat et la libération des otages d’Arlit quatre jours avant leur disparition, comme le montre un reportage sur France 2.

Camille Lepage, une jeune journaliste tuée dans des circonstances non élucidées 

Similairement, aucune élucidation complète n’a encore été apportée à la mort du troisième journaliste auquel la place parisienne sera dédiée, Camille Lepage.

Après une formation académique en journalisme, elle devient une photojournaliste de renom qui s’est déplacée dans différents pays d’Afrique. Après avoir largement couvert l’Egypte et le Sud-Soudan, elle s’est installée en République centrafricaine et son travail a été publié dans des journaux internationaux de renom tels que le New York Times, The Guardian, Le Monde et The Washington Post ainsi que pour des ONG telles qu’Amnesty International et Médecins Sans Frontières. Son véritable intérêt pour la région et son penchant naturel pour le dialogue et l’écoute ont accompagné toute sa carrière journalistique qui a toujours été marquée par une ferme détermination à rapporter librement ce dont elle a été témoin sans compromis.

Camille Lepage

Elle était déterminée à faire la lumière sur des histoires qui n’étaient pas couvertes par les médias grand public, comme le rappelle un article du Washington Post, en citant ses déclarations à sa mémoire : “Je ne peux accepter que les tragédies des gens soient réduites au silence simplement parce que personne ne peut en tirer de l’argent”. Toujours au début de sa carrière et avec de nombreux autres projets en tête, la République Centrafricaine sera sa dernière destination. Le 13 mai 2014, le corps de la journaliste de 26 ans a été retrouvé par les troupes françaises de maintien de la paix dans la région occidentale de Bouar. Ses comptes Twitter et Instagram ont révélé qu’elle voyageait en moto avec une milice anti-balaka pour aller rapporter les massacres qui ont eu lieu pendant des mois dans la localité d’Amada-Gaza. Deux ans après sa mort, en 2016, en dépit d’une riche mobilisation internationale pour que les responsables de son assassinat répondent de leurs actes, l’enquête est toujours dans l’impasse, comme l’a dénoncé Reporters Sans Frontières.

Unis par le même destin inoubliable, Ghislaine Dupont, Claude Verlon et Camille Lepage ont fait preuve d’un dévouement sans faille à la cause du reportage inconditionnel sur la réalité, dont nous pouvons nous inspirer pour la récurrence de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Leurs noms sur la place nous rappellent l’importance du reportage et de l’information libres, sans lesquels le journalisme ne peut servir son but comme le souligne l’écrivain Albert Camus ; “Une presse libre peut, bien sûr, être bonne ou mauvaise, mais, très certainement, sans liberté, la presse ne sera jamais que mauvaise“.

Interview d’Alain Genestar, directeur de Polka : photojournalisme, au coeur d’une révolution

La Maison des journalistes s’associe avec Magnum Photos pour présenter l’exposition D’ici, réalisée à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai. Cette exposition s’affichera du 3 au 31 mai 2019 sur la façade de l’hôtel de ville de Paris et a vocation d’être itinérante. Journalistes exilés et photographes de Magnum Photos se mobilisent pour défendre la liberté de la presse en textes et en photos.

Menacés dans leurs pays pour avoir voulu exercer leur métier librement, ces journalistes, désormais accueillis en France, reprennent le stylo. Ils croisent leurs regards avec celui de photographes qui, eux aussi, s’engagent au quotidien pour documenter la marche du monde. Un journal issu de l’exposition est édité par Ouest France, partenaire de la MDJ.

© Salgado – Polka Magazine

La photographie évolue rapidement: de l’argentique au numérique, en passant par le partage instantané des photos sur internet. Quel a été l’impact d’internet sur le photojournalisme et sur le magazine Polka?

[ALAIN GENESTAR] En positif ! Sans internet on n’aurait pas pu créer Polka magazine.

J’ai connu le monde d’avant et le monde d’après, et sans internet il fallait des correspondants dans le monde entier, des déplacements etc.

Quand nous avons créé Polka Magazine on l’a fait savoir assez facilement. Nous avions besoin de ce support qu’est internet. Surtout dans le monde de l’image, tout le monde est interconnecté.

