Iran : une jeune femme kurde enceinte dans le couloir de la mort

[Par Rebin RAHMANI]

Traduction par Evin

La douloureuse histoire de Zeynab, prisonnière kurde enceinte dans le couloir de la mort est un triste symbole de la condition des femmes en Iran. La vie de cette jeune femme n’a été qu’une succession d’injustices, d’oppressions patriarcales et de tragédies. 

La jeune accusée Zeynab Sakanvand Lakran Source : kurdistanhumansrights.net

La jeune accusée Zeynab Sakanvand Lakran
Source : kurdistanhumansrights.net

Zeynab Sakanvand Lakran est née au sein d’une famille très pauvre et ultra-traditionaliste le 22 juin 1994 dans un village des environs de Makou (nord-ouest de l’Iran). Mariée à l’âge de 15 ans, elle est arrêtée à 17 ans pour le meurtre de son époux après seulement deux ans de vie commune.

Avant cela,  Zeynab a vécu une enfance et une adolescence difficile pour ne pas dire cauchemardesque auprès de ses parents qui lui faisaient vivre un calvaire. Le seul moyen que la malheureuse a trouvé pour échapper à ses parents est de s’enfuir de son village pour la grande ville la plus proche avec un jeune homme avec qui elle n’avait eu pour seuls échanges que quelques conversations téléphoniques. Afin d’éviter un scandale, ses parents ont fini par se résoudre à accepter le mariage de leur fille avec ce garçon après que la famille de ce dernier leur versa une somme d’argent conséquente.

Elle qui se croyait amoureuse et qui avait naïvement espéré être heureuse avec cet homme loin de sa famille a en réalité vécu avec son époux un nouveau calvaire fait de violences physiques et morales.

La vie de Zeynab bascule le 1er mars 2012 lorsque le cadavre de son époux est retrouvé au domicile conjugal par le frère et la mère de ce dernier. Le soir même, Zeynab se présente spontanément au commissariat et explique avoir assassiné son époux après avoir été une nouvelle fois violemment battue. L’enquête de police et l’inspection du portable de Zeynab révèlent que cette dernière avait eu au cours des derniers mois des contacts téléphoniques réguliers avec son beau frère, ce qui a fortement laissé penser qu’ils avaient fait le “coup” ensemble. Le beau frère a donc été arrêté puis finalement relâché faute de preuves.

Zeynab a porté seule sur ses frêles épaules la responsabilité de ce crime pendant les trois premières années qui ont suivi son arrestation avant de changer de version dans le courant de l’année passée. Elle aurait alors confié à ses camarades de cellule s’être dénoncée à tort pour protéger le vrai coupable. Elle aurait ajouté qu’elle n’avait pas imaginé que les choses iraient aussi loin ni qu’elle serait condamnée à la peine capitale (probablement en raison de son âge au moment des faits).

En raison de sa minorité au moment du crime, Zeynab a été transférée peu de temps après son arrestation dans un hôpital psychiatrique afin de subir un examen psychologique et déterminer si elle avait ou non conscience de la gravité de son acte au moment des faits.
Les psychiatres ont alors établi la parfaite santé mentale de l’accusée sans prendre en compte ni son jeune âge ni les violences à répétition qu’elle avait subies au cours de sa vie et pendant son mariage. C’est pourquoi le tribunal l’a reconnue coupable du meurtre de son époux et l’a condamnée à mort en vertu de la loi du Tallion.
N’ayant pas les moyens de se payer un avocat afin de conduire l’affaire devant une Cour d’Appel, le Tribunal lui en a désigné un d’office. Ce dernier n’a pas pu empêcher que la peine soit confirmée par la Cour Suprême.
Une ancienne camarade de cellule de Zeynab entre temps libérée m’a récemment confié : « Zeynab est extrêmement déprimée et supporte très mal l’isolement de la prison. Elle est terrifiée par la perspective de son exécution. Comme elle n’a absolument personne sur qui compter à l’extérieur, elle a épousé l’année dernière un autre prisonnier et porte actuellement son enfant. Enceinte de 8 mois, la seule chose qui la soulage un peu est le fait qu’ “ils” ne peuvent pas l’exécuter pendant sa grossesse. »

La Loi du Talion (Œil pour Œil) en Iran est prononcée lorsque la famille de la victime refuse de « pardonner » l’accusé(e). Le sang du meurtrier ou de la meurtrière est alors versé en retour. Si la famille de la victime décide au contraire de pardonner, l’accusé(e) évite la peine capitale et une peine de prison est prononcée. Dans l’affaire qui nous occupe, la mère de l’époux assassiné insiste fortement pour que le sang de Zeynab soit versé. Devant accoucher cette semaine, cette dernière risque d’être pendue dans les jours qui viennent.

