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Ahmad Muaddamani, journaliste syrien exilé: « Les Misérables » me rappelle ma situation

Je suis Ahmad Muaddamani, je viens de Syrie. J’habite maintenant à Paris. En Syrie, j’ai travaillé en tant que photographe et designer graphique dans la ville qui s’appelle Daraya.” C’est par ces mots que le jeune journaliste de 28 ans se présente, en français, qu’il a appris en six mois seulement.

 

  •  Par Léna Jghima, étudiante, stagiaire à Maison des journalistes (MDJ). 

Le 27 août 2016, Ahmad est contraint de quitter sa ville, Daraya, après que le régime de Bachar Al Assad l’ait finalement conquis et chassé les rebelles. Lorsqu’on lui demande pourquoi il est forcé de s’en aller de ce lieu symbole de la révolte, Ahmad répond: Parce que nous avons fait une révolution à Daraya et donc le régime syrien a fait un siège. Ils ont bombardé la ville avec leurs forces aériennes”. Ici, Ahmad évoque la Révolution syrienne, en cours depuis le 15 mars 2011. Cette dernière a depuis laissé place à une répression sanglante de la part du régime, dont le triste bilan s’élève à 400 000 morts. La moitié de la population a été déplacée et un quart de la population, dont Ahmad et sa famille, ont dû s’exiler à l’étranger. 

Dès 2011, beaucoup choisissent de fuir à la suite de l’éclatement de la Révolution. “Je suis resté parce qu’il n’y a pas beaucoup de journalistes pour documenter les violations et les transmettre au monde.” C’est donc par engagement, pour dénoncer les exactions commises par le régime d’Al Assad lors du siège de Daraya, qu’Ahmad choisit de ne pas s’enfuir, malgré le danger, et de mener à bien sa mission de “media activist”. Lors de ce siège, qui dura près de 4 ans (de novembre 2012 à août 2016) et à l’issue duquel 90 % de la ville est détruite, la répression du pouvoir à l’encontre des journalistes bat son plein.

Photo prise par Ahmad du lieu de commémorations de ses amis journalistes, photographes ou photojournaliste tués par les bombes du régime alors qu’ils faisaient leur métier.

A Daraya, Ahmad ne se sépare jamais de son appareil photo, car il entend bien transmettre au monde la réalité de ce qu’il se passe en Syrie : la vérité. Mais ce n’est pas tout, “pendant le siège, j’ai travaillé avec Delphine Minoui, une journaliste française, pour faire un film et un livre sur ce qu’il se passe à Daraya : Les passeurs de livres de Daraya”. Ces deux productions qu’évoque Ahmad retracent l’histoire de la construction d’une bibliothèque secrète à Daraya. Au milieu des ruines d’une ville assiégée, affamée et détruite par les bombardements incessants du régime, un groupe de jeunes syriens, parmi lesquels se trouve Ahmad, va partir à la recherche de livres dans les décombres. Ils sauvent ainsi près de 15 000 ouvrages qu’ils rassemblent dans un abri clandestin, donnant naissance à la bibliothèque de Daraya.

Photo de la bibliothèque secrète de Daraya prise par Ahmad et suite à laquelle il fut contacté par Delphine Minoui

Forcé de quitter Daraya et d’aller vivre à Idlib en 2016, une ville au Nord de la Syrie, l’engagement d’Ahmad, son combat en faveur de la liberté devenu un devoir d’information, et de l’instruction massive commencée avec la bibliothèque, se poursuit. “Après j’ai habité un an à Idlib et j’ai fait de la voiture avec mes amis. Nous avons fait le tour d’Idleb pour aider les enfants à lire et écrire etc… Parce qu’à Idleb la situation est très difficile pour tout le monde.” En effet, la ville qui a accueilli des centaines de milliers de réfugiés depuis le début de la guerre est, aujourd’hui encore, le théâtre de violences extrêmes perpétrées par le régime d’Al Assad. Ces dernières ont même été qualifiées de crimes de guerre voire de crimes contre l’humanité par les Nations Unies. C’est au milieu de ce chaos qu’Ahmad et ses amis tentent de permettre à des enfants de s’instruire, “parce qu’il y a les forces aériennes qui bombardent les écoles et la ville.” Lorsqu’on lui demande si le régime bombarde les écoles alors même que des enfants s’y trouvent, Ahmad répond : “Oui, ils bombardent tout le monde.”

C’est finalement en 2018 qu’Ahmad décide de quitter à son tour la Syrie et part s’installer en Turquie. Là-bas, il travaille en tant que designer graphique avec une organisation syrienne basée en Syrie. Son choix de quitter son pays, voici comment il l’explique : “Il n’y a pas d’universités. Il n’y a pas de futur. Et la situation en Syrie elle passe par beaucoup d’intermédiaires. Il y a beaucoup de pays comme la Russie, les Etats-Unis ou l’Iran qui prennent contrôle de la Syrie.” Pour Ahmad, si la situation en Syrie est si compliquée et semble s’enliser, c’est en grande partie à cause de ces puissances étrangères. Le pays en guerre est devenu le théâtre d’affrontement de leurs intérêts : “C’est très difficile à cause des pays comme l’Iran et la Russie, car les Etats-Unis et l’UE sont partis et les ont laissés dévorer la Syrie”.

Mais même en Turquie, la situation demeure très difficile pour Ahmad qui, en tant que réfugié syrien sans papiers, est obligé d’obtenir une autorisation du gouvernement afin de se déplacer d’une ville à une autre. De plus, Ahmad dépeint une atmosphère presque xénophobe qui le pousse à prendre contact avec l’ambassade française de Turquie en 2020, dans le but d’obtenir un visa. Au bout de six mois, il obtient les papiers l’autorisant à traverser la frontière pour se rendre en France.

Arrivé en France, Ahmad reste d’abord à Grenoble où une famille française l’héberge quelques jours. Il passe ensuite quelques mois à Bordeaux au sein d’une autre famille qui lui permet de faire d’important progrès en français. Ahmad garde une grande affection pour cette famille bordelaise avec qui il est toujours en contact : “je les aime beaucoup parce qu’ils m’ont beaucoup aidé. Je ne les oublierai pas.” Il espère même pouvoir leur rendre hommage en faisant ce qu’il fait de mieux : “j’espère un jour pouvoir faire un petit film qui parle des gens, comme cette famille, qui aident les personnes”. Ce qui marque Ahmad lorsqu’il arrive en France, c’est d’abord la gentillesse des personnes qu’il rencontre : “tout le monde en France est mignon et gentil. Et tout le monde essaye de nous aider, car on ne parle pas bien français”. Mais c’est aussi la facilité avec laquelle il parvient à établir le contact “En France, je peux avoir une connexion avec les Français. En Turquie c’est très difficile.”

C’est au bout de deux mois passés avec la famille bordelaise qu’Ahmad décide de contacter la Maison des journalistes, dont il avait entendu parler alors qu’il était encore en Turquie. Depuis qu’il l’a intégrée, Ahmad cherche à travailler mais aussi à reprendre des études : “Actuellement j’ai besoin des deux. D’un travail et d’étudier.” Il recherche notamment un cours de français à la faculté. Lorsqu’on lui demande s’il aimerait continuer à faire le même travail, Ahmad répond de façon très réaliste : “Non, parce que c’est difficile de faire comme avant, spécialiste média. C’est difficile d’écrire des textes en français. C’est pourquoi j’ai choisi le design qui est plus facile en français et le montage vidéo.”

