Que reste t-il de la fête l’Aid et de l’Islam ?

[Par Mourad HAMMAMI]

Sincèrement j’ai carrément oublié la fête de l’Aid et pourtant je suis un musulman qui tente toujours d’assumer son islamité…..ce n’est que ce matin à Paris en croisant beaucoup de musulmans qui reviennent peut-être de la mosquée que je m’en suis rendu compte…..l’âme de l’Islam se meurt de plus en plus.

Les dégâts occasionnés à la mosquée Balili à Sanaa, le 24 septembre 2015 après une explosion - AFP MOHAMMED HUWAIS

Les dégâts occasionnés à la mosquée Balili à Sanaa, le 24 septembre 2015 après une explosion – AFP MOHAMMED HUWAIS

Oui, l’âme de l’Islam se meurt de plus en plus : c’est ainsi qu’en ont décidé ceux qui ont juré de transformer cette religion en une arme idéologique négative et destructive. L’Islam est de plus en plus dominé par l’islamisme et de nos jours il fait peur…. Chaque jour apporte son lot d’insultes et d’horreurs …..l’humanité entière constate cette amertume chaque jour: les Frères Musulmans, les Wahabites, les Salafistes, Al Qaida, les Taliban, Boko Haram et Daech….c’est un triste palmarès et le bilan de la manipulation sans scrupule de toute une religion…
Aujourd’hui des millions de pauvres moutons seront égorgés sans état d’âme. Mais quel sentiment peut-on avoir envers cette malheureuse bête lorsque l’on sait que des êtres humains enfantés par leur mère pour vivre libres et heureux sont égorgés de la même façon… Et de surcroit on filme la scène pour qu’elle soit vue par le monde entier.
Quelle place pour la fête, pour la crédibilité, pour la communion, pour la religion d’Abraham, face à ces usines de fabrication du mal installées dans les pays du Golf et particulièrement en Arabie Saoudite ? Quel respect peut-on avoir envers les instituions mondiales qui caressent dans le sens du poil le royaume d’Arabie Saoudite qui nargue, qui insulte, qui se moque, qui emmerde et qui tue l’humanité ?

Ali Al-Nimr (source : lemonde.fr)

Ali Al-Nimr, le jeune saoudien condamné (source : lemonde.fr)

Un jeune Saoudien de 20 ans sera exécuté, après d’autres pour d’autres raisons, dans les heures à venir. Son tort et d’avoir participé à des manifestations réclamant la liberté qui ont eu lieu en 2011. A cette période il était encore mineur et avait à peine 17 ans. Ce jeune sera exécuté et décapité sur la place publique pour transmettre un message d’horreur à toutes les personnes présentes et à au monde entier via les moyens de communication.
Dans le même temps, on voit que cette terrible Arabie Saoudite est élue à la tête de l’organisation des droits de l’Homme de l’ONU. Que peut-il bien rester alors comme respect envers l’ONU, envers les USA, envers l’Europe, Obama, Hollande, Merkel et tous les autres qui se vantent d’être des chefs de fil d’un monde de justice et de libertés ?
Le jeune saoudien dont nous parlons plus haut sera exécuté au même titre que ces millions de moutons et le monde ne bouge pas et continue à respecter l’Arabie Saoudite. Grâce à ses pétrodollars et compte tenu de la faiblesse des dirigeants des grands pays, les dirigeants de l’Arabie ont su comment rendre esclaves les puissances du monde.
L’Islam devient de plus en plus une dimension difficile à assumer. L’Aid ou un autre jour n’empêchent pas l’horreur…..par-delà une évidente hypocrisie. Le fondamentalisme est incompatible avec le progrès…..il peut encore faire des dégâts, détruire et détruire, mais il finira par disparaître comme c’était le cas avec les Nazis, avec les communistes, sauf s’il y a un sursaut miraculeux pour délivrer la religion de l’Islam des griffes de ces bêtes, sauf si l’on arrive à la réformer et à la mettre en adéquation avec les valeurs universelle de l’humanité.

