Entrées par Celia Oprandi

“CNN sucks” : le coup de grâce de Donald Trump

Mardi 18 juin, Donald Trump lance sa campagne pour les élections de 2020 à Orlando. Après six minutes de discours dont quatre de critiques envers les médias, la chaîne d’information continue CNN décide de couper le président américain et de reprendre l’antenne. Un acte qui se place dans la continuité d’une mésentente entre Trump et CNN qui ne fait qu’empirer depuis le début du mandat. Retour sur une guerre des nerfs.


Le doigt pointé vers les caméras, Donald Trump déclare “Au fait, ça, c’est un tas de fake news!“.


 

CNN sucks, CNN sucks, CNN sucks“. Les supporters de Donald Trump n’ont cessé de clamer leur colère durant de longues minutes envers la chaîne. Cette scène se déroule lors du discours de campagne du président américain en Floride, mardi 18 juin. Il n’a pas fallu attendre longtemps, deux minutes précisément, pour que sa prise de parole dérive vers des critiques anti-médias.

Le doigt pointé vers les caméras, Donald Trump déclare “Au fait, ça, c’est un tas de fake news!“. S’en suivent des huées envers les journalistes présents sur place de la part des supporters. La chaîne d’information en continue CNN fait alors le choix d’arrêter la diffusion du discours.

Le présentateur John Berman reprend la parole et explique que le président “est sur scène depuis maintenant six minutes. Pendant deux minutes, il a parlé de l’économie. Et puis pendant quatre, ce n’étaient que des attaques envers les médias”.

Ce nouvel épisode rompt définitivement toutes relations cordiales entre le président et la chaîne, déjà bien écorchées par le passé.

  • L’usage de la violence : le combat de catch

Dimanche 2 juillet 2017, Donald Trump publie sur son compte Twitter un montage de lui frappant un homme au visage recouvert d’un logo CNN renommant la rédaction “Fraud News CNN“. On y voit le dirigeant prendre par le cou un homme au bord d’un ring de catch, le plaquer au sol et lui asséner plusieurs coups de poing avant de se relever et de partir. La séquence est authentique puisque elle date de 2007 et est extraite d’un match de catch intitulé “la bataille des milliardaires”.

Nous continuerons à faire notre travail. Il devrait commencer à faire le sien”, a répondu la chaîne américaine suite à cette attaque sur ses réseaux tout en dénonçant un président qui “encourage la violence contre les journalistes“.


Mon nom est CNN et j’ai été agressé par le président des États-Unis“.


D’un ton humoristique, CNN publie une réponse via le compte de Mark Humphries. On y voit un personnage représentant CNN se confesser sur les agressions répétées du président des Etats-Unis. “Mon nom est CNN et j’ai été agressé par le président des États-Unis”. Une réponse qui a été largement relayée sur Twitter avec plus de 35.000 partages.  

  • Sarah Murray, l’”horrible journaliste” de CNN

Sarah Murray, reporter pour la chaine américaine n’a pas échappé au déferlement de haine de Donald Trump envers les médias durant sa campagne présidentielle.

En septembre 2015, le candidat s’en prend violemment à la journaliste, sans jamais la nommer. Il l’accuse de mentir sur le nombre de personnes se rendant à ses meetings. “C’est une journaliste horrible. Oh, regardez, la pièce est vide! La pièce n’était pas vide, tout le monde était debout juste à côté de moi.”

Deux mois plus tard, le président récidive, cette fois ci directement sur le plateau de CNN dans l’émission New Day. “Elle est vraiment mauvaise, votre reporter, […] J’ai les plus grandes foules! […] Si on écoute Sarah Murray, on a l’impression qu’il n’y a que trois personnes à la Trump Tower”. L’animateur Chris Cuomo essaye tant bien que mal de défendre sa collègue devant le président, en vain.

  • Les dérapages de la rédaction de CNN

En mai 2017, une polémique secoue la chaine américaine. Kathy Griffin, co-présentatrice depuis 10 ans d’une émission pour le réveillon publie un cliché pris par Tyler Shields. On y voit l’animatrice poser avec une fausse tête de Donald Trump décapitée et pleine de sang. Très vite, l’image devient virale. Kathy Griffin est renvoyée, et le président américain affirme que son fils de 11 ans, Barron, a du mal à se remettre de cette photo.

Le 22 juin 2017, la publication d’un article sur le site de CNN plonge la rédaction dans une nouvelle polémique. L’article affirme qu’un proche du président, Anthony Scaramucci, a discuté avant l’élection de Trump avec le Russian Direct Investment Fund, un fonds d’investissement russe. Après relecture, de nombreuses erreurs sont relevées par Sputnik News et Breitbart, des médias pro-Trump et pro-Poutine.

Le jour suivant sa mise en ligne, l’article est supprimé. Suite à ça, l’auteur de l’article, Thomas Frank, l’un des membres de l’équipe d’édition, Eric Lichtblau et le responsable de la cellule d’enquête Lex Haris démissionnent de la chaîne américaine.

