Articles

Quand les cultures de la Maison des Journalistes dialoguent avec celles du musée du Quai Branly

[Par Elyse NGABIRE]

A l’occasion de la célébration du 10e anniversaire du musée du Quai Branly qui porte désormais le nom de Jacques Chirac, ancien président de la République française, les journalistes résidents et anciens de la MDJ n’ont pas manqué à ce grand rendez-vous. Une expérience à la découverte de l’autre visage de l’ancien homme d’Etat.

Des journalistes de la Maison des Journalistes en visite au Musée du Quai Branly Crédits photo : Lisa Viola Rossi

Des journalistes de la Maison des Journalistes en visite au Musée du Quai Branly
Crédits photo : Lisa Viola Rossi

Au 37 Quai Branly, dans le septième arrondissement de Paris, du 21 juin au 9 octobre, le musée du Quai Branly portant désormais le nom de Jacques Chirac, ancien président de la République française,  commémore les dix ans de sa création.

Depuis l’été donc, ses portes restent grandes ouvertes au public et propose une gamme d’événements : expositions, spectacles, conférences, colloques, etc.

C’est en effet dans ce cadre, qu’une équipe d’une dizaine de professionnels exilés des médias composée des résidents et anciens de la Maison des Journalistes (MDJ) en compagnie du personnel du pôle communication ont effectué une visite guidée des lieux.

Ils sont d’origines et de cultures différentes : Syriens, Afghans, Érythréens, Soudanais, Burundais etc. « Ils », ce sont ces journalistes qui ont été accueillis à bras ouverts à la MDJ qui a son siège au 35 rue Cauchy, dans le 15e arrondissement de Paris.

Ils sont du même avis que l’ancien président français : pas de hiérarchie entre les cultures et toutes les civilisations naissent libres et égales. Contents de découvrir ce grand espace culturel et d’apprentissage, ils sont également impressionnés par la petite histoire de sa création, telle qu’elle nous est racontée par l’une des guides du musée : « Tout commence en 1999 lorsqu’un concours de maîtrise d’œuvre aboutit au choix de Jean Nouvel pour la construction du musée qui sera édifié au pied de la tour Eiffel. Le 20 juin, il est inauguré par Jacques Chirac qui fait savoir dans son discours que ce musée doit promouvoir, auprès du public le plus large, un autre regard, plus ouvert et plus respectueux. Et ce, en dissipant les brumes de l’ignorance, de la condescendance ou de l’arrogance qui, dans le passé ont été souvent présentes et ont nourri la méfiance, le mépris et le rejet. »

La façade du Musée du Quai Branly Crédits photo : Lisa Viola Rossi

La façade du Musée du Quai Branly
Crédits photo : Lisa Viola Rossi

Sur cette petite histoire commence alors une grande découverte

Surprises et étonnements s’invitent déjà dès l’entrée de ce grand musée, serti dans un écrin paysage conçu par Gilles Clément et occupant 27 700 mètres carrés en plus des 17 500 mètres carrés réservés au jardin.

Des murs végétaux, imaginations de Patrick Blanc, composés de 15 000 plantes et 150 espèces retiennent notre attention, avant de se diriger vers la Mezzanine Est et Ouest.

Le génie des civilisations africaines, asiatiques, d’Océanie et d’Amérique fascine l’équipe des professionnels des médias et leurs accompagnateurs, soit 300000 œuvres parmi lesquelles 11 000 de la collection « Mondialisation historique et contemporaine ». A travers des photographies, 710 000 collectionnées apprend-on, disposées de part et d’autre du musée, certains journalistes se retrouvent dans leurs différentes civilisations. C’est le cas notamment d’un journaliste burundais qui, en parcourant l’espace réservé à l’Afrique australe, découvre les habits traditionnels, des bijoux, etc. portés par le peuple kenyan, tanzanien, etc. Pourtant, son plus grand regret aura été l’absence du tambour du Burundi alors que c’est un outil culturel très connu. Pendant les années 80, une équipe de tambourinaires burundais ont séjourné à Paris à l’occasion d’une exposition sur la culture africaine.