 

 

Syrie, le nouvel Hiroshima

[Par Iyad ABDALLAH]

Traduit par Hossam Sockarieh

Un véritable Hiroshima, commencé avec le début de la révolution syrienne en mars 2011 lorsque le gouvernement a maté sans hésiter les citoyens descendus dans la rue pour réclamer des réformes, qui ne peuvent aboutir qu’à travers le départ du régime même, se déroule depuis plusieurs années en Syrie et se poursuit aujourd’hui encore.
APTOPIX Mideast Syria
Depuis plusieurs jours, la communauté internationale se prépare à commémorer l’anniversaire des victimes d’Hiroshima mortes lors du bombardement de leur ville à l’arme atomique. Cette même scène internationale semble oublier les Syriens. Pourtant, eux aussi se préparent à célébrer l’anniversaire des victimes massacrées dans un bombardement dont la date coïncide avec celle du bombardement d’Hiroshima. Si les dégâts n’ont ni la force ni l’intensité de ceux causés par l’arme atomique, l’arme chimique utilisée n’en appartient pas moins à la même famille : celle des armes de destruction massive.
Alors que le monde entier se mobilise pour commémorer les victimes d’Hiroshima afin qu’elles demeurent gravées dans la mémoire collective et qu’un tel crime ne se reproduise plus, les Syriens se préparent seuls à commémorer leur carnage. Et ils s’interrogent : pourquoi sont-ils seuls à porter le deuil de leurs proches? Une arme de destruction massive a bien été utilisée dans les deux massacres. La guerre en Syrie est, elle aussi, une guerre mondiale. En dépit de ces différences, on est en droit de penser que la tragédie des Syriens mériterait d’être plus présente dans les consciences car elle se déroule aujourd’hui, aux yeux du monde entier directement touché par les cohortes de réfugiés, tous porteurs de leur propre histoire. Et parce qu’un dictateur assassin extermine son peuple, le torture, le pousse à l’exil et livre le pays tout entier à l’enfer d’un fascisme qui agite le drapeau du djihad et de l’islam sur la dépouille des Syriens et ne leur promet qu’un avenir de fascisme et de haine non moins différent de ce qu’il combattait. Derrière tout cela se tiennent des Etats, des régimes, des organisations. Seuls, sans appuis, Les Syriens se retrouvent écrasés par le rouleau compresseur de la famine et de l’exil.

(source : buzzfeed.com)

(source : buzzfeed.com)

Récemment, des observateurs ont élaboré des propositions et des analyses sur l’avenir de la Syrie. Parmi eux, certains qui hier encore affirmaient que Bachar Al-Assad n’avait aucun avenir soutiennent aujourd’hui qu’il pourrait jouer un rôle dans le futur, même s’ils modèrent leur propos en ajoutant que ce rôle serait modéré et limité à une période transitoire. Pour ceux qui défendent cette position, la nécessité de lutter contre le terrorisme est un argument essentiel. Ce qui signifie implicitement qu’ils ne considèrent pas les actes du régime syrien comme terroristes, mais bien au contraire qu’ils considèrent ce régime comme un allié indispensable dans la lutte de la communauté internationale contre le fléau du terrorisme. C’est la logique du « soit l’un, soit l’autre ». Autrement dit, il faut choisir entre le régime de Bachar Al-Assad, ou celui de Daech, d’Al-Nousha et des autres groupes du même acabit.
La réalité, c’est que certains aujourd’hui ont limité leur choix à cette logique binaire. Opter de gré ou de force pour l’un de ces choix, c’est laisser triompher le mal dans l’avenir. C’est du moins la leçon que nous, les Syriens, avons retenue des politiques iniques qui ont marqué notre histoire. Au temps de Hafez al-Assad, c’est une ville entière qui a été détruite et des dizaines de milliers de personnes qui ont été tuées, arrêtées ou ont disparu. Avec le fils, c’est le pays tout entier qui est ravagé et des centaines de milliers de personnes qui ont été tuées, arrêtées ou sont portées disparues, auxquelles s’ajoutent des millions d’autres contraintes à l’exil. Avec l’apparition des forces obscurantistes qui déteste la vie, oppriment le peuple et le mettent à mort, on se demande quel sera le prix à payer si le ce régime est maintenu envers et contre tout. Ne laisser la place qu’à cette alternative, « soit le régime, soit DAASH et ses similaires », cela signifie une reconnaissance net de ces deux régimes, et que l’avenir sera pour les deux ensemble, ou pour l’un des deux. Le sentiment de désespoir et l’infertilité a commencé à gagner les milieux des jeunes qui sont les moteurs du mouvement national démocratique et le moral dans la révolution syrienne. Nous trouvons chez eux la même adéquation : le choix entre le régime ou DAASH : certains vont chez l’un et d’autres vont chez l’autre. C’est le désespoir de la justice du monde, l’obscurité et le handicap face à l’énorme catastrophe qui gagne le pays et ses habitants.