En effet, Ahmad garde les pieds sur terre et a conscience que même en France, tout n’est pas parfait. Bien qu’il affirme ne jamais avoir été victime de racisme sur le territoire, il a récemment eu une mauvaise expérience lors d’un rendez-vous chez Pôle Emploi : “Cette femme elle m’a dit : « pourquoi tu viens à Pôle Emploi tout seul ? Viens avec quelqu’un qui parle français, arabe. » C’était très méchant.” Par ailleurs, un autre événement récent l’a beaucoup marqué, voire perturbé. “La France a accepté il y a un mois que le régime syrien fasse un centre d’élection dans l’ambassade syrienne. Il est difficile de comprendre pourquoi.” Le 26 mai 2021 ont eu lieu les élections présidentielles syriennes, à l’issue desquelles Bachar el-Assad a été réélu président pour un nouveau mandat de 7 ans, à 95,1 % des voix. Ces élections jouées d’avance, Ahmad ne comprend pas qu’elles aient été autorisées à avoir lieu en France : “c’est très difficile de voir quelqu’un faire une élection non démocratique en France : le pays de la démocratie” alors que l’Allemagne a quant à elle, interdite aux Syriens d’aller voter dans son ambassade. Aux yeux d’Ahmad, la France a accepté la tenue d’élections dont le résultat allait de toute façon jouer en la faveur d’une “machine à tuer”, dit-il en parlant du régime de Bachar el-Assad. “Le gouvernement français accepte que des criminels de guerre et dictateurs fassent une élection en France.” finit-il par ajouter.

Lorsqu’on l’interroge sur un éventuel retour en Syrie, Ahmad confie. Mais cela nécessiterait une amélioration de la situation en Syrie qui semble malheureusement peu probable pour l’instant selon lui.


Interrogé sur les raisons de son pessimisme, Ahmad évoque à nouveau le rôle joué par les puissances étrangères dans l’enlisement de la situation, “Parce que l’Iran et la Russie donnent de l’argent au régime syrien et ils ont aidé le régime à attaquer les gens et la ville. Les Etats-Unis et l’UE ensemble nous ont aidé mais seulement en donnant de l’argent.” Pour lui, un soutien économique ne suffit pas : “nous avons besoin d’être aidés politiquement. Pour la démocratie, pour finir avec les 40 ans au pouvoir de la même famille à la tête du régime syrien…une machine à tuer”. Car le rêve d’Ahmad, et celui de millions d’autres syriens, c’est la liberté et la démocratie. “Et la démocratie est très importante pour tout le monde” rappelle-t-il. “Je n’ai pas confiance en la communauté internationale pour changer les choses. Ils sont entrés en Syrie juste pour se battre contre Al Qaïda, contre les terroristes. Mais le terrorisme c’est aussi le régime syrien.” Selon lui, le régime de Bachar al-Assad ayant tué bien plus de Syriens que les organisations extrémistes, c’est ce dernier qui est “fondamentalement le premier partisan du terrorisme.”


Photo prise par Ahmad d’un cimetière de fortune dans lequel sont enterrées des victimes du régime de Bachar al-Assad

Lorsque Ahmed raconte son parcours difficile, il reste humble et doux. Il est motivé par son désir de faire des progrès en français et fait de nombreux efforts pendant notre échange.

Pour finir, Ahmad a accepté de partager un morceau qu’il aime tout particulièrement. Ce dernier est issu du film musical Les Misérables, réalisé par Tom Hooper en 2012. Ce film, Ahmad l’a vu à de nombreuses reprises pendant le siège de Daraya. Cette chanson fait écho à son histoire, à la situation dans laquelle il se trouvait au sein de cette ville assiégée

Les paroles, les personnages dans le film, celles des Misérables… Tout me rappelle ma situation dans ma ville, Daraya.”

 

There’s a grief that can’t be spoken

There’s a pain goes on and on

Empty chairs at empty tables

Now my friends are dead and gone

Here they talked of revolution

Here it was they lit the flame

Here they sang about tomorrow

And tomorrow never came…” complète Ahmad, alors que la musique joue.

 

 

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RENCONTRE. Ignace Dalle, le récit de carrière d’un véteran de l’AFP

Journaliste spécialiste du monde arabe. Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille et en études arabes à l’université Saint Joseph de Beyrouth, Ignace Dalle est un ancien journaliste de l’Agence France Presse. Rencontre.

  •  Par Ange Fabre, étudiant en droit et science politique et Léna Jghima, étudiante, stagiaires à Maison des journalistes (MDJ). 

Mercredi 23 juin à 15 heures, la Maison des journalistes (MDJ) a eu l’honneur de recevoir Monsieur Ignace Dalle, journaliste spécialiste du monde arabe, ancien directeur du bureau de l’AFP au Maroc et auteur de nombreux ouvrages. Ce fut l’occasion d’entendre le récit de carrière d’un journaliste français passé, des années 1970 aux années 2000, par l’Egypte, le Liban et surtout le Maroc. Au fil de la narration d’Ignace on découvre une vocation faite de voyages, de drames et d’épreuves, mais aussi d’amitiés, le tout dessinant un intense récit humain, intellectuellement stimulant et émouvant. 

Un véteran de l’AFP

Journaliste spécialiste du monde arabe. Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille et en études arabes à l’université Saint Joseph de Beyrouth, Ignace Dalle est un ancien journaliste de l’Agence France Presse. Il a passé de nombreuses années en poste dans le monde arabe, notamment au Liban, en Égypte et au Maroc. De 1992 à 1996, il dirige le bureau de l’AFP à Rabat. Il a été le premier journaliste à (longuement) écouter les rescapés de Tazmamart. C’est lui qui a recueilli et mis en forme les mémoires d’Ahmed Marzouki, dans le best-seller “Tazmamart cellule 10”. 

Ignace Dalle s’est installé face à une quinzaine de résidents, anciens résidents et membres de l’équipe de la MDJ pour partager son expérience et le récit de sa carrière. Il entame son récit par les raisons de cette vocation. Il raconte un voyage autour de la Méditerranée avant ses études qui le laissera amoureux du monde arabe et décidé à faire de cette passion son métier. Il sort diplômé de l’école de journalisme de Lille, travaille ensuite au Figaro et deux ans plus tard obtient une place d’envoyé spécial de l’AFP au Liban. 

Rencontre avec Ignace Dalle à la Maison des journalistes

Pour comprendre la complexité du monde arabe 

L’invité nous conte alors son arrivée dans un pays déchiré par la guerre à la fin des années 1970. Il fait son entrée dans Beyrouth bombardé en pleine guerre du Liban, il nous confie avoir été terrorisé dans son hôtel, allongé au milieu de la chambre. Le personnel, habitué à cet environnement violent, s’en amuse : « Si tu commences à te coucher dès que tu entends une bombe ça va être difficile ». Il met près de huit jours à s’habituer au contexte. Il affirme que ce fut son premier contact avec la guerre et sa brutalité, mais il confie « On s’habitue malheureusement assez vite à ces périodes de violence »

Travailler à Beyrouth et ses coupures d’électricité incessantes était particulièrement complexe. Ignace Dalle a ensuite suivi l’armée syrienne dans la guerre au Liban, il est le témoin interloqué des massacres fratricides entre peuples arabes au Liban, l’armée syrienne pourchassant les rebelles palestiniens dans les montagnes. “Beyrouth a été une très bonne école pour comprendre la complexité du monde arabe” résume-t-il. Mais il confie également avec une certaine tristesse : “Durant les années 1980 Beyrouth a été la seule ville méditerranéenne où il n’y avait plus de vie nocturne, couvre-feu oblige, où les patrouilles militaires seules animaient les rues.” 