Bien qu’ayant signé la plupart des conventions internationales des Droits de l’Enfant, la République Islamique d’Iran a exécuté au cours des trois dernières années, au moins 42 prisonniers pour des crimes commis lorsqu’ils étaient mineurs.

Grève de la faim de jeunes syriens à Paris en réaction aux bombardements du régime et de la Russie

[Par Shiyar KHALEAL]

Un groupe de jeunes syriens indépendants a entamé une grève de la faim ouverte à Paris, pour condamner les bombardements du régime syrien et de la Russie sur les zones habitées par des civils à Alep et dans le reste des provinces.

Un groupe de jeunes syriens a entamé une grève de la faim Place de la République, pour condamner les bombardements du régime syrien et de la Russie à Alep Crédits photo : Shiyar Khaleal

De jeunes syriens en grève de la faim, place de la République à Paris, en réaction aux bombardements du régime et de la Russie à Alep
Crédits photo : Shiyar Khaleal

Réunis place de la République à Paris pour transmettre la douleur de leur peuple et les souffrances causées par les massacres en cours dans leur pays, les syriens, qui ont commencé ce mouvement le 25 septembre 2016, et qui continuent quotidiennement, ont été rejoints par un certain nombre de français solidaires à la révolution syrienne.

Dans la déclaration intitulée « grève du sang », les jeunes grévistes syriens partagent plusieurs demandes et rappellent que le sang des civils est sacrifié depuis 5 ans dans un bilan qui a atteint 500 000 morts, dont des milliers de femmes et d’enfants ainsi que plus d’1 million de blessés à vie par cette machine de guerre.

Un groupe de jeunes syriens ont entamé une grève de la faim Place de la République, pour condamner les bombardements du régime syrien et de la Russie à Alep Crédits photo : Shiyar Khaleal

Crédits photo : Shiyar Khaleal

La déclaration dénonce également la pluie de barils de TNT lancée par le régime sur les villes syriennes, les transformant en un laboratoire expérimental pour armes russes non conventionnelles.

Face au massacre de centaines de personnes par jour devant l’aveuglement et le silence du monde entier, cette grève de la faim à pour but d’appeler la Communauté Internationale à faire une grève du sang syrien et d’exiger l’arrêt immédiat des bombardements sur les civils.

Les organisateurs de cette grève ouverte, invitent tous les syriens en Europe et à travers le monde à rejoindre le mouvement sous la même bannière et exiger de la Communauté Internationale une « grève du sang » syrien. « Parce le sang syrien est un, que le tueur est un aussi, et qu’il massacre les syriens par tous les moyens (arrestations arbitraires, tortures, exécutions, bombardements…), nous appelons tous les syriens à travers le monde à la grève de la faim afin d’interpeller la Communauté Internationale et d’exiger d’elle la « grève du sang » syrien, en faisant pression sur la Syrie et la Russie pour arrêter le massacre de civils innocents ».

Crédits photo : Shiyar Khaleal

Crédits photo : Shiyar Khaleal

« Rejoignez cet appel qui réclame justice pour la cause syrienne ! Les syriens, aujourd’hui, défendent et réclament le droit à la vie sur cette terre millénaire sur laquelle s’est construite la civilisation humaine. Ils défendent leur droit de vivre en paix dans ce monde. »

Il est à noter que cette grève ouverte est accompagnée d’autres activités de sensibilisation, et en collaboration avec plusieurs grévistes syriens établis en Suède.

Arabie Saoudite : La princesse Lamia Al Saud entre tradition et modernité

[Par Clara LE QUELLEC]

Invitée dans le cadre de la 3e édition du Festival du Monde le week-end dernier, la princesse Lamia Al Saud d’Arabie Saoudite s’est livrée samedi 17 septembre à une conversation avec le public, animée par le journaliste Christophe Ayad. Le studio était plein pour la secrétaire générale de la Fondation Alwaleed, organisation non-gouvernementale mal connue qui s’occupe d’actions caritatives diverses dans le pays. L’occasion de revenir ainsi sur les activités de la Fondation mais également sur la question très périlleuse des droits des femmes en Arabie Saoudite.