Donald Trump a réagit à ses départs sur son compte Twitter en accusant le “faux média CNN” d’avoir publié des “articles russes bidons”. “Ils ont pris le faux média CNN la main dans le sac” a-t-il poursuivi.

LA CHAINE D’INFORMATION AMERICAINE CNN

Cable News Network (CNN) a été fondée en 1980 par Ted Turner, un magnat des médias américains. Depuis 1996, la chaine est aux mains de WarnerMedia, deuxième plus grand groupe de production télévisuelle, cinématographique, et de divertissements au monde en termes de chiffre d’affaires.

CNN devient un réseau mondial grâce à la couverture en direct de l’accident de la navette spatiale Challenger en janvier. La chaîne est la première à définir les codes de l’information en continu, avec les “breaking news”, les longs plateaux sur le terrain et les débats d’opinion entre invités. On parle même d’”effet CNN” qui désigne l’influence des médias. CNN est l’un des seuls média international à être financé par des recettes publicitaires. La chaine dépassera d’ailleurs le milliard de dollars de bénéfices cette année, selon son président Jeff Zucker. Les profits s’élèvent à des centaines de millions de dollars.

Aujourd’hui, CNN est largement dépassée par sa rivale Fox News, qui attire 800 000 téléspectateurs américains en audience moyenne quotidienne, contre seulement la moitié pour CNN. Mais son audience bondit dès que les Américains cherchent à connaître les dernières nouvelles d’un fait d’actualité de première importance.

Les journalistes environnementaux : un climat hostile

Forbidden Stories, plateforme destinée à sécuriser le travail des journalistes, a dévoilé son projet environnemental. Une enquête aux côtés de 30 médias sur le secteur minier, particulièrement répressif à l’égard des reporters. L’occasion de faire le point sur l’une des formes de journalisme les plus menacées ; le journalisme environnemental.


“Les rapports d’enquête sur l’environnement peuvent être aussi dangereux que les rapports sur le narco-trafic”


Le Green Blood Project ou “le projet sang vert” est une enquête réunissant 40 journalistes, 15 médias dans 10 pays différents durant 8 mois. La série qui en découle est publiée à compter du 18 juin dans 30 organes de presse du monde entier dont Le Monde, The Guardian au Royaume-Uni, Expresso au Portugal et Süddeutsche Zeitung en Allemagne.

Ce nouveau projet est une enquête collaborative internationale lancée par le collectif Forbidden Stories qui poursuit les enquêtes de journalistes menacés, emprisonnés ou assassinés.

Trois continents sont explorés : l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie

L’enquête se penche sur les pratiques de trois compagnies minières, milieu opaque et devenu interdit aux journalistes et à l’investigation. “Sur chaque continent, l’industrie minière dissimule certains secrets inavouables” peut-on lire dans le teaser dévoilé ce jour.

Green Blood Project permet de dénoncer l’impact des mines sur la santé et l’environnement ainsi que leurs politiques d’expansion brutales tout en rendant publics les actes de censure et les menaces touchant les journalistes.

L’aventure commence en Tanzanie, où le journaliste Jabir Idrissa dénonce les agissements autour d’une mine d’or. Elle se poursuit au Guatemala, où l’industrie du nickel provoque la colère des populations locales et les autorités tentent de bâillonner le journaliste Carlos Choc. Elle se termine en Inde, où des journalistes comme Sandhya Ravishankar dévoilent au péril de leur vie les agissements de véritables “mafias du sable”.

Le journalisme environnemental sous haute tension

Couvrir l’environnement est l’une des formes de journalisme les plus dangereuses, après le reportage de guerre” souligne The Guardian.

Bruce Shapiro, directeur du Dart Center for Journalism and Trauma a déclaré dans les pages du quotidien britannique que “les rapports d’enquête sur l’environnement peuvent être aussi dangereux que les rapports sur le narco-trafic”.

Lundi 17 juin, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) livre son rapport. Au moins 13 journalistes ont été tués depuis 2009 pour avoir enquêté sur des scandales environnementaux. Le total pourrait même atteindre 29 cas, le CPJ enquête toujours sur 16 autres décès suspects.

Une constatation qui n’épargne aucun continent

L’Inde se classe parmi les endroits les plus dangereux pour exercer le  métier de journaliste environnemental.

Trois des treize personnes qui ont été tuées au cours de leur travail depuis 2009 étaient originaires du pays.

Trois autres étaient basées aux Philippines.

Les autres sont morts au Panama, en Colombie, en Russie, au Cambodge, au Myanmar (ex-Birmanie), en Thaïlande et en Indonésie.

Pour le directeur exécutif du CPJ, Joel Simon, “la couverture de tels articles pour les médias nationaux et internationaux implique souvent de se rendre dans des communautés éloignées et de faire face à des intérêts puissants. Cela le rend intrinsèquement dangereux. […] Ce n’est pas un problème nouveau, mais il est devenu plus aigu à mesure que le changement climatique a un impact plus direct sur le quotidien des gens“.