Cela a mis du temps mais les grandes agences et les grands magazines, après avoir pleurer sur le monde d’avant en pensant qu’il fallait y revenir, se sont mis à la page. Maintenant tout le monde a compris qu’on est dans un monde nouveau.

Le côté négatif touche à l’authenticité et à la vérité. On parle beaucoup de fake news en version texte, mais la fake photographie existe aussi.

Le côté négatif est tellement identifié que c’est à nous de maintenir des filtres naturels pour empêcher ces fausse photos d’être publiées. C’est une chance pour un photographe, même si cela va prendre du temps pour que cette chance soit rémunérée.


Tout le monde prend des photos, mais tout le monde n’est pas photographe.


La crise de la presse est aussi responsable.

Comme tout le monde peut prendre des photos et les diffuser sur les réseaux sociaux, ceci crée une double rigueur pour le photographe: une dans sa qualité de travail et une autre dans l’authenticité.

Pour l’éditeur, à lui d’installer des filtres pour vérifier cela, surtout pour des sources qui ne sont pas bien établies dans le domaine. Le danger est tellement clair qu’il n’est pas vraiment identifié comme un danger. Le public est à la fois bénéficiaire du contenu gratuit et victime de sa nature parfois détournée.

Il y a une éducation du public à faire. Dans les écoles, apprendre à lire c’est bien. Mais apprendre à lire une image c’est bien aussi.

Juste parce que les gens savent qu’écrire n’a pas tué le métier de l’écrivain. Au contraire, ça met en valeur l’écrivain, car aujourd’hui il doit être capable de raconter une histoire avec ses complexités et faire des raisonnements.

Tout le monde sait écrire mais tout le monde n’a pas le talent de Victor Hugo.

Or tout le monde sait lire, ce qui lui donne un public plus grand. C’est exactement pareil dans le domaine de la photo. Tout le monde prend des photos, mais tout le monde n’est pas photographe.

Le public avec un oeil pour la bonne photographie s’élargit.

© Polka Magazine

Quelle est la donc la responsabilité d’un photojournaliste et, selon vous, quel est le but de son métier?

Premièrement le photojournalisme c’est un travail d’avenir. C’est pour demain mais cela se prépare dès aujourd’hui. Nous sommes dans une phase de préparation qui est difficile, car nous visons une évolution… une révolution.

Et parfois dans les révolutions, il y a des restaurations de l’ordre où l’on revient à l’ancien régime. Mais là il est impossible de revenir à l’ancien regime. C’est fini. Ceux qui gagnent dans les révolutions sont les révolutionnaires. La nouvelle génération de photographes sont ces révolutionnaires. Si on veut être négatif on va dire qu’il y a une énorme pagaille.


La nouvelle génération de photographes sont ces révolutionnaires.


A l’inverse, si l’on veut être positif, on peut dire qu’il y a une énorme émullation créatrice. Aujourd’hui, un photojournaliste ne doit pas seulement avoir du courage mais énormément de talent. Il faut maintenant des écrivains de l’image avec beaucoup de connaissances techniques. Il faut arriver à raconter une grande histoire.

© Polka Magazine

Quelle est la différence entre un photographe et un photojournaliste?

Le photojournalisme est un photographe qui a l’exigence de raconter ce qui se passe dans l’actualité. C’est un journaliste d’image, donc un journaliste qui fait de la photo. Ce métier évolue car la technique évolue mais il existe plus que jamais, surtout avec les fausse images qui circulent.

Par exemple maintenant, le photojournaliste fait souvent de la vidéo.

Comment sélectionnez-vous les images qui apparaissent dans votre magazine?

Pour un média basé sur l’image comme nous, il est nécessaire de connaître les photographes essentiels du monde entier. Donc on choisit des photographes que l’on connait bien.

Depuis la création de Polka on a du employer entre 200 et 300 photographes, que l’on fait retravailler. On cherche aussi des jeunes, des nouveaux.

Notre équipe fait tout les festivals de photographie, et beaucoup d’expositions sans cesse dans la rencontre aussi de nouveau photographes. A Polka, on fait de la production mais nous n’avons pas les moyens de faire que de la production, donc on achète aussi des sujets qui ont été déjà produits par des photographes.

© Polka Magazine

Est-ce que vous auriez commencé Polka Magazine aujourd’hui, dans un moment d’incertitude pour le métier?

