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PORTRAIT. Naama Al Alwani, une journaliste syrienne au mental d’acier

Du haut de ses  31 ans, Naama Al Alwani, journaliste syrienne, garde le sourire, malgré un parcours semé d’embûches. Ancienne résidente de la Maison des journalistes, elle accepte de revenir sans filtre sur son parcours. Portrait d’une journaliste dotée d’une confiance en soi inébranlable.

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Un rire facile et un débit de phrase posé. Voilà ce qui caractérise Naama Al Alwani lorsqu’elle accepte de remonter le temps et de retracer son parcours.  Née en 1991, elle a rapidement trouvé sa vocation grâce à son esprit très curieux et sa passion d’être sur le terrain. Dès son plus jeune âge, elle sait tout de suite ce qu’elle veut : être journaliste. Elle lance sa carrière à l’âge de 20 ans. Nous sommes en plein printemps arabe, au cœur de l’année 2011. Naama Al Awani se définit alors comme « journaliste activiste ».

Très concrètement, elle partage sur ses réseaux sociaux toutes les actualités sur les mouvements de la révolution dans sa ville de Homs, en Syrie, située à 100 kilomètres de Damas, la capitale. En particulier les frappes israéliennes qui ont détruit sa ville. Le tout en variant les supports afin de donner encore plus de poids à ces informations : photographies, vidéos, témoignages de locaux sur place… En 2012, le conflit prend une tournure encore plus grave pour Naama : “Ma maison à Homs a été bombardée par le régime de Bachar El-Assad. J’ai vraiment eu peur pour ma vie, mais aussi pour celle de mes proches. C’était la goutte de trop, je devais partir”, raconte-t-elle, d’une voix tremblante. 

Le cœur lourd, elle décide de prendre la direction de Daraya, dans la province de Damas. “Sur place, j’ai notamment pu travailler pour l’organisation Life Institute : the Lebanese Institute For Democraty and Human Rights, une instance qui milite pour les droits humains. Je réalisais des rapports et des comptes-rendus sur la situation des droits de l’Homme en Syrie, tout en continuant bien-sûr à dénoncer l’injustice et les crimes commis par ce dictateur, je conserve toujours ma liberté de penser, malgré les multiples pressions, telles que l’intimidation ou les menaces de mort”, se remémore Naama. 

Le régime syrien, qui a toujours gardé un œil sévère sur les activités de Naama, n’apprécie guère son militantisme. À tel point qu’il décide de passer à la manière forte. En octobre 2013, Naama a été arrêtée par le régime, qui voulait depuis un moment museler la journaliste. Pendant cette période, il était en effet interdit de diffuser et de partager toute diffusion d’information en rapport avec le régime syrien et la révolution.

“Je me souviens qu’ils ont arrêté plusieurs autres journalistes qui étaient contre le pouvoir, retrace Naama. Rendez-vous compte, à cause de nos convictions, de nos idées, ils nous ont bâillonné en nous envoyant en prison. Moi, j’y suis restée pendant huit mois. J’ai toujours gardé la force mentale, grâce à la spiritualité, avec ma religion. Cela m’a rendue encore plus forte pour surmonter cette épreuve très dure”, complète-t-elle. Musulmane très pratiquante, Naama Al Alwani a recours à sa foi pour ne pas sombrer. Durant sa détention, elle en profite notamment pour réaliser un rapport sur les conditions des femmes en prison. “Je pensais en permanence à mon entourage, à mes proches. Cela m’a aidé à tenir”, souffle-t-elle.

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Naama Al Alwani apprécie particulièrement la télévision et le montage vidéo.

Les chiffres clés de la guerre en Syrie depuis 2011
Selon un rapport publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme publié en juin 2022, 306 887 civils ont été tués entre le 1ᵉʳ mars 2011 et le 31 mars 2022 en Syrie depuis le début du conflit. En d’autres termes, cette estimation indique qu’au cours de ces dix dernières années, ce sont en moyenne 83 civils par jour qui ont subi une mort violente. “Cela n’inclut pas les très nombreux autres civils qui sont morts en raison de la perte d’accès aux soins de santé, à la nourriture, à l’eau potable et à d’autres droits de l’homme essentiels, qui restent à évaluer” déclare dans ce rapport Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme. Ce nombre de victimes civiles recensées au cours de ces dix dernières années “représentent un taux stupéfiant de 1,5 % de la population totale de la République arabe syrienne au début du conflit”, indique encore le rapport.

« J’ai fait 8 mois de détention à cause de mes convictions »

Naama Al Alwani, journaliste syrienne

Dès sa sortie de prison, Naama n’oublie pas ses engagements : lutter encore et toujours contre le régime en place, à son échelle. “Personne ne me fera taire”, tonne-t-elle. Ainsi, pendant plusieurs années, elle continue de dénoncer les actes sanglants du régime en enregistrant des vidéos sur son téléphone, en réalisant des reportages vidéos et des articles, qu’elle garde pour elle. Mais le petit écran la titille toujours. Spécialisée dans la télévision, Naama Al Awani réalise des reportages pour le petit écran.

Elle collabore notamment avec Halab Today TV, une chaîne de télévision syrienne depuis septembre 2020. En plus de ses talents de présentatrice, la Syrienne a un profil très polyvalent : polyglotte – elle maîtrise l’arabe, l’anglais et a de bonnes bases en français, elle aide les chercheurs et journalistes étrangers qui la contactent pour faire de la traduction sur des sujets liés à l’actualité de la Syrie. Parmi les sujets traités, Naama a ses domaines de prédilection : “J’apprécie particulièrement tous les sujets de société qui concernent les réfugiés syriens et les femmes syriennes. Je me focalise principalement sur la révolution et sur ce qu’il se passe sur ce long conflit syrien qui dure depuis 2011”, explique-t-elle. Sa mère, qui vit actuellement au Liban, lui apporte une autre culture : “Je me sens syrio-libanaise”, sourit-elle.

Un départ pour développer sa polyvalence

Après ces longs mois, Naama décide de quitter sa Syrie natale pour rejoindre le Liban voisin, toujours dans l’optique d’y exercer son métier de journaliste. “J’ai pu travailler avec plusieurs médias sur place en tant que freelance, comme Al Jazeera magazine, Al Aan TV. Je voulais toucher à tous les médias pour développer ma polyvalence”, précise Naama. En plus de ses activités journalistiques, la jeune femme n’oublie pas la cause qui lui tient à cœur, en accompagnant les réfugiés installés dans des camps au Liban. La journaliste leur fournit notamment les premiers soins et contribue à distribuer des denrées alimentaires aux personnes les plus démunies.

Réfugiés syriens au Liban : un parcours du combattant pour survivre 
Au Liban, on estime le nombre de réfugiés syriens entre 1,5 et 2 millions, faute de données officielles, dont 805 000 sont enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Cela fait du Liban l’État qui héberge le plus grand nombre de rescapés de la guerre civile syrienne par habitant. Ces réfugiés représentent environ 25 % du total de la population libanaise. Avant le conflit syrien qui a débuté en 2011, le pays du Cèdre accueillait entre 250 000 et 500 000 Syriens. 

Ils étaient alors pour une partie d’entre eux employés dans le BTP et l’agriculture particulièrement. Alors que le Liban continue de s’engouffrer dans une crise sociale et économique majeure depuis 2019, le pays est depuis plus de neuf mois sans président et avec un gouvernement démissionnaire. 82 % des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté et la livre libanaise a perdu plus de la moitié de sa valeur. Les conditions de vie des réfugiés syriens sont déplorables : selon le HCR, 90 % d’entre eux croupissent dans une situation de pauvreté extrême : ceux d’entre eux qui travaillent dans des champs et assurent les récoltes, par exemple, gagnent l’équivalent en livres libanaises de cinq dollars la journée.

Naama vivra dans le pays du Cèdre pendant sept ans. En tant que journaliste-reporter, elle a notamment collaboré avec le média syrien « Halab Al-Youm », pour informer de l’actualité des Syriens qui résident au Liban et en Turquie. En quittant le Liban en 2020, après avoir subi de plein fouet de la xénophobie, mais aussi les multiples crises du pays, Naama rejoint le territoire turc, où elle y résidera pendant sept mois. La journaliste continue de travailler pour « Halab Al-Youm » et le média « Watan », tout en entreprenant les démarches afin d’obtenir le visa, pour vivre en France. 

Après de multiples contacts avec l’ambassade française au Liban, elle obtient son précieux sésame en 2021, après deux ans et demi d’attente.  Elle rejoindra l’Hexagone la même année. Sa famille, quant à elle, continue de résider actuellement dans la ville de Tripoli, au Liban. “C’était très dur de les laisser, mais j’ai régulièrement de leurs nouvelles en visio. Pour le moment, je n’envisage pas de rentrer au Liban à cause de la situation locale très compliquée. Mais je garde toujours espoir pour un avenir meilleur”, lance Naama Al Alwani. 

Une adaptation contrastée en France 

Naama Al Alwani est arrivée en France le 15 juillet 2021. “J’ai choisi ce pays parce que je voulais uniquement la paix, je n’en pouvais plus de subir des pressions de la part du gouvernement syrien, je veux avoir la liberté de porter fièrement mes convictions. En France, il y a cette liberté d’expression”, clame-t-elle. La journaliste commence par découvrir la Normandie et en particulier la ville de Rouen, où elle habite avec une amie, pendant une dizaine de jours. 