Les corps sans vie d'enfants dans la banlieue de Damas, en Syrie, le 21 août. (HOEP/AP/SIPA)

Les corps sans vie d’enfants dans la banlieue de Damas, en Syrie, le 21 août. (HOEP/AP/SIPA)

Il y a deux ans, le 21 août 2013, un massacre à l’arme chimique été commis dans la Ghouta de Damas, causant la mort de près de 1500 personnes, essentiellement des femmes et des enfants. La plupart des victimes sont des civils qui habitaient la zone aux côtés des combattants. Les conséquences du massacre sont visibles aujourd’hui dans les malformations constatées chez les nouveaux-nés de cette région. Ce jour-là, la communauté internationale a désavoué le régime syrien responsable de ce massacre, mettant de ce fait les alliés de Bachar al-Assad dans l’embarras. Qui, en effet, pourrait soutenir un tel crime? Mais il semble que la politique et l’intérêt aient une logique à part dans laquelle la justice et la vie humaine ne figurent pas. Ce simulacre de justice internationale s’est soldé par l’abandon de l’arme chimique mais pas des autres armes avec lesquelles le régime continue à tuer les Syriens.
Au départ, la mobilisation de la communauté internationale et l’abandon de l’arme chimique ont constitué la preuve que l’acteur de ce crime était bien le régime syrien, ce qu’ont confirmé les rapports d’organisations internationales . Aujourd’hui, deux ans après, la communauté internationale a voulu commémorer le massacre à sa façon. Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution prévoyant la création d’un mécanisme permettant de désigner les responsables de l’usage du gaz chimique en Syrie. A son tour, le régime de Bachar Al-Assad, en tant que membre de cette communauté internationale, a voulu célébrer l’événement en pilonnant de ses avions de chasse un marché populaire dans la même zone, tuant ainsi une centaine de personnes et en blessant des centaines d’autres. Ce nouveau massacre est passé inaperçu, comme les autres d’ailleurs qui durent depuis plus de quatre ans. Pourquoi ? Parce que l’arme utilisée est acceptée par la communauté et personne ne l’obligera à ne pas utiliser ses avions de chasse. Aux dernières informations, on apprend que la Russie vient de livrer de nouveaux appareils.
On dit toujours que lorsque l’homme perd la justice sur terre, il se tourne vers le ciel. Voilà peut-être pourquoi des Syriens se tournent, aujourd’hui, vers l’extrémisme.
Aujourd’hui le désespoir de ne pas trouver une justice constitue une menace pour la vie et alimente des idéologies mortifères qui deviennent les seules réalités avec lesquelles il faudra vivre.

 

 

Ô SYRIENS, VENEZ EN EUROPE ET MOUREZ FACILEMENT !

[Par Maha HASSAN]

Mamdouh Azzam (source : beo.revues.org )

Mamdouh Azzam (source : beo.revues.org )

Mamdouh Azzam est un romancier Syrien invité par Pen Belgique (Pen Vlaanderen) à passer trois mois en Belgique comme écrivain en résidence, mais la Belgique lui a refusé son visa. Le romancier a répondu à ce refus : « Je ne peux pas accepter que vous me voyiez seulement comme un réfugié en puissance. Cela m’est extrêmement difficile. Je fus invité dans votre pays comme écrivain Syrien. Je suis fier des ces deux qualificatifs: d’une part écrivain – romancier et d’autre part, Syrien qui ne veut pas quitter son pays pour aller vivre dans un autre lieu – avec tout le respect dû envers cet autre pays. »

D.H. est une romancière également connue ; elle a un titre de séjour en France. Sa famille est établie en France mais ne veut pas la rejoindre sous le statut de réfugiée, car elle croit encore que sa place est en Syrie. Elle va et vient entre la Syrie et la France plusieurs fois par an depuis le début de la révolution syrienne.
D.H. a déposé une demande de visa à l’Ambassade britannique à Paris pour rendre visite à sa fille étudiante supérieure à Londres, mais sa demande a été refusée.