Le génie des civilisations africaines, asiatiques, d’Océanie et d’Amérique fascine les journalistes Crédits photos : Lisa Viola Rossi

Le génie des civilisations africaines, asiatiques, d’Océanie et d’Amérique fascine les journalistes
Crédits photo : Lisa Viola Rossi

Devant chaque œuvre et chaque photographie, indique une journaliste d’origine « ouzbekistanaise », elle a envie de s’arrêter et de dialoguer avec cette autre civilisation qu’elle n’a jamais rencontré.

« Plus qu’un lieu de visite, le musée Quai Branly-Jacques Chirac doit être perçu comme  un lieu de dialogue et d’apprentissage, un lieu adapté à chacun, que l’on construit et qui nous construit » précise Stéphane Martin, président du musée.

Au cours de cette visite guidée, nous retiendrons enfin ce corridor communément appelé « Rivière » qui donne pour certains des vertiges. La « Rivière » est en effet, une invitation au voyage dans le temps et dans l’espace. Elle conduit à ces lieux remarquables, faisant découvrir toute une série d’installations affleurant tout au long de la rivière, vertigineuses pour certains. La « Rivière » sollicite le sens et l’esprit. On est perdu dans le regard, on a tendance à s’arrêter pour toucher, déchiffrer ou écouter. Et puis, on se perd encore dans ce dialogue de cultures et de civilisations… dont le président Jacques Chirac est fou amoureux… et dont le musée porte désormais son nom, un signe d’un grand honneur…

Ce n’est pas fini

Pour ceux qui veulent toujours y aller, des expositions vous y attendent.

Jusqu’au 9 octobre 2016 : – Jacques Chirac ou dialogue des cultures

– Homme blanc, Homme noir : les représentations de l’Occident dans l’art africain du 20ème siècle

Du 4 octobre au 15 janvier 2017 : The color line, les artistes africains-américains et la ségrégation

Du 22 novembre au 29 janvier 2017 : Plumes, Vision de l’Amérique

Du 22 novembre au 2 avril 2017 : Eclectique, Une collection du 21ème siècle

Du 22 novembre au 2 avril 2017 : Du Jourdain au Congo, Art et Christianisme en Afrique centrale

Du 31 janvier 2017 au 19 novembre 2017 : L’Afrique des routes

Du 28 mars 2017 au 23 juillet 2017 : Picasso Primitif

Du 23 mai 2017 au 8 octobre 2017 : La pierre magique des Maoris

Afrique : l’heure de la justice a-t-elle sonné ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

L’heure de la justice, en Afrique, contre les crimes impunis, a-t-elle sonné ? Les deux procès qui viennent de s’y dérouler semblent l’indiquer. Le 30 mai, à Dakar, au Sénégal, c’est Hissène Habré, l’ancien président du Tchad, qui était devant les juges, tandis que le 31 mai, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, ce fut le tour de Simone, l’épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo. Lui-même retenu à la Cour pénale internationale (CPI), à la Haye, aux Pays-Bas.
Lire la suite

Tchad : élection présidentielle sur fond de répression généralisée de la société civile

[Par Makaila NGUEBLA]

Au Tchad, l’élection présidentielle est prévue pour le 10 avril 2016. Cette élection intervient dans un contexte politique, économique et social délétère marqué par des arrestations des responsables de la société civile et mouvements citoyens opposés à un 5ème mandat d’Idriss Deby.

Le 10 avril 2016, aura lieu au Tchad, l’élection présidentielle à laquelle prennent part 13 candidats dont le président sortant Idriss Deby au pouvoir depuis 1990.

Les Tchadiens sont conviés aux urnes le 10 avril prochain en faveur des candidats à l’élection présidentielle dans un climat politique, économique et social tendu.