“Après quelques recherches sur le web, j’ai découvert la Maison des journalistes et les combats de cette association qui milite notamment pour la liberté de la presse. J’ai rempli le formulaire d’admission et je m’y suis installée le 18 août 2021”, raconte Naama, soit tout juste un mois après son arrivée sur le territoire français. Elle réside au sein de la Maison des journalistes pendant une année. Le programme « Renvoyé spécial », qui consiste à raconter son histoire devant un jeune public de lycéens, lui tient particulièrement à cœur. “Je suis souvent positivement surprise par le public que je rencontre. Je trouve qu’ils ont des questions très pertinentes sur le fonctionnement de la liberté de la presse et moi j’apprends beaucoup sur leur manière de s’informer. Dans notre société, ce sont des sujets cruciaux”, développe Naama Al Alwani.

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J’ai beaucoup apprécié de vivre ces expériences et surtout de ressentir la curiosité de ces jeunes. Je sens qu’ils sont souvent captivés par ce que je raconte”, se remémore Naama Al Alwani. La journaliste retient également ce mixte de cultures qui lui a permis de tisser des liens avec d’autres journalistes de l’association. Naama Al Alwani a obtenu son statut de réfugiée en novembre 2021.

Entre octobre 2021 et octobre 2022, elle a suivi  des études dans la spécialité « Français langue étrangère » à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Elle a enchaîné avec une licence en cinéma, toujours dans le même établissement, entre juin 2022 et juillet 2023. Elle recherche actuellement un Master, sans savoir encore dans quelle spécialité. 

« Je dois choisir entre mon hijab ou ma carrière »

Naama Al Alwani, journaliste

La jeune femme, qui réside actuellement à Paris, souhaite trouver un travail dans le journalisme avec toujours une appétence pour l’univers de la télévision, mais se heurte à une difficulté majeure selon elle : le port du hijab. “On m’a déjà forcé à l’enlever, mais je ne veux pas. Le hijab fait partie de moi, de ma personnalité et de ma religion. Cela fait 18 ans que je le porte. Je suis donc confronté à un dilemme : je dois choisir entre mon hijab ou ma carrière”, déplore Naama.

Elle souhaite par ailleurs dénoncer un cliché: “Beaucoup font le rapprochement entre les extrémismes et le terrorisme, juste à cause d’un vêtement. Mais je ne suis pas terroriste, je ne cache rien !”, clame Naama. La journaliste souhaite réaliser une enquête journalistique sur les discriminations liées au port du hijab.

Elle rebondit par ailleurs sur une polémique qui a fait couler beaucoup d’encre au sein de tous les partis politiques en France : le port de l’abaya, qui est désormais interdit à l’école  par le ministre de l’Education, Gabriel Attal. “On voit finalement que les gens ne sont pas traités de manière équitable. En quoi l’abaya peut vraiment déranger une personne ?” 

La journaliste confie que des connaissances qui portent le hijab ont accepté de l’enlever, uniquement sur le temps professionnel. “Je suis juste un être humain, une personne normale. Ici une des premières choses que l’on me dit lorsqu’on me voit avec le hijab, c’est : ‘’Tu n’as pas trop chaud avec ça ? Mais oubliez-le et concentrez-vous sur ma personne!“, lance Naama dans un grand éclat de rire. “Mais dans d’autres pays, comme en Allemagne, la mentalité est différente. Je me rends compte qu’ici en France, je ne peux pas totalement exprimer ma spiritualité”, ajoute la Syrienne.

Pour autant, Naama Al Alwani ne se voit pas qu’ailleurs qu’en France, reconnaissant être  “fatiguée” d’être perpétuellement en mouvement.  “Mon corps est ici en France, mais ma tête est au Liban avec mes parents et mes proches”, explique-t-elle pour définir son état d’esprit.

En plein apprentissage de la langue française avec un niveau B2, Naama a encore plusieurs souhaits : stabiliser sa situation professionnelle, obtenir la nationalité française et revoir sa mère. Cela fait déjà deux ans qu’elles ne sont pas vues. “Sur le plan psychologique, je désire aussi avant tout que tout ce stress disparaisse une bonne fois pour toute”, conclut-elle avec un long soupir. Une différence qui peut se faire au mental, Naama en a désormais l’habitude. 

Par Chad Akoum 

PORTRAIT. Taher Hijazi : « on ne pouvait pas sortir sous peine d’arrestation ou de mort » en Syrie

Agé d’une trentaine d’années, Taher Hijazi est un défenseur des droits syrien, dont le combat remonte à plus de dix ans. Très assidu, Taher est arrivé à la Maison des journalistes avec de nombreux documents, ayant déjà préparé ses déclarations. Si ses mains tremblent par moment, la fermeté de sa voix ne trompe personne : il connaît l’importance de son travail pour la Syrie et le reste du monde, à savoir la lutte contre l’utilisation des armes chimiques sur la population ou en temps de guerre.

Pour comprendre sa vocation, il nous faut remonter à mars 2011, début du Printemps arabe en Syrie. Taher étudie alors le droit à l’Université de Damas, et participe à des manifestations pacifiques avec son entourage pour un « changement démocratique » dans son pays. « Mais le régime d’Al-Assad a rebondi en choisissant l’oppression, les arrestations et disparitions forcées », explique Taher d’un ton neutre. « Plusieurs de mes collègues ont été arrêtés. Nous avons été torturés et emprisonnés », témoigne-t-il en pesant ses mots.

En Syrie, des disparitions forcées non résolues depuis 12 ans

Il participe alors à la documentation des violences pour le Centre de documentation des violations en Syrie, ONG fondée par son amie et avocate Razan Zaitouneh. « J’ai listé les arrestations, pris des photos des victimes, recueilli des témoignages » à partir de 2013, où « la révolution s’est transformée en guerre. »

« Le régime Assad a utilisé des armes pour bombarder ma ville dans la région de Ghouta », comme le gaz sarin et la chlorine, pourtant interdits. « J’ai été blessé plusieurs fois par le gaz, surtout au massacre de la Ghouta orientale, le 21 août 2013. Je suis resté trois jours chez moi avec mon visage qui me semblait brûlé, j’étais épuisé et je vomissais constamment. »

Taher s’interrompt un instant, reclasse ses papiers déjà bien ordonnés, puis reprend : « fin 2013, un groupe islamique a enlevé tous mes collègues du bureau du Centre de Documentation des violations. C’était mes amis et jusqu’à ce jour, nous n’avons plus aucune nouvelle. » Le 9 décembre 2013, Razan Zaitouneh est portée disparue. Le défenseur fixe le vide quelques secondes, comme s’il se remémorait les évènements.

Il explique avoir continué son travail seul jusqu’en 2015, alors qu’Al-Assad assiège sa ville durant de longues années. « On ne pouvait pas sortir sous peine d’arrestation voire de mort », confie Taher. « J’ai été blessé à la tête par des éclats d’obus lors d’un bombardement en 2015. »

Il s’agissait d’une « bombe à vide », une arme thermobarique très puissante. Son utilisation « contre des cibles militaires » n’est pas explicitement interdite par les conventions internationales. Mais user de bombes à vide sur des civils demeure une violation des traités de l’utilisation des armes dans un conflit, sans pour autant être spécifiquement prohibées.

« Mon frère a été torturé à mort par le régime en 2014 et mon père a été tué dans une frappe aérienne russe en 2018. Trois autres de mes frères ont été arrêtés par un groupe islamique. Ma famille est le parfait exemple de la guerre en Syrie », relate-t-il en tenant son stylo rouge, un petit sourire vaincu aux lèvres. Mais malgré les morts, Taher ne s’arrête pas et continue de documenter les attaques.

La France, un nouveau front pour Taher Hijazi

« De 2014 à 2018, j’ai été menacé par un groupe islamique. En 2018, j’ai fui avec ma famille vers le nord de la Syrie. » Grâce à l’aide de Reporters Sans Frontières, Taher, sa femme et son fils parviennent en France à partir de juin 2019. Il obtient le statut de réfugié en mars 2020, à l’époque du premier confinement – une époque très difficile à vivre pour lui.

Bien qu’il soit réfugié de guerre dans un pays qu’il ne connaît pas, Taher demeure actif et témoigne contre un groupe islamique en 2019 et en mars 2021, lorsque le tribunal de Paris est saisi pour l’utilisation des armes chimiques en Syrie. S’il reste témoin en 2019, il se constitue partie civile en 2021.

« En août 2020, j’ai emménagé dans le Puy-en-Velay, j’étais très isolé. J’ai voulu continuer mes études et apprendre le français, mais je ne pouvais pas », se désole-t-il en se remémorant la chambre exigüe qu’on lui avait prêtée. 

Deux ans plus tard, il découvre l’Initiative Marianne et candidate en septembre 2022, persuadé qu’il ne sera pas retenu. « Je pensais ne pas avoir les compétences mais l’Initiative Marianne m’a choisi, j’ai donc bien fait d’avoir candidaté ! » Un autre sourire, heureux cette fois-ci, fleurit à nouveau sur son visage, alors qu’il explique avoir été « choqué » de cette bonne nouvelle. En novembre, l’Initiative est lancée.

Lancée en décembre 2021 par le président Emmanuel Macron,  l’Initiative Marianne pour les défenseurs des droits de l’Homme est un programme qui comporte trois volets. Le premier est international, comprenant le soutien des défenseur.es des droits humains dans leurs pays respectifs par le biais du réseau diplomatique français.