Christophe Ayad, journaliste au Monde et la princesse Lamia Al Saud d'Arabie Saoudite Source : Twitter

Christophe Ayad, journaliste au Monde et la princesse Lamia Al Saud d’Arabie Saoudite
Source : Twitter

Alwaleed Philanthropies a été fondée en 1980 par le prince Al Waleed bin Talal, surnommé le « Bill Gates Arabe » et la princesse Ameerah. La fondation promeut des activités humanitaires, de cohésion entre les différentes communautés, de formation pour les femmes et des programmes de développement. « Vous savez nous avons encore de la pauvreté » explique Lamia Al Saud. La princesse travaille depuis une dizaine d’années dans le domaine des médias et est également romancière.

« Des progrès en matière de droits des femmes »

Le journaliste Christophe Ayad introduit la question des droits des femmes par la problématique de la conduite des femmes en Arabie Saoudite. « C’est un obstacle dont nous nous accommodons pour le moment » répond la princesse. « Oui la voiture est importante, mais c’est plus important pour nous d’arriver à quelque chose avec nos diplômes qu’avec notre voiture ».

Femme saoudienne entrant dans une voiture à Riyad le 26 octobre 2014 Source : 20minutes.fr

Femme saoudienne entrant dans une voiture à Riyad le 26 octobre 2014
Source : 20minutes.fr

Lamia Al Saud explique que s’il est effectivement vrai qu’il est très difficile pour les femmes en Arabie Saoudite d’avoir une liberté de mouvement, « des progrès en matière de droits des femmes » ont été néanmoins réalisés. Par exemple, 56 % des étudiants aujourd’hui à l’université sont des filles et l’âge du mariage a reculé pour arriver à une moyenne de 25-26 ans. « Avant personne ne nous prenait au sérieux, ce n’est plus le cas, nous avons un rôle important aujourd’hui. Quand j’étais adolescente on ne comprenait pas pourquoi les femmes devaient avoir accès à l’enseignement supérieur. Aujourd’hui nous avons des architectes, des avocates… ». La princesse raconte ainsi qu’après le décès de son père, sa mère est retournée à l’université du Caire et que la petite fille de 13 ans à l’époque l’accompagnait à tous ses cours. « Si vous avez un rêve, il faut vraiment lutter. Le diplôme n’a pas été une option pour moi mais nécessaire ».

Du temps pour changer les mentalités

L’Arabie est un pays jeune qui a moins de 100 ans. « Il faut du temps pour changer les mentalités. L’honneur c’est ce qui mène toutes les tribus et la communauté saoudienne est beaucoup plus fondée sur la tradition que sur la religion ».

Etudiantes saoudiennes en chimie à l'université Source : geo.fr

Etudiantes saoudiennes en chimie à l’université
Source : geo.fr

Que penser alors des nombreuses campagnes d’opinion réalisées à l’étranger sur la condition féminine ? « Vous savez les médias ne regardent que les points négatifs et cela m’attriste. Néanmoins, je pense qu’il est nécessaire de faire ces campagnes mais malheureusement, nous femmes saoudiennes, n’avons pas appris à comprendre l’intérêt des médias ». La question de la mixité sur le marché du travail a également été abordée. « En réalité, l’environnement au travail est beaucoup plus mélangé » mais encore une fois, pas de comparaison possible car « ce n’est pas la même mixité que chez vous. Nous avons nos propres critères, notre propre style ». Les femmes et les hommes peuvent donc cohabiter dans le même étage mais pas dans le même bureau.  

Immigration, burkini et Raif Badawi

Lamia Al Saud a été interrogée à de nombreuses reprises sur plusieurs sujets délicats. Ainsi, la question de l’interdiction de la construction d’autres lieux de cultes que ceux islamiques en Arabie Saoudite a posé débat alors que le pays attache beaucoup d’importance aux financements de mosquées à l’étranger. Pour cette question tout comme celle consacrée aux travailleurs immigrés ne pouvant pas pratiquer leur religion, Lamia Al Saud avoue « ne pas pouvoir parler au nom du gouvernement ». En revanche, son point de vue sur la polémique sur le burkini en France est clair. « Le burkini n’est pas islamique, c’est un choix politique. Il n’a rien à voir avec l’islam ». De façon générale sur les interdictions en France du voile (hijab) à l’école ou du niqab dans la rue, la princesse explique que « si l’interdiction du hijab a été pour elle une surprise » la France étant un pays de liberté de croyances, elle respecte le point de vue français sur le niqab.

