Journée de la liberté de la presse : quatre grands journalistes primés

[Par Elyse NGABIRE]

Le 2 mai, à la veille de cette commémoration, Reporters sans frontières s’est associé à la Mairie de Paris pour décorer quatre professionnels des médias pour leur courage, leur combat dans la promotion de la liberté d’expression et celle de la presse.

©Elyse Ngabire

©Elyse Ngabire

18h30, au Théâtre du Rond-Point, 8ème Arrondissement de Paris. Reporters Sans Frontières et la Mairie de Paris avaient convié les professionnels des médias et leurs amis.

« Les combats du journalisme », c’est le thème qui a été retenu cette année. Et la raison est simple. Selon Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières, cette dernière décennie, la liberté de la presse a régressé de façon très déplorable partout dans le monde. Des journalistes sont menacés, arrêtés, torturés, emprisonnés ou tués en Afghanistan, Iran, Erythrée, Burundi, Turquie, etc. Les chiffres sont alarmants : RSF a recensé plus de 800 journalistes assassinés durant la dernière décennie. Pourtant, regrette-t-il, les Nations Unies sont au courant de cette situation catastrophique et de bonnes résolutions en faveur de la protection des journalistes sont adoptées par différents organes de l’ONU.

Le problème, raconte M. Deloire, c’est qu’elles ne sont jamais mises en application malgré l’alerte lancé par le secrétaire général des Nations Unies lui-même : « Dans son rapport, Ban Ki Moon a reconnu que le système de protection des journalistes est un échec. »

Malgré cette absence de détermination de la part des organisations onusiennes à s’investir, RSF ne lâche pas : « Nous allons nous impliquer pour que ce droit international soit appliqué et que tous les Etats soient mis devant leur responsabilité fixée. »

Même son de cloche chez Michaëlle Jean, secrétaire général de la Francophonie : « Il n’est pas normal que les organes de l’ONU attendent que RSF et d’autres associations de défense des droits des journalistes le réclament. »

Pour elle, il est temps de faire pression sur les chefs d’Etats et de gouvernements : « L’Organisation Internationale de la Francophonie est à vos côtés. »

©Elyse Ngabire

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La détermination face à la démission

Malgré le désengagement ou la démission des institutions onusiennes pour protéger les journalistes, ces derniers restent engagés et déterminés. En témoigne la dernière enquête sur les évasions fiscales, l’une des plus belles histoires du journalisme d’investigation : le Panama Papers.

Quatre journalistes chevronnés d’investigation, dont l’ex-présentatrice vedette de France 2, Elise Lucet, étaient invités. Et c’est sur leurs témoignages que la soirée a été ouverte.

Sans toutefois révéler leurs secrets professionnels, ils ont partagé avec le public leur expérience pour aboutir à cette triste réalité qui a sidéré le monde entier.  Ils sont regroupés au sein de l’International Consortium of Investigating Journalism, une organisation créée en 1997 et dont le siège se trouve à Washington Dc. Cette rédaction virtuelle comprend 180 journalistes répartis sur 150 pays.

« Aucun des grands défis qui hantent l’humanité notamment la corruption, l’extrême violence, etc. ne sera résolu sans les journalistes », fait remarquer le secrétaire général de RSF.

Le grand moment

Il est 19 h 45min quand le grand moment arrive : l’hommage officiel aux héros de la liberté d’expression et de la presse.

Quatre journalistes, du moins pour ceux qui sont présents, montent un à un sur la scène.

Nargues Mohammadi, iranienne, condamnée à six ans de prison pour avoir livré des informations à la presse étrangère, son mari l’a représentée.

Antoine Kaburahe,  qui vit en Belgique depuis qu’il a été accusé  d’être impliqué dans l’affaire du coup d’Etat du 13 mai 2015.

Lotfullah Najafizada, directeur de Tolo News, une chaîne afghane. Il a été retenu pour avoir dénoncé le viol des enfants par des rebelles talibans. Le 20 janvier 2016, sa chaîne est  visée par un attentat perpétré contre un bus qui transportait le personnel. Bilan : six journalistes et leur chauffeur tués et plusieurs blessés.