Un volet national, impliquant l’accueil en France pendant six mois de défenseur.es des droits humains issu.es du monde entier pour permettre leur montée en compétence et leur mise en réseau, est également de mise. Enfin, un volet fédérateur vise la constitution d’un réseau international des acteurs de la défense des droits humains à partir des institutions (associatives, publiques, privées) françaises.                

Ces défenseurs et défenseures des droits humains venus du monde entier peuvent, durant six mois, construire et lancer leur projet en France. Cette année, treize personnes de diverses nationalités ont été primées pour leurs combats : la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, le Venezuela, l’Ouganda, la Russie, le Mali, le Bangladesh, le Bahreïn ou encore le Pérou ont été mis à l’honneur pour cette édition.

Après avoir reçu quatorze femmes l’année dernière, c’est au tour d’une promotion mixte d’être accueillie en France dans le cadre de l’Initiative. Les lauréats accéderont à un programme de formation afin de renforcer leurs capacités et leur engagement dans leur pays d’origine ou en France, qu’il soit en faveur des droits des minorités, de la liberté de la presse et d’expression, des droits civiques et politiques, des droits des femmes ou encore des droits environnementaux.

Grâce au programme, les lauréats peuvent développer leur association ou leur travail depuis la capitale française, ainsi que tisser un solide réseau de défenseur.es des droits. Un moyen pour la France de fédérer les lauréats et de faire rayonner son action à l’étranger. Depuis 2022, la Maison des journalistes et l’Initiative Marianne s’associent afin de renforcer les échanges entre journalistes exilés et défenseur.es des droits humains du monde entier.

Il bénéficie alors de plusieurs formations, notamment sur la gestion associative et de projets, sur la prise de parole en public, de communication non violente et gestion des conflits… Il participe également à des cours de politique à Sciences Po, centré sur le Proche et Moyen-Orient. « J’ai également visité des associations et organisations comme le Conseil de l’Europe, le Parlement européen ou encore la Cour européenne des Droits de l’Homme. »

Il obtient de nombreux contacts et soutiens d’organisations nationales et internationales, qu’il n’aurait pu avoir sans l’Initiative Marianne. De quoi lui redonner de l’espoir ou tout du moins, de la force pour sa lutte. « C’était le plus important je pense, ainsi que toutes les formations auxquelles j’ai assisté. »

Taher Hijazi en manifestation à Paris.

L’abandon total de la communauté internationale

En avril 2022, Taher donne naissance à l’association « Paths of Justice » avec un groupe d’activistes syriens. Elle vise à « promouvoir une culture des droits de l’Homme et plaider en faveur de la responsabilité, en veillant à ce que l’impunité ne soit pas tolérée. »

Elle fournit également « diverses formes d’assistance aux victimes de violations » de ces droits, ainsi qu’elle permet « d’autonomiser et accroître la conscience juridique de la société en Syrie et au sein de la diaspora. » Grâce à Paths of Justice, les bénéficiaires peuvent se voir offrir « une formation spécialisée sur la sensibilisation juridique aux lois nationales, la documentation pénale et les lois de la guerre. »

Taher ne s’arrête pas là et en août 2022, il fonde « avec un groupe de survivants l’Association of Victims of Chemical Weapons, comprenant un groupe Facebook pour les victimes des armes chimiques avec plusieurs objectifs, notamment intensifier les efforts pour documenter l’utilisation et pour garantir tous les droits des victimes de ces armes. » Il est « crucial » pour lui de soutenir et d’appuyer les efforts déployés pour interdire l’utilisation des armes chimiques dans le monde.

« Aucune avancée, aucun effort international n’a été fourni pour obtenir justice en Syrie », affirme-t-il en posant ses mains à plat sur la table. « La Russie a utilisé son droit de véto au Conseil de sécurité sur les questions de l’utilisation des armes chimiques interdites. La situation de mon pays est très compliquée aujourd’hui, avec la présence russe, iranienne, turque, états-unienne… » Aujourd’hui, la Syrie ne connait pas « de guerre locale, elle s’est répandue bien au-delà des frontières. Et tant que le régime Al-Assad restera au pouvoir, il n’y aura aucune justice. »

Aujourd’hui, après l’Initiative Marianne, Taher souhaite « améliorer le projet de mon association et je veux travailler avec tous les acteurs que j’ai rencontré pendant le programme, afin de trouver de bonnes suggestions pour soutenir les victimes syriennes. »

Crédits photos : Taher Hijazi

Maud Baheng Daizey

SYRIE. La difficile intégration des citoyens-journalistes dans l’industrie des médias

Depuis 2011, les jeunes Syriens se sont lancés dans le journalisme pour documenter eux-mêmes le conflit dans leur pays. Formés au bout de quelques années par plusieurs médias syriens indépendants tel Syria Direct et des organismes internationaux, ils sont par la suite devenus des journalistes aguerris. Pour eux, être journaliste rime avec activiste. Retour sur dix ans de lutte pour la liberté de la presse avec Manar Rachwani, journaliste Syrien qui est né dans la ville de Hama dans les années 1970.

Si Manar a passé quelques années à Hama, il a vécu la majeure partie de son enfance en Jordanie dans les années 1980. Le « massacre de Hama » en 1982 a durablement traumatisé le jeune garçon de l’époque et sa famille. Ordonné par l’ancien président Hafez el-Assad (père de Bachar el-Assad, actuel président) pour saper la rébellion des Frères musulmans, des milliers de personnes dans la ville ont été assassinées de la main des forces de sécurité et des Frères musulmans.

La famille Rachwani n’a survécu que par miracle, se réfugiant en Jordanie la même année. Manar n’a jamais revu sa patrie depuis ce tragique épisode, mais n’a jamais abandonné l’idée d’y retourner un jour. Fier de son éducation et de ses multiples diplômes en sciences humaines et sociales, il est devenu un chercheur et un journaliste expérimenté. En Jordanie, il a été chroniqueur pour le quotidien al-Arat (“Demain“) entre 2004 et 2017.

Loin de vouloir s’arrêter là, Manar est consacré rédacteur en chef de Syria Direct à partir de 2019, toujours en Jordanie. Syria Direct ayant été poussé à l’exil par le gouvernement syrien, le site d’information fonctionnait depuis Amman, capitale jordanienne. « Comme vous le savez, la moitié de la population syrienne est déplacée dans le pays », explique-t-il prestement.

« Et un quart de la population s’est réfugiée dans les pays les plus proches (Turquie, Liban, Egypte, Irak), tandis que d’autres ont décidé de partir en Europe. Les médias vivent la même chose. » Il a lui-même été obligé de fuir à nouveau, lorsque les services secrets de Jordanie ont enquêté sur lui pour son travail.

L’homme a trouvé refuge en France en octobre 2021. « Après avoir passé quelque temps à Paris, puis à Rennes et quelques jours à Saint-Malo, je suis revenu m’installer à la Maison des journalistes en janvier 2022. » Avec ses dents blanches et sa voix grave, Manar s’exprime au micro de la MDJ sur le journalisme citoyen en Syrie, ses origines et ses particularités.

Pas de rébellion sans information

« Pendant la révolution de mars 2011, j’étais en Jordanie. Au début, je savais que les citoyens-journalistes existaient et travaillaient en Syrie, car je les voyais dans les médias comme tout le monde. Puis, pendant la rébellion, j’ai eu la chance de travailler avec quelques-uns d’entre eux lorsque j’étais rédacteur en chef. En règle générale, les militants des médias sont la source première pour savoir ce qui se passe sur le terrain syrien. »

« Les médias officiels ne parlent pas de la révolution, mais les citoyens-journalistes le font. La liberté de la presse en Syrie était totalement inexistante jusqu’en 2011, il était impossible de savoir ce qu’il se passait réellement dans le pays. Lorsque le soulèvement a commencé, le gouvernement a dit qu’il ne s’agissait que de quelques protestations ici et là dans le pays. Grâce à ces citoyens, nous avons vu tout le contraire. » De quoi provoquer l’ire du régime, les cataloguant d’extrémistes diffusant de fausses informations et tuant le peuple. Les autres médias « contrôlés, possédés et dirigés par le gouvernement » étaient alors obligés de publier de la propagande et avaient l’interdiction de parler d’autre chose.

L’homme se considère néanmoins comme chanceux, puisqu’il a déménagé en Jordanie pour échapper à la violence, et encore plus d’avoir pu travailler comme journaliste pour des médias jordaniens. « La plupart des pays arabes n’acceptent pas les étrangers comme journalistes pour des raisons de sécurité, et la Jordanie en fait partie. Mais ils avaient cependant besoin d’hommes et de femmes qualifiés à l’époque et ont dû se résoudre à m’engager », raisonne-t-il avec un petit sourire amusé. Ce pourquoi il ne peut décemment se considérer comme citoyen-journaliste aujourd’hui, de par sa formation dans des journaux établis et des médias professionnels.

Une profession menacée tant par le régime que par les civils

Photo d’Alexander Andrews.

« Les journalistes n’étaient pas si militants au début, certains ont commencé à parler plus ouvertement après des semaines de conflit », explique Manar de sa voix posée. « Passé le choc, plusieurs journalistes des médias officiels ont fait défection au pouvoir. Mais avec la violence du régime de terreur imposé par le gouvernement, il était vraiment difficile d’y échapper. Pour certains, on ne peut pas parler de “médias” pour les désigner tant leur parole est dictée. »

Exemple parfait de la situation tendue, le directeur du média Al-Watan du secteur privé n’est autre que le propre cousin du président, Rami Malkhouf, affilié au régime el-Assad. « Même les journalistes du côté d’el-Assad sont menacés, torturés ou tués s’ils écrivent sur quelque chose qu’ils ne devraient pas, ou s’ils critiquent le gouvernement. »

Beaucoup ont été massacrés avec leur famille. Malheureusement, le régime n’est pas le seul à attenter à la vie des journalistes : les groupes terroristes restent une menace majeure pour eux. Quelques semaines auparavant, un militant des médias a été tué avec sa femme enceinte. Les suspects ont été identifiés mais n’ont jamais été poursuivis.