Le bloggeur Saoudien Raif Badawi Source : amnestyinternational.fr

Le bloggeur Saoudien Raif Badawi
Source : amnestyinternational.fr

« L’islam n’oblige en rien à le porter. Le fait de couvrir son visage peut être un problème pour reconnaître les identités donc si c’est interdit, nous devons le respecter ».

Il est bientôt l’heure, juste le temps de prendre une dernière question. Elle sera sur Raif Badawi, ce bloggeur saoudien, très soutenu par la communauté internationale. Applaudissements dans la salle. Accusé d’apostasie et d’insulte à l’islam, il est emprisonné depuis juin 2012. Il a été condamné à 1000 coups de fouet et dix années de prison. La princesse avouera alors n’avoir « pas du tout connaissance de ce cas » et « n’en avoir jamais entendu parler ».

 

La diplomatie française à l’épreuve de la laïcité

[Par Clara LE QUELLEC]

L’affaire très récente du burkini en France a ravivé les interrogations autour du concept de laïcité. L’ONU s’est d’ailleurs exprimée sur la question en estimant que les arrêtés anti-burkini « favorisaient la stigmatisation des musulmans ». Le troisième débat de la journée du mardi 30 août lors de la semaine des ambassadeurs fut consacrée à la thématique « État laïque, fait religieux et diplomatie ». L’occasion de revenir sur les fondements de la laïcité, son application française, sa promotion sur la scène internationale et son influence dans les relations diplomatiques de la France avec des pays étrangers. Le débat a rassemblé Gérard Araud, ambassadeur aux États-Unis, Jean-François Girault, ambassadeur au Maroc, Philippe Zeller, ambassadeur au Saint-Siège, Jean-Christophe Peaucelle, conseiller pour les affaires religieuses et membre de l’Observatoire de la laïcité et Lilian Thuram, grand témoin de la semaine des ambassadeurs et président de la Fondation « Lilian Thuram-Éducation contre le racisme ». La discussion a été animée par Jean-Christophe Ploquin, rédacteur en chef de La Croix.

Femme portant le burkini ( Source : huffingtonpost.fr)

Femme portant le burkini
( Source : huffingtonpost.fr)

« La laïcité n’est pas une opinion, c’est la possibilité d’en avoir une » rappelle Jean-Christophe Peaucelle. S’il est clair que le principe de laïcité repose sur trois fondements : la liberté de conscience et de culte, la séparation entre le politique et le religieux et l’égalité de tous devant la loi, son application pose à beaucoup certaines réserves, au sein même de la société française. La définition défendue par la France n’est pas non plus entièrement comprise autour du monde. Les sujets du débat s’intéressent principalement au rapport de la France entre État et religion, à la manière dont la laïcité est comprise dans les autres pays et aux moyens dont un État laïque mène sa diplomatie alors que la religion est très présente dans de nombreuses régions du monde. Autant de points qui ont permis d’apprécier les différences sociales, culturelles et politiques liées au fait religieux dans différents pays.

Jean-Christophe Peaucelle, conseiller pour les affaires religieuses et membre de l'observatoire de la laïcité (Source : gouvernement.fr)

Jean-Christophe Peaucelle
(Source : gouvernement.fr)

« Au Maroc – explique Jean-François Girault – la laïcité est comprise comme la liberté de croire ou de ne pas croire », précisant néanmoins que ce dernier aspect est le moins bien perçu. Pour les marocains, la religion fait donc partie de la vie et de l’identité et le Roi du Maroc y détient une forte légitimité à tous égards. L’ambassadeur mentionne notamment le travail du souverain dans la condamnation des obscurantismes.

