Alain Frilet, Parole de Photographes : “la photographie n’a jamais été une preuve”

La Maison des journalistes s’associe avec Magnum Photos pour présenter l’exposition D’ici, réalisée à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai. Cette exposition s’affichera du 3 au 31 mai 2019 sur la façade de l’hôtel de ville de Paris et a vocation d’être itinérante. Journalistes exilés et photographes de Magnum Photos se mobilisent pour défendre la liberté de la presse en textes et en photos.

Menacés dans leurs pays pour avoir voulu exercer leur métier librement, ces journalistes, désormais accueillis en France, reprennent le stylo. Ils croisent leurs regards avec celui de photographes qui, eux aussi, s’engagent au quotidien pour documenter la marche du monde. Un journal issu de l’exposition est édité par Ouest France, partenaire de la MDJ.

Alain Frilet est photojournaliste, il a travaillé une vingtaine d’années au journal Libération jusqu’en 1996. Depuis, Alain Frilet a notamment créé et dirige l’association Parole de Photographes. C’est dans le cadre de cette association que l’Oeil de la Maison des journalistes l’a rencontré. 

Parole de Photographes organise des projections rencontres entre des photographes invités à commenter leurs travaux projetés et le grand public. Alain Frilet participe aussi à la création d’ateliers-photo pour enfants afin de leur faire découvrir le sens et la portée des images, et les initier à la prise de vue photographique. 

Pourquoi avez-vous ciblé un jeune public avec votre programme Parole de Photographes, qui enseigne la compréhension de l’image et les techniques de la photographie?

La photographie est un outil d’expression complètement démocratique. Quelque soit le bagage socio-culturel de la personne, elle peut s’exprimer par la photographie. On n’a pas besoin d’avoir fait des grands études, il faut simplement avoir envie de témoigner, montrer, raconter…

La photographie est devenue un moyen d’expression démocratique et générale. Tout le monde aujourd’hui prend des photos et les jeunes en font encore plus, grâce aux téléphones portables qui facilitent l’expression de soi.

Notre objectif est d’enseigner aux adolescents, jeunes adultes et aux plus petits, le sens de l’image et à prendre des photos. Aujourd’hui, Parole de photographe mène à peu près trois cents ateliers par an à Paris.

Pourquoi est-il important d’apprendre aux jeunes de savoir lire des images mais aussi de se méfier des manipulations ?

Aujourd’hui le volume d’image créée est devenu phénoménal !

Chaque jour, des milliards de photographies sont faites dans le monde et certaines présentent des failles. La photographie n’a jamais été une preuve : on commence par ça, il faut dire aux enfants que la photographie ce n’est pas la vérité, c’est une vérité et c’est la vôtre. L’important, c’est de montrer aux jeunes que la photographie est d’abord l’expression du photographe.


“La photographie n’a jamais été une preuve : on commence par ça, il faut dire aux enfants que la photographie n’est pas la vérité, c’est une vérité et c’est la vôtre.”


Au-delà de cette vérité subjective ou partielle, il y a aussi la manipulation. La manipulation d’images ne date pas d’hier, elle née en même temps que la photographie !

Par exemple, si vous vous plongez dans les images de l’Union Soviétique, vous pouvez noter que parmi les portraits des dirigeants communistes d’années en années, certains visages disparaissent. Ils disparaissent des photos (mais étaient bien présents dans la tribune) parce qu’on les a gommés.

L’image était alors manipulée manuellement. Cette tromperie s’est faite et a été connue. Aujourd’hui la tromperie des photographies est intégrée à l’information, ce qui peut devenir une arme anti-citoyenne.

C’est pour ces raisons qu’on alerte les jeunes aux risques qu’ils courent quand ils ne connaissent ni l’origine, ni le diffuseur de l’image.

Somme-nous, jeune public, de plus en plus manipulés ou au contraire,  de plus en plus informés concernant les images détournées?

A défaut de définir ce qu’est “une bonne information”, toutes le manipulations sont possibles. On peut faire croire tout à n’importe qui! C’est pour cela qu’il faut systématiquement s’assurer de la source.

Parmi la prolifération de sites qui se prétendent être des sites d’informations digne de ce nom, et qui ne le sont pas. Ces sites ne sont pas validés car il ne sont pas gérés par des journalistes.