« En plus de ces ennemis, la polarisation de la population pousse les gens à mettre toutes leurs émotions dans leur travail et laisse le régime les diviser en groupes ethniques. Notre rôle de journaliste est aussi de façonner les mentalités en montrant l’union des citoyens, penser à l’avenir et les jeunes Syriens n’y sont pas encore. » 

Citoyens-journalistes ou journalistes ?

Pour lui, les citoyens-journalistes doivent être distingués des autres journalistes dans le monde : la première catégorie possède certes une expérience construite sur le terrain, mais ne bénéficie pas d’années de formation dans des « journaux bien établis », ce sont des autodidactes. « Je suis formé en tant que journaliste à suivre les normes professionnelles et à être indépendant. Notre façon d’écrire, de publier nos photos, de vérifier nos informations, tout est codifié. Les citoyens-journalistes en Syrie sont très émotifs dans leur travail parce qu’ils vivent les bombardements tous les jours », ce qui amène à avoir quelques intérêts personnels.

« Pourquoi les citoyens-journalistes ont-ils accepté de mettre leur vie en danger ? Parce qu’ils croient au peuple et à la rébellion, ils étaient déjà engagés », explique Manar. « C’est pour cela que nous devons faire attention à la manière dont nous collectons et vérifions les informations. »

Il insiste néanmoins sur l’importance du travail de ces personnes, comme pour le massacre de Hama en 1982 : « personne n’avait entendu parler de ce massacre avant la révélation par les journalistes. Bien sûr, les Syriens disaient que “quelque chose s’est passé à Hama” mais d’aucun ne pouvait dire avec certitude quoi exactement. Les pays occidentaux pensaient que 1 000 personnes avaient été assassinées : grâce à ces journalistes, nous savons maintenant qu’il y a eu au moins 25 000 personnes tuées. »

Mais après dix ans de révolution, ce type de journalisme est-il voué à disparaître ou perdurer ? Manar hésite les yeux dans le vague, jugeant la situation trop incertaine pour trancher. Le journalisme citoyen doit encore survivre à la guerre qui pourrait durer des années. Il espère que ce journalisme subsistera, car le monde « a besoin d’avoir quelqu’un sur le terrain dans des pays comme la Syrie et d’autres dictatures et de prouver que la rébellion a lieu. »

Professionnaliser et protéger les activistes des médias

Mais la guerre n’est pas la seule modalité à prendre en compte : la dictature, le terrorisme, la pauvreté et les journalistes eux-mêmes pourraient faire disparaître ce courant révolutionnaire. « En Syrie, il y a deux types de médias : ceux installés à l’intérieur de la Syrie, les autres depuis des pays étrangers, en exil. Partout en Syrie, les médias sont contrôlés par le régime même s’ils se disent indépendants. Ceux qui opèrent hors de Syrie (par exemple en Turquie, en Jordanie ou en France) sont plus difficilement indépendants. Après tout, ils ont toujours besoin de l’argent étranger pour continuer à tourner. »

« En Syrie, la polarisation est très forte, la guerre maintient tout le monde dans la pauvreté et il n’y a pas d’exception pour les médias qui vivent grâce aux fonds internationaux. Dans cette situation, ils ne peuvent pas être indépendants et neutres. Être indépendant, ce n’est pas seulement par rapport au régime, mais aussi par rapport aux donateurs. »

Enfin, d’autres journalistes « professionnels » ont tendance à critiquer et à sous-estimer le travail des Syriens afin de s’en dissocier. « Les gens remettent en question l’utilité des citoyens-journalistes, en disant qu’ils ne sont que des activistes médiatiques. Lorsqu’un citoyen-journaliste essaie de travailler pour un média, il est souvent mal vu car il n’a pas d’expérience dans les “vraies” rédactions. » Un fossé de plus entre ces journalistes et la population, alors que leur travail reste vital dans le pays.

Pour Manar, si les citoyens-journalistes ont besoin de renforcer leurs compétences professionnelles, « leur travail pour les médias libres reste sous-estimé et est devenu le travail des sans-emploi. Ce n’est pas tout à fait vrai ! Nous ne pouvons pas rejeter le travail de tous ces militants des médias, mais nous ne pouvons pas non plus lui faire confiance dans son intégralité. Ils mettent leur vie en danger pour nous et pour la Syrie et nous devons leur accorder une certaine confiance. »

Maud Baheng Daizey

SYRIA. The difficult integration of citizens-journalists in the media industry

Since 2011, young Syrians have started working in journalism to document the conflict in their country themselves. Trained after a few years by several independent Syrian media such as Syria Direct and international organizations, they have since become seasoned journalists. For them, being a journalist rhymes with being an activist. A look back at ten years of struggle for press freedom with Manar Rachwani, a Syrian journalist born in the city of Hama in the 1970s.

Although Manar spent some years in Hama, he spent most of his childhood in Jordan in the 1980s. The “Hama massacre” in 1982 left the young boy and his family severely traumatized. Ordered by former president Hafez al-Assad (father of current president Bashar al-Assad) to undermine the Muslim Brotherhood rebellion, thousands of people in the city were murdered at the hands of the security forces and the Muslim Brotherhood.

The Rachwani family survived only by a miracle, taking refuge in Jordan the same year. Manar has never seen his homeland since that tragic episode, but has never given up on the idea of returning one day. Proud of his education and multiple degrees in the humanities and social sciences, he became an experienced researcher and journalist. In Jordan, he was a columnist for the daily newspaper al-Arat (“Tomorrow“) between 2004 and 2017.

Far from wanting to stop there, Manar is set to be named editor-in-chief of Syria Direct in 2019, also in Jordan. Syria Direct having been forced into exile by the Syrian government, the news site operated from Amman, the Jordanian capital. “As you know, half of the Syrian population is displaced within the country,” he explains hastily.

And a quarter of the population has taken refuge in the nearest countries (Turkey, Lebanon, Egypt, Iraq), while others have decided to leave for Europe. The media are experiencing the same thing.” He himself was forced to flee again when the secret services in Jordan investigated him for his work.

The man found refuge in France in October 2021. “After spending some time in Paris, then in Rennes and a few days in Saint-Malo, I came back to settle at the Journalists’ House in January 2022.” With his white teeth and deep voice, Manar talks to the MDJ about citizen journalism in Syria, its origins and its particularities.

No rebellion without information

During the March 2011 revolution, I was in Jordan. At first, I knew that citizen journalists existed and worked in Syria, because I saw them in the media like everyone else. Then, during the rebellion, I had the chance to work with some of them when I was an editor. As a general rule, media activists are the primary source for knowing what is happening on the Syrian ground.”

The official media doesn’t talk about the revolution, but the citizen journalists do. Press freedom in Syria was totally non-existent until 2011, it was impossible to know what was really happening in the country. When the uprising started, the government said it was just a few protests here and there in the country. Thanks to these citizens, we saw quite the opposite.” This provoked the regime’s ire, labelling them as extremists spreading false information and killing the people. The other “government controlled, owned and run” media were then forced to publish propaganda and were forbidden to talk about anything else.

He considers himself lucky, however, to have moved to Jordan to escape the violence, and even luckier to have been able to work as a journalist for Jordanian media. “Most Arab countries do not accept foreigners as journalists for security reasons, and Jordan is one of them. But they needed qualified men and women at the time and had to hire me,” he says with an amused smile. This is why he cannot decently consider himself a citizen-journalist today, because of his training in established newspapers and professional media.

A profession threatened by both the regime and civilians

A picture from Alexander Andrews

Journalists were not so militant at the beginning, some started to speak more openly after weeks of conflict,” Manar explains in his calm voice. “After the shock, many journalists from the official media defected to the government. But with the violence of the terror regime imposed by the government, it was really hard to escape. For some, you can’t call them ‘media’ because their words are so dictated.”

A perfect example of the tense situation, the director of the private sector media Al-Watan is none other than the president’s own cousin, Rami Malkhouf, who is affiliated with the el-Assad regime. “Even journalists on el-Assad’s side are threatened, tortured or killed if they write about something they shouldn’t, or if they criticise the government.”

Many have been massacred with their families. Unfortunately, it is not only the regime that attacks the lives of journalists: terrorist groups remain a major threat to them. A few weeks ago, a media activist was killed with his pregnant wife. The suspects were identified but never prosecuted.

In addition to these enemies, the polarization of the population makes people put all their emotions into their work and lets the regime divide them into ethnic groups. Our role as journalists is also to shape mindsets by showing the unity of citizens, think about the future and young Syrians are not there yet.”

Citizens-journalists or journalists ?

For him, citizen journalists must be distinguished from other journalists in the world: the first category certainly has experience built up in the field, but does not benefit from years of training in “established newspapers”, they are self-taught. “I am trained as a journalist to follow professional standards and to be independent. The way we write, the way we publish our photos, the way we verify our information, everything is codified. Citizen-journalists in Syria are very emotional in their work because they live the bombings every day,” which leads to some self-interest.