En 1980, Ignace Dalle est nommé au bureau de l’AFP, au Caire. Un contexte difficile, les journalistes européens n’ayant que très peu accès aux informations, le gouvernement égyptien privilégiant les médias américains. Il explique que l’administration était particulièrement laborieuse et lente en comparaison avec le Liban. A côté de la “bureaucratie infernale” du Caire, il découvre un pays à l’histoire infiniment riche par son histoire, sa culture et ses habitants qu’il dit avoir trouvés très aimables. 

En 1981, le président Anouar El-Sadate est assassiné, cela lui “tombe sur la tête”. Il explique que l’événement est perçu comme une bonne nouvelle par une majorité du peuple égyptien, lequel est resté très rancunier envers le président depuis les accords de Camp David, lorsque Sadate négocia la paix avec Israël en 1978. Beaucoup d’Egyptiens jugent qu’il a tout cédé à Israël dans les négociations, nous explique Ignace Dalle. Il raconte également la difficulté pour couvrir l’événement, le pouvoir ne partageant pas les informations sur la santé du président hospitalisé avec les Européens mais seulement avec les journalistes américains. Il explique avoir même rencontré des difficultés pour écrire l’article sur la mort du président face aux réticences du chef de la traduction, pourtant lié par contrat à l’AFP, à traduire les papiers sur la mort d’El-Sadate. 

Chez “notre ami le roi” 

Ignace Dalle quitte ensuite l’Egypte pour le Soudan, où il affirme “souffler un peu”, loin de l’agitation du Caire. Puis une guerre civile y éclate en 1984, il retourne alors en France et, quatre ans plus tard, est nommé directeur du bureau de l’AFP à Rabat, au Maroc. 

Entre-temps, lors de son passage en France il connaît un douloureux épisode avec la sortie de son livre “La Syrie du général Assad” qui décrit le fonctionnement du régime syrien. Il reçoit des menaces de mort, lui et sa famille subissent des intimidations, Rifaat al-Assad, frère du dictateur alors en place et exilé en France, lui fait un procès, avec une armée d’avocats français. Le motif de ses accusations devant la justice est que les témoignages cités dans l’ouvrage ne présentent pas de sources. Pour protéger les personnes qui ont pu lui permettre d’obtenir ces informations, Ignace Dalle n’a pas donné le nom de ses informateurs. Or, s’il l’avait fait, le régime syrien aurait retrouvé ses sources, qui auraient été en grand danger. Il ne peut donc donner d’informations sur ses sources . Les juges, compatissants, le condamnent à un franc symbolique et lui épargnent les frais de publication du dossier de jugement. 

Arrivé au Maroc en 1992, Ignace Dalle succède au précédent directeur du bureau de l’AFP à Rabat, mort dans un accident de voiture. Malgré quelques soupçons et questionnements il s’avérera que c’était véritablement un accident. L’invité relate alors au public un événement très important de son parcours. Peu de temps après son arrivée à Rabat, il reçoit la visite de trois anciens prisonniers politiques, dont le militaire Ahmed Marzouki, venus faire entendre leur voix au sujet des indemnisations promises par le roi suite à leur détention, promesses restées sans acte. Ignace Dalle nous confie l’admiration qu’il éprouva pour le courage de ces trois individus risquant la prison et la mort dans leur quête de justice. Il s’investit pour leur cause et travaille durant cette période avec l’Association marocaine des droits humains, qu’il juge très compétente et surtout courageuse car poursuivie un peu partout par les autorités monarchiques. Au sein de cette association il se lie d’amitié avec Ahmed Marzouki, un survivant de Tazmamart. Enfermé pendant 18 ans, cet ancien officier, devenu écrivain et activiste politique, lui raconte son enfer durant ses années de détention. L’ancien journaliste de l’AFP recommande à ce sujet la lecture du livre Tazmamart cellule 10, best-seller d’Ahmed Marzouki sur son calvaire dans l’enfer de cette prison secrète destinée aux prisonniers politiques. 

Il termine sa période marocaine en 1996 dans une atmosphère de fin de règne d’Hassan II, synonyme d’un assouplissement du régime, lequel relâche alors des familles d’opposants et libère plusieurs prisonniers. Marzouki devra cependant attendre 1999 et la mort d’Hassan II pour publier son ouvrage. 

Il rentre en France puis est envoyé en divers lieux couvrir l’actualité, le Togo, Mururoa et les essais nucléaires français, la Bosnie durant la guerre. Il est ensuite nommé rédacteur en chef de l’AFP sur les affaires américaines et nord-européennes puis directeur de la documentation et des archives 

Lorsqu’il est interrogé sur les moments les plus frappants de sa carrière, Ignace Dalle répond : l’assassinat de Sadate, événement majeur tant pour l’Histoire que pour sa carrière de journaliste mise alors à rude épreuve. Il cite aussi la découverte de la terrible prison marocaine de Tazmamart et des récits “à faire des cauchemars debout”, des horreurs qui y sont commises contre les opposants politiques. Au-delà de ces épisodes politiques sombres et parfois cruels, Ignace Dalle affirme avoir gagné et conservé beaucoup d’amitiés au Maroc, au Liban, en Algérie, etc. 

Regard sur un monde des médias en transformation 

Dressant un bilan d’une région qu’il a si bien connue, Ignace Dalle décrit un monde arabe de nos jours bien moins accessible qu’au début de sa carrière, du fait des guerres civiles et du durcissement des régimes. Il explique qu’il est désormais très compliqué d’y voyager de manière indépendante, d’aller y faire des reportages, et cela même sur la majeure partie du continent africain, de manière plus générale, “Autrefois on pouvait faire une grande partie du continent en voiture d’un pays à l’autre, aujourd’hui c’est impossible”. Les journalistes africains présents acquiescent alors avec une certaine mélancolie. Les auditeurs ont pu ensuite le questionner sur l’actualité du métier de journaliste et sur certains événements de l’actualité récente. Il explique que désormais dans beaucoup de pays les journalistes correspondants sont des locaux à qui les agences envoient directement du matériel journalistique. Ces correspondants sont souvent polyvalents et traitent l’aspect technique, le montage, la vidéo, l’enregistrement, le travail écrit et de documentation eux-mêmes. Cependant, dans les régions où l’actualité demeure particulièrement complexe à décrypter, comme au Liban ou en Syrie, le besoin d’envoyer des journalistes experts et spécialisés demeure. 

Un changement d’époque dans le journalisme. Il décrit également comment les correspondants francophones ont laissé la place à une majorité de correspondants anglophones au Proche-Orient ces vingt dernières années. 

