Mise à jour : La journaliste Ariane Lavrilleux a finalement été remise en liberté ce mercredi 20 septembre, après une garde à vue qui aura duré au total 39 heures. Sur franceinfo ce vendredi 22 septembre, elle dénonce “une attaque claire, nette et précise contre la liberté d’informer. Tous mes outils de travail, dont mon ordinateur, ont été perquisitionnés. On a utilisé des outils de cybersurveillance pour fouiller mes mails. C’est une expérience très violente”. Jeudi 21 septembre, un ancien militaire a été mis en examen notamment pour détournement et divulgation du secret de défense nationale. Il est considéré par la justice comme l’une des sources d’Ariane Lavrilleux. |
C’est une nouvelle qui a bouleversé le monde du journalisme français : la journaliste de Disclose, Ariane Lavrilleux, a été placée en garde-à-vue et son domicile a été perquisitionné mardi 19 septembre. En cause, ses révélations sur les “Egypt Papers” et les concessions de la France à la dictature du maréchal al-Sissi, ainsi que sur les multiples ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite, gardées secrètes jusqu’en 2019. La Maison des Journalistes dénonce cette attaque manifeste contre la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes.
“Les journalistes de Disclose enquêtent pendant plusieurs mois, et en équipe, sur des sujets d’intérêt général trop souvent délaissés. Crimes environnementaux, délinquance financière, santé publique, lobby industriel, vente d’armes, violences sexuelles… Nos enquêtes exposent les dérives et les abus de pouvoir. Elles permettent de demander des comptes aux responsables et d’obtenir un impact positif pour la société”, explique le site d’information.
Disclose, journal d’investigation en accès libre
Fondé en 2018 par Mathias Destal et Geoffrey Livolsi, le journal compte une vingtaine de journalistes collaborateurs ayant mis en lumière de nombreuses affaires, notamment la vente d’armes françaises utilisées dans le conflit au Yémen. Depuis, les enquêtes de Disclose percutent et font trembler le pouvoir.
Un site d’information dont les membres sont sujets à de nombreuses plaintes, et Ariane Lavrilleux n’y a pas échappé. Elle avait participé à la révélation d’un scandale d’Etat, l’Egypt Papers, ainsi qu’à 4 autres articles. Elle y aurait dévoilé “des informations confidentiel-défense” selon les enquêteurs de la DGSI.
Mardi 19 septembre à 6h00, une juge d’instruction et des membres de la DGSI, la Direction générale de la Sécurité intérieure, ont perquisitionné son domicile avant de la placer en garde-à-vue, dans le cadre d’une procédure d’exception.
“L’Egypt Papers” avait en effet révélé une mission militaire secrète de la France en Egypte, l’opération Sirli. Initiée en 2015 par la France, cette opération a fourni “du renseignement aérien à la dictature du maréchal Abdel Fattah al-Sissi.”
“Des informations qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, ont servi à mener une campagne de bombardements systématiques contre des civils soupçonnés de contrebande dans le désert occidental, à la frontière avec la Libye”, rapporte Disclose.
Des révélations qui avaient mené à des plaintes de plusieurs ONG contre l’Etat français et mis des bâtons dans les roues de ce dernier. D’autres articles signés par la journaliste avait dévoilé des ventes d’armes françaises ou d’avions Rafale à l’Egypte, des contrats discutables et aux lourdes conséquences pour les civils et communautés ethniques visées.
“Nous avons publié ces informations confidentielles car elles étaient, et elles restent, d’intérêt général. Elles éclairent le débat public sur la réalité des relations diplomatiques de la France avec des dictatures.”
“Elles jettent une lumière crue sur des armes, fabriquées dans notre pays, et retournées contre des populations civiles, au Yémen et en Égypte. Qu’importe si ces révélations sont gênantes pour l’État français : Ariane doit être libérée au plus vite, sans aucune poursuite,” assène Disclose par newsletter ce matin.
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Crédits photo : Disclose, Ariane Lavrilleux.
Maud Baheng Daizey