Rama D. est ma nièce que je n’ai pas vue pendant dix ans. J’étais en France, privée de rentrer en Syrie, où ma famille habite. Rama D. est une jeune fille gâtée ; elle adore la mode comme la majorité des filles de sa génération. La France pour elle c’est la mode : haute couture, marques de parfum et de maquillage… elle n’est pas une fille superficielle mais elle aime la mode, et la vie surtout, car elle vit la guerre !

Les résidents attendent de recevoir l'aide alimentaire distribuée par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) dans le camp de Yarmouk à Damas (blogs.letemps.ch)

Les résidents attendent de recevoir l’aide alimentaire distribuée par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) dans le camp de Yarmouk à Damas (blogs.letemps.ch)

Je l’ai vue en Turquie après qu’elle a quitté Alep en fuyant la guerre avec sa famille et j’aurais aimé lui offrir des vacances en France pour lui changer les idées des cauchemars vécus en Syrie. Philippe, mon compagnon, a déposé un important dossier pour obtenir une attestation d’accueil pour que Rama D. vienne quelques semaines à Paris.
Sa mère, ma sœur, m’a dit : « Ma fille ne peux pas se séparer de nous ; elle est contente d’aller en France pour prendre des photos et voir la capitale de la mode mais je te préviens, elle va commencer à raller après une semaine maximum pour revenir à la maison ».
Je suis allée en Turquie, après avoir obtenu une autorisation parentale, car ma nièce étant mineure. Avec cette autorisation, et tout les documents nécessaires, y compris son billet d’avions aller et retour, nous avons déposé sa demande de visa à l’Ambassade de France à Ankara ».
Résultat : L’Ambassade de France à Ankara a refusé la visa ! Motif : La volonté de Rama D. de quitter le territoire national à l’issue de son séjour n’est pas établie !!! Comment peut-on établir cette volonté ? Quels sont les critères sur lesquels se fondent ces fonctionnaires ?

Des centaines de cas similaires

Un camp de réfugiés syriens en Turquie (2014 Getty Images)

Un camp de réfugiés syriens en Turquie (2014 Getty Images)

Il y encore des centaines cas similaires. Des visas refusés pour des gens qui veulent venir en Europe sans la volonté de s’y installer. En revanche, il y a pas mal de gens qui peuvent avoir ce visa de manière illégale, là où le trafic de visa est avéré. Ces visas sont délivrés tout en sachant que ces gens ne quitteront pas les territoires européens et qu’ils vont demander l’asile dès leur arrivée.
Donc, on peut dire qu’il y a des défauts dans la délivrance des visas. On le refuse à des personnes qui le méritent et on le délivre à des personnages qui ne peuvent se prévaloir du qualificatif de réfugié. D’ailleurs, l’Europe néglige le grand problème du trafic des passeports.
Des réfugiés syriens (source : unhcr.fr)Il y a beaucoup de gens qui payent des sommes très importantes aux trafiquants de passeports, pour obtenir ces faux documents et prendre l’avion sans visa.
Cela nous ramène à l’autre face du problème : si le premier est une faille dans la délivrance des visas, le deuxième est d’encourager les trafiquants qui facilitent le voyage illégal et mettent la vie des gens en danger.
Si l’on parle du nombre de réfugiés morts ces derniers mois, en mer, sur le trajet vers l’Europe ou, comme ces derniers jours dans un camion de transport de viandes dans lequel 71 Syriens sont morts en Autriche, tout cela vient des difficultés à se faire délivrer des visas dans des conditions normales.
Des réfugiés syriens (source : 1dex.ch)Tous ces gens qui dépensent tout cet argent et mettent leur vie et celle de leurs enfants en danger pour arriver en Europe ne feraient pas cela s’ils n’avaient pas peur de la guerre. Et s’ils avaient des moyens financiers supérieurs à ce que réclament les passeurs, ils pourraient facilement mettre plus d’argent encore pour prendre l’avion, en ayant recours au trafic de visas ou de passeports européens. Donc le résultat est: on ne donne pas de visa, on pousse les gens à venir en Europe illégalement, on les laisse mourir…
Si l’Europe veut trouver une solution radicale pour ce problème d’émigration et particulièrement celui des réfugiés syriens, le meilleur choix à faire est de les aider à régler les problèmes politiques et humains liés au despotisme en Syrie, mais cela n’est qu’un rêve.
En conclusion, laissez les Syriens venir en Europe sans visa si vous ne pouvez pas trouver une solution à Damas. Acceptez de les accueillir en attendant de solder les comptes avec le régime de Damas.