La hausse des menaces envers les journalistes environnementaux pose des questions sur la vulnérabilité de ces derniers. Pour Eric Freedman, professeur de journalisme au Knight Center for Environmental Journalism, les “reporters devraient recevoir une formation à la sécurité, comme beaucoup de correspondants de guerre ou internationaux”. Comme le rappelle le Comité pour la protection des journalistes, “le meurtre est la forme ultime de la censure”.

La suppression des caricatures du New York Times suscitent l’inquiétude

C’est l’information qui bouleverse le plus grand quotidien au monde, le New York Times international. Après 1 mois de polémique à la suite d’un dessin jugé antisémite, il n’y aura désormais plus de caricature politique dans la rubrique Opinion à compter du 1er juillet. Une décision qui présage un avenir compliqué pour les dessinateurs de presse.


Un seul coup de crayon a suffi à déclencher une polémique mondiale.


La raison ? Il faut aller la chercher du côté de l’édition du 27 avril. On y trouve un dessin représentant le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, sous la forme d’un chien, une étoile de David autour du cou. Derrière lui, le président américain Donald Trump aveugle tient le “chien” en laisse, une kippa sur la tête.

Suite au tollé qu’a provoqué la caricature, le New York Times s’est excusé dans une lettre, parlant d’une “erreur de jugement”. Une justification qui n’a convaincu ni les médias américains, ni Israël.

Son ambassadeur aux Etats-Unis s’est dressé contre le journal. “Le New York Times fait aujourd’hui de ses pages un espace rêvé pour ceux qui haïssent l’état hébreu” a-t-il déclaré à Washington le 29 avril.

Le directeur de la publication du journal, A.G. Sulzberger, lance une procédure disciplinaire contre le responsable d’édition qui avait choisi ce dessin, et décide de ne plus utiliser de caricatures venant d’une société extérieure, d’où provenait l’image jugée antisémite.

Du côté de la Maison Blanche, le président Donald Trump s’est offusqué de ne pas être cité dans la lettre d’excuse du quotidien. Finalement, le New York Times a cédé à la pression des réseaux sociaux et a annoncé la fin de ses pages caricatures.

La liberté d’opinion est-elle menacée ?

La totalité des caricatures ne seront pas supprimées des pages de l’édition internationale du New York Times. Seule la rubrique Opinion en sera désormais dépourvue.

Les caricatures de presse sont achetées, parfois dans une banque d’image comme pour le dessin d’Antonio Moreira Antunes qui a créé la polémique. Patrick Chappatte dessinateur phare du New York Times a exprimé sa déception sur son blog à la suite de cette annonce.

Ces dernières années, certains des meilleurs dessinateurs de presse aux Etats-Unis (…) ont perdu leur travail parce que leurs éditeurs les trouvaient trop critiques envers (Donald) Trump […] Peut-être devrions-nous commencer à nous inquiéter. Et nous révolter. Les dessinateurs de presse sont nés avec la démocratie et lorsque les libertés sont menacées, ils le sont aussi” a-t-il condamné sur son blog.

Interrogé par France Inter, Plantu a déclaré être “inquiet pour l’avenir de nos démocraties et de la liberté d’opinion”. Le dessinateur du Monde s’indigne de voir un journal si prestigieux comme le New York Times se soumettre face à la pression des réseaux sociaux. “S’ils s’aplatissent tous, la liberté des dessinateurs va se réduire (mais ça c’est secondaire), mais c’est la liberté des journalistes, la liberté des citoyens, la liberté d’opinion qui va être mise en pièces.”

Pour Terry Anderson, illustrateur et directeur général de Cartoonist Rights Network International, “il est indéniable que la décision de l’équipe de New York Times s’inscrit dans une tendance mondiale et continue à réduire l’espace public pour les caricaturistes […] C’est pourquoi nous la condamnons de tout cœur.

Antonio Moreira Antunes

La liberté d’expression a déjà été attaquée par le passé.

Antonio Moreira Antunes, auteur de la caricature controversée publie régulièrement dans les journaux et magazines portugais depuis 1975. Le dessinateur n’en est pas à sa première polémique. En 1992, il publie dans Expresso une caricature devenue célèbre et hautement contestée : Jean-Paul II représenté avec un préservatif sur le nez. Ce dessin avait entrainé une pétition signée par 15 000 portugais réclamant la censure du caricaturiste.

Charlie Hebdo

Connu pour ses unes provocatrices et son humour décalé et satirique, Charlie Hebdo a provoqué de nombreuses controverses nationales sur la liberté de la presse et de l’opinion. En 2006, Charlie Hebdo publie les caricatures danoises (du journal Jyllands-Posten) du prophète Mahomet. L’Union des organisations islamiques de France et la Grande Mosquée de Paris engagent une procédure pénale contre Charlie Hebdo pour “injure publique à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur religion”. Cible de nombreuses menaces des islamistes par la suite, la rédaction est ciblée le 7 janvier 2015 par un attentat faisant 12 morts, dont ses plus célèbres dessinateurs : Cabu, Charb, Wolinsky et Tignous.