Je ne comprends pas comment aujourd’hui la lecture de l’image et de l’information n’est pas enseignée à l’école, au même titre que l’histoire, la géographie, les mathématiques ! L’information devrait être une classe, dans toutes ces étapes. C’est la responsabilité de l’Etat !


Encore une fois, une photographie en soi n’est pas une preuve, comme un texte rédigé n’en est pas forcément une. Il faut avoir l’authenticité de la personne qui fournit l’information et qui atteste du professionnalisme et de l’éthique. Si on ne l’a pas, il faut au minimum conserver un doute.

Je ne comprends pas comment aujourd’hui la lecture de l’image et de l’information n’est pas enseignée à l’école, au même titre que l’histoire, la géographie, les mathématiques ! L’information devrait être une classe, dans toutes ces étapes. C’est la responsabilité de l’Etat ! Nous on intervient dans des écoles en tant que photographe, mais on ne peut pas s’imposer. Cela dépasse notre rôle.

Association Parole de photographe

Donc la photographie qui accompagne une information, n’est pas une information indépendante, elle a besoin d’être argumentée par un article ?

Oui, la photographie est un élément d’information. La photo ne peut pas être seule et avoir valeur d’information, elle doit être accompagnée d’une légende dans laquelle les questions fondamentales sont posées.

Aujourd’hui, toutes les nouvelles générations font face a des centaines d’images chaque minute, est-ce réaliste d’attendre ce processus de vérification pour chaque photographie ?

Dans l’information il y a un rapport avec le temps qui est indispensable. On a perdu la qualité d’information à partir du moment où l’on a accepté la contrainte de l’information immédiate car elle est source d’erreur.

Aujourd’hui on est dans une volonté de tout comprendre, tout de suite. Ce n’est pas possible. En tant que journaliste, on ne peut pas informer tout de suite, par contre on montre tout de suite.

Informer c’est un travail, un contexte, une analyse et le pourquoi du comment, sans oublier le où… Sinon on a simplement des impressions. Impression n’est pas information. Tant qu’on n’aura pas éduqué les gens à cette prudence là, on sera toujours vulnérable aux manipulations.

Pensez-vous que le métier de photojournalisme est en danger?

C’est la fin d’une époque : on ne peut plus avoir une confiance aveugle dans tous les domaines, presse inclus. Il y a des bons journalistes et des mauvais, certains sont consciencieux, d’autres le sont moins.


Un journaliste est censé ramener une information à travers sa sensibilité, sa culture, son bagage… Il écrit avec ses mots, donc il va donner à comprendre ce qu’il a envie de donner à comprendre.


Dans mon métier, il y a certainement des journalistes avec qui je ne m’identifie pas. Mais même un journaliste que je qualifierais d’honnête, l’information reste forcément subjective.

Un journaliste est censé ramener une information à travers sa sensibilité, sa culture, son bagage… Il écrit avec ses mots, donc il va donner à comprendre ce qu’il a envie de donner à comprendre.

Le visuel est aussi forcément subjectif car la photographie est prise du point de vue du photographe, avec des angles et des accents qui ont été choisis. La même histoire peut être racontée infiniment de manières différentes.

Pour les journalistes qui suivent les codes d’éthique, leur métier n’est pas en danger car on porte une pierre à l’édifice de la démocratie. On enseigne au public à comprendre le monde dans lequel les citoyens vivent de manière à pouvoir faire un choix qui leur correspond au mieux.

Quelles sont les responsabilités d’un photojournaliste?

Les photographes doivent tous pouvoir photographier, mais pas forcément tout publier. Il en va de la responsabilité du diffuseur de suivre certaines règles sur le respect de la vie privée, l’atteinte à la dignité, de l’être humain… Il faut faire attention à comment nos photos sont utilisées après les avoir prises.


Il ne faut surtout pas faire porter la responsabilité sur l’acculturation du public. On porte une part de la responsabilité et c’est à nous de résoudre cela de façon interne, entre photographe et journaliste.


On ne doit plus donner des cartes de presse aux journalistes qui trahissent ou manipulent les codes en photo et en texte. C’est ce qui nous enlève notre crédibilité et qui porte un fort préjudice au métier : c’est quand on trahit la confiance du lecteur et de la profession.