Il convient de souligner que depuis 2015, le Tchad vit dans un climat politique difficile né du processus électoral  contesté par l’opposition tchadienne qui soupçonne la Commission  Électorale Nationale Indépendante (CENI), organe en charge d’organiser l’élection présidentielle de jouer le jeu du Mouvement Patriotique du Salut (MPS). Les partis d’opposition au Tchad, ont dénoncé le manque de transparence  au sein de la CENI  au sujet du fichier électoral jugé peu fiable. Ils ont reproché au CENI d’avoir enrôlé des réfugiés soudanais et centrafricains vivant au Tchad en leur donnant des cartes d’électeurs pour voter en faveur du Président Idriss Deby.

À ce différend politique s’ajoute la crise économique et sociale qui s’aggrave dans le pays. Les travailleurs tchadiens réclament de l’État plusieurs mois des salaires restés impayés face à une cherté de vie galopante dans le pays.

(Source : Makaila Nguebla)

(Source : Makaila Nguebla)

Devant cette situation de plus en plus intenable, l’Union des Syndicats du Tchad (UST) et des organisations de la société civile se sont structurés  en mouvements citoyens appelés « ça suffit », « Trop c’est Trop » et « IYINA » en arabe tchadien signifiant « on est fatigué » pour contester  la candidature à un 5ème mandant d’Idriss Deby.

Ces mouvements citoyens reprochent au Président Idriss Deby, sa longévité au pouvoir, la mal gouvernance politique, économique et sociale des ressources du pays et la confiscation des libertés et le non-respect des droits humains.

C’est dans ce climat que l’opposition et les organisations de la société civile ont organisé des marches et des manifestations qui ont été systématiquement interdites ou violemment réprimées. Plusieurs leaders sont arrêtés arbitrairement et condamnés à six mois d’emprisonnement.

(Source : Makaila Nguebla)

(Source : Makaila Nguebla)

Au niveau international, les organisations internationales de défense des droits humains ont dénoncé les arrestations des responsables des mouvements de contestation et appelé à leur libération.

La France reste aphone face à la tension politique et sociale actuelle en cours au Tchad. Elle considère que le Président tchadien, Idriss Deby est allié précieux dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, ce qui fait dire certains observateurs que Paris reste dans une logique de compromission avec le régime tchadien.

Quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle du 10 avril (bien qu’elle soit sans douté déjà jouée), Idriss Deby aura encore moins de légitimité aux yeux de son peuple.

Afrique du Sud : la vision de Mandela trahie

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

De la prison à la présidence. Telle a été l’apothéose du parcours politique de Nelson Mandela. Mais tout autant saisissant était cet espoir qu’il avait suscité de faire de l’Afrique du Sud une nation « arc-en-ciel ». Formule qui s’autorisait le rêve de voir cohabiter en harmonie les différentes communautés locales (Blancs, Noirs, Indiens, métis).

En clair, il s’agissait de maîtriser l’art du compromis entre les affres que nourrissaient les Blancs sud-africains, à la fin de l’apartheid (régime basé sur la ségrégation raciale), et les ardeurs des Noirs qui voulaient, à tout-va, vite jouir des effets de leur victoire.

L’homme était-il à la hauteur de ses ambitions ? Et, qu’en reste-t-il, aujourd’hui, 17 ans après son départ du pouvoir ?

Quand Mandela accède au pouvoir, en 1994, l’Afrique du Sud est partagée entre ravissement et sentiment de doute. L’apartheid était bel et bien aboli, mais on avait du mal à imaginer la notion de « paix des braves » faire naturellement carrière entre Blancs Sud-Africains (anciens dominateurs) et Noirs autochtones (anciens dominés). Tant ce mode de renversement des rapports de force ne rime qu’avec avec la violence.

(Source : IGEO TV)

(Source : IGEO TV)

Tel a été le cas, au Zimbabwe, au début des années 2000. Les Noirs avaient chassé 4 000 Blancs de leurs fermes, non sans effusion de sang, se disant être en bon droit de réclamer leurs « biens spoliés ».