Alex

Plus récemment, le dessinateur de presse Alex a été victime de menaces de mort suite à la publication d’une caricature le 4 janvier dans Le Courrier Picard. Le dessin moque Éric Drouet, figure controversée des gilets jaunes, caricaturé en petit oiseau jaune chassé à la glu par Jean-Luc Mélenchon. “Il y a des gens, des journalistes mais d’autres aussi qui se font frapper, démolir“, rappelle Alex, inquiet du climat actuel en France et de la haine anti-médias qui prolifère.

Médias indépendants : le nouveau combat des Gilets Jaunes

Le 6 juin 2019, Acrimed a organisé à la Bourse du Travail de Paris une réunion publique: “Médias et gilets jaunes, pour une information indépendante!” Différents thèmes ont été abordés comme la médiatisation des violences policières et le rôle des médias. L’occasion pour gilets jaunes et journalistes de débattre sur les initiatives à mener sur le terrain de l’information.


Face au mépris des médias dominants, à leur traitement délétère des mouvements sociaux : mobilisons-nous !”


Le jeudi 13 décembre 2018, Acrimed envoie un signal d’alarme. Les gilets jaunes crient à la censure du mouvement par les “médias dominants” qui se rangent du côté du pouvoir politique et des forces de répression.

A l’inverse, certains journalistes tels que Pascal Praud sur CNews estiment que la parole a assez été donné aux gilets jaunes sur les plateaux.

Une parole qui plus est trop peu modérée selon lui puisque le 18 mars 2019, face à Julie Garnier, l’animateur de l’Heure des Pros s’emporte : “J’entends sur les plateaux une forme de légitimité de la violence du samedi [lors des manifestations]. J’entends un certain nombre de mes confrères qui n’interrompent pas ceux qui développent ces thèses-là”.

Et pourtant, que l’information soit lue, écoutée ou regardée, les gilets jaunes ne se sentent pas soutenus.

Que reprochent les Gilets Jaunes aux médias ?

“Forte communication gouvernementale ; sommations à ne pas aller manifester ; surexposition des violences du côté des manifestants ; injonctions à les condamner ; délégitimation des revendications sociales et de certains représentants des mobilisations.”

C’est par ces mots que Pauline Perrenot d’Acrimed introduit le débat “Médias et gilets jaunes, pour une information indépendante !”.

BFMTV, CNews et LCI comptent parmi les chaînes les plus citées et, donc, visées par les intervenants. Des médias qualifiés de “journalisme de préfecture”, “bourgeoisie journalistique” ou encore “journalisme de maintien de l’ordre”.

Une conclusion commune se dégage des différentes interventions : les plateaux de télévision sont similaires à des tribunaux. On y pose des questions orientées, on y désigne “les bons et les mauvais gilets jaunes”, on choisit qui est légitime ou non de parler des revendications.

copyright Dessin-Schwartz pour la SNJ

Un sentiment partagé par l’ensemble des gilets jaunes présents dans la salle mais nuancé par Corinne, militante à Rungis. “Une partie des Gilets Jaunes s’accordent à dire qu’on a quand même besoin des médias de masse pour se faire entendre”.

Une vision que partage Albert Ogien, directeur de recherche au CNRS et membre du Centre d’étude des mouvements sociaux. Il nous a notamment confié que “les médias ont contribué à ce que le mouvement des Gilets Jaunes fonctionne et se développe […] Si une action n’est pas filmée et diffusée sur les grandes chaines comme TF1, c’est comme si elle n’avait pas existée”.

Pour lui, la réappropriation de l’information souhaitée par les manifestants et l’Acrimed est impossible. “Il n’y a pas une seule revendication unique, une seule opinion des Gilets Jaunes, alors quelle tendance choisir pour un média?”

La “réappropriation démocratique des médias”, c’est quoi ?

Cette expression signifie que les moyens de production de l’information, de la culture et des divertissements doivent être contrôlés directement par les salariés des médias (journalistes, pigistes), ainsi que par les citoyens eux-mêmes, réunis au sein d’associations à but non lucratif. En d’autres termes, la réappropriation démocratique, c’est le fait de considérer les médias comme un bien commun et non comme un bien marchand.

Selon Acrimed, cette réappropriation tend à “défendre le droit d’informer et le droit à être informé, tous deux gravement menacés.”

Comment remédier au “mauvais traitement médiatique”?

C’est naturellement sur le web, “seul espace de liberté de la presse” selon Corinne, que gilets jaunes et syndicats de journalistes ont décidé de se réapproprier le traitement médiatique des manifestations.

Associations, organisations de journalistes, médias, syndicats et organisations politiques se sont réunis au mois de février 2019 pour lancer une déclaration commune.

https://twitter.com/acrimed_info/status/1097451644781060096

On peut y lire que les “partis pris ont contribué à disqualifier les grands médias. La défiance à leur égard est profonde et sans précédent. D’autres sources d’information sont plébiscitées, médias indépendants ou réseaux sociaux.”