Il ne faut surtout pas faire porter la responsabilité sur l’acculturation du public. On porte une part de la responsabilité et c’est à nous de résoudre cela de façon interne, entre photographe et journaliste.

Le photojournaliste, ce n’est pas une personne qui prend une photo et la publie sur un réseau social. C’est quelqu’un qui commet un acte d’information en respectant un certains nombres de règles et d’éthique.

Découvrez le site de l’association Parole de photographes et leur page Facebook.

Deux hommes du pouvoir congolais au coeur d’un système de répression

Il faut enquêter sur deux anciens responsables des services de renseignement ! En effet, deux anciens hauts responsables de l’Agence nationale de renseignements – ANR – ont été récemment limogés et devraient être traduits en justice.

Les autorités de la République démocratique du Congo devraient ouvrir des enquêtes sur deux anciens responsables des services de renseignement récemment limogés et accusés d’avoir commis de graves violations des droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Vers la fin des abus systématiques commis par les services de renseignement congolais ?

En mars 2019, le président Félix Tshisekedi a relevé Kalev Mutond de ses fonctions de directeur de l’Agence nationale de renseignements -ANR- et Roger Kibelisa de son poste de chef du Département de la sécurité intérieure de cette agence.

Sous la direction de Mutond et de Kibelisa, l’ANR a été un instrument de répression politique contre les dirigeants de l’opposition ainsi que les activistes pro-démocratie et des droits humains, tout au long de la longue crise politique qu’a connu le pays.

Le président Tshisekedi a nommé Kibelisa au poste d’assistant du conseiller spécial du Chef de l’État en matière de sécurité. On ignore encore si Mutond se verra offrir un nouveau poste. “Le limogeage de Mutond et Kibelisa par le président Tshisekedi pourrait s’avérer être une étape importante vers la fin des abus systématiques commis par les services de renseignement congolais“, a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.

Mais au lieu de donner à ces hommes de nouveaux postes, la nouvelle administration devrait enquêter sur leur comportement passé et les poursuivre en justice de manière appropriée.

Le système Kalev Mutond : intimidations et menaces, arrestations arbitraires, détentions au secret durant des années, corruptions de juge, tortures… 

Il fut le principal architecte de l’entreprise de répression orchestrée par le gouvernement lors de la contestation politique qui avait secoué le payx alors que le président de l’époque, Joseph Kabila, se maintenait au pouvoir au-delà de la limite de deux mandats autorisée par la constitution, en décembre 2016.

Human Rights Watch s’est entretenu avec plus d’une douzaine de responsables gouvernementaux, de membres de la coalition de Kabila et d’agents de forces de sécurité, qui ont tous affirmé que Mutond avait joué un rôle central dans la répression exercée par le gouvernement à l’encontre des activistes des mouvements de jeunesse pro-démocratie, les journalistes et des dirigeants d’opposition et leurs partisans, ainsi que dans l’orchestration de violences à travers tout le pays, notamment dans la turbulente région centre du Kasaï.

L’Agence nationale de renseignements a détenu beaucoup des personnes arrêtées au secret pendant des semaines, voir des mois, des années, sans aucun chef d’inculpation, sans accès à leurs familles ou à des avocats.

Certaines personnes ont été jugées sur la base d’accusations montées de toutes pièces, tandis que prétendument, Mutond jouait aussi un rôle dans ces procès en intimidant les juges et en dictant des verdicts.

L’ANR a brutalement maltraité ou torturé certaines personnes détenues dans le cadre de cette répression, y compris en recourant aux électrochocs et à une forme de simulacre de noyade.

Des agents des services de renseignement placés sous l’autorité de Mutond, Kakiat (actuelle directeur de l’ANR), et Kibelisa, ont également à maintes reprises intimidé, menacé et harcelé des activistes, des journalistes et des dirigeants ou des partisans de l’opposition, apparemment dans le cadre d’une vaste campagne visant à semer la peur et à limiter leurs activités avant les élections nationales de décembre 2018.

Inzun Kakiat, devenu l’actuel responsable de l’ANR, aurait également été impliqué dans le recrutement de membres de la branche jeunesse du parti au pouvoir pour infiltrer les manifestations de l’opposition et répandre violence et désordre pour décridibiliser les opposants.