Répondant à une interrogation sur le problème des “fake news”, Ignace Dalle explique alors l’enjeu crucial de crédibilité et de légitimité pour de grandes agences comme l’AFP, particulièrement vigilante face à la menace nouvelle et grandissante des “fake news” et de la désinformation. Ignace Dalle nous rappelle alors les mesures mises en place par de nombreux grands médias comme l’AFP comme un pôle entier de “fact checking” au sein de l’agence. Interrogé sur la possibilité d’apporter son expertise aux médias français pour un journaliste exilé, l’ancien correspondant fait état de la difficulté de trouver du travail pour les journalistes réfugiés en France, qui peinent dans leurs recherches alors qu’ils pourraient pourtant apporter un éclairage important aux rédactions françaises. 

Une question émerge alors sur la fermeture du compte twitter de Donald Trump. L’invité du jour reconnaît le mal fait par l’ex-président des Etats-Unis à la crédibilité de la presse et les nombreuses fake news qu’il a relayées. Cependant, il ne donne pour autant pas tout son crédit à des mesures comme celle-ci, qu’il juge, bien que satisfaisantes à court-terme, problématiques quant à l’utilisation arbitraire qui est faite de la liberté d’expression par le réseau social. “C’est vrai que ça nous a fait du bien qu’il se taise un peu celui-là, mais bien sûr on ne peut pas dire que ce soit une vraie solution.” ironise-t-il. 

Enfin, livrant son opinion sur la presse internationale à la demande du public, Ignace Dalle vante les mérites de la presse britannique qu’il juge intellectuellement remarquable, citant The Economist et The Guardian. Il rappelle aussi que la BBC, institution remarquable bien que déclinante, reste incontournable. Il se montre plus modéré sur les médias américains, recommandant CNN pour sa couverture de l’actualité internationale. 

Interrogé sur la qualité du contenu livré aujourd’hui par l’AFP Ignace Dalle vante la qualité de l’agence, malgré des moyens bien moins étendus que ceux des agences anglo-saxonnes. Il loue également son recul vis-à-vis de la politique étrangère française sur laquelle elle ne s’aligne pas automatiquement, conservant une approche critique. 

Photo de souvenir avec les participants

Les bouteilles d’eau bien entamées et les têtes stimulées, vient cependant l’heure de clore cette rencontre ayant duré près de deux heures. Certains spectateurs regrettent de ne pas pouvoir poursuivre encore l’échange qui aura captivé l’attention du petit monde réuni durant cet après-midi du 23 juin à la Maison des journalistes.

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Michèle Léridon, notre grande amie de la Maison des journalistes n’est plus.

Ancienne directrice de l’information de l’Agence France-Presse, première femme à ce poste, Michèle Léridon est décédée brutalement, lundi 3 mai à l’âge de 62 ans, date de la journée mondiale de la liberté de la presse. Elle était une grande amie de la Maison des journalistes.

Figure du paysage médiatique français (lire sa biographie détaillée), membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en charge du pluralisme, elle a œuvré – avec l’AFP – pour l’accueil et l’insertion professionnelle des journalistes réfugiés.

Reconnue à l’unanimité par ses pairs, de nombreux hommages saluent son professionnalisme, son engagement et son courage. “Quelle tristesse! Quelle perte pour le journalisme! (…) Michèle était une vraie amie de la Maison des journalistes”, a twitté Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes.

En juin 2017, Michèle Léridon et ses collègues[1] avaient reçu une délégation de journalistes de la Maison des journalistes au sein du siège de la rédaction de l’Agence France Presse (AFP), dans le cadre du partenariat. « L’AFP est heureuse et fière de s’associer à la Maison des journalistes. Celle-ci joue un rôle essentiel dans l’accueil et l’accompagnement des journalistes qui ont fui leur pays pour avoir voulu exercer leur métier d’informer au péril de leur vie ou de leur liberté », avait déclaré à cette occasion la directrice de l’Information de l’AFP, Michèle Léridon.

Michèle Léridon aux côtés des journalistes résidents de la MDJ

Pour Fabrice Fries, président de l’AFP, Michèle était “l’archétype du journaliste de l’AFP avec un parcours varié, une expérience internationale et faisait preuve d’un grand courage sur le terrain”.

Roch-Olivier Maistre, président du CSA, très ému, a salué sa très grande rigueur intellectuelle et professionnelle.

Le personnel de la Maison des journalistes et ses journalistes résident.e.s adressent à sa famille, ses proches et ses collègues, de chaleureuses et affectueuses pensées. Ils s’engagent à poursuivre son combat aux côtés de l’AFP dans le cadre de leur partenariat.

[1] Boris Bachorz (directeur régional Afrique), Sonia Bakaric (adjointe au chef du Desk international et chargée de la cellule Afrique), Sophie Wronecki (assistante à la direction de la communication),  Frédéric Dumoulin, (chef du service politique), Philippe Chetwynd (rédacteur en chef central), Rémi Banet (Journaliste réseaux sociaux), Leon Bruneau (chef du Desk international), Sébastien Casteran (adjoint du chef de Service Infographie) et Frédéric Bourgeais (Graphiste Web/Designer interactif).

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Corée du Nord & AFP: enquête sur le journalisme sous dictature

En novembre 2016, l’Agence France-Presse (AFP) inaugurait son bureau à Pyongyang, capitale de la Corée du Nord. Son objectif: couvrir le pays de l’intérieur en capturant tout ce qui lui était possible de voir, via des reporters présents sur place. Trois ans après, la Maison des journalistes est entrée en contact avec Philippe Massonnet, directeur régional Asie-Pacifique, également en charge du bureau de Pyongyang.


Comment fonctionne l’équipe de reporters?

Quel type de contenu informatif produit l’AFP dans le pays «le plus secret au monde»?

Être journaliste étranger et travailler constamment sur le sol nord-coréen, est-ce mission impossible?


Une équipe de l’AFP Asie, constituée d’un reporter texte, d’un reporter vidéo et d’un reporter photo, y travaille depuis 2016.

Faire son travail de journaliste en Corée du Nord

Leur temps sur place est néanmoins limité: ces trois journalistes se rendent en Corée du Nord toutes les six semaines pour une dizaine de jours. Cette restriction est due à une certaine réglementation du régime nord-coréen: «Aucun journaliste étranger n’a le droit d’être en permanence là-bas» nous déclare Philippe Massonnet.

Mais lorsque les reporters de l’AFP Asie ne sont pas sur place, comment la production d’informations est-elle assurée? Une autre équipe, cette fois locale, prend le relai. Parmi une liste «mince» de candidats exclusivement nord-coréens, deux locaux ont été choisis par l’AFP pour endosser les rôles de vidéaste et de photographe.

Formés à Pyongyang, puis à Hongkong pendant une semaine, ces intervenants ont apprivoisé le fonctionnement et le travail éditorial de l’Agence France-Presse. Ils ont également été formés à la technique de prise de vue. Cependant, aucun local n’a été désigné pour réaliser des contenus écrits. Un choix volontaire de la part de l’agence française: «On savait que le travail allait être très restreint».

En réalité, les deux intervenants nord-coréens «n’ont pas un rôle de journaliste à proprement parlé» nous explique Philippe Massonnet, «ils sont plus des assistants de rédaction, des fixeurs (ils assurent le rôle d’intermédiaire entre les autorités, les interlocuteurs nord-coréens, et l’AFP)».