 

Rebin Rahmani, la voix des Kurdes d’Iran

[Par Lisa Viola ROSSI]

« Je me sens comme déchiré entre deux mondes. Je ne peux ni me détacher de ma patrie ni totalement m’adapter à ce nouveau pays ». Il s’appelle Kareem « Rebin » Rahmani, il est kurde iranien et est exilé en France depuis deux ans et demi. L’exil, un lourd tribut qu’il a dû payer en raison de son activisme pour les droits de l’homme en Iran.

Malgré les difficultés auxquelles il a dû faire face en tant que réfugié, Rebin n’a jamais perdu l’espoir : il croit dans la possibilité de rentrer un jour en Iran. « La lutte pour la démocratie est un défi qui se joue à long terme – précise-t-il -. Il faut travailler à un niveau plus profond, à un processus de démocratisation partant du bas, à un changement de culture et de mentalité des gens, pour créer une société civique dans laquelle il est nécessaire d’enraciner le sentiment d’une urgence démocratique envers les droits des femmes et des minorités religieuses et ethniques en Iran.».

Dialogue sur les droits des minorités ethniques d’Iran (Genève, mars 2015)

Dialogue sur les droits des minorités ethniques d’Iran (Genève, mars 2015)

Dans ce but, Rebin s’est engagé avec le Réseau pour les droits de l’homme au Kurdistan, une organisation pour la défense des droits de l’homme fondée en janvier 2014 en France à l’initiative d’activistes des droits et d’avocats kurdes. « Le but est d’observer, de documenter et d’informer sur les violations des droits de l’homme dans le Kurdistan iranien. Le site du Réseau – explique Rebin – a été lancé en février 2014, mais en raison de difficultés matérielles, seule la version anglaise est pour l’instant disponible. Une version en kurde et en persan est en cours de préparation».

La page d’accueil du site http://www.kurdistanhumanrights.org/

La page d’accueil du site http://www.kurdistanhumanrights.org/

Le site de Kurdistan Human Rights Network est aujourd’hui parvenu à se faire connaître comme une source d’information fiable et sérieuse, et il compte des milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux : « Nos reportages et nos informations ont été repris par de nombreuses organisations et médias – fait savoir Rebin -. Toutefois, comme tous nos collaborateurs sont bénévoles, et que nous ne percevons aucune aide matérielle et financière, nos activités avancent très lentement. Nous espérons pouvoir pallier ces difficultés dans un avenir proche – souhaite l’activiste -, pour avancer plus rapidement dans la mise en œuvre de nos projets, comme passer par les mécanismes internationaux qui peuvent améliorer véritablement la situation des droits de l’homme au Kurdistan.»

Le peuple kurde est disloqué entre quatre pays : Iran, Irak, Syrie et Turquie. « Pour leur liberté, – rappelle Rebin – les kurdes ont payé le prix fort aussi bien sur le plan matériel qu’humain. Ce qui me donne de la force pour continuer mes activités, c’est l’ensemble de ces personnes qui ont donné leur vie pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Parmi ces gens, – ajoute Rebin – j’accorde une place particulière aux prisonniers politiques avec qui j’ai été en contact téléphonique ces dernières années et dont malheureusement j’ai souvent été l’un des premiers à apprendre la nouvelle de leur exécution. »

Le Kurdistan (source : ddc.arte.tv)

Le Kurdistan (source : ddc.arte.tv)

Garder les contacts en Iran n’est pas du tout facile. Le gouvernement iranien arrive à ralentir la vitesse des connections internet en dérangeant les communications via Skype. Les appels, les comptes email et les profils personnels sur Facebook, Twitter et Youtube sont systématiquement surveillés. L’utilisation des antennes paraboliques est défendue : « La police du régime monte sur les toits pour les chercher – explique Rebin -. Par ailleurs, au Kurdistan, à partir de la révolution de 2009, le régime émet des ondes afin de perturber les transmissions via satellite : des ondes qui ont des effets très graves sur la santé des citoyens, comme m’a confirmé un médecin que j’ai interviewé : les avortements spontanés seraient en fait en train d’augmenter dans toute la région ».