Et par médias indépendants cités par les Gilets Jaunes, il faut entendre Brut, les reportages de Vincent Lapierre ou encore RT France, média russe dont la neutralité est régulièrement remise en question puisque financée par le gouvernement russe.

Les militants s’accordent à dire qu’ils ne feront désormais confiance qu’aux reportages en direct sur Facebook, “au cœur de l’action et non retouché”.

Pour un grand nombre, la télévision a été mise de côté depuis décembre. “Tant que les chaines d’informations continues diffuseront des mensonges, on ne regardera plus la télé” martèle l’un des Gilets Jaunes durant le débat.

Pour Serge Fauber, journaliste sur Le Média, il faut changer le fonctionnement des grandes chaînes télévisées. “Il ne faut pas accabler BFMTV. Le problème c’est leur manque de temps et la pression financière”.

A la différence des médias “de masse”, les médias indépendants ont le temps de traiter un sujet, de le retravailler plusieurs fois. “Nous n’avons pas le stress du 20 Heures et du format restreint à rendre”.

Selon Benoit Hazard, anthropologue et chargé de recherche au CNRS, le problème ne vient pas des journalistes eux-mêmes. “Les médias ont fait appel à des experts “autorisés” sur les plateaux, des chercheurs qui n’ont pas été étudié le mouvement des Gilets Jaunes sur le terrain” nous a-t-il confié. Pour l’anthropologue, la réappropriation médiatique souhaitée par les Gilets Jaunes répond simplement à un besoin de produire des discours librement “dans un espace public qui est saturé”.

Les journalistes ont été au cœur des critiques lors du mouvement des gilets jaunes, depuis mi-novembre. Selon Franceinfo, les Français sont divisés mais plus de 53% jugent que les médias ont mal couvert le mouvement. Toutefois, une large majorité assure qu’il est “inadmissible de s’en prendre physiquement aux journalistes”, quelles que soient les critiques faites à leur égard.

Qu’est ce que l’ACRIMED ?

Acrimed est l’acronyme d’Action Critique Médias.

Crée en 1996 par Henri Maler, cet observatoire des médias est une association à but non lucrative. Leur site résume son action en 4 points : “informer, contester, proposer, mobiliser”.

Acrimed intervient publiquement, par tous les moyens à sa disposition lorsqu’il s’agit de sujets comme les dérives des journalistes ou la marchandisation de l’information. L’association réunit des journalistes et des salariés des médias, des chercheurs et des universitaires, des acteurs du mouvement social et des “consommateurs” des médias.

Le Monde, Disclose, Mediapart: le secret des sources menacé depuis l’affaire LuxLeaks

Mercredi 22 mai 2019, le journal Le Monde dévoile sur son site la convocation de sa reporter, Ariane Chemin, le mercredi 29 mai à la DGSI -Direction Générale de la Sécurité Intérieur. L’enquête vise des articles de la journaliste relatifs à l’affaire Benalla. Sous le statut d’auditeur libre, cette convocation vient remettre en question l’un des droits fondamental du journaliste, déjà menacé auparavant dans d’autres grandes affaires.Retour sur les dossiers qui interrogent sur le secret des sources.

L’intimidation de Disclose

Compromission du secret de la défense nationale”. C’est ainsi qu’est titrée la plainte déposée contre les deux cofondateurs du jeune site d’information Disclose, ainsi que Benoît Collombat, de la cellule investigation de Radio France.

Dans leur enquête Made in France du 15 avril 2019, mise en avant sur le site du média, les documents qui, selon les journalistes, prouvent que les armes françaises peuvent tuer des civils au Yémen proviennent tout droit de la Direction du renseignement militaire.

Des propos appuyés par la révélation d’une note classée “confidentiel défense”. Cette note dresse notamment une liste de matériels vendus mais non employés au Yémen: blindés AMX10 et 30, radars Cobra, obus et missiles.


“La seule raison de nous convoquer aujourd’hui, c’est celle de connaître les sources qui nous ont permis de publier cette première enquête de Disclose”

Geoffrey Livolsi et Mathias Desta


Dès la publication de l’enquête, Matignon se défend en déclarant que les “armes françaises sont placées pour l’essentiel en position défensive”.

Une enquête provisoire est ouverte, les trois journalistes sont convoqués dans les locaux de la DGSI dès la mardi 14 mai 2019. A leur sortie de l’interrogatoire, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal, les journalistes et cofondateurs de Disclose publie un communiqué sur Twitter.

Dans ce dernier, il dénonce l’intimidation dont ils ont été victimes. Mathias Destal a notamment déclaré que “La seule raison de nous convoquer aujourd’hui, c’est celle de connaître les sources qui nous ont permis de publier cette première enquête de Disclose”.

Les deux journalistes insistent sur leur intention de garder le silence à propos de leurs sources. Des propos confirmés par l’avocate de Disclose, maître Virginie Marquet : “Nous serons très fermes sur la protection des sources de nos journalistes”.