Why did citizen journalists accept to put their lives in danger? Because they believe in the people and the rebellion, they were already committed,” explains Manar. “That’s why we have to be careful how we collect and verify information.”

Nevertheless, he insists on the importance of the work of these people, as for the Hama massacre in 1982: “nobody had heard about this massacre before the journalists revealed it. Of course, the Syrians were saying that “something happened in Hama” but no one could say for sure what exactly. Western countries thought that 1,000 people were murdered: thanks to these journalists, we now know that at least 25,000 people were killed.”

But after ten years of revolution, is this type of journalism destined to disappear or endure? Manar hesitates, his eyes glazed over, judging the situation too uncertain to decide. Citizen journalism has yet to survive the war, which could last for years. He hopes that this journalism will survive, because the world “needs to have someone on the ground in countries like Syria and other dictatorships and prove that rebellion is happening.”

To professionalize and protect media activists

But war is not the only modality to be taken into account: dictatorship, terrorism, poverty and journalists themselves could make this revolutionary trend disappear. “In Syria, there are two types of media: those based inside Syria and those based in foreign countries, in exile. Everywhere in Syria, the media are controlled by the regime even if they claim to be independent. Those operating outside Syria (for example in Turkey, Jordan or France) are more difficult to be independent. After all, they still need foreign money to keep running.”

“In Syria, polarization is very strong, the war keeps everyone poor and there is no exception for media that live on international funds. In this situation, they cannot be independent and neutral. Being independent is not only in relation to the regime, but also in relation to the donors.”

Finally, other “professional” journalists tend to criticise and underestimate the work of Syrians in order to dissociate themselves from it. “People question the usefulness of citizen journalists, saying that they are just media activists. When a citizen-journalist tries to work for a media outlet, he or she is often frowned upon because he or she has no experience in ‘real’ newsrooms.” This is another gap between these journalists and the population, while their work remains vital in the country.

For Manar, while citizen-journalists need to strengthen their professional skills, “their work for the free media remains underestimated and has become the work of the unemployed. This is not quite true! We cannot reject the work of all these media activists, but we cannot trust it in its entirety either. They put their lives at risk for us and for Syria and we have to give them some trust.”

Maud Baheng Daizey

Ahmad Muaddamani, journaliste syrien exilé: « Les Misérables » me rappelle ma situation

Je suis Ahmad Muaddamani, je viens de Syrie. J’habite maintenant à Paris. En Syrie, j’ai travaillé en tant que photographe et designer graphique dans la ville qui s’appelle Daraya.” C’est par ces mots que le jeune journaliste de 28 ans se présente, en français, qu’il a appris en six mois seulement.

 

  •  Par Léna Jghima, étudiante, stagiaire à Maison des journalistes (MDJ). 

Le 27 août 2016, Ahmad est contraint de quitter sa ville, Daraya, après que le régime de Bachar Al Assad l’ait finalement conquis et chassé les rebelles. Lorsqu’on lui demande pourquoi il est forcé de s’en aller de ce lieu symbole de la révolte, Ahmad répond: Parce que nous avons fait une révolution à Daraya et donc le régime syrien a fait un siège. Ils ont bombardé la ville avec leurs forces aériennes”. Ici, Ahmad évoque la Révolution syrienne, en cours depuis le 15 mars 2011. Cette dernière a depuis laissé place à une répression sanglante de la part du régime, dont le triste bilan s’élève à 400 000 morts. La moitié de la population a été déplacée et un quart de la population, dont Ahmad et sa famille, ont dû s’exiler à l’étranger. 

Dès 2011, beaucoup choisissent de fuir à la suite de l’éclatement de la Révolution. “Je suis resté parce qu’il n’y a pas beaucoup de journalistes pour documenter les violations et les transmettre au monde.” C’est donc par engagement, pour dénoncer les exactions commises par le régime d’Al Assad lors du siège de Daraya, qu’Ahmad choisit de ne pas s’enfuir, malgré le danger, et de mener à bien sa mission de “media activist”. Lors de ce siège, qui dura près de 4 ans (de novembre 2012 à août 2016) et à l’issue duquel 90 % de la ville est détruite, la répression du pouvoir à l’encontre des journalistes bat son plein.

Photo prise par Ahmad du lieu de commémorations de ses amis journalistes, photographes ou photojournaliste tués par les bombes du régime alors qu’ils faisaient leur métier.

A Daraya, Ahmad ne se sépare jamais de son appareil photo, car il entend bien transmettre au monde la réalité de ce qu’il se passe en Syrie : la vérité. Mais ce n’est pas tout, “pendant le siège, j’ai travaillé avec Delphine Minoui, une journaliste française, pour faire un film et un livre sur ce qu’il se passe à Daraya : Les passeurs de livres de Daraya”. Ces deux productions qu’évoque Ahmad retracent l’histoire de la construction d’une bibliothèque secrète à Daraya. Au milieu des ruines d’une ville assiégée, affamée et détruite par les bombardements incessants du régime, un groupe de jeunes syriens, parmi lesquels se trouve Ahmad, va partir à la recherche de livres dans les décombres. Ils sauvent ainsi près de 15 000 ouvrages qu’ils rassemblent dans un abri clandestin, donnant naissance à la bibliothèque de Daraya.

Photo de la bibliothèque secrète de Daraya prise par Ahmad et suite à laquelle il fut contacté par Delphine Minoui

Forcé de quitter Daraya et d’aller vivre à Idlib en 2016, une ville au Nord de la Syrie, l’engagement d’Ahmad, son combat en faveur de la liberté devenu un devoir d’information, et de l’instruction massive commencée avec la bibliothèque, se poursuit. “Après j’ai habité un an à Idlib et j’ai fait de la voiture avec mes amis. Nous avons fait le tour d’Idleb pour aider les enfants à lire et écrire etc… Parce qu’à Idleb la situation est très difficile pour tout le monde.” En effet, la ville qui a accueilli des centaines de milliers de réfugiés depuis le début de la guerre est, aujourd’hui encore, le théâtre de violences extrêmes perpétrées par le régime d’Al Assad. Ces dernières ont même été qualifiées de crimes de guerre voire de crimes contre l’humanité par les Nations Unies. C’est au milieu de ce chaos qu’Ahmad et ses amis tentent de permettre à des enfants de s’instruire, “parce qu’il y a les forces aériennes qui bombardent les écoles et la ville.” Lorsqu’on lui demande si le régime bombarde les écoles alors même que des enfants s’y trouvent, Ahmad répond : “Oui, ils bombardent tout le monde.”

C’est finalement en 2018 qu’Ahmad décide de quitter à son tour la Syrie et part s’installer en Turquie. Là-bas, il travaille en tant que designer graphique avec une organisation syrienne basée en Syrie. Son choix de quitter son pays, voici comment il l’explique : “Il n’y a pas d’universités. Il n’y a pas de futur. Et la situation en Syrie elle passe par beaucoup d’intermédiaires. Il y a beaucoup de pays comme la Russie, les Etats-Unis ou l’Iran qui prennent contrôle de la Syrie.” Pour Ahmad, si la situation en Syrie est si compliquée et semble s’enliser, c’est en grande partie à cause de ces puissances étrangères. Le pays en guerre est devenu le théâtre d’affrontement de leurs intérêts : “C’est très difficile à cause des pays comme l’Iran et la Russie, car les Etats-Unis et l’UE sont partis et les ont laissés dévorer la Syrie”.

Mais même en Turquie, la situation demeure très difficile pour Ahmad qui, en tant que réfugié syrien sans papiers, est obligé d’obtenir une autorisation du gouvernement afin de se déplacer d’une ville à une autre. De plus, Ahmad dépeint une atmosphère presque xénophobe qui le pousse à prendre contact avec l’ambassade française de Turquie en 2020, dans le but d’obtenir un visa. Au bout de six mois, il obtient les papiers l’autorisant à traverser la frontière pour se rendre en France.

Arrivé en France, Ahmad reste d’abord à Grenoble où une famille française l’héberge quelques jours. Il passe ensuite quelques mois à Bordeaux au sein d’une autre famille qui lui permet de faire d’important progrès en français. Ahmad garde une grande affection pour cette famille bordelaise avec qui il est toujours en contact : “je les aime beaucoup parce qu’ils m’ont beaucoup aidé. Je ne les oublierai pas.” Il espère même pouvoir leur rendre hommage en faisant ce qu’il fait de mieux : “j’espère un jour pouvoir faire un petit film qui parle des gens, comme cette famille, qui aident les personnes”. Ce qui marque Ahmad lorsqu’il arrive en France, c’est d’abord la gentillesse des personnes qu’il rencontre : “tout le monde en France est mignon et gentil. Et tout le monde essaye de nous aider, car on ne parle pas bien français”. Mais c’est aussi la facilité avec laquelle il parvient à établir le contact “En France, je peux avoir une connexion avec les Français. En Turquie c’est très difficile.”

C’est au bout de deux mois passés avec la famille bordelaise qu’Ahmad décide de contacter la Maison des journalistes, dont il avait entendu parler alors qu’il était encore en Turquie. Depuis qu’il l’a intégrée, Ahmad cherche à travailler mais aussi à reprendre des études : “Actuellement j’ai besoin des deux. D’un travail et d’étudier.” Il recherche notamment un cours de français à la faculté. Lorsqu’on lui demande s’il aimerait continuer à faire le même travail, Ahmad répond de façon très réaliste : “Non, parce que c’est difficile de faire comme avant, spécialiste média. C’est difficile d’écrire des textes en français. C’est pourquoi j’ai choisi le design qui est plus facile en français et le montage vidéo.”