Bien sur. L’avenir était incertain il y a dix ans. Nous croyons qu’aujourd’hui, même si c’est très difficile, il est moins risqué de lancer un magazine que de reformer un ancien.

Les magazines d’aujourd’hui, notamment les news magazine, se créent aujourd’hui, se créent avec des équipes qui s’adaptent à une nouvelle réalité.

Toujours moins de zones “sûres” dans le monde pour les journalistes

La liberté de la presse a continué de se dégrader dans de nombreux pays et les zones “sûres” pour les journalistes se raréfient, affirme Reporter sans frontières dans son rapport 2019. Une hostilité croissante à l’égard d’une profession. Selon son rapport 2019 sur la liberté de la presse dans le monde, Reporters sans frontières dresse un bilan accablant: “La haine des journalistes a dégénéré en violence”, prévient l’association, laquelle souligne que les passages à l’acte sont “plus graves et plus fréquents”.

Sur la carte du monde, seulement 24% des 180 pays et territoires étudiés affichent une situation “bonne” ou “plutôt bonne” pour la liberté de la presse, contre 26% en 2018.

L’ONG, qui établit ce classement annuel en relevant les violences commises contre les journalistes et en rassemblant les analyses de journalistes, juristes, et chercheurs du monde entier, constate “un accroissement des dangers et, de ce fait, un niveau de peur inédit dans certains endroits” parmi les journalistes.

Attaque en Afghanistan où 4 journalistes ont été tués.

Le harcèlement, les menaces de mort, les arrestations arbitraires, font de plus en plus partie des “risques du métier”.

En Afrique, la République Démocratique du Congo ne montre pas l’exemple

La liberté de la presse à l’heure des grands changements en Afrique Subsaharienne.

L’Afrique subsaharienne n’échappe pas à la nouvelle dégradation mondiale de la liberté de la presse. La haine des journalistes, les attaques contre les reporters d’investigation, la censure, notamment sur internet et les réseaux sociaux, les pressions économiques et judiciaires contribuent à affaiblir la production d’une information libre, indépendante et de qualité sur un continent où la liberté de la presse a connu d’importantes en 2018 mais plutôt pas le cas pour la RDC.

En République Démocratique du Congo (154ème au monde comme l’année dernière 2018), un climat toujours plus hostile, véhiculé par l’actuelle gouvernement dirigé par le président Félix Antoine Tshisekedi s’est installé.

“Jamais les journalistes congolais n’avaient fait l’objet d’autant de menaces de mort”, et jamais non plus ils n’avaient “autant sollicité d’entreprises privées pour assurer leur sécurité” souligne RSF, alors que il y a eu alternance dans ce pays il y a pas longtemps.

Il y a deux semaines, plus de 80 journalistes et 4 employées d’une chaîne de télévision privée émettant à partir de Kinshasa (capital de la RDC) ont été violemment agressés et arrêtés pour avoir exigé de meilleures conditions de vie et dénoncé les entraves qu’ils subissent lors de leurs reportages sur terrain par des hommes en uniforme : la police, l’armée, les gardes républicaine communément appelé Bana Mura etc… Sans oublier les autorités politico-administratives.

Ces 80 journalistes et 4 employées ont tous été arrêtés et embarqués dans le jeep pendant leur seeting dans la capitale. Or il y a pas longtemps lors de la visite officielle du nouveau chef de l’État Félix Tshisekedi aux États-Unis d’Amérique, lors d’une conférence ouverte, il avait lui-même déclaré clairement qu’il va “déboulonner le système dictatorial installé dans le pays pendant plusieurs années… Et respecter la presse comme le 4ème pouvoir au monde!”

Mais ce que nous vivons c’est bien d’ autres que la continuité du système et l’impunité de droit de l’homme ; affirme Pierre Bordney assistant manager Desk- Afrique RSF.

La plus part des médias y sont contrôlés par le service de l’ANR (Agence Nationale de Renseignements), les derniers correspondant clandestins en exile sont “pourchassés sans relâche” condamne RSF.

Les journalistes africains sont soumis à des nombreuses formes d’intimidation et de pressions, et à un harcèlement judiciaire croissant. Si l’Europe demeure le continent qui garantit le mieux la liberté de la presse, les journalistes d’investigation y sont, plus que jamais, entravés dans leur travail.