Cette convocation a été dénoncée par une vingtaine d’organisations non gouvernementales et de syndicats de journalistes ainsi que par la Fédération européenne des journalistes (FEJ). Ils estiment que cette interrogatoire constitue une atteinte inacceptable à la liberté de la presse.

Protection du secret des affaires

Le 30 juillet 2018, une nouvelle loi sur la protection du secret des affaires est promulguée. Face à l’espionnage économique et à la concurrence déloyale, cette loi vient s’aligner sur la réglementation européenne de 2016.

Au titre de secret d’affaires, les informations protégées doivent revêtir trois critères :

– ne pas être “généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations”

– détenir une “valeur commerciale effective ou potentielle qui résulte de son caractère secret”

– faire l’objet de “mesures de protection raisonnables”

Cette information protégée peut être un savoir-faire, une donnée commerciale ou des connaissances techniques – technologiques.

La loi sur le secret des affaires est-elle alors une menace pour les lanceurs d’alertes ?

Le Conseil constitutionnel réfute ce questionnement en affirmant “le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation vise à révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible”.

La perquisition de Mediapart

Le 31 janvier 2019, Mediapart publie le contenu d’enregistrements dans lesquels on entend Alexandre Benalla et Vincent Crase, tous deux mis en examen dans l’affaire des violences du 1er mai.

Ce sont des enregistrements dont on ignore la provenance ainsi que les circonstances de leur réalisation.

Ils y évoquent le soutien du “patron”, Emmanuel Macron, et parlent de leurs démêlés. Une révélation qui confirme donc qu’Alexandre Benalla et Vincent Crase se sont rencontrés alors que le contrôle judiciaire leur interdisait tout contact.

Lundi 4 février 2019, deux magistrats du parquet, accompagnés d’enquêteurs, se présentent dans les locaux de Mediapart à la fin de la conférence de rédaction.

Dans le cadre d’une enquête ouverte par le procureur de Paris, pour atteinte à la vie privée, les magistrats souhaitent saisir des éléments liés aux enregistrements de la conversation entre M. Benalla et Vincent Crase. Le site de l’administration française est pourtant clair : il précise que les locaux d’un média, le domicile privé d’un journaliste et les véhicules professionnels des journalistes ne peuvent être perquisitionnés que “par un magistrat et non par la police ou la gendarmerie”

De plus, “la perquisition ne peut pas avoir pour but l’identification d’une source”.

Comme le droit l’y autorise, la rédaction de Mediapart a refusé la perquisition qui est, selon Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes à Mediapart “une mise en danger majeure de nos sources”.

Suite à l’émoi autour de cette perquisition, le magazine d’actualité l’OBS a publié un article dans lequel de nombreux signataires : AFP, BFMTV, Challenges, Courrier international, Les Echos, Europe 1, L’Express, Le Figaro… expriment leur soutien à Mediapart.

L’OBS écrit qu’“il est urgent et nécessaire de renforcer cette protection en France, tant le secret des sources est indispensable à l’exercice du journalisme, à l’existence d’une presse indépendante et au droit à l’information des citoyens.”

Secret des sources : ce que dit la Loi

 
Loi sur la liberté de la presse : 

Le 29 juillet 1881, cette loi prévoit que le secret des sources des journalistes soit respecté notamment grâce à l’article 2

– “Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public.”

La Charte de Munich :

En 1971, la Fédération européenne des Journalistes présente un nouveau code de déontologie. Ce texte novateur reprend dans son article 7 les mots de la charte de 1918 et 1938 ;

“garder le secret professionnel” mais y ajoute : “et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement”.

Loi Dati :

Promulguée le 4 janvier 2010, cette loi est présentée par la ministre de la justice, Rachida Dati.

Elle vient compléter celle de 1881 en ajoutant qu’il “ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi“.

Loi de 2016 :

Cette loi prévoit, pour les journalistes, le droit de s’opposer à toute pression, de refuser de divulguer leurs sources. Par rapport à la loi Dati de 2010, le texte élargit la protection à toute la rédaction, direction et collaborateurs -pigistes- compris.

Les prévenus du procès LuxLeaks devant le tribunal du Luxembourg le 15 mars 2017.

Luxleaks, la dénonciation fiscale

L’affaire débute en 2014 lorsque des accords fiscaux secrets établis, entre 2000 et 2011, entre le Luxembourg et 340 multinationales, sont révélés par l’ICIJ, le Consortium international des journalistes d’investigation et 40 médias partenaires, dont Le Monde.

L’enquête de six mois baptisée Luxembourg Leaks ou Luxleaks est révélée en France par l’émission Cash investigation de France 2, le 21 juillet 2015.

L’enquête divulgue qu’un système de “tax rulings” est négocié par les filiales luxembourgeoises des grands cabinets d’audit (dont PriceWaterhouseCoopers) avec le fisc luxembourgeois pour permettre à des multinationales de déroger au régime fiscal de droit commun.