Les États-Unis ont sanctionné Mutond le 12 décembre 2016 pour avoir “entravé des processus démocratiques” et l’Union Européenne l’a sanctionné à son tour le 29 mai 2017 pour avoir “planifié, dirigé ou commis” de graves violations des droits humains.

L’UE a prolongé ses sanctions à l’encontre de Mutond en décembre 2018.

Kibelisa : l’autre artisan de la répression, toujours en poste et plus près du pouvoir

Kibelisa a également joué un rôle essentiel dans la répression exercée contre les activistes, les journalistes et l’opposition lors de l’administration Kabila.

Le bureau de Kibelisa était situé dans un immeuble de l’ANR à Kinshasa connu comme le centre de détention “3Z” où, de 2015 à 2018, de très nombreux prisonniers politiques, journalistes, et activistes ont été détenus dans des conditions inhumaines et, dans de nombreux cas, maltraités ou torturés.

Les familles des détenus, leurs avocats et les défenseurs des droits humains se sont vu régulièrement dénier l’accès au centre 3Z lorsque Kibelisa était à son poste. En 2016, l’Union Européenne a sanctionné Kibelisa pour son rôle dans la perversion du processus démocratique, et pour avoir orchestré des violations des droits humains et incité à la violence.

Ces sanctions ont été prolongée en décembre, avant les présidentielle et législatives.

Il était le cerveau et l’organisateur de la répression anti-démocratique, c’est à lui que l’on doit les arrestations arbitraires de journalistes qui exerçaient leur travail librement. Nombreux sont les journalistes dont on ignore où ils sont, ou tout simplement s’ils sont encore en vie. 

Donc, la décision de Tshisekedi de nommer Kibelisa au poste d’assistant du conseiller spécial pour les affaires de sécurité est une indication qu’il ne fera pas l’objet d’une enquête pour ses abus présumés passés.

Bien que Mutond ne se soit pas encore vu offrir un poste dans le nouveau gouvernement, le choix de Justin Inzun Kakiat, qui fut son adjoint pendant de nombreuses années, pour lui succéder comme directeur de l’ANR est un signe de plus d’une absence de volonté de la part de la nouvelle administration de s’occuper de la question d’impunité au sein des agences de renseignement.

En tant que journaliste soucieux des droits de l’homme, j’ajoute qu’un examen approfondi du rôle joué dans le passé par Kakiat dans des abus devrait être effectué avant qu’il ne prenne son nouveau poste.

En echo, Lewis Mudge directeur pour l’Afrique centrale chez Human Rights Watch : “La manière dont le président Tshisekedi traitera les auteurs de violations des droits humains commises dans le passé sous l’administration Kabila sera très révélatrice de la future direction de son administration“.

Avec peu d’espoir sur la réponse, nous sommes tout de même en droit de nous interroger : y aura-t- il vraiment un véritable processus de responsabilisation et de réforme ou une continuation de la répression, des abus et de l’impunité qui prévalaient sous Kabila ?

“L’insécurité du photojournaliste en reportage ne me fait pas peur car c’est ma passion.” Interview de Zakaria Abdelkafi – Photojournaliste à l’AFP

La Maison des journalistes s’associe avec Magnum Photos pour présenter l’exposition D’ici, réalisée à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai. Cette exposition s’affichera du 3 au 31 mai sur la façade de l’hôtel de ville de Paris et a vocation d’être itinérante. Journalistes exilés et photographes de Magnum Photos se mobilisent pour défendre la liberté de la presse en textes et en photos.

Menacés dans leurs pays pour avoir voulu exercer leur métier librement, ces journalistes, désormais accueillis en France, reprennent le stylo. Ils croisent leurs regards avec celui de photographes qui, eux aussi, s’engagent au quotidien pour documenter la marche du monde. Un journal issu de l’exposition est édité par Ouest France, partenaire de la MDJ.

Zakaria Abdelkafi, photographe syrien, a été correspondant de l’AFP à Alep en Syrie de 2013 à 2015. Depuis 2016, il vit à Paris après avoir été hébergé à la Maison des journalistes.


Je suis photojournaliste, c’est ma passion.


Photojournaliste, auteur de plusieurs célèbres photographies, il a accepté de répondre à nos questions autour de son travail et de la manière dont il a couvert les manifestations Gilets Jaunes et plus particulièrement l’Acte XVIII durant lequel il a été blessé.