La médaille a été aussi décernée à Can Dundar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, un journal turc très influent. M.Dündar a été choisi pour avoir dénoncé le soutien de la Syrie envers les rebelles islamistes et la collaboration de l’Union européenne avec Recep Tayyip Erdogan contrairement aux valeurs démocratiques. Emprisonné, il n’a pas pu se présenter à la remise des médailles. Sa femme l’a représenté.

Les médailles de protection et de citoyenneté d’honneur

Pour Patrick Klugman, adjoint du maire en charge des relations internationales et à la Francophonie, il est regrettable que Paris soit presque la seule ville européenne à se doter d’une structure comme La Maison Des Journalistes (MDJ) qui accueille des professionnels des médias exilés.

Citant Victor Hugo, M. Klugman estime que le genre humain a le droit sur Paris : « Au-delà des quatre lauréats qui portent la médaille de Paris, tous ceux qui exercent ce métier et courent un danger doivent pouvoir trouver soutien et refuge à Paris. » Et d’annoncer que bientôt 20 logements seront disponibles pour permettre à la MDJ d’accueillir des journalistes.

D’après Anne Hidalgo, maire de Paris qui avait rehaussé de sa présence à cette soirée, ces médailles font des quatre lauréats des citoyens d’honneur de Paris. Espérons que les médias du monde, comme la ville, ne sombreront pas.

On peut lire sur ces médailles la devise de la ville de Paris : « FLUCTUAT NEC MERGITUR » qui se traduit : « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas. »

 

Algérie : quand la presse oublie la langue de Molière

[Par Mourad HAMMAMI]

Comme disait un écrivain, «  on a voulu arabiser même les oliviers ». L’arabisation était en marche et le lit arabo islamiste bien préparé. C’est le mal principal de l’Algérie dont le système en place se nourrit. Il en est de même avec la presse. On est ainsi passé d’une presse majoritairement francophone à une presse arabophone à tendance propagandiste.

Par Mourad HAMMAMI Parmi les réformes désastreuses pour l’Algérie, on compte celle de l’école. En effet, on est passé d’une école plus ou moins neutre, respectable et républicaine à un système fondamentale, qui semble être une école idéologique dédiée à la propagande panarabisme. Les Algériens lisent des journaux nationaux (Source : www.npr.org)

Les Algériens lisent des journaux nationaux (Source : www.npr.org)

Évidemment il y a lieu de citer certains organes de presse arabophones qui sont connus pour leur professionnalisme et leurs défenses des valeurs de la démocratie et de l’éthique. Mais ces organes se retrouvent esseulés et préoccupés par leur survie, sanctionnés et aussi menacés.

Les autres journaux arabophones (à l’exemple d’Echerouk et d’Ennahar) ont constamment eu le vent en poupe. Ce soutien est du tout d’abord à la loi arbitraire de répartition de la manne publicitaire de l’ANEP (Agence Nationale d’Edition et de la Publicité); mais aussi de l’indulgence dont ces organes ont bénéficié malgré leurs dérapages.

Ces journaux puisent également leur force dans l’Algérie arabisée à coup de force, quitte à tout faire pour effacer le français. Cette langue, ouverte sur le monde et considérée comme butin de guerre, a été quasi effacée en Algérie d’une façon programmée. Hormis la Kabylie, où le français perdure, en Algérie la langue de Molière se fait rare. Ces derniers temps en Kabylie, les journaux arabophones ont surpassé les journaux francophones en terme de vente. L’arabisation gagne du terrain et aujourd’hui, rares sont les jeunes de moins de trente ans capables de lire et de comprendre un journal en français.

En plus de la langue, ces journaux usent d’une stratégie redoutable : peu de place pour l’objectivité, la rationalité. La majeure partie des lecteurs consomme l’information, se laisse aspirer et siphonner en jouant sur sa sensibilité identitaire, religieuse et de son manque d’expérience dans le monde de la presse.

L’un des bastion de lutte de l’opposition au système est la région de Kabylie, et ainsi ces journaux cultivent sans cesse un sentiment de haine et d’anti-kabyle: les leaders et les organisations de cette région sont attaquées à la moindre occasion et les populations attirées vers une ligne politique désastreuse.