La perquisition ordonnée au domicile de Raphaël Halet, deuxième source de Luxleaks, était illégale. Un huissier, quatre membres de PWC et trois gendarmes lui ont réclamé son matériel informatique ; une forte pression accompagnant l’échange.


Sur le plan judiciaire, seul trois français sont poursuivis et appelés à la barre. Il s’agit d’Antoine Deltour et Raphaël Halet, deux lanceurs d’alertes et anciens collaborateurs chez PwC, et le journaliste français Edouard Perrin, qui travaille pour l’émission Cash Investigation.

Les deux premiers ont écopé de prison avec sursis, Edouard Perrin a été acquitté. Mais, contre toute attente, 3 ans après l’affaire des LuxLeaks, le cabinet d’audit PriceWaterHouseCoopers se retrouve sur le banc des accusés.

La raison ? PwC aurait violé le secret des sources selon le parquet français et Edouard Perrin. Des sources pourtant protégée par la loi française et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).

La perquisition ordonnée au domicile de Raphaël Halet, deuxième source de Luxleaks, était illégale. Un huissier, quatre membres de PWC et trois gendarmes lui ont réclamé son matériel informatique ; une forte pression accompagnant l’échange.

“L’objectif premier de PWC Luxembourg était de démontrer que Raphaël Halet était la source d’Édouard Perrin afin de poursuivre ce dernier devant la justice luxembourgeoise” a expliqué Me Bernard Colin, avocat messin.

Une pratique illégale aux yeux de la loi, bafouant le secret des sources.

D’après la majorité des rédactions, la loi actuelle n’est finalement “pas satisfaisante” et “pas assez protectrice” du journaliste et de ses sources comme le dénonce le Prix Albert Londres via ce communiqué. Si l’on jette un œil en Suède, “un journaliste ne peut pas révéler le nom d’une source à moins qu’elle lui ait donné son accord écrit préalable, sinon il est condamné”. Une protection maximale dont la France et les journalistes français ne disposent pas encore.

Le comité d’éthique des médias: un rempart à la liberté?

Dans le cadre des 12ème assises internationales du Journalisme de Tours, le collectif #Payetoiunjournaliste a proposé de donner la parole aux citoyens sur la question des médias avec la création d’un comité d’éthique. Avec une telle instance, certains journalistes craignent que leur liberté d’exercer soit menacée.

Un comité d’éthique, comment ça marche ?

Le comité d’éthique est un organe professionnel d’autorégulation composé de représentants des journalistes, des éditeurs et du public. Cette composition peut changer d’un pays à l’autre. En Italie, on y trouve uniquement des journalistes ; en Ukraine, des journalistes et du public ; en Grande-Bretagne, des éditeurs et du public ou encore en Allemagne où sont regroupés journalistes et éditeurs.

Aucun représentant des pouvoirs exécutif, judiciaire ou législatif ne participe au conseil puisqu’il est totalement indépendant de l’Etat et de la politique.

Ces professionnels et non-professionnels se saisissent des plaintes et revendications de lecteurs, d’auditeurs, de téléspectateurs, d’internautes. Ils émettent un avis après enquête contradictoire, sur la base de la déontologie journalistique. Cet avis est par la suite rendu public.

Les décisions favorables au plaignant sont parfois accompagnées d’un blâme à l’intention du journaliste et/ou du média. Le comité d’éthique condamne tout ce qui n’est pas passible de sanctions au tribunal. On note notamment la réprobation des publicités déguisées en articles, des “ménages” (animations de débats rémunérés au sein d’une entreprise ou organisation), des bidonnages comme la fausse interview de Fidel Castro par Patrick Poivre d’Arvor, des conflits d’intérêts ou encore des atteintes à la vie privée.

Copyright Dessin-Schwartz pour la SNJ

Et ailleurs en Europe ?

Depuis 1950, de nombreux pays se sont dotés d’un conseil de presse appelé aussi conseil de déontologie des médias ou comité d’éthique. On en compte aujourd’hui une centaine dans le monde.

La majorité des pays européens, une vingtaine, dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suède, la Belgique, ont créé ces instances. En France, l’idée revient périodiquement d’instaurer un conseil de déontologie du journalisme.

La France est-elle en retard par rapport à ses voisins européens ?

Depuis les prémices du mouvement des Gilets Jaunes, la défiance de la population vis-à-vis des médias n’a jamais été aussi forte.

Un contexte qui amène à réfléchir à l’éventualité de créer un conseil de presse français. Certains y voient l’occasion de s’interroger sur la profession.

Copyright L’Express – 1964 – janvier

Le 15 mars, aux Assises du Journalisme, le ministre de la Culture Franck Riester a affirmé qu’il faut “retisser le lien entre les Français et les médias”.

Il existe déjà en France des comités d’éthiques spécifiques pour certains groupes de médias. Radio France, Le Monde ou encore France Télévisions disposent d’une chartre de déontologie et d’un conseil de presse à leur échelle.