Les conditions de vie des kurdes en Iran ne sont pourtant pas toujours connues dans les pays occidentaux, soutient Rebin : « Le silence des médias est dû au fait qu’ils craignent qu’une attention aux conditions des prisonniers politiques au Kurdistan puisse encourager les idées séparatistes ». La conséquence de cela est « un regard centralisé sur la question des droits de l’homme en Iran », considère Rebin : « Cela signifie que malgré les risques que prennent les activistes kurdes pour informer les médias étrangers et les ONG internationales, en rédigeant rapports et statistiques qui donnent la preuve des violations et des abus dans cette région, ces derniers n’y accordent pas l’intérêt qu’on est en droit d’attendre. Et voilà, les arrestations et les exécutions d’activistes politiques et sociaux ainsi que les tortures terribles subies par ces derniers continuent, dans l’indifférence de l’opinion publique mondiale ».

De son coté, Rebin se fait garant du travail dur de médiateur. « Les moments les plus pénibles et les plus marquants de ma vie ont probablement été ceux où j’ai dû annoncer aux familles des prisonniers politiques kurdes l’exécution de leur proche. J’entends encore parfois résonner à mon oreille les pleurs et les lamentations de douleur des mères et des sœurs des prisonniers. Comment est-ce possible que leur fils ou frère soit exécuté sans que les familles ne soient prévenues et ne se soient entretenues une dernière fois avec lui? Bien souvent, les dépouilles des prisonniers exécutés ne sont pas rendues aux familles qui, par conséquent, refusent de croire à l’exécution de leur proche. Elles ne peuvent pas faire leur deuil et continuent d’attendre leur retour. Les victimes et les prisonniers politiques comptent donc sur nous – explique Rebin – pour faire parvenir leurs voix au monde extérieur. Cet espoir qu’ils ont placé en nous, rend notre tâche plus difficile encore. Nous espérons être à la hauteur de la mission et que les institutions et médias internationaux nous aideront à faire parvenir ces voix au monde entier ».

Rebin cultive cet espoir depuis des années. C’est en 2006, à l’époque du président réformiste Khatami, que la vie de Rebin a définitivement changé. Il n’était qu’un étudiant, mais aussi le rédacteur en chef d’un journal des étudiants kurdes, “Rojhelat”, “Orient”.

Rebin Rahmani

Rebin Rahmani

C’est à cette époque que Rebin décide, avec un compagnon sociologue, de mener une étude sur les causes de la toxicomanie, le SIDA et la prostitution à Kermanshah. Pendant environ six mois, ils conduisent des interviews vidéo de toxicomanes. C’est là qu’ils prennent conscience de la recrudescence de ces problèmes, une tendance systématique qui serait délibérément planifiée par la République islamique elle-même. A côté de l’Université de Razi de Kermanshah, dans le quartier résidentiel de “Bagh Abrisham”, “Le jardin de soie”, Rebin et son collègue filment une quarantaine de toxicomanes qui chaque jour frappent à la porte d’une sorte de kiosque pour obtenir de la drogue. Le voisinage les informe qu’il a déjà fait appel aux autorités mais sans obtenir de réponse. « Certains nous ont par ailleurs signalé le rôle de certains fonctionnaires de Renseignement de la ville de Kermanshah dans le trafic de drogue dans la région, drogue destinée aussi à la Turquie », précise Rebin. Plus tard, pendant un interrogatoire auquel Rebin sera soumis, un fonctionnaire lui dira : « Quel imbécile vous êtes de vous battre pour ces gens! Nous les avons fait devenir toxicomanes, et ils ne se soucient plus de ce qui se passe autour d’eux ! ».