En effet, Ahmad garde les pieds sur terre et a conscience que même en France, tout n’est pas parfait. Bien qu’il affirme ne jamais avoir été victime de racisme sur le territoire, il a récemment eu une mauvaise expérience lors d’un rendez-vous chez Pôle Emploi : “Cette femme elle m’a dit : « pourquoi tu viens à Pôle Emploi tout seul ? Viens avec quelqu’un qui parle français, arabe. » C’était très méchant.” Par ailleurs, un autre événement récent l’a beaucoup marqué, voire perturbé. “La France a accepté il y a un mois que le régime syrien fasse un centre d’élection dans l’ambassade syrienne. Il est difficile de comprendre pourquoi.” Le 26 mai 2021 ont eu lieu les élections présidentielles syriennes, à l’issue desquelles Bachar el-Assad a été réélu président pour un nouveau mandat de 7 ans, à 95,1 % des voix. Ces élections jouées d’avance, Ahmad ne comprend pas qu’elles aient été autorisées à avoir lieu en France : “c’est très difficile de voir quelqu’un faire une élection non démocratique en France : le pays de la démocratie” alors que l’Allemagne a quant à elle, interdite aux Syriens d’aller voter dans son ambassade. Aux yeux d’Ahmad, la France a accepté la tenue d’élections dont le résultat allait de toute façon jouer en la faveur d’une “machine à tuer”, dit-il en parlant du régime de Bachar el-Assad. “Le gouvernement français accepte que des criminels de guerre et dictateurs fassent une élection en France.” finit-il par ajouter.

Lorsqu’on l’interroge sur un éventuel retour en Syrie, Ahmad confie. Mais cela nécessiterait une amélioration de la situation en Syrie qui semble malheureusement peu probable pour l’instant selon lui.


Interrogé sur les raisons de son pessimisme, Ahmad évoque à nouveau le rôle joué par les puissances étrangères dans l’enlisement de la situation, “Parce que l’Iran et la Russie donnent de l’argent au régime syrien et ils ont aidé le régime à attaquer les gens et la ville. Les Etats-Unis et l’UE ensemble nous ont aidé mais seulement en donnant de l’argent.” Pour lui, un soutien économique ne suffit pas : “nous avons besoin d’être aidés politiquement. Pour la démocratie, pour finir avec les 40 ans au pouvoir de la même famille à la tête du régime syrien…une machine à tuer”. Car le rêve d’Ahmad, et celui de millions d’autres syriens, c’est la liberté et la démocratie. “Et la démocratie est très importante pour tout le monde” rappelle-t-il. “Je n’ai pas confiance en la communauté internationale pour changer les choses. Ils sont entrés en Syrie juste pour se battre contre Al Qaïda, contre les terroristes. Mais le terrorisme c’est aussi le régime syrien.” Selon lui, le régime de Bachar al-Assad ayant tué bien plus de Syriens que les organisations extrémistes, c’est ce dernier qui est “fondamentalement le premier partisan du terrorisme.”


Photo prise par Ahmad d’un cimetière de fortune dans lequel sont enterrées des victimes du régime de Bachar al-Assad

Lorsque Ahmed raconte son parcours difficile, il reste humble et doux. Il est motivé par son désir de faire des progrès en français et fait de nombreux efforts pendant notre échange.

Pour finir, Ahmad a accepté de partager un morceau qu’il aime tout particulièrement. Ce dernier est issu du film musical Les Misérables, réalisé par Tom Hooper en 2012. Ce film, Ahmad l’a vu à de nombreuses reprises pendant le siège de Daraya. Cette chanson fait écho à son histoire, à la situation dans laquelle il se trouvait au sein de cette ville assiégée

Les paroles, les personnages dans le film, celles des Misérables… Tout me rappelle ma situation dans ma ville, Daraya.”

 

There’s a grief that can’t be spoken

There’s a pain goes on and on

Empty chairs at empty tables

Now my friends are dead and gone

Here they talked of revolution

Here it was they lit the flame

Here they sang about tomorrow

And tomorrow never came…” complète Ahmad, alors que la musique joue.

 

 

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RENCONTRE. Ignace Dalle, le récit de carrière d’un véteran de l’AFP

Journaliste spécialiste du monde arabe. Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille et en études arabes à l’université Saint Joseph de Beyrouth, Ignace Dalle est un ancien journaliste de l’Agence France Presse. Rencontre.

  •  Par Ange Fabre, étudiant en droit et science politique et Léna Jghima, étudiante, stagiaires à Maison des journalistes (MDJ). 

Mercredi 23 juin à 15 heures, la Maison des journalistes (MDJ) a eu l’honneur de recevoir Monsieur Ignace Dalle, journaliste spécialiste du monde arabe, ancien directeur du bureau de l’AFP au Maroc et auteur de nombreux ouvrages. Ce fut l’occasion d’entendre le récit de carrière d’un journaliste français passé, des années 1970 aux années 2000, par l’Egypte, le Liban et surtout le Maroc. Au fil de la narration d’Ignace on découvre une vocation faite de voyages, de drames et d’épreuves, mais aussi d’amitiés, le tout dessinant un intense récit humain, intellectuellement stimulant et émouvant. 

Un véteran de l’AFP

Journaliste spécialiste du monde arabe. Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille et en études arabes à l’université Saint Joseph de Beyrouth, Ignace Dalle est un ancien journaliste de l’Agence France Presse. Il a passé de nombreuses années en poste dans le monde arabe, notamment au Liban, en Égypte et au Maroc. De 1992 à 1996, il dirige le bureau de l’AFP à Rabat. Il a été le premier journaliste à (longuement) écouter les rescapés de Tazmamart. C’est lui qui a recueilli et mis en forme les mémoires d’Ahmed Marzouki, dans le best-seller “Tazmamart cellule 10”. 

Ignace Dalle s’est installé face à une quinzaine de résidents, anciens résidents et membres de l’équipe de la MDJ pour partager son expérience et le récit de sa carrière. Il entame son récit par les raisons de cette vocation. Il raconte un voyage autour de la Méditerranée avant ses études qui le laissera amoureux du monde arabe et décidé à faire de cette passion son métier. Il sort diplômé de l’école de journalisme de Lille, travaille ensuite au Figaro et deux ans plus tard obtient une place d’envoyé spécial de l’AFP au Liban. 

Rencontre avec Ignace Dalle à la Maison des journalistes

Pour comprendre la complexité du monde arabe 

L’invité nous conte alors son arrivée dans un pays déchiré par la guerre à la fin des années 1970. Il fait son entrée dans Beyrouth bombardé en pleine guerre du Liban, il nous confie avoir été terrorisé dans son hôtel, allongé au milieu de la chambre. Le personnel, habitué à cet environnement violent, s’en amuse : « Si tu commences à te coucher dès que tu entends une bombe ça va être difficile ». Il met près de huit jours à s’habituer au contexte. Il affirme que ce fut son premier contact avec la guerre et sa brutalité, mais il confie « On s’habitue malheureusement assez vite à ces périodes de violence »

Travailler à Beyrouth et ses coupures d’électricité incessantes était particulièrement complexe. Ignace Dalle a ensuite suivi l’armée syrienne dans la guerre au Liban, il est le témoin interloqué des massacres fratricides entre peuples arabes au Liban, l’armée syrienne pourchassant les rebelles palestiniens dans les montagnes. “Beyrouth a été une très bonne école pour comprendre la complexité du monde arabe” résume-t-il. Mais il confie également avec une certaine tristesse : “Durant les années 1980 Beyrouth a été la seule ville méditerranéenne où il n’y avait plus de vie nocturne, couvre-feu oblige, où les patrouilles militaires seules animaient les rues.” 

En 1980, Ignace Dalle est nommé au bureau de l’AFP, au Caire. Un contexte difficile, les journalistes européens n’ayant que très peu accès aux informations, le gouvernement égyptien privilégiant les médias américains. Il explique que l’administration était particulièrement laborieuse et lente en comparaison avec le Liban. A côté de la “bureaucratie infernale” du Caire, il découvre un pays à l’histoire infiniment riche par son histoire, sa culture et ses habitants qu’il dit avoir trouvés très aimables. 

En 1981, le président Anouar El-Sadate est assassiné, cela lui “tombe sur la tête”. Il explique que l’événement est perçu comme une bonne nouvelle par une majorité du peuple égyptien, lequel est resté très rancunier envers le président depuis les accords de Camp David, lorsque Sadate négocia la paix avec Israël en 1978. Beaucoup d’Egyptiens jugent qu’il a tout cédé à Israël dans les négociations, nous explique Ignace Dalle. Il raconte également la difficulté pour couvrir l’événement, le pouvoir ne partageant pas les informations sur la santé du président hospitalisé avec les Européens mais seulement avec les journalistes américains. Il explique avoir même rencontré des difficultés pour écrire l’article sur la mort du président face aux réticences du chef de la traduction, pourtant lié par contrat à l’AFP, à traduire les papiers sur la mort d’El-Sadate. 

Chez “notre ami le roi” 

Ignace Dalle quitte ensuite l’Egypte pour le Soudan, où il affirme “souffler un peu”, loin de l’agitation du Caire. Puis une guerre civile y éclate en 1984, il retourne alors en France et, quatre ans plus tard, est nommé directeur du bureau de l’AFP à Rabat, au Maroc. 