La majeure partie des contenus est d’ailleurs produite par les trois journalistes de l’AFP Asie. Dans ce pays où la censure et l’autocensure règnent d’une main de fer, il semblerait évident que le gouvernement ait un droit de regard, et exerce un contrôle sur leurs productions.

Et pourtant, «aucune de nos réalisations n’a été contrôlée ou censurée a postériori», nous certifie le directeur régional.

L’organisme français dispose d’une totale liberté quant à l’édition de ses reportages. Ces derniers sont édités soit en Corée du Nord, soit à Hong-Kong.

Comme l’illustre ce reportage, la rédaction est libre de ses commentaires et de ses propos. Ici, elle n’hésite pas à souligner les failles entre les statistiques données par le gouvernement, et la réalité du terrain.

Le journaliste aborde également l’épineuse question du manque de nourriture dans le pays. Mais ce «final cut», accordé à l’Agence France-Presse, ne signifie pas pour autant que l’organisme est entièrement libre. L’obtention d’une information est une toute autre affaire…

L’accès à l’information: sésame ouvre toi?

À chaque pays, sa réglementation d’accès à l’information pour les journalistes. La Corée du Nord, elle, a pour coutume d’imposer un contrôle drastique et minutieux des sujets abordés, tant sur le plan informatif que sur le plan visuel et esthétique: dans une ville voisine de Pyongyang, des nord-coréens sont en train de lire le journal dans la rue.

Les journalistes d’Envoyé Spécial filment la séquence. Leur guide entre en scène, et échange quelques mots avec les locaux.

En un claquement de doigt, trois hommes sortent du champ de la caméra: leur tenue vestimentaire n’est pas appropriée pour la situation, et entache l’image du pays. Sans ces trois individus, l’image est, aux yeux du régime nord-coréen, immaculée, irréprochable, et donc diffusable.

Envoyé Spécial Corée du Nord

Capture d’écran Envoyé Spécial : premier plan représentant la scène initiale.

Envoyé Spécial Corée du Nord

Capture d’écran Envoyé Spécial : plan final après modification à la demande du guide

Si la demande d’autorisation pour avoir accès à une information, ou pour effectuer un tournage représente l’étape majeure de la création d’un sujet, elle n’en demeure pas moins l’étape la plus complexe à passer en Corée du Nord.

Les reporters de l’AFP, bien que présents sur place, rencontre les mêmes difficultés que les autres journalistes étrangers: «les autorisations sont les seules choses sur lesquelles l’équipe n’a pas la main» nous affirme le directeur régional. Les journalistes de l’AFP sont, au final, eux aussi restreints, «mais on en était conscient dès la création de ce bureau. Il n’y a aucune surprise» souligne Philippe Massonnet.

Si ce dernier avoue avoir une part de frustration, il n’oublie pas l’objectif initial de l’implantation du bureau à Pyongyang: «Ce qui est important, ce n’est pas d’être restreint, mais d’avoir un accès dans le pays. On se dit qu’on est privilégié, on va au moins conter ce que l’on voit».

Car en effet «très peu de médias occidentaux ont la possibilité de se rendre en Corée du Nord. Jusqu’ici, l’Agence France-Presse est le seul organisme journalistique français à posséder un bureau de correspondance en Corée du Nord. Mais au niveau international, il n’est ni le seul, ni le premier. L’agence de presse japonaise Kyodo s’y est implantée en 2006. Six années plus tard, c’est au tour de l’agence américaine AP (Associated Press) d’installer son bureau en Corée du Nord. Cet accord, passé entre KCNA (l’agence de presse nord-coréen) et l’AFP, revêt un aspect symbolique: «Avoir un bureau sur place, c’est un grand pas» déclare le directeur régional.

Un pas vers une plus grande couverture de l’information ? Très certainement, puisque comme l’affirme Philippe Massonnet «plus on y est, plus des relations se créent, et plus on peut faire de choses».

Depuis trois ans, les journalistes de l’AFP Asie ont «accumulé des documents riches», devenant ainsi des témoins privilégiés d’une partie de l’Histoire nord-coréenne. Mais certains thèmes sont pour autant considérés comme des «sujets tabous», dont il est formellement interdit de parler, ou d’y faire allusion.

Impossible donc pour les journalistes étrangers d’obtenir des informations relatives à ces sujets. Sur ce point, l’AFP ne déroge pas à la règle, et sa présence régulière sur le sol nord-coréen ne lui concède pas de privilège.

«Il y a des pays où l’on sait que l’on ne peut pas insister» nous explique Philippe Massonnet, et d’ajouter: «Il n’y a pas d’intérêt à aborder ces questions-ci, puisqu’elles resteront automatiquement sans réponse». Des questions qui resteraient donc sans réponse, mais qui seraient aussi susceptibles de compromettre tant le travail des journalistes français AFP que celui des intervenants nord-coréens: «Si l’on aborde des questions complexes, ca complique la tâche de tout le monde».

Le mois d’avril pointe le bout de son nez dans les rues de Pyongyang, entraînant avec lui la floraison des premiers abricotiers.

Quelques nord-coréens flânent dans les allées des parcs, quand d’autres, pinceau en main, sont venus peindre le spectacle. En parlant de spectacle, la foule se presse pour admirer tortues et poissons, et se prendre en photo devant les squelettes de divers animaux, lors des inaugurations du zoo et du musée d’histoire naturelle de la capitale.

Le dimanche, au cœur du parc Moran, les corps des nord-coréens se lâchent et s’évadent, se laissant porter par les rythmes des musiques populaires

Ce sont ces instants de vie, ces actes quotidiens que les journalistes AFP Asie et les deux intervenants locaux capturent. Les sujets abordés sont liés à des informations dites «froides»: plus éloignées de l’actualité pure, les thématiques traitées s’apparentent alors à des sujets de type magazine.

Mais cette couverture médiatique s’inscrit «dans la logique de ce que l’on voulait faire depuis le début» nous déclare Philippe Massonnet.

Quand l’AFP a décidé d’installer un bureau de correspondance dans ce pays, son objectif était de «conter la Corée du Nord à travers des histoires quotidiennes».

Outre les lancements de missile, les commémorations des grands événements de Corée du Nord, et les rencontres avec des dirigeants étrangers, les questions d’ordre politique ne sont pas placées sur le devant de la scène médiatique de l’AFP.

Et pour cause, l’organisme n’a pas accès à cette actualité chaude: «Nous ne sommes pas informés des décisions importantes». Quant aux interviews officielles, elles sont «quasi-inexistantes».

Avoir un entretien avec Kim Jong Un ? N’y pensez même pas…

Ces deux vidéos témoignent de la complexité à filmer la politique en Corée du Nord : ici l’AFP choisi de filmer les événements du point de vue des habitants nord-coréens, sans aucune interview d’officiel, aucune image d’homme politique.

Pour autant, cette situation est loin de déstabiliser le directeur régional, qui rappelle l’origine du travail de l’AFP sur place: «Nous ne sommes pas là-bas pour avoir des scoop politiques ou pour parler de la politique, mais bien pour raconter la Corée du Nord».

Malgré sa distance avec le domaine politique, l’équipe de l’AFP Asie a tout de même pu travailler sur des sujets «plus sérieux», comme en mars 2019 où elle a couvert les élections locales des districts.