Le 19 novembre 2006 Rebin a été arrêté par la police sur la route entre Kermanshah et Sarpol-e Zahab. Les fonctionnaires trouvent dans son sac des livres politiques. Il découvre qu’il était recherché. C’est exactement en ce moment-là que son calvaire commence. Un calvaire de deux ans durant lequel il passe de cellule en cellule, sous torture physique et psychologique permanente. Son arrêt est confirmé sous la surveillance du service au Renseignement. En mars 2007, deux jugements seront prononcés contre lui : activités contre la sécurité nationale et propagande contre l’Etat. Ils se traduisent en une peine de prison de cinq ans, réduite en appel à deux ans. Pas de remise sur les tortures, ce qui le conduit à une tentative de suicide. Rebin sort de la prison Dizel-Abad de Kermanshah le 7 novembre 2008. Malgré les convocations continuelles par les services secrets – l’Intelligence-, il commence sa collaboration avec l’organisation Activistes pour les droits de l’homme en Iran, sous le pseudonyme d’Hiva Shalmashi. Après sa libération, sa vie n’est plus comme auparavant : « Je me suis rendu à l’Université – rappelle-il -, où j’ai été informé de ma radiation. Chaque personne que je rencontrais, était convoquée et interrogée par l’Intelligence qui lui recommandait de n’avoir aucun contact avec moi. C’était dur ». Après l’exil de son frère, lui aussi activiste, les pressions de la part des fonctionnaires des services secrets augmentérent. « Mon activisme est la chose la plus importante de ma vie – dit Rebin -. Les tortures que j’ai pâties en prison, m’obligent à répondre maintenant à un devoir: aider les autres prisonniers. En Iran je ne pouvais pas faire cela, parce que j’étais sous surveillance. Donc, en mars 2011, j’ai quitté mon Pays ».

Rebin a traversé à pied la frontière montagneuse du Kurdistan d’Iran et le Kurdistan irakien avec un groupe de “passeurs” (passeurs de marchandises et d’hommes) jusqu’au moment où les forces iraniennes ont commencé à tirer sur eux. « Je me suis retrouvé complètement seul. Il faisait nuit, il y avait de la neige, j’ignorais que j’étais dans une zone minée. Mais je suis arrivé en Irak ». Une fois à Erbil, Rebin s’est adressé au bureau de l’UNHCR : « Je n’avais pas l’intention de partir pour l’Europe et je suis resté sans titre de séjour dans le Kurdistan d’Irak un an et demi ; jusqu’au jour où j’ai subi des pressions du régime en place, opposé à mes activités : c’était pour préserver ma vie; mais également pour préserver les intérêts du pouvoir irakien qui collabore avec les autorités iraniennes ». En même temps les services secrets iraniens menaçaient la famille de Rebin, restée en Iran et lui aussi était menacé à nouveau. « Je me suis rendu à l’ambassade française et grâce à une lettre de soutien de Reporters sans frontières, j’ai reçu les papiers nécessaires et je suis parti immédiatement. Quatre mois après mon arrivée en France, j’ai découvert la Maison des journalistes où j’ai été enfin accueilli jusqu’au moment où j’ai reçu mon statut de réfugié ». Et maintenant en France, à cinq mille kilomètres de sa terre natale, Rebin cultive opiniâtrement sa foi dans le pouvoir de la connaissance, de la vérité, pour les droits de son peuple.

Pour en savoir plus sur le Kurdistan Human Rights Network : www.kurdistanhumanrights.org

Winter guests, expériences d’exil

WGRéfugiés, migrants, demandeurs d’asile, étrangers, exilés, intégrés, révolutionnaires, étudiants, acteurs pour l’occasion… Ils font avant tout partie de cette jeunesse oubliée du printemps arabe, qui a crié Liberté au péril de sa vie, et qui subit aujourd’hui l’une des plus graves catastrophes du XXIe siècle. Avec l’équipe nous nous sommes rencontrés il y a moins d’un an, à leur arrivée en France. Ce spectacle, c’est l’histoire d’une rencontre avec un nouveau pays, celui de l’accueil, c’est le passage d’une vie à une autre, le pont des apatrides. Et maintenant qu’est ce qu’on fait ? Par l’entremêlement des arts et des langues, du théâtre, de la bande dessinée, du film d’animation, de la danse butô japonaise, de la musique traditionnelle syrienne, avec humour et gravité, ce sont des jeunes en soif de reconstruction qui témoignent sur scène. Face à l’hiver, WINTER GUESTS raconte l’invincible été des âmes éprises de liberté.

Dirigé par Aurélie Ruby

Vidéos, graphisme : Hamid Sulaiman
Musique, dramaturgie : Yamen Mohamad
Chorégraphies : Laura Oriol – Lumière : Julien Pichard
Photos, bande annonce : Théo Cohen-Skalli

Avec Hussein Alghajar, Kahtan Alharbat, Diana Ismaail, Taha Almohammad, Hesham Aljbaae, Waddah Saleh, Razam Khalifa, Sally El Jam, Rasha Zeid.