Jean-François Girault, ambassadeur au Maroc (Source : ledesk.ma)

Jean-François Girault
(Source : ledesk.ma)

Au contraire, aux États-Unis où la devise américaine « In God we trust », adoptée en 1956 par le Congrès fait explicitement référence à la religion, le fait religieux est appréhendé de manière très libérale. « La laïcité américaine – commente Gérard Araud – se réfère au concept de religion neutre ». Alors qu’en France, cette dernière n’est pas valorisée, il est très courant dans les entreprises américaines d’afficher ses croyances au vu de tous et de célébrer « Dieu » dans l’absolu. Une promotion du communautarisme ? « Non – répond l’ambassadeur –  on assume tout simplement la diversité ». C’est ainsi que l’affaire du burkini a profondément choqué les Américains. Pour eux, la liberté individuelle des citoyens prime à tous égards. « Aux Etats-Unis, l’État est une menace pour les libertés, c’est l’individu qui doit décider ».

Gérard Araut, ambassadeur aux Etats-Unis (Source : innercitypress.com)

Gérard Araut
(Source : innercitypress.com)

Au sein du Vatican, si la loi française sur le mariage pour tous a heurté de plein fouet la doctrine de l’ Église, il n’est cependant pas question d’ingérence. Philippe Zeller, ambassadeur au Saint-Siège explique que ce dernier n’a « aucun problème avec la laïcité française ».

Philippe Zeller, ambassadeur au Saint-Siège (Source: france-vatican.org)

Philippe Zeller
(Source : france-vatican.org)

Le principe de laïcité en France reposant donc en partie sur la séparation du politique et du religieux, comment comprendre alors la protection de la diplomatie française envers les Chrétiens d’Orient ? Pour Jean-Christophe Peaucelle, interrogé sur ce point, il s’agit de ne pas nier le passé historique des relations et donc à la fois de ne pas abandonner « ses amis qui sont les siens depuis cinq siècles », de ne pas rester passif devant des actes inhumains « sous peine de perdre sa crédibilité » et de promouvoir ainsi « le pluralisme ethnique et religieux » qui constitue « l’avenir du Moyen-Orient ». « Pouvoir questionner sa religion » déclare Lilian Thuram, n’est-ce finalement pas cela qui constitue l’enjeu principal du débat ? Les récents événements terroristes en France mais également dans de grandes parties du monde perpétrés au nom de la religion musulmane ont par exemple révélé, à la différence du catholicisme, des interrogations sur l’absence d’autorité suprême dans l’islam. Dans les pays musulmans, « l’islam structure le politique, le social, l’espace, le temps » rappelle Jean-François Girault. L’ambassadeur note alors l’avancée du Maroc sur cet aspect avec la formation d’un Conseil des Oulémas (docteurs de la loi coranique) présidé par le Roi et l’accord signé entre la France et le Maroc pour la formation des imams qui reviendraient travailler dans l’Hexagone.

Lilian Thuram, président de la Fondation "Lilian Thuram-éducation contre le rascisme" (Source : leparisien.fr)

Lilian Thuram,
(Source : leparisien.fr)

Les relations entre la diplomatie et le fait religieux sous-tendent ainsi des rapports de force complexes. Jean-Christophe Peaucelle rappelle qu’une diplomatie ne doit en aucun cas « négliger le fait religieux » car celui-ci relève « d’une importance capitale dans de nombreuses sociétés » et constitue un facteur essentiel à prendre en compte dans les relations internationales. Ce que l’on peut retenir en tout point de ce débat est la difficulté toujours plus croissante de la libre appréciation d’un juste équilibre entre intérêt diplomatique, affirmation des valeurs de la Nation et mise en œuvre des principes d’égalité, de liberté de conscience et de religion.

 

Nazım Hikmet, le poète de « la ville qui a perdu sa voix »

[Par Khosraw MANI, envoyé spécial du Festival de Cinéma de Douarnenez]

“La plus belle des mers est celle où l’on n’est pas encore allé”.
Nazım Hikmet 

Considéré comme l’un des fondateurs de la nouvelle poésie turque, Nazım Hikmet (1901-1963) est une figure majeure de la scène littéraire mondiale du XXe siècle.

Nazım Hikmet ( Source : dailysabah.com )

Nazım Hikmet
( Source : dailysabah.com )

Membre du Parti communiste, Hikmet a vécu une vie troublée, remplie d’expériences douloureuses : il a connu la prison, l’exil et même perdu sa nationalité. Passionnés par la politique, Nâzım et son ami Vâlâ Nureddin quittent Istanbul pour rejoindre le mouvement d’indépendance de Mustafa Kemal en 1920. C’est ce voyage à pied de 35 jours qui leur fit découvrir le monde rural et la misère de la vie paysanne.