Vous travaillez pour l’Agence France Presse – AFP – comme photojournaliste, pouvez-vous nous expliquer votre travail ?

Zakaria AbdelKhafi : “Depuis 2016, j’ai couvert tous les événements que j’ai pu : des manifestations aux matchs du PSG en passant par des événements plus ou moins festifs et politiques. A Paris, il y a beaucoup d’activités. Et depuis novembre, j’ai couvert toutes les manifestations des Gilets Jaunes.

Contrairement à d’autres personnes, je ressens un insurmontable besoin d’aller voir et de partager ce que je vois. Je suis journaliste, je suis photojournaliste, c’est ma passion.

Travailler à Paris, cela doit changer des conditions de travail en Syrie…

*Sourire* En Syrie, les manifestations pacifiques étaient durement réprimées par des policiers ou des militaires qui tiraient à balles réelles, et ceci bien avant la guerre. De plus, si tu étais pris en marge d’une manifestation, tu étais arrêté et jeté en prison.

En France, à part quand il y a des violences, les manifestations sont beaucoup plus humaines. Les manifestants sont face à face avec les gardiens de l’ordre. Selon les moments, ils se parlent, discutent, se chambrent ou s’invectivent.


Et quand la police exerce la violence, c’est maximum du gaz lacrymogène, des jets d’eau et maintenant des tirs de flashball. Cela n’a rien à voir avec la Syrie.


Qui plus est, je peux faire mon travail de photojournaliste. Je peux être avec les manifestants ou avec la police et faire des va et viens, je peux même être entre les deux.

Par contre, durant l’acte XVIII, le climat de violence a changé. C’était comme la guerre, y avait juste pas de balle réelle. Mais où était la police ?

Justement, lors de l’Acte XVIII , vous avez été blessé plusieurs fois. Pouvez-vous nous raconter cette manifestation décrite comme “ultra violente” ?

Oui, tout a commencé au niveau de l’Arc de Triomphe sur les Champs-Elysées. J’étais entre les manifestants et la police. Il y avait des nuages de gaz opaques, des tirs de flashball retentissaient… Et moi je prenais plein de photos ! Du coup je n’avais pas de recul, j’étais dans l’action.

D’un seul coup, j’ai senti quelque chose me frapper le visage et c’est devenu immédiatement irrespirable. Sans exagérer, je ne pouvais plus respirer ! En fait, je venais de recevoir une grenade de lacrymogène sur le visage et sans m’en rendre compte, j’avais respiré le gaz à plein poumon.

Durant cinq longues minutes, je ne parvenais pas à reprendre mon souffle, j’ai eu très peur. Peur de mourir. Les street medics sont arrivés, ils m’ont mis sur un brancard et m’ont évacué. Au bout d’une quinzaine de minutes, j’allais beaucoup mieux.


Durant cinq longues minutes, je ne parvenais pas à reprendre mon souffle, j’ai eu très peur. Peur de mourir.


Le chef de l’AFP dont je dépends m’a appelé pour prendre de mes nouvelles et m’a demandé d’arrêter. Mais moi j’allais bien ! J’ai demandé de continuer. J’ai passé un bon moment à le rassurer avant de repartir faire mon travail. Hors de question que j’arrête alors que je peux continuer !

J’en profite pour te raconter une anecdote : lorsque je suis arrivé en France, j’ai du passer des entretiens d’embauche pour être photographe. On m’a alors fait remarquer que durant la guerre en Syrie, j’avais perdu un œil. Et alors ? Un photographe n’a besoin que d’un œil ! C’est mon histoire, ma façon de faire, je devais continuer mon travail.

Cette journée ne s’arrête donc pas là , et elle est encore longue…

Oui, c’était plus tard et plus bas sur les Champs-Elysées. Il y avait trois manifestants non gilet jaune : le premier a cassé une vitrine, le second est rentré à l’intérieur pour voler de la marchandise tandis que le troisième filmait. Bon, je me suis dit que cela ferait une bonne photo…

Soudain, la Brigade anti-criminalité est intervenue : deux des trois en ont réchappé mais le troisième et moi-même nous nous sommes retrouvés interpellés très brutalement au point que j’ai eu un coup de matraque à mon œil.