«La Corée du Nord n’est pas le pays des micros-trottoirs»

Si donner la parole aux citoyens est devenu monnaie courante dans de multiples pays, il est difficile de parler aux nord-coréens, qui eux, ne sont pas habitués à cette pratique. «La Corée du Nord n’est pas le pays des sondages d’opinion ou des micros-trottoirs» nous déclare Philippe Massonnet.

«Il y a un côté à fois déstabilisant et à la fois surprenant pour les nords coréens» lorsqu’ils se font approcher par des journalistes étrangers.

Les interviews étant parfois difficiles à obtenir, cela créé une part de frustration pour l’équipe de reporter: «Quand on n’a pas de citation pour les vidéos, le reportage devient plus compliqué à réaliser» constate le directeur régional.

Mais cette situation donne en réalité une nouvelle approche du métier de journaliste: ce dernier ne se contente plus de récupérer une information et de la diffuser, mais il «effectue un travail de journaliste pur: avec le peu que l’on me raconte, comment vais-je montrer, expliquer la chose. (…) Avec des citations qui sont parfois de la propagande, on arrive à quand même raconter une histoire».

Il y a toutefois des situations, des lieux, où la parole des nord-coréens se délie. Philippe Massonnet se rappelle d’un reportage traitant de la fête des écoles, «les gens parlaient plus facilement, ils étaient plus ouverts».

En somme, les citoyens nord-coréens sont plus à l’aise «à partir du moment où les sujets abordés racontent leur quotidien».

A l’image du documentaire “Pyongyang s’amuse”, réalisé par Pierre-Olivier François, et des reportages de l’AFP, la Corée du Nord, et plus précisément ses habitants, ne semble plus représenter l’idéologie d’un pays terne, glacial, enclavé: ces images inédites laissent place à des moments plus intimes, plus réels, parfois même légers. Ces auteurs apportent un nouveau regard, celui d’un pays coloré et modernisé.

Mais cette vision inédite à un prix, celui de la familiarisation avec le pays et ses habitants: si les reporters de l’AFP se rendent sur le sol nord-coréen toutes les six semaines, il aura fallu 8 ans, et plus d’une quarantaine d’allers retours aux auteurs de “Pyongyang s’amuse” pour parvenir à capter ces instants rares…

La télévision en Corée du Nord


L’arrivée de Kim Jong Un au pouvoir a quelque peu changé l’univers télévisuel nord-coréen: contrairement à ses prédécesseurs, le dirigeant fait passer son idéologie non plus par des statues à son effigie, mais par la télévision.


Le paysage télévisuel de Corée du Nord, bien qu’il tende à se moderniser, reste maigre et restrictif.

La première et principale chaîne de télévision, KCTV (Télévision centrale coréenne), date de 1963.

Accessible partout (elle est présente dans les lieux publics.) et par tous, cette chaîne est marquée par sa forte idéologie: chaque soir à 17 h, les premières images diffusées sont celles du Mont Paektu. Cette montagne sacrée est un symbole en Corée du Nord et serait le prétendu lieu de naissance de Kim Jong II. S’en suit une diffusion de l’hymne national.

Sa programmation se compose d’informations, de dessins animés et de documentaires exclusivement nord-coréens, et d’émissions politiques traitant et commentant les déplacements du dirigeant.

Cependant, son temps de diffusion n’est pas continuel: en semaine, KCTV est limitée à 5 h 30 de programmes par jour. Les dimanches, jours de fête et pendant les élections, la chaîne diffuse pendant près de 14h.

Trois autres chaînes sont disponibles via le câble. Elles ne sont donc pas accessibles par tous les nord-coréens. Chacune de ces chaînes occupe un rôle bien spécifique.

  • Mansudae Tv, lancée en 1973, est spécialisée dans les programmes artistiques et technologiques. Elle est accessible le samedi pendant 3 h, et le dimanche uniquement pendant 9h.
  • La chaîne Ryongnamsan voit le jour en 2012. En vérité, cette chaîne a été lancée pour remplacer la “TV éducative et culturelle” créée en 1997. Ryongnamsan propose des films scientifiques populaires, des conférences et des programmes éducatifs, comme l’apprentissage des langues étrangères.
  • Enfin, depuis 2015 Sport Television diffuse des contenus sportifs (compétition des athlètes nord-coréens, documentaire sur l’histoire du sport) le samedi et le dimanche de 19h à 22h.
  • En 2016, la Corée du Nord lance même son propre programme de vidéo à la demande. Baptisé Manbang qui signifie «partout», ce service est accessible via l’intranet local de Corée du Nord. Les contenus proposés ont cependant fait l’objet d’une validation par le gouvernement.

L’arrivée de Kim Jong Un au pouvoir a quelque peu changé l’univers télévisuel nord-coréen: contrairement à ses prédécesseurs, le dirigeant fait passer son idéologie non plus par des statues à son effigie, mais par la télévision.

Ces dernières années, la principale chaîne de télévision, KCTV, a évolué et s’est modernisée, via ses contenus et sa présentation, comme l’illustre le média ABC.

“I would like you to mention it in the portrait as the “syrian revolution”, it was not a “civil war” or a “movement”, we have to call it as what it was: a revolution.”

Hasan, a detached look in the eyes, a wristband to the colors of the Free Syrian Army, is struggling to remember of any independent journal: “At least, I am certain that there no media covering of what happened in the country.” In February 2011, Hasan is 21, he is living in Douma in the east suburb of Damas. While he is finishing a tourism degree at university, the still nascent Arab revolutions, found an echo in the syrian social medias.

The next month, protests where organizing on Internet, in the streets only a few hundreds of demonstrators but the repression is severe. Yet the feeble processions of the beginning where increasing from a week to another, the repression cements the protest and the social medias do the rest. Hasan feel the need to cover the events “To show what is really happening there.” He starts with other journalists activists filming the gatherings and posting the videos on Facebook or Youtube in the evening. In the protestations, cameras were prohibited and impound by the mukhabarats (regime secret services) but impossible to prohibit smartphones.

Photo prise par Hasan pour l’AFP

From 2012, slaughters and tortures committed by the regime forces and its militias seal the fate of the country: dozens of thousands have been marching, despite the threats, in the streets of Damascus. ”Bashar must leave”, it will be a revolution. During the summer, the government lost  control, the siege formed. Three areas controlled by various revolutionary groups appear, Douma will be the last city held by the rebels 8 years later.

Once the Ghouta isolated, tap water has been quickly cut by the regime. In order to assure the needs of the population, the solution was to collect soil water by some holes 40 to 60 meters deep in the ground. “To pump the water, we used engines but soon it the energy ran out as well. Drawing water manually was not enough, then we began using all the energy sources we could find: plastic bags, cooking oil and even margarine.

Hasan joined in 2013 the Douma hospital team, he photographed the wounded, including many children, and the surgeries. The suburb hospital transformed into a war hospital and organized in services. A day of April, wounded persons came with unusual symptoms, eyes cornea and respiratory mucosa burnt, suffocation, nausea and vomiting: Bashar al-Assad experiment the chlorine gas and sarin gas on the rebel populations. (1) Following the chemical attack of April 2013, international medias started to take interest on the Douma.