Une marche contre la répression à Alger, 3 mai 2001 (Source : www.themilitant.com)

Une marche contre la répression à Alger, 3 mai 2001 (Source : www.themilitant.com)

Depuis 2012, ces organes de presse ont créé des chaines de télévision offshore : elles sont accréditées en Algérie, mais leur siège social se trouve dans d’autres pays. Auparavant, seulement BRTV et BEUR TV fonctionnaient de cette méthode. Mais Echerouk, en 2012, a ouvert la brèche pour cette technique de télévision offshore et depuis, c’est la ruée vers l’or. On compte une dizaine de chaines télévisées privées en Algérie et aucune d’entre elles n’est officiellement algérienne.

Ennahar et Echerouk ne se contenteraient plus de la propagande écrite et avec ce moyen lourd ils s’adonnent à la propagande audiovisuelle.

Connu pour être subventionné, le journal Ennahar est connu pour être un journal de la police. Les lecteurs sont séduits  par la multitude d’informations et de faits divers qu’il fournit. Le secret réside dans l’alimentation de ces journaux par les services de renseignements algériens, connus sous le nom des RG. En lisant ces faits divers on comprendra vite que c’est la traduction directe des PV et des rapports des différents commissariats d’Algérie. Mais dans ces journaux on retrouve rarement des reportages ou des articles d’analyse, de réflexion. Dans ces faits divers ou de l’info de proximité de ces journaux, je retrouve parfois des infos de ma région d’où j’étais correspondant. Parfois je suis surpris de lire une info rapportée par l’un de ces journaux. Le plus souvent se sont des informations tenues secrètes par la police et que l’on ne découvre qu’en consultant les rapports des services de sécurité. Parfois aussi je trouve un article sur un fait que je connais et dont j’ai consacré aussi un article. Souvent les faits sont défigurés pour des raisons politiques. Par exemple, je me demande comment un journaliste indépendant pourrait être au courant que la villa de l’ex-président de la république Ahmed ben Bella a été cambriolée et que deux pistolet ont été dérobés ? Il est clair que ces organes de presse bénéficient des moyens de l’Etat. Ils sont appuyés par un important clan de politiques, de militaires et de services secrets. Un clan qui manœuvre pour une Algérie orientalisée et prônant l’idéologie panarabisme.
Ces entreprises n’ont pas uniquement porté atteinte à l’image de la presse mais au-delà.
Ce complot commence à porter ses fruits et atteindre ses objectifs.

L’Algérie qui était l’un des pays les plus ouverts, les plus occidentalisés, se retrouve de nos jours relégué en arrière. L’islamisme prend de l’ampleur, les valeurs du progrès sont de plus en plus diabolisées. L’Algérie régresse et tout mouvement important à venir pourra faire plonger le pays dans le chaos et l’instabilité.

Burundi : La fin de l’âge d’or de la liberté de la presse

[Par Yvette MUREKASABE]

Radio Populaire AfricaineAntoine Kaburahe, un journaliste chevronné, est le directeur des publications du groupe de Presse Iwacu. Iwacu est le seul organe de presse qui a tenu jusqu’à aujourd’hui, après la destruction des autres médias indépendants du Burundi. Cette destruction a eu lieu la nuit du coup d’état manqué contre le président Pierre Nkurunziza, ce dernier étant contesté par les partis de l’opposition et la société civile pour avoir brigué un troisième mandat illégitime.

Après ce black-out médiatique, plus de soixante journalistes Burundais ont été contraints à l’exil, certains d’entre eux étant dans le collimateur de la justice burundaise. Le procureur général de la République a émis une demande d’extradition de Bob Rugurika, directeur général de la radio RPA, ainsi que de Patrick Nduwimana, responsable de la radio Bonesha FM, et de Gilbert Niyonkuru, journaliste à la Radio Publique Africaine.

Dans la photo, Christian THIBON, historien, Serge NIBIZI, journaliste burundais et Antoine KABURAHE, journaliste et directeur du groupe de presse IWACU

Dans la photo, Christian THIBON, historien, Serge NIBIZI, journaliste burundais et Antoine KABURAHE, journaliste et directeur du groupe de presse IWACU

Le 13 octobre dernier, le journaliste Christophe Nkezabahizi de la Radio-Télévision nationale du Burundi a été tué avec toute sa famille.