Entre-temps, lors de son passage en France il connaît un douloureux épisode avec la sortie de son livre “La Syrie du général Assad” qui décrit le fonctionnement du régime syrien. Il reçoit des menaces de mort, lui et sa famille subissent des intimidations, Rifaat al-Assad, frère du dictateur alors en place et exilé en France, lui fait un procès, avec une armée d’avocats français. Le motif de ses accusations devant la justice est que les témoignages cités dans l’ouvrage ne présentent pas de sources. Pour protéger les personnes qui ont pu lui permettre d’obtenir ces informations, Ignace Dalle n’a pas donné le nom de ses informateurs. Or, s’il l’avait fait, le régime syrien aurait retrouvé ses sources, qui auraient été en grand danger. Il ne peut donc donner d’informations sur ses sources . Les juges, compatissants, le condamnent à un franc symbolique et lui épargnent les frais de publication du dossier de jugement. 

Arrivé au Maroc en 1992, Ignace Dalle succède au précédent directeur du bureau de l’AFP à Rabat, mort dans un accident de voiture. Malgré quelques soupçons et questionnements il s’avérera que c’était véritablement un accident. L’invité relate alors au public un événement très important de son parcours. Peu de temps après son arrivée à Rabat, il reçoit la visite de trois anciens prisonniers politiques, dont le militaire Ahmed Marzouki, venus faire entendre leur voix au sujet des indemnisations promises par le roi suite à leur détention, promesses restées sans acte. Ignace Dalle nous confie l’admiration qu’il éprouva pour le courage de ces trois individus risquant la prison et la mort dans leur quête de justice. Il s’investit pour leur cause et travaille durant cette période avec l’Association marocaine des droits humains, qu’il juge très compétente et surtout courageuse car poursuivie un peu partout par les autorités monarchiques. Au sein de cette association il se lie d’amitié avec Ahmed Marzouki, un survivant de Tazmamart. Enfermé pendant 18 ans, cet ancien officier, devenu écrivain et activiste politique, lui raconte son enfer durant ses années de détention. L’ancien journaliste de l’AFP recommande à ce sujet la lecture du livre Tazmamart cellule 10, best-seller d’Ahmed Marzouki sur son calvaire dans l’enfer de cette prison secrète destinée aux prisonniers politiques. 

Il termine sa période marocaine en 1996 dans une atmosphère de fin de règne d’Hassan II, synonyme d’un assouplissement du régime, lequel relâche alors des familles d’opposants et libère plusieurs prisonniers. Marzouki devra cependant attendre 1999 et la mort d’Hassan II pour publier son ouvrage. 

Il rentre en France puis est envoyé en divers lieux couvrir l’actualité, le Togo, Mururoa et les essais nucléaires français, la Bosnie durant la guerre. Il est ensuite nommé rédacteur en chef de l’AFP sur les affaires américaines et nord-européennes puis directeur de la documentation et des archives 

Lorsqu’il est interrogé sur les moments les plus frappants de sa carrière, Ignace Dalle répond : l’assassinat de Sadate, événement majeur tant pour l’Histoire que pour sa carrière de journaliste mise alors à rude épreuve. Il cite aussi la découverte de la terrible prison marocaine de Tazmamart et des récits “à faire des cauchemars debout”, des horreurs qui y sont commises contre les opposants politiques. Au-delà de ces épisodes politiques sombres et parfois cruels, Ignace Dalle affirme avoir gagné et conservé beaucoup d’amitiés au Maroc, au Liban, en Algérie, etc. 

Regard sur un monde des médias en transformation 

Dressant un bilan d’une région qu’il a si bien connue, Ignace Dalle décrit un monde arabe de nos jours bien moins accessible qu’au début de sa carrière, du fait des guerres civiles et du durcissement des régimes. Il explique qu’il est désormais très compliqué d’y voyager de manière indépendante, d’aller y faire des reportages, et cela même sur la majeure partie du continent africain, de manière plus générale, “Autrefois on pouvait faire une grande partie du continent en voiture d’un pays à l’autre, aujourd’hui c’est impossible”. Les journalistes africains présents acquiescent alors avec une certaine mélancolie. Les auditeurs ont pu ensuite le questionner sur l’actualité du métier de journaliste et sur certains événements de l’actualité récente. Il explique que désormais dans beaucoup de pays les journalistes correspondants sont des locaux à qui les agences envoient directement du matériel journalistique. Ces correspondants sont souvent polyvalents et traitent l’aspect technique, le montage, la vidéo, l’enregistrement, le travail écrit et de documentation eux-mêmes. Cependant, dans les régions où l’actualité demeure particulièrement complexe à décrypter, comme au Liban ou en Syrie, le besoin d’envoyer des journalistes experts et spécialisés demeure. 

Un changement d’époque dans le journalisme. Il décrit également comment les correspondants francophones ont laissé la place à une majorité de correspondants anglophones au Proche-Orient ces vingt dernières années. 

Répondant à une interrogation sur le problème des “fake news”, Ignace Dalle explique alors l’enjeu crucial de crédibilité et de légitimité pour de grandes agences comme l’AFP, particulièrement vigilante face à la menace nouvelle et grandissante des “fake news” et de la désinformation. Ignace Dalle nous rappelle alors les mesures mises en place par de nombreux grands médias comme l’AFP comme un pôle entier de “fact checking” au sein de l’agence. Interrogé sur la possibilité d’apporter son expertise aux médias français pour un journaliste exilé, l’ancien correspondant fait état de la difficulté de trouver du travail pour les journalistes réfugiés en France, qui peinent dans leurs recherches alors qu’ils pourraient pourtant apporter un éclairage important aux rédactions françaises. 

Une question émerge alors sur la fermeture du compte twitter de Donald Trump. L’invité du jour reconnaît le mal fait par l’ex-président des Etats-Unis à la crédibilité de la presse et les nombreuses fake news qu’il a relayées. Cependant, il ne donne pour autant pas tout son crédit à des mesures comme celle-ci, qu’il juge, bien que satisfaisantes à court-terme, problématiques quant à l’utilisation arbitraire qui est faite de la liberté d’expression par le réseau social. “C’est vrai que ça nous a fait du bien qu’il se taise un peu celui-là, mais bien sûr on ne peut pas dire que ce soit une vraie solution.” ironise-t-il. 

Enfin, livrant son opinion sur la presse internationale à la demande du public, Ignace Dalle vante les mérites de la presse britannique qu’il juge intellectuellement remarquable, citant The Economist et The Guardian. Il rappelle aussi que la BBC, institution remarquable bien que déclinante, reste incontournable. Il se montre plus modéré sur les médias américains, recommandant CNN pour sa couverture de l’actualité internationale. 

Interrogé sur la qualité du contenu livré aujourd’hui par l’AFP Ignace Dalle vante la qualité de l’agence, malgré des moyens bien moins étendus que ceux des agences anglo-saxonnes. Il loue également son recul vis-à-vis de la politique étrangère française sur laquelle elle ne s’aligne pas automatiquement, conservant une approche critique. 

Photo de souvenir avec les participants

Les bouteilles d’eau bien entamées et les têtes stimulées, vient cependant l’heure de clore cette rencontre ayant duré près de deux heures. Certains spectateurs regrettent de ne pas pouvoir poursuivre encore l’échange qui aura captivé l’attention du petit monde réuni durant cet après-midi du 23 juin à la Maison des journalistes.

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PORTRAIT. Avec Anas, photojournaliste syrien, «dans sa maison»

Photojournaliste syrien réfugié en France, Anas a été au plus près du drame syrien pendant sept ans dans la périphérie de Damas.

  •   Par  Ange Fabre, étudiant en droit et science politique et Clémence Papion, étudiante en Master de Droit International Public, stagiaires à la  Maison des journalistes. 

“Je suis Anas Mohamed Ali. Syrien, vivant en France depuis avril 2019, je viens de la Ghouta orientale près de Damas et j’ai 27 ans.” C’est ainsi, sur un ton mesuré, que se présente Anas. Ce qui frappe à la première rencontre avec lui, c’est le calme de son expression verbale, la douceur de ses gestes et la sérénité dans son regard, tout cela contraste avec la rudesse de son récit.

      Anas a connu la Révolution syrienne, en 2011, puis la guerre jusqu’en 2018, année pendant laquelle il s’est réfugié en France. Lorsque la Révolution éclate, en 2011, 

tous les médias et journalistes étaient pro-gouvernementaux”. Il se retrouve acteur de l’Histoire, par la force des choses et débute sa vocation de photojournaliste, “A chaque manifestation quotidienne il n’y avait aucun journaliste. J’ai commencé par filmer avec mon téléphone, ayant pris cette habitude, les gens m’ont appelé journaliste. Cette activité est ainsi devenue mon métier.” Anas a appris sur le tas pendant les événements. Au début, il développe cette activité de photojournaliste via les réseaux sociaux et un média syrien “peu renommé”. “ Au début, je filme pour les gens parce que j’adhère au mouvement, mais au bout de trois, quatre ans je fais comme tous journalistes, ayant appris sur internet, et en ayant fait ma profession, sans donner mon avis personnel. Avoir cette éthique journalistique expose les journalistes au danger des groupuscules de l’opposition syrienne un peu partout dans le pays. C’est ce qui m’est arrivé moi-même lorsque Faylaq al-Rahmane [La Légion du Tout Miséricordieux ») un groupe islamiste rebelle] m’a arrêté pendant deux jours. On m’a libéré uniquement grâce au soutien des ONG. En 2014 Jaych al-Islam (L’armée de l’Islam, un groupe rebelle de la guerre) m’a contraint de signer un engagement dans lequel j’atteste ne plus interview les ancienes détenus maltrétaites dans leur geôles”.  