Between 2011 and 2013, it is at least 110 actors of the information that have been killed in the conflict according to a report of Reporters without borders. (2) Facing the happening, international medias decided to stop sending reporters on the field. The AFP then launch a program named ”Citizen journalists”, the objective is to recruit and form syrian photojournalists from the Beirut bureau.

Hasan is contacted later after a bombing in a market of Douma in August 2015, the AFP provides a camera and give him a training on photojournalism by Internet. (3) From this moment, Hasan photographies began to illustrate French medias tackling the casualty assessments of the life in Douma.

In November 2017, bombing become randoms and unpredictable.

The regime wages us a physic and psychologic war, you are never in peace, never safe. At this time, we could only live in the basements”.

A shell fell, the rescue come to extract the victims from the rubble, then a few minutes later, a second detonation, a new strike, targeting this time the rescue.

In February 2018, the noose is tightening around Douma, the bombing intensify again. The towns of  Mesraba and Harasta fall. People flee the city. “The regime wanted a total evacuation. If we stayed, it would be the prisons of the regime that awaited us.

In April, Hasan left his native region to Idlib and then take the direction of Turkey. For ten attempts, he tried to cross the Turkish border, and at the tenth he managed finally to smuggle avoiding the Turkish border guards.

I had no bearings, no emotions, I could not watch any videos from Syria. With my syrian passport, I was nobody.

It is the AFP that suggested him an exile to France. The travel without any money or help took 11 months to Hasan. Now he wishes to resume studies in journalism, in France, far away from Syria.

In November 2017, bombing become randoms and unpredictable. “The regime wages us a physic and psychologic war, you are never in peace, never safe. At this time, we could only live in the basements

A shell fell, the rescue come to extract the victims from the rubble, then a few minutes later, a second detonation, a new strike, targeting this time the rescue.”

Maroc : “Interdit de conférences académiques, censuré, diffamé, je vis sous la pression permanente de la police politique”

Communiqué de Maâti Monjib, historien, politologue marocain, journaliste et défenseur des droits de l’Homme. En, mai dernier, Mediapart soutenait l’universitaire “interdit de quitter le territoire et soumis à des pressions du Ministère de l’Enseignement marocain et à des «épreuves kafkaïennes» pour avoir participé à une soutenance à l’Ecole normale supérieure, à Paris.”

Un cas parmi des dizaines d’autres subit par Maâti Monjib qui dénonce par ce communiqué un bilan d’un an entre harcèlement, censure et diffamation. 


“Il y a ainsi une sorte de complicité obligée des censeurs et censurés. Et c’est dommage car cela empêche l’éclatement de la vérité : la presse est, dans sa grande majorité, sous contrôle. Ceux qui n’acceptent pas la censure, soit disparaissent, soit s’autocensurent.”


 

Communiqué de Maâti Monjib

En l’espace d’une semaine, j’ai été interdit de conférence deux fois.

La première conférence organisée par une grande école d’ingénieurs de Casablanca qui est une université privée. Cette conférence devait porter sur l’Etat marocain à travers l’histoire.

La seconde intitulée: “Développement politique et système national d’intégrité en Afrique” était organisée dans le cadre d’une université d’été au bénéfice de quelques dizaines de jeunes activistes et intellectuels sub-sahariens.

Bravo la diplomatie parallèle chantée tous les jours par les médias de propagande officiels!

Cette même semaine, une interview dans un quotidien de grande diffusion a été censurée. Je tais le nom de la journaliste (d’ailleurs professionnelle et courageuse) ainsi que le nom du journal car j’ai été critiqué par des amis pour les avoir dévoilés il y a quelques jours. Cela représente des risques pour les concernés.

Il y a ainsi une sorte de complicité obligée des censeurs et censurés. Et c’est dommage car cela empêche l’éclatement de la vérité : la presse est, dans sa grande majorité, sous contrôle. Ceux qui n’acceptent pas la censure, soit disparaissent, soit s’autocensurent.

Dans cette petite interview censurée, j’avais essayé de montrer le caractère tendancieux et “sécuritaire” du rapport officiel sur le Hirak du Rif. Ce rapport soi-disant “droits-humaniste” justifiait honteusement et maladroitement la répression du Hirak et les lourdes condamnations de ses activistes et leaders (jusqu’à 20 ans).

Même pour le régime ce rapport était contre-productif puisqu’il était sans aucune valeur ajoutée par rapport aux communiqués de la Direction Générale de la Sûreté Nationale. Et que dire des décisions, manipulations et condamnations par une justice aux ordres contre les braves activistes pro-démocratiques du Rif, l’une des rares régions qui lève la tête courageusement pour dire non au despotisme et au système des copains et des ripoux.

Ce rapport officiel montre clairement que le régime se ferme de plus en plus, les voix de la raison sont étouffées même en son sein. Tout le monde à l’intérieur du système (y compris les institutions de gouvernance) se met au service des Services. C’est dangereux pour le pays, c’est dangereux pour les libertés publiques et c’est dangereux pour le régime lui-même qui n’a plus essentiellement que deux piliers de soutènement: la répression –comme moyen d’action et la corruption -comme ciment de l’élite au pouvoir.

Pour résumer, je viens de passer, chers ami-es une année universitaire très dure : un exemple, j’étais invité depuis octobre à sept conférences qui ont toutes été interdites. Sauf à Agadir où une personne courageuse a résisté aux pressions.

L’administration “universitaire” refuse aussi de m’autoriser à participer à des colloques ou soutenances de thèse à l’étranger, comme cela m’est arrivé plusieurs fois cette année. Or de telles activités scientifiques sont partie intégrante du travail de tout professeur de l’Enseignement supérieur et impacte énormément l’évolution de sa carrière et le jugement de ses pairs.

En même temps et comme par hasard, la presse des Srabs (Services) mène contre moi une abjecte campagne de diffamation et de mensonges qui dit entre autres que je suis un Fonctionnaire-Shabah (fantôme). Or mes étudiants, mes collègues et les administratifs de l’établissement où je travaille savent que je me suis acquitté cette année, et comme toujours, de mes devoirs professionnels normalement malgré les obstacles semés sur mon chemin par les collaborateurs des Services.

Imaginez ! Je suis actuellement, et cela depuis février, dans une situation insoutenable. L’administration centrale me considère (par écrit et par le moyen de missives officielles signées et cachetées) comme absent depuis cinq mois et demi. Quelques responsables de base, aussi professionnels que courageux leur répondent, parfois par écrit, que non, autrement dit que je suis présent…

Mais l’administration centrale continue à ignorer leurs réponses (officielles signées et cachetées) en leur demandant toujours si j’ai repris mon travail comme si j’étais en abandon de poste. Le but apparent est de me maintenir sous pression pour que j’arrête de m’exprimer sur la nature du régime qui est passé –je le redis ici à toute fin utile-, depuis les dernières élections législatives, du “statut” d’un régime semi-autoritaire à un régime, académiquement qualifié par les spécialistes, d’autoritaire.

Ils veulent aussi m’empêcher par le moyen de ces pressions lâches de m’exprimer en tant que responsable de l’Association Liberté Maintenant illégalement interdite (Freedom Now الحريةالآن) sur les abus de pouvoir et les violations des droits humains et des libertés d’expression et de presse.