Des arrestations arbitraires et abusives ainsi que des actes de tortures à l’endroit des journalistes sont monnaie courante à Bujumbura.

Six mois viennent de s’écouler, du 13 mai au 13 novembre 2015 , et c’est l’histoire d’une régression, la fin de l’âge d’or de la liberté de la presse au Burundi.

 

 

Liberté de la presse et démocratie : deux sœurs siamoises

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Elles sont deux, l’une collée à l’autre. Quand on les sépare de force, les deux meurent. Elles sont comme des sœurs siamoises. C’est l’image que certains donnent de la liberté de la presse, par rapport à la démocratie.

La démocratie est un des régimes politiques pour la gouvernance des nations. Dans ce régime, c’est le peuple qui décide, à travers un système de représentation : le président de la République, les députés et sénateurs sont tous élus par le peuple. Ils doivent donc agir au nom des intérêts du peuple.

On parle de démocratie, aux Etats-Unis, en Europe occidentale et dans quelques autres pays comme l’Inde ou Israël (où les élections législatives viennent de donner la victoire au parti de Likoud, la droite israélienne).

Quand il y a absence de démocratie, c’est la dictature qui triomphe. Dans ce cas, les dirigeants conduisent les affaires de l’Etat à leur guise, et toujours de manière égoïste. Ils écrasent les peuples et se mettent, généralement, à piller les biens du patrimoine national. La plupart des pays du continent africain sont victimes de la dictature. L’exemple le plus frappant est celui du Zimbabwe, où le président Mugabe, 91 ans, est au pouvoir depuis 1987 ; soit 38 ans de règne sans partage.

Que le régime politique relève de la démocratie ou de la dictature, il constitue ce que l’on désigne par le mot « Pouvoir ». Celui-ci, généralement, s’oppose à l’exercice total de la liberté de la presse. En France, par exemple, avant même l’invention de l’imprimerie, la monarchie avait soumis la presse à la censure (c’est-à-dire à l’autorisation préalable) sous peine de mort.

La presse (terme générique pour désigner l’ensemble des médias), quant à elle, est le support d’un message, d’une « lettre ouverte », à grande échelle. Elle dénonce les errements des dirigeants. Le premier périodique (titré « Relation ») fut tiré en décembre 1605, à Strasbourg.

D’où l’antagonisme entre les deux réalités. Ce conflit est resté permanent dans une situation de lutte que le Pouvoir mène à l’encontre de la liberté de la presse. Souvent, les journalistes sont interpellés, intimidés et, dans le pire des cas, emprisonnés ou tués.

En démocratie, cette lutte est subtile (cachée). Elle se traduit, le plus souvent, par ce que l’on appelle la « conspiration du silence ». Quand un média déplaît aux dirigeants, on s’arrange « en silence » pour lui porter un coup fatal : lui arracher toutes les ressources publicitaires. Or, sans publicité, un média ne peut vivre. On utilise aussi l’achat de conscience ou le harcèlement judiciaire.

En dictature, par contre, les choses sont faciles. Les dirigeants utilisent, ouvertement, des méthodes fortes : arrestation arbitraire, emprisonnement, torture, assassinat. Les cas d’assassinats les plus connus sont ceux de Norbert Zongo, en 1998 (Burkina Faso), Anna Politkavskaöa, en 2006 (Russie) et Hrant Dink, en 2007 (Turquie).

Il y a donc un lien étroit entre la liberté de la presse et la démocratie pluraliste, car elles partagent en commun le souci de défendre, du moins les libertés individuelles, sinon les droits fondamentaux de la personne humaine.

Si les prédateurs de la liberté de la presse constituent une force, l’ensemble des personnes et des organisations qui agissent pour le triomphe de celle-ci en est une autre. C’est dans ce cadre que l’Onu a institué la « Journée Mondiale de la liberté de la presse », qui a lieu tous les mois de mai.

Le combat pour la presse libre continue !