Le 26 juin 2015 à 20h
Maison des cultures du monde, Théâtre de l’Alliance française, 101 boulevard Raspail 75006 Paris

Cie du Pas Suivant
Projet initié en collaboration avec l’association Entraide et démocratie en Syrie, et soutenu par l’association France terre d’asile.

Entrée libre sur réservation
07 53 74 60 26 / cie.du.passuivant@gmail.com

L’Etat islamique déclare la guerre aux milices de « Fajr Libya, l’aube de la Libye »

[Par Sirine AMARI]

Assassinat de cinq membres des milices de « Fajr Libya », dans une attaque à la voiture bélier qui avait pour cible un check point à l’ouest de Misrata. L’attentat a été revendiqué par la branche libyenne de l’Etat Islamique qui avait déclaré auparavant la guerre contre ces milices. Celles-ci détiennent la capitale Tripoli ainsi que d’autres villes situées dans l’ouest du pays. 

Image tirée de la chaîne télé de l’organisation de l’Etat islamique Source : mediapart.fr

Image tirée de la chaîne télé de l’organisation de l’Etat islamique
Source : mediapart.fr

La ville de Misrata située à 250 kilomètres à l’est de la capitale libyenne a été réveillée par un énorme bruit de détonation, à la suite d’un bombardement lors d’un attentat commis par un kamikaze à un check point à « Dafnia » la porte d’entrée ouest de la ville ; provoquant ainsi la mort de cinq membres des forces armées en place et de sept autres grièvement blessés.

L’organisation de l’Etat Islamique a revendiqué cet attentat sur son compte Twitter, précisant que l’auteur de l’attentat est de nationalité tunisienne et qu’il est connu sous le nom de « Abou Wahib Attounissi». L’EI qui a déjà revendiqué son implication dans des attaques similaires les mois derniers, a déjà mis en garde les milices de « Fajr Libya » constituées par des Islamistes, que la guerre est annoncée contre ses membres et que l’Organisation allait nettoyer le territoire de cette « impureté »… et les a invités à se repentir puis à retourner à la religion.

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye a été abandonnée aux conflits sanglants et au chaos politique qui a conduit à une lutte meurtrière pour le pouvoir, engendrant une division du pays entre deux gouvernements avec deux parlements respectifs. Le premier est reconnu sur le plan international et conduit ses activités politiques à l’Est du Pays, tandis que le deuxième est basé à Tripoli. Il est soutenu par les milices de « Fajr Libya », pendant que les forces loyales aux deux parties du conflit ainsi que d’autres groupes armés mènent une guerre sur plusieurs fronts et régions du pays, une guerre qui a coûté la vie à des milliers de victimes depuis juillet 2014.

La porte Dafniya après l’explosion du dimanche 31 mai 2015 Source : twitter.fr

La porte Dafniya après l’explosion du dimanche 31 mai 2015
Source : twitter.fr

Le chaos sécuritaire dû à ce conflit a profité aux groupes de combattants djihadistes en vue d’étendre leurs zones de contrôle. C’est notamment le cas pour la branche libyenne de l’Etat Islamique qui a réussi le 29 mai dernier à faire tomber l’aéroport de la ville de Syrte (450 km à l’Est de Tripoli) après qu’elle se soit emparée de cette ville (dont était natif le colonel Kadhafi) au mois de février dernier.

Le gouvernement intérimaire libyen, reconnu par la communauté internationale, a tiré la sonnette d’alarme face au danger d’une attaque probable de l’EI contre des installations pétrolières proches de Syrte. Après s’être emparé de l’aéroport de la ville et de la base aérienne de Gardhabiya, les rebelles de l’Etat Islamique ne sont qu’à 150 kilomètres de la région du croissant pétrolier. En effet, cette zone concentre des entreprises, des champs pétroliers et également des ports stratégiques. La ville de Derna, désormais connue pour abriter le quartier général de l’EI sur le territoire libyen, est à seulement 1300 kilomètres de la capitale Tripoli.

 

Interview de Muzaffar Salman, photojournaliste syrien

Interview de Muzaffar Salman, photojournaliste syrien
مقابلة مع المصور الصحفي السوري مظفر سلمان

Réalisation : Lisa Viola Rossi
Sous-titrage : Nahed Badawia et Mahmoud El Hajj
© Maison des journalistes, 3 mai 2015
إخراج ليزا فيولا روسي
الترجمة ناهد بدوية- محمود الحاج
بيت الصحفيين ٣ أيار ٢٠١٥