En 1925, le gouvernement le condamne à quinze ans de prison pour avoir distribué des tracts. Il part alors clandestinement pour Bakou. A son retour également clandestin, en 1928, il est arrêté et emprisonné pendant onze mois. Son emprisonnement de longue durée commence en 1936 : il est arrêté pour propagande communiste et condamné à 28 ans et quatre mois de prison. Un Comité pour la libération de Nâzım, créé par des jeunes Turcs, est présidé par Tristan Tzara et soutenus par de nombreux intellectuels, comme Jean-Paul Sartre et Pablo Picasso. Le poète est libéré en 1950, mais il est aussitôt appelé par l’armée turque pour effectuer son service militaire. Il doit quitter une nouvelle fois le pays et se rend à Moscou, où il meurt douze ans plus tard. La nationalité turque lui a été formellement restituée à titre posthume en 2009.

Marquée par cette vie difficile et pleine d’épreuves, la poésie de Nâzım Hikmet a créée un monde où les pauvres souffrent de l’injustice mais se battent contre elle.

[Pour lire les autres articles de nos envoyés spéciaux dédiés au 39ème Festival de Cinéma de Douarnenez, c’est par ici.]

 

La saga de Mèmed le Mince, un roman de Yachar Kemal

[Par Khosraw MANI, envoyé spécial du festival de cinéma de Douarnenez]

Auteur de plus de vingt romans, plusieurs fois pressenti pour le Nobel de littérature, Yachar Kemal (1923-2015) est considéré comme l’une des principales figures de la littérature turque contemporaine.

Couverture du livre ( Source : gallimard.fr )

Couverture du livre
( Source : gallimard.fr )

Son univers romanesque plonge ses racines dans la terre, celle de la Cukurova, et la violence. La perte d’un œil et l’assassinat de son père devant lui quand il avait cinq ans ont assurément modifié sa perception du monde et son appétence pour la révolte et la quête de justice sociale, qui traversent toute son œuvre. Dans Mèmed le Mince (1955), son livre le plus célèbre, traduit en français par Münervrer Andaç et Güzin Dino, il raconte l’histoire d’un jeune paysan qui se rebelle contre l’oppression ottomane en s’enfuyant avec sa bien-aimée, que le chef du village veut marier à son neveu.

D’origine kurde, Yachar Kemal n’a eu de cesse de défendre les droits et la culture de son peuple. Un engagement qui lui a valu une vingtaine de procès et même une peine de prison ferme en 1995. Témoin de l’avènement de la république turque et de ses violences, Yachar Kemal était une sorte de Julien Sorel aux habits de Don Quichotte, ses deux héros, qu’il avait découvert en même temps que l’engagement.

[Pour lire les autres articles de nos envoyés spéciaux dédiés au 39ème Festival de Cinéma de Douarnenez, c’est par ici.] 

 

L’espoir, un film de Yilmaz Güney

[Par Khosraw MANI, envoyé spécial du festival de cinéma de Douarnenez]

L’espoir (Umut en turc), conçu en 1970 par le réalisateur et écrivain d’origine kurde Yılmaz Güney, est un des chefs d’œuvre du cinéma turc. S’inspirant du néo-réalisme italien, L’espoir a lancé une nouvelle vague de cinéma plus social en Turquie.

Le réalisateur Yilmaz Guney ( Source : eskfilmfest.com )

Le réalisateur Yilmaz Guney
( Source : eskfilmfest.com )

Yılmaz Güney conte en noir et blanc l’histoire de Cabbar. Ce cocher survit avec sa femme, ses cinq enfants et sa vieille mère dans un faubourg terne d’Istanbul. Cabbar doit de l’argent à tout le monde. Il joue à la loterie, gardant l’espoir de faire miraculeusement fortune. Mais la malchance ne cesse de l’accabler… Quand un de ses chevaux se fait écraser par une voiture, il comprend que seuls les riches peuvent s’en sortir. Plongé dans un profond désespoir, il devient peu à peu obsédé par le trésor dont lui a parlé son ami Hassan. Au point qu’il sombre dans la folie. Censuré lors de sa sortie en Turquie, L’espoir a pourtant été primé dans deux festivals du pays ( Adana Golden Film Festival et Antaly Golden Orange Film Festival ). Il a aussi été sélectionné à Cannes.

[Pour lire les autres articles de nos envoyés spéciaux dédiés au 39ème Festival de Cinéma de Douarnenez, c’est par ici.]