[Par John CHITAMBO LOBE]

La Maison des Journalistes a Paris-France est un refuge des journalistes exilés en France, une organisation unique dans le monde sans but lucratif.  Elle a organisé une rencontre entre journalistes exilés membres de la rédaction de L’œil de l’exilé et l’équipe de Mediapart,  journal numérique en ligne bilingue (anglais, espagnol et français). Cette rencontre avait pour but d’échanger des idées et des expériences, d’évoquer des défis, de parler des risques et des dangers de la pratique du  journalisme dans le monde actuel.

Visite à Mediapart [Crédit Photo  Muzaffar Salman] (7)

La liberté de la presse partout est un combat toujours actuel. Elle se porte mal dans beaucoup des pays. Cette liberté  est ignorée, elle est en danger, bafouée.

Les journaux ont toujours suscité la méfiance du pouvoir politique. De ce fait, la liberté de la presse ne s’est imposée qu’au prix de longues luttes…  mais si nous œuvrons ensemble, la victoire est probable. La liberté de communication et d’opinion est l’un des droits les plus précieux qui existent. Tout citoyen doit donc pouvoir parler, écrire, éditer librement.

Parce qu’il véhicule des informations et des idées,  le journal, s’il est libre, est capable d’ouvrir de vastes horizons  par sa nature et son caractère explosif puisqu’il contribue à la formation des opinions particulières et collectives de tout le monde dans un pays.

Plus le pouvoir est arbitraire ou antidémocratique et plus ses détenteurs ont des raisons de neutraliser les propos qui peuvent salir leur crédibilité, inciter le peuple à  la contestation, voire encourager à la révolte. C’est pourquoi  l’État concerné s’emploie à réprimer toute critique,négative ou non conforme a la pensée officielle.

 

Une liberté reconnue

 

Image tirée de http://www.sentinelleducontinent.com/

Image tirée de http://www.sentinelleducontinent.com/

La liberté de presse est aujourd’hui solennellement proclamée et universellement reconnue. Elle figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948 (Article 19), ainsi que dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Le droit à la  liberté d’expression et de communication des informations et des idées est aussi affirmé par la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme (Article 10).

L’État n’est pas le seul ennemi de la presse. Dans certains pays, les journalistes subissent les attaques de tous ceux qu’ils gênent avec des révélations et publications de leurs activités…mais l’État reste souvent  le principal obstacle à la liberté de la presse… surtout dans des pays en voie de développement en Afrique, au Proche-Orient, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique Latine et du Sud.

 

Information, démocratie et formation

Sécurité numérique pour les journalistes en exil Aujourd'hui, jeudi 11 septembre, 'Atelier à la Maison des journalistes

Sécurité numérique pour les journalistes en exil
Aujourd’hui, jeudi 11 septembre, ‘Atelier à la Maison des journalistes

La liberté de la presse fait l’objet dans chaque pays démocratique d’une protection particulière, parce que l’information constitue l’une des conditions essentielles du  fonctionnement démocratique de la société. Les journaux doivent toujours s’adresser à la raison des lecteurs et doivent leur fournir des informations, des analyses, des révélations, des commentaires sérieux avec le souci majeur de présenter et d’expliquer l’actualité afin de la rendre compréhensible avec une transparence totale, sans risque de corruption, pour tous et partout.

Constatant les problèmes de sauvegarde de la liberté de la presse , la Maison des Journalistes et l’Université de Clemson,Caroline du Sud,  ont organisé des sessions de formation sur la Sécurité Numérique avec le spécialiste John Gaynard. Il a informé les journalistes présents de l’importance qu’il y a à travailler dans l’anonymat et sur  l’utilisation de l’Antivirus, CCleaner, TOR, Friendica, Cloudflare, Prey a mobile protection, Thunderbird&PGP pour le cryptage des mails ou pour chiffrer les courriers électroniques  sur Tails USB key/Cle USB Tails.

Toutes ces  précisions concernant les dangers encourus dans le monde virtuel, toutes ces techniques numériques et ces stratégies permettant de travailler dans l’anonymat ont pour but de protéger les journalistes et de leur éviter de tomber dans des pièges qui mettraient leur liberté – et celle de la presse – en danger.