En Afrique du Sud, par contre, Mandela a réussi à endiguer cette dérive va-t-en-guerre, alors que les crispations étaient au zénith. Aux uns, il a garanti l’application des accords signés en 1991 (Seven closes), assurant protection des Blancs, en tant que minorité ; aux autres, il est simplement parvenu à se faire écouter comme « chef et père ». A l’africaine

Absence d’un contrat social

Ainsi commença à se forger, lentement, mais sûrement, une nation « arc-en-ciel », à la recherche de l’unité. Avec, au départ, en 1995, cette image symbolique, forte, qui marquera toute la vie politique de l’ancien prisonnier : Mandela en maillot des Springbok, équipe sud-africaine « blanche » de rugby, considérée comme un des emblèmes de l’apartheid ! C’était, en Afrique du Sud, à l’occasion de la coupe du monde de rugby. Ce jour-là, dit-on, tous les mythes s’étaient écroulés !

L’après-Mandela est à situer sur un autre versant. Plutôt, celui de clivages réactivés ou imposés par le fait d’une direction politique dénuée de toute conscience nationale. Ainsi, « le pays est passé de l’apartheid racial à l’apartheid social », déplore Songezo Zib, journaliste sud-africain (*). Avec pour conséquence directe, la division dans les rangs de la communauté noire. Désormais clivée, celle-ci n’est plus un bloc monolithique. L’élite, qui roule sur l’or, se démarque clairement de la classe ouvrière. Qui broie du noir.

Les grèves à répétition dans le secteur minier – moteur de l’économie sud-africaine -, accompagnées de violence, en disent long sur l’absence d’un contrat social acceptable par tous dans ses grandes lignes.

(Source : AFP)

(Source : AFP)

Si la communauté blanche n’a pas éclaté, elle n’est pas moins bousculée par les effets néfastes de la mauvaise gouvernance du pays, qui fait que les Blancs riches sont devenus pauvres. Et les pauvres plus pauvres, au point de faire la manche. Ce qui a le don de renforcer, chez la plupart d’entre eux, l’idée de créer une « République libre ». Ce n’est pas une simple vue de l’esprit. Ils s’y préparent, militairement.

      L’Afrique du Sud se délite. A l’œil nu. Où est donc passé le grand rêve de Mandela ?

——————–

(*) SONGEZO Zib, Courrier International, n° 1 140

Affaire de l’avion présidentiel au Cameroun : la condamnation d’Atangana Mebara innocente Marafa

[Par René Dassié]

C’est un principe universel du droit pénal. Pour que deux personnes soient condamnées dans la même affaire, il faut qu’elles aient été, dans l’infraction justifiant les poursuites, coauteurs ou complices. En plus clair, dans la coaction, le coauteur commet l’infraction avec l’auteur, tandis que dans la complicité, le complice participe à l’infraction commise par l’auteur.

Appliqué à l’achat manqué il y a près de seize ans, de l’avion présidentiel de Paul Biya, ce principe signifie que les deux anciens secrétaires généraux de la présidence camerounaise, Marafa Hamidou Yaya et Jean-Marie Atangana Mebara, tous deux accusés d’avoir détourné l’argent alloué à l’achat de cet aéronef ne peuvent pas à bon droit être condamnés dans la même affaire. Et que la condamnation devenue définitive du second met automatiquement hors de cause le premier à qui il a succédé au Secrétariat général de la présidence camerounaise.

Le 6 janvier dernier, la Cour Suprême du Cameroun statuant en dernier ressort a en effet rejeté le pourvoi formé par M. Atangana Mebara contre sa condamnation à 15 ans de prison par la Cour d’Appel de Yaoundé, il y a un peu plus de trois ans pour tentative de détournement de deniers publics en coaction de la somme de 31 millions de dollars destinés à l’achat de l’avion présidentiel.

 

(Source : cameroon web news)

(Source : cameroon web news

Des faits que ce haut commis d’État de 62 ans « et dont la Commission des droits de l’homme de l’Union africaine exige la libération » a toujours nié. Un remaniement opportun au sein de la haute juridiction camerounaise avait même plusieurs mois avant l’audience