A chaque fois que je prends position ou que je publie un article qui ne plait pas aux décideurs dans la presse qui parait à l’étranger, une campagne mensongère de dénigrement me “crucifie”.

Je suis aussi parfois objet de filature sans parler du fait, Ô combien gênant, que mon téléphone est sous écoute active depuis mai 2015. C’est d’ailleurs par ce moyen qu’ils savent que je suis invité par tel ou tel établissement ou que j’ai un entretien avec un périodique…. Aussi durant avril-mai derniers, des dizaines d’articles, de vrais articles pas des brèves, m’ont honteusement insulté et diffamé, photos à l’appui sur le plan de ma vie privée et publique, de mon travail, de mes convictions…etc.

Des caricatures calomnieuses de moi sont publiées, elles m’affublent des cornes de Satan, de costumes de mafieux avec des dollars tombant de leurs poches… Des centaines de pages Facebook y ont participé l’année dernière par exemple suite à un article que j’ai publié en mars 2018 sur l’affaire du journaliste Bouachrine. La campagne s’est ralentie depuis mi-juin 2019, et c’est bon à prendre. Tout y passe, du sexe à l’argent, du service de l’étranger à la trahison de la patrie, de la vaste ferme à la villa cossue…

Honte sur vous! Vous laisserez une mauvaise image de l’Etat marocain pour les générations futures. Vous contribuez par ces moyens vils à la dégradation de l’image de notre pays chéri qui pourtant nous lie tous. Je n’ai jamais su que dire la vérité vous met dans une colère aussi noire!

Communiqué de Maâti Monjib

“Le régime nous faisait une guerre physique et psychologique, tu n’es jamais en paix, jamais en sécurité” – Témoignage d’un journaliste syrien exilé

Un bracelet aux couleurs de l’Armée Syrienne Libre au poignet, l’air détaché, Hasan ne parvient pas à se remémorer d’un seul journal “indépendant” en Syrie. “Je suis certain, en tous cas, qu’il n’y avait aucune couverture médiatique de ce qu’il se passait dans le pays.”

En février 2011, Hasan a 21 ans, il vit à Douma dans la banlieue, à l‘est de Damas. Alors qu’il termine des études de tourisme à l’université, les révolutions arabes au Maghreb, encore naissantes, trouvent un écho jusqu’aux réseaux sociaux syriens.


J’aimerais que tu parles dans le portrait de ‘révolution syrienne’, ce n’était pas une ‘guerre civile’ ou un ‘mouvement’, il faut l’appeler par ce que c’était : une révolution.”


Le mois suivant, des manifestations s’organisent sur Internet. Dans les rues, quelques centaines de militants les composent, la répression est sévère. Mais les timides cortèges du début grossissent de semaines en semaines, la répression cimente la contestation et les réseaux sociaux font le reste.

copyright Hasan – AFP – Hôpital de Douma

De révolté à journaliste pour témoigner

Hasan ressent le besoin de couvrir les évènements, de “montrer ce qu’il se passe ici”. Il débute avec d’autres journalistes activistes filmant les rassemblements et postant le soir sur Facebook ou YouTube. Dans les manifestations, les caméras et appareils photos sont interdits et confisqués par les moukhabarats (services secrets du régime) mais impossible d’interdire les téléphones.

Dès 2012, les massacres et tortures perpétrés par les forces du régime et ses milices scellent le destin du pays : des dizaines de milliers de manifestants ont défilé, en dépit des menaces, dans les rues de Damas. “Bashar doit tomber”, ce sera une révolution.

Durant l’été, le gouvernement perd le contrôle et le siège de la Ghouta se forme. Trois zones contrôlées par différents groupes révolutionnaires apparaissent, Douma sera le dernier quartier contrôlé par les rebelles, huit années plus tard.

Une fois la Goutha isolée, l’eau courante fut rapidement coupée par le régime. Afin d’assurer les besoins de la population, la solution fut de puiser l’eau du sol par des trous de 40 à 60 mètres de profondeur.

Pour pomper l’eau, on utilisait des moteurs mais bientôt, c’est l’énergie qui venait à manquer. Tirer l’eau avec des pompes manuelles n’était pas suffisant, alors on a commencé à utiliser toutes les sources d’énergie qu’on pouvait trouver : les sacs plastiques, l’huile de cuisine et même de la margarine”.

copyright Hasan – AFP – Hôpital de Douma

Hôpital de Douma et attaque chimique

Hasan rejoint en 2013 l’équipe de l’hôpital de Douma, il photographie les blessés, dont de nombreux enfants, et les opérations chirurgicales qui s’y déroulent.

L’hôpital de banlieue se transforme en hôpital de guerre et s’organise en différents services de soin.

Fin mars, des blessés avec des symptômes anormaux arrivent à l’hôpital, cornée des yeux et muqueuses respiratoires brûlées, suffocation, nausées et vomissements : Bashar el-Assad expérimente les armes chimiques sur les populations rebelles. C’est à ce moment que les médias internationaux commencent à s’intéresser à l’hôpital de Douma.


Le régime nous faisait une guerre physique et psychologique, tu n’es jamais en paix, jamais en sécurité. À cette époque, nous ne pouvions plus vivre que dans les caves.”


Entre 2011 et 2013, c’est au moins 110 acteurs de l’information qui ont été tués dans le conflit selon un recensement de Reporters sans frontières, face à un tel constat, les médias internationaux décident de ne plus envoyer de correspondants sur place.

Hasan sera contacté par l’AFP après un bombardement dans un marché de Douma en août 2015, l’agence le forme au photojournalisme par internet. À partir de ce moment, les photos d’Hasan se retrouvent en illustration des articles de médias français évoquant les bilans meurtriers du quotidien de Douma.

copyright Hasan – AFP – La Goutha

En novembre 2017, les bombardements sont aléatoires, impossibles à prévoir.

Le régime nous faisait une guerre physique et psychologique, tu n’es jamais en paix, jamais en sécurité. À cette époque, nous ne pouvions plus vivre que dans les caves.”

Un obus tombe, les secours s’activent pour sortir les victimes des décombres, puis quelques minutes après, une seconde détonation, une nouvelle frappe, visant cette fois-ci les secouristes.

Je suis parti avec mon appareil photo, un ordinateur emprunté à un ami et les clefs de mon appartement à Douma.”

En février 2018, l’étau se resserre autour de Douma, les bombardements s’intensifient de nouveau. Les quartiers voisins de Mesraba puis Harasta tombent. Les gens fuient la ville. “Le régime voulait une évacuation totale. Si l’on restait, c’était les prisons du régime qui nous attendaient.”

En avril, Hasan quitte sa région natale pour Idleb, puis prend la direction de la Turquie.

À dix reprises, il essaya de traverser la frontière turc, et à la dixième il parvint finalement à échapper aux garde-frontières turcs. “Je n’avais plus de repères, plus d’émotion, je ne pouvais pas regarder de vidéos de Syrie. Avec ou sans papiers syrien, hors du pays je n’étais personne.”

C’est l’AFP qui lui proposa un exil en France. Le voyage, sans argent ni contact, pris onze mois à Hasan. Désormais, il souhaite reprendre des études en journalisme, en France, loin de la Syrie.

Quand je couvrais la révolution en Syrie, j’emportais toujours ce keffieh avec moi, je le portais durant chaque attaques chimiques.”