Quand nous lui demandons s’il utilisait son propre nom et exprimait sa propre opinion il nous confie n’avoir révélé son identité qu’après trois, quatre ans. Comme dans tout régime despotique, la surveillance est omniprésente : “Dans chaque ville en Syrie il y a des collaborateurs, mais on ne sait jamais vraiment qui…” Les premières représailles n’ont pas tardé. Dès la première année sa famille en est le témoin direct : “Fin 2011, la police secrète, les moukhabarat sont venus chez moi et deux de mes frères. J’ai eu de la chance, je n’étais pas là, mais après cela j’ai dû me cacher sept mois.” Le régime de Bachar al-Assad veille, il est particulièrement visé en tant que photojournaliste mais également ses frères. “Quand ils venaient chez nous ils disaient que s’ils nous attrapaient ils enverraient nos têtes coupées. “Si on l’attrape on t’enverra sa tête morte”, disaient-ils à mon père. C’était les services secrets.” 

Pendant quatre ans, Anas a vécu le siège dans sa ville de Kafr Batna. “Le siège a commencé en 2013. Après on a eu les attaques chimiques, jusqu’à sa fin. Encerclés par les militaires, il nous était impossible de partir.” Durant ce conflit Anas nous narre avoir été au plus près des combats, entre les rebelles, l’armée du gouvernement et les russes. “J’étais photojournaliste dans les quartiers où il y avait des affrontements”. Ce travail était son quotidien, “si on a un travail avec un média on travaille, sinon on filme quand même parce qu’il y a forcément quelque chose qui va se produire, quelqu’un qui meurt ou une action importante, donc il faut toujours être prêt à filmer. L’appareil photo était toujours avec moi.” 

Durant sept ans vécus au plus près de la guerre, il explique avoir eu de nombreux problèmes, avec le régime qui le recherchait mais aussi avec les russes, le hezbollah, les iraniens… Lorsque la police secrète est venue le chercher, il s’est caché pendant sept mois, changeant sans cesse de cachette. Après la reprise de sa ville par les forces de Bachar Al-Assad soutenues par les Russes, il a été déplacé dans une ville au Nord de la Syrie. Rester était impossible. “ Les gens manifestaient depuis 2011. Si nous restions, nous étions morts ou prisonniers, il n’y avait pas d’autre choix, Certains sont restés, aujourd’hui ils sont en prison ou bien morts.” Son pays est désormais déchiré entre les influences étrangères, “Les turcs, les russes, les américains, les iraniens, chacun veut quelque chose de mon pays.

Anas a dû quitter sa ville au cours d’un déplacement forcé organisé par les militaires syriens et russes, comme soixante mille autres personnes. Il a dû payer 700 € à des passeurs pour pouvoir fuir en Turquie, en échappant aux militaires turcs. “J’ai fait comme les petits enfants. J’ai rampé par terre pendant 15h, devant éviter les militaires Turcs, toutes les nuits, et on se cachait la journée.” Une fois en Turquie il s’est envolé vers la France après avoir fait sa demande de visa obtenu en 3 mois, auprès de l’ambassade de France en Turquie. 

Quand on lui demande comment s’est déroulée son arrivée en France, Anas nous répond “C’était dur. La première année en France a été compliquée.” Il lui a fallu huit mois pour intégrer ce qui est désormais chez lui, la Maison des journalistes. Mais il a évidemment connu les déboires de tout exilé dans un pays inconnu et dont il ne parle pas la langue “ Chaque semaine ou chaque mois je me déplaçais chez mon ami ou chez une personne. Ne pas parler anglais, ni français, ne connaître personne…ce fut un peu compliqué la première année en France.” 

S’il reconnaît que “la première année en France c’était dur,” il affirme que “Maintenant ça va, je suis calme, j’apprends toujours le français.” Anas se qualifie de journaliste-citoyen. Cependant en France il ne peut continuer sa vocation à plein temps et doit travailler dans d’autres domaines pour vivre : “Je travaille avec les personnes âgées depuis un mois. Ça ne fait pas longtemps mais ça va, je suis heureux de travailler.” Il n’a pas renoncé à sa profession de journaliste et compte bien continuer à l’exercer : “L’an prochain je vais étudier la photographie, en ce moment je prépare le dossier pour m’inscrire à Paris 8.” Cela peut sembler ironique, ayant filmé la guerre au plus près pendant sept ans, de devoir ensuite étudier un métier déjà pratiqué, “Je pense avoir l’avantage de mon expérience.” nous répond-il modestement. Quand nous lui demandons s’il est confiant pour son admission il semble serein pour la suite, “Pour l’instant je suis étudiant à l’université, l’assistante sociale m’a dit de ne pas m’inquiéter et de rester calme, qu’on allait s’occuper de mon dossier. Mais ça va pour l’instant je ne m’inquiète pas car je sens que de bonnes choses arrivent.”

Malgré d’autres possibilités, il a choisi de rester en France. Il explique son choix, et nous rappelle que notre pays, pour beaucoup d’exilés et de réfugiés dans le monde, est un idéal, “la France c’est le pays qui nous accepte quand on vient par la Turquie, il n’y a pas d’autre pays. Mais, une autre raison est que la France est le pays des libertés. Beaucoup de gens rêvent d’y venir.” D’autres destinations en Europe lui ont été conseillées, mais Anas dit avoir tenu à rester ici, “Le premier mois ici en France, beaucoup d’amis m’ont conseillé, “ ne reste pas ici en France, pars en Belgique ou en Allemagne ”, j’ai dit non, je veux rester en France.” Les propos d’Anas peuvent toucher notre sensibilité patriotique mais nous rappellent aussi notre devoir vis-à-vis des valeurs humanistes qu’inspire notre pays, “Je trouve que les lois pour les réfugiés, pour les étrangers sont plus claires en France. Quand on voit le gouvernement du Danemark, qui souhaite renvoyer les réfugiés en Syrie.” 

De ses photos prises en Syrie, Anas explique qu’il ne les montre pas à tout le monde, de temps en temps à certains de ses amis intéressés, mais il ne les a jamais montrées aux médias français. “ Parfois il y a des médias qui viennent ici mais je n’aime pas leur en parler parce que je me sens mal, ils vont nous voir comme un cake, comme un gâteau : “Waouh toi Syrien tu as fait cela, plus jeune tu as été photojournaliste”. C’est normal, mais moi je me sens mal par rapport à cela.” Le regard de l’autre peut être dur voire violent. Quand on lui demande s’il a subi du racisme en France il répond “ je vois toujours des gens très gentils. J’ai beaucoup d’amis français gentils avec moi. Je n’ai jamais été victime d’actions bizarres.” Il retient cependant un épisode marquant, partagé par beaucoup de ceux qui viennent d’arriver en France et qui souhaitent travailler et commencer une nouvelle vie, celui de la confrontation avec l’administration de Pôle emploi. “ J’ai dit que je voulais travailler en tant que photojournaliste, elle m’a dit “Non tu ne peux pas.” J’ai demandé pourquoi et elle m’a dit que je ne parlais pas vraiment français.” Continuer son travail de journaliste ici en France, alors qu’il commençait à peine à apprendre le français, semblait inconcevable pour le personnel de l’administration française. “Elle m’a dit que le métier de photojournaliste serait trop difficile pour moi et que les français étudiaient 3 ou 4 ans pour le devenir. Moi j’ai dit que j’ai travaillé 8 ans mais elle m’a dit que ce n’était pas une bonne idée.” “Lorsque je lui ai demandé de répéter une de ses questions car je ne comprenais pas certains mots, elle m’a dit “C’est la France, il faut parler français.” Moi je parle français avec vous et je l’ai vécu comme du racisme.” Pour beaucoup de journalistes exilés en France, il est presque impossible de continuer, ils se voient donc souvent proposer d’autres métiers, plus “accessibles”, qui n’ont rien à voir avec leur vocation. “Elle m’a dit, ne travaille pas en tant que photojournaliste, va travailler comme électricien car il y a beaucoup d’argent, tu n’as pas besoin de parler français, tu travailles avec les arabes.”

Lorsque nous l’interrogeons sur un éventuel retour en Syrie, quand la guerre et les troubles seront passés, il nous répond assez catégoriquement, “ je pense que non.” Puis il hésite un peu, il nous dit que, peut-être, plus tard, il pourrait revenir pour sa famille “ juste pour les voir”. Les siens, il ne les a pas revus depuis son arrivée en France. Ses frères avec leurs femmes et leurs enfants y sont toujours : “ ils sont au calme, ils ont leurs enfants, ils travaillent… mais pour les autres familles comme mes parents la situation est compliquée, parce qu’ils sont à Damas.”

Au moment de clore notre entretien nous lui demandons s’il possède quelque chose qui lui rappelle son pays. Il part un moment puis revient avec un livre. Il nous montre Paroles de Jacques Prévert et tient à nous faire la lecture d’une partie d’un poème du recueil, “Dans ma maison”, tout en expliquant ce qui lui rappelle sa propre histoire. 

 

 

Dans ma maison

Dans ma maison vous viendrez

D’ailleurs ce n’est pas ma maison

Je ne sais pas à qui elle est

Je suis entré comme ça un jour

Il n’y avait personne

Seulement des piments rouges accrochés au mur blanc

Je suis resté longtemps dans cette maison

Personne n’est venu

Mais tous les jours et tous les jours

Je vous ai attendue

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