Depuis le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, la liberté d’information et d’expression s’effondre, réduisant de nombreux journalistes au silence ou les contraignant à fuir leur pays. Journaliste sportif afghan réputé, Amanullah Qairasi n’excepte pas à cette répression. Réfugié en France depuis 2022, il revient, pour l’Oeil de la MDJ, sur son parcours et sa passion pour le foot.
[Par Coraline Pillard, publié le 16/07/2025]

Journaliste sportif durant 15 ans en Afghanistan, Amanullah Qaisari est l’un des meilleurs commentateurs sportifs de son pays. Il travaillait, en tant que producteur et commentateur, pour un très fameux groupe de média en Afghanistan, Woopy Media Group.
Sa passion pour le sport, Amanullah est né avec. Élevé dans une famille d’immigrants afghans, il grandit en Iran où il fut diplômé de l’université. “La première chose que j’aime dans ma vie, c’est le sport. J’ai commencé ma vie avec Fifa World Cup”, explique-t-il avec amusement. Son équipe préférée ? Manchester United. Le premier match de ligue professionnelle que l’homme ait regardé était Manchester United contre le Bayern Munich en 1999. Comme tout fan qui se respecte, le journaliste joue au football en tant que gardien.
Amanullah n’est pas un des commentateurs sportifs préférés d’Afghanistan pour rien : “J’ai une bonne connexion avec les gens parce que je parle beaucoup. Je parle des problèmes rigoureusement et les personnes aiment ça”. Une fois en France, le journaliste a continué sa profession et a poursuivi sa relation avec les spectateurs. Privé de plateaux télé, Amanullah utilise les réseaux sociaux. Actuellement, il culmine à plus de 300 000 abonnés sur Facebook, sa plateforme de référence, et presque 100 000 sur Instagram. “Maintenant, avec les téléphones, les réseaux, on peut tout produire, ce qui permet une meilleure égalité”, souligne le commentateur. Le sport fait partie de la vie quotidienne du journaliste. Interviews, photos, vidéos, articles : aucun support n’est laissé de côté.
C’est après le retour au pouvoir des talibans, en 2021, qu’Amanullah ne dispose plus d’une bonne situation pour continuer sa vie et sa profession. Entre problèmes et pressions, la sécurité est mise en péril, le contraignant à quitter l’Afghanistan. « Mais j’avais l’espoir pour le futur. Si on a de l’espoir, on a tout« , témoigne-t-il.
“Au début de ma carrière, j’aimais juste le foot.”
Son métier, Amanullah l’adore. La société est remplie de problèmes. « Le pouvoir et l’habileté du sport ont changé ma vision. On a besoin de cette habileté. Par exemple, en Afghanistan, en 2013, on a eu, pendant un mois, des gens heureux avec la Champions League« , témoigne-t-il. Le sport redonne le sourire à la société. Il procure de la joie et conduit à davantage de paix dans la société, ce qui conquit le journaliste. Le sport rassemble, contrairement à ses implications financières et politiques qui divisent. Cet engouement pour ce domaine permet de valoriser une cause plus vaste. « Ils peuvent utiliser cet amour du sport pour des valeurs comme les droits humains ou la liberté. Ils peuvent utiliser cette habileté pour élever ces valeurs vers les gens » témoigne le commentateur.
Des rencontres marquantes, Amanullah en a fait de nombreuses. Cela est dû en grande partie à ses nombreux voyages. Il a notamment rencontré Adel, un joueur de foot iranien, ou encore Michel Platini, lors d’un court séjour de ce dernier en Afghanistan.
Ses voyages lui ont beaucoup appris. Compétiteur dans l’âme, il entreprend une course à la positivité. « J’avais beaucoup de TV shows, et j’aimerais me souvenir de ce que je voulais faire, montrer, en Afghanistan« , explique-t-il.
Nous ne devons pas oublier le passé. Et cela, Amanullah l’a bien compris. Régulièrement, le journaliste regarde ses anciens programmes. « Je revois ma vie, mes activités, et ça me procure une bonne sensation. Ça m’aide pour continuer ma vie, ma profession. Je pense que ce temps, les gens en ont besoin« , nous dit-il avec nostalgie. « Quand je suis arrivé en France, j’ai tout perdu. Mais je me suis parlé à moi-même et j’ai continué. Parce que j’ai un bon sentiment avec cette profession« .
La Maison des journalistes a beaucoup aidé le commentateur. L’atmosphère y régnant est propice au partage des informations et des idées. « C’est une bonne opportunité pour les journalistes. On peut avoir accès à un site internet pour publier, et c’est important« , rapporte-t-il. La MDJ offre la possibilité aux journalistes d’avancer, personnellement et professionnellement, malgré l’exil. « Les journalistes exilés peuvent recommencer de nouveau, se refaire eux-mêmes« , témoigne, avec gratitude, le journaliste. Deux ans après son arrivée en France, une opportunité s’offre à Amanullah : Voix en exil. Ce programme lui permet de progresser dans son projet, de poursuivre sa profession. Il est possible d’exercer le métier de journaliste afghan à l’étranger, bien que cela comporte certaines difficultés.
Malgré l’exil, Amanullah reste persévérant. Son projet actuel ? Créer une plateforme spécialement pour les athlètes réfugiés et les athlètes féminines. « Je souhaite ériger les athlètes féminines en modèles », conclut-il.
LE PROJET. Lancé par CFI, la Maison des journalistes (MDJ), SINGA et Reporters sans frontières (RSF), Voix en Exil est un nouveau projet de soutien et d’accompagnement là Paris de journalistes et médias en exil, soutenu par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, afin de faire de la France l’une des principales terres d’accueil des journalistes en exil.
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