 

 

Requiem pour la presse à l’est du Congo pseudo « démocratique »

[Par Déo NAMUMJIMBO]

 

Sans journaux ni véritables radios et télévisions dignes de ce nom, des millions d’habitants de l’est du Congo dit démocratique doivent se connecter sur les chaînes étrangères et se disputer des journaux vieux de deux ans. Défection en masse des journalistes, arrestations arbitraires, tortures et intimidations et autocensure sont les seuls choix qui restent aux « chevaliers de la plume ».

Reportage.

 

Photo du site : congo-dechaine.info

Photo du site : congo-dechaine.info

Inconsolable, Eric Mwamba ne peut plus cacher ni son impatience ni son ras-le-bol chaque jour grandissant. Agé d’une quarantaine, cet excellent journaliste indépendant congolais, membre du Forum for African investigative reporters (FAIR, basé en Afrique du Sud) vit depuis une douzaine d’années entre le Canada, l’Afrique de l’Ouest et l’Australie. « Rien n’est plus frustrant que de devoir fuir son pays pour continuer à exercer le métier qu’on aime et qu’on a choisi », ne cesse-t-il de répéter à tout bout de champ.

 

Près de 10 mille kilomètres plus loin, à Bukavu, J.-M. K., l’un des plus brillants journalistes de radio et de télé de tout l’est de la République démocratique du Congo, a dû changer de métier pour s’investir dans l’éprouvante exploitation de l’or et de la cassitérite, horrifié par les meurtres à répétition des journalistes. « Après avoir assisté à l’enterrement de mes amis Serge Maheshe en juin 2007 puis de Didace Namujimbo en novembre 2008, tous deux journalistes de la radio Okapi de la Mission des Nations Unies au Congo, j’ai compris que mon tour allait bientôt venir et j’ai choisi de quitter ce métier devenu à haut risque », affirme-t-il en essuyant une larme. Pas moins de 16 journalistes ont été assassinés depuis l’année 2005, ce qui classe le pays parmi les principaux prédateurs mondiaux de la liberté de presse selon les rapports de Reporters sans frontières, de l’Ifex, du Comité pour la protection des journalistes et de toutes les autres organisations œuvrant dans ce domaine.

 

Au Rwanda voisin, Philippe le directeur de la Librairie Caritas de Kigali, ne cache pas sa satisfaction : les journaux se vendent comme des petits pains. Ses principaux clients sont des Congolais qui traversent chaque jour la frontière pour s’approvisionner. « Il n’y a rien de plus ridicule que d’aller acheter à l’étranger un journal pour apprendre ce qui se passe dans le village voisin du vôtre », se désole Kennedy Wema, directeur de Radio Soleil Fréquence verte de Butembo au Nord-Kivu, d’ailleurs fermée par les autorités pour avoir interviewé un officier mutin.

 

Incontournables difficultés d’accès à l’information

 

Photo du site : congo-dechaine.info

Photo du site : congo-dechaine.info

Trois fois plus grand que la France et 50 fois la Belgique, l’est de la RDC est aussi étendu que la moitié de toute l’Europe occidentale. Il est composé des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema et de la Province orientale, soit une superficie totale d’environ 1 million 800 mille kilomètres carrés sur lesquels vivent pas moins de 35 millions d’âmes. Pratiquement aucun journal n’y est publié par manque d’infrastructures adéquates. L’enseignant Alexis Bahole, ancien journaliste de presse écrite, résume bien la situation : « Comment voulez-vous faire un journal sans imprimerie ni maison d’édition, sans subvention pourtant prévue par la loi, sans accès aux lieux des événements à cause de l’insécurité et de l’absence de routes ? Avec quoi allez-vous le financer sans accès à la publicité ni espoir de vente au numéro suite à la misère criante de la population » ?