Heureusement, j’ai pu démontrer que j’étais journaliste assez vite grâce à ma carte de presse et d’identité. Ils m’ont laissé appeler mon chef à l’AFP qui leur a confirmé ma version des faits.

Cette fois-ci, la manifestation se terminait…

Non ! J’ai terminé la manifestation vers Trocadéro. Des chevaux de la Police montée sont passés sous mes yeux, du coup j’ai photographié ! J’étais avec ma collègue de l’AFP, brassard et casque identifiable.


Et là, un flic me met “gratuitement” un coup de matraque dans la côte !


Derrière les chevaux, des flics de la BAC arrivent vers nous. Et là, un flic me met “gratuitement” un coup de matraque dans la côte ! J’ai eu mal immédiatement.

Bien sûr je réagis en lui montrant que je suis journaliste:  “Ce n’est pas gentil, je fais juste mon travail !”. “Dégage !” a-t-il répondu. Moi et ma collègue sommes alors partis. Mais je n’ai pas compris. Cela m’a rendu triste.

Avez-vous informé votre chef à l’AFP ?

Oui, d’ailleurs dès la premier événement il a voulu que j’aille à l’hôpital. Moi je ne voulais pas. J’ai juste vu le médecin interne à l’AFP et trois jours après j’ai fait un check up à l’hôpital.


Je ne porte pas plainte, ni moi, ni l’AFP. Il y a tellement de confrères qui souffrent de blessures graves que je ne vais pas y aller pour quelques bleus.


Je ne porte pas plainte, ni moi, ni l’AFP. Il y a tellement de confrères qui souffrent de blessures graves que je ne vais pas y aller pour quelques bleus. Et puis c’est toute une procédure…

Moi, photojournaliste, je veux faire mon travail tant que physiquement je peux le faire.

L’insérurité ne me fait pas peur car c’est ma passion.

En tant que photojournaliste, que retenez-vous de cette vingtaine de manifestations que vous avez couvertes pour l’AFP ?

La France a un peuple incroyable ! Ici la démocratie vit. Quelle France !

J’ai été blessé cinq fois dans ces manifestations, dont une fois par flashball. Mais je ne regrette rien et je n’en veux à personne, chacun fait son boulot comme il peut, moi, c’est le photojournalisme!”

6 gardes à vue après l’agression d’un agent de sécurité protégeant des journalistes !

[FRANCE] Les faits sont survenus à Rouen le 23 février en marge d’une manifestation des gilets jaunes. Plusieurs journalistes de la chaine d’information en continue LCI avaient été pris à partie. Les images de l’agression ont tourné en boucle le 23 Février à Rouen. Lors de l’acte XV du mouvement des gilets jaunes, plusieurs journalistes de LCI ont été pris à partie par des manifestants et, un agent de sécurité qui accompagnait l’équipe a été roué de coups.

Presse et insurrection citoyenne en Algérie: que font les journalistes ?

[ÉLÉCTION PRÉSIDENTIELLE] La journée du 22 février 2019 va certainement être marquée d’une pierre blanche dans l’histoire de l’Algérie. Depuis cette date, des manifestations populaires sans précédents agitent ce pays pour exiger le retrait de la course à la présidentielle du chef de l’Etat sortant Abdelaziz Bouteflika.

Une nouvelle attaque blesse gravement un journaliste afghan

[Attaque] L’Afghanistan ? Un cimetière pour journalistes. Détenant le record du nombre de journaliste tué en 2018, l’Afghanistan reste dans un rythme élevé avec déjà deux décès en 2019. Il s’agit d’une attaque le 5 février où les journalistes Rahmani Rahimullah et Arya Shafiq de la radio Hamseda ont été tués.

Afghanistan : dans une province d’1,5 millions d’habitants, aucune femme journaliste

[JOURNÉE DE LA FEMME] En l’honneur de la journée de la femme ce vendredi 8 mars 2019, la MDJ vous propose exceptionnellement la traduction d’un article du média Pajhwok Afghan News. “Il n’y a pas de femme journaliste dans la province du sud-est de Khost sur 1,5 million d’habitants, ont annoncé mercredi 6 mars des responsables.” Au-delà de ce constat, pourquoi aucune rédaction (pourtant nombreuse), n’a pas de femme journaliste ?