Pierre Ganz, vice-président de l’Observatoire de la déontologie de l’information, durant les Assises de Tours note que “si tous les médias acceptent que leur travail soit examiné par un organisme indépendant, ce serait un outil qui permettrait de regagner la confiance du public.”


Il faut “retisser le lien entre les Français et les médias“.

Franck Riester, ministre de la Culture


Favorable à la création d’une telle instance, il est rejoint sur ce point par le SNJ (Syndicat Nationale des Journalistes).

Dans ses dix engagements, le syndicat national des journalistes note: “Le SNJ appelle [de ses vœux] la création d’une instance de déontologie paritaire et même tripartite, associant des représentants des salariés, des employeurs et du public.”

Je propose qu’il existe un tribunal professionnel qui puisse être saisi et qui ait le pouvoir de sanction symbolique contre les menteurs, les tricheurs, les enfumeurs. Je vais donc lancer avec mes amis une pétition en ce sens.”

Ce sont les propos tenus par Jean-Luc Mélenchon suite à son passage dans l’Emission Politique sur France 2. En décembre 2017, au cours de sa campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon relance l’idée d’une instance d’auto régulation en lançant une pétition plaidant pour la création d’un “conseil de déontologie du journalisme”.

Le chef de fil de la France Insoumise avait déclaré sur son blog que “la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine”.

Devenu l’ex ministre de la culture, Françoise Nyssen (mai 2017 à octobre 2018) qui était alors en poste, est allée dans le sens de Jean-Luc Mélenchon en annonçant le lancement d’une mission sur la déontologie de la presse.

Un conseil qui, en cas de création prochaine, aura à sa tête l’ancien PDG de l’AFP et de l’INA Emmanuel Hoog.

Les inconvénients du comité d’éthique

Une limite commune à la majorité des comités d’éthique concerne la justice.

En effet, sur le plan juridique, le Conseil de Presse est une association à but non lucratif. Lorsque ce dernier diffuse un blâme, il ne dispose d’aucune immunité. Il risque donc de devoir répondre de ses propos devant les tribunaux. En d’autres termes, le journaliste ayant reçu un blâme peut se retourner contre le comité de presse et l’astreindre devant les tribunaux.

Ceux-ci auront à déterminer si les évaluations, jugements et opinions exprimés par le Conseil ont ou non pas, un caractère fautif au regard de la loi.

Outre les limites juridiques constatées, certains journalistes expriment leurs craintes face à une forme de censure de la presse. Selon le SPIIL, le syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, cette idée n’arrive pas au bon moment, le contexte politique étant bien trop défavorable.

copyright Plantu – Le Monde

Sur son site internet, le syndicat déclare qu’il “n’appartient pas à l’État de susciter la création d’une instance d’autorégulation de la presse. Un Conseil né sous de tels auspices n’aura jamais la légitimité nécessaire. Seule une réflexion sereine issue de la profession elle-même et non du pouvoir politique permettrait d’envisager les contours d’un Conseil de déontologie ambitieux.

Pour le directeur de la rédaction d’OWNI, Guillaume Dasquié, la création d’un organe auto-régulateur n’est pas envisageable puisque le journalisme est “un milieu qui vit grâce à ses conflits, petits et grands. […] Les métiers de la presse se nourrissent de diversités mais aussi de divergences, d’antagonismes, voire de rapports concurrentiels animés.”

Il n’est donc pas concevable selon Guillaume Dasquié de créer une instance régulant la moindre discorde dans le but de lisser le paysage médiatique.

Clash

Il n’existe pas d’instance nationale contrôlant l’éthique des journalistes. Le 16 juillet 2014, une proposition de loi présentée par Jean-François Mancel allant en ce sens n’avait finalement pas vu le jour.

Dans cette proposition, le député UMP s’inspire en grande partie du projet du Conseil de déontologie journalistique de la Belgique francophone. Il explique que les Français ne comprennent pas qu’une corporation aussi puissante que le journalisme ne soit pas encadrée par un conseil indépendant.

En 2014, le fossé entre médias et citoyens se veut important ; la communication entre les deux parties est au bord de la rupture.

Le député rapporte “que 77 % des Français ne font pas confiance aux médias“. Composée de 8 articles, cette proposition n’a finalement pas convaincu les résistants comme Olivier Da Lage, journaliste à RFI. Il reproche au député de vouloir “inventer l’ordre des journalistes” et “mettre sous tutelle” la profession.

A ce jour, un comité d’éthique est en passe d’être créé en France. Jeudi 16 mai s’est tenu à Vanves une réunion entre éditeurs, journalistes et représentants du public pour poser les bases d’un futur conseil de médiation et de déontologie journalistique. L’objectif ? Que cette instance voit le jour d’ici la fin de l’année 2019.

Nouvelle avancée sur ce “Conseil de l’ordre des journalistes”. Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique, invite les journalistes à s’organiser pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation, faute de quoi c’est l’Etat qui s’en chargera. Interview par Reuters le 20 juin 2019