 

Hormis Le Souverain du peuple de Bukavu – un mensuel qui parait quand il peut selon sa directrice Solange Lusiku – et Mongongo de Kisangani, pratiquement aucun journal « sérieux » ne parait sur ce vaste territoire. L’un et l’autre sont imprimés à grands frais à Kampala en Ouganda ou à Bujumbura au Burundi, avec ce que cela coûte en transport et en frais d’hôtel et de douane. « Doit-on parler des feuillets de liaison des innombrables Ong locales, plus soucieuses de justifier les dépenses de l’argent reçu de leurs bailleurs de fonds que de réellement informer la population » ? s’interrogent les habitants. « Par contre, renchérit la grande majorité des Congolais de l’est, il convient de louer l’apport de l’agence de presse franco-congolaise Syfia Grands lacs qui, avec sa cinquantaine de correspondants, nous informe gratuitement chaque semaine grâce à ses articles fouillés et vraiment objectifs ». Tout en soulignant : « Dommage que ces excellents journalistes ne se limitent pratiquement que dans les villes et non dans les villages et les montagnes, de peur de se faire agresser par les soldats et les groupes armés en plus qu’il n’y a pas de routes pour y accéder ».

 

Petites radios, grands succès

 

Quid de la presse audiovisuelle ? Pas moins de 400 radios et quelques stations de télé fonctionnent dans cette partie du pays avec les moyens de bord. La plupart appartiennent à des hommes politiques, à des associations ou à des confessions religieuses et ne diffusent donc que « la voix de son maître ». Le seul média bien équipé et vraiment performant reste la radio Okapi de l’Onu. Mais là aussi ce sont les rédacteurs en chef européens qui décident du contenu à diffuser ou non sans toujours tenir compte du véritable intérêt des auditeurs. Celles qui se veulent sérieuses émettent dans un rayon n’excédant pas 5 km à la ronde avec du matériel dérisoire et bricolé : autoradio transformé en émetteur, fil métallique en guise d’antenne, souvent un seul dictaphone pour une dizaine de journalistes… – quand ils ont du courant électrique, ce qui est rarissime ou du carburant dans leurs groupes électrogènes, ce qui relève plutôt du parcours du combattant. « Si au moins nous avions accès aux sources officielles d’information, s’insurge J.K. Tenez, l’autre jour je suis allé voir un lieutenant de la brigade routière pour avoir des éléments sur un enlèvement de jeunes filles dans un village. Il m’a envoyé à son capitaine, celui-ci au colonel puis au général qui m’a affirmé que les militaires, les policiers et en général les fonctionnaires ne pouvaient rien dire à la presse sans l’aval du Commandant suprême, le Chef de l’Etat en personne. C’est d’un ridicule ! ». C’est ainsi que les habitants de la partie orientale de l’ex-Zaïre, l’un des pays potentiellement les plus riches du monde sont contraints, pour être informés sur ce qui se passe autour d’eux, de se brancher sur les radios internationales à l’instar de la Voix de l’Amérique, la Bbc ou encore Radio France Internationale. Là encore, des organisations internationales veillent au grain, surtout en matière de formation et d’équipement : Institut Panos Paris, Benevolencia, Centre Lokole de Search for common ground, Misereor, Syfia, Pnud etc. « Que deviendrions-nous sans Reporters sans frontières et Journaliste en danger, pratiquement les seules associations qui défendent nos droits lorsque – et c’est plutôt fréquent- nous sommes assassinés, torturés, menacés ou poussés à l’exil ? », s’interroge l’animateur de radio Alexandre, un désarroi fort remarquable dans la voix.

 

Comment s’en sortir ?

 

Contacté au téléphone par nos soins pour savoir ce qu’il pense de l’avenir de la presse et du journalisme au Congo « démocratique », Jean-Marie B., un des derniers monstres sacrés de la profession que ses confrères ont surnommé affectueusement « le Doyen » répond laconiquement : « Devant cette situation il n’y a malheureusement plus que trois choix : l’exil, le changement de métier ou, la pire de toutes, l’autocensure. Bien des journalistes se sont hélas inféodés à des hommes politiques qui profitent de leur misère, mais ceux-là je les compare à des prostituées indignes ». Il reste bien sûr Internet mais là encore la fiabilité et l’objectivité des contenus diffusés exigent d’y regarder à deux fois tout comme d’ailleurs le professionnalisme et la bonne foi des expéditeurs. Ce qu’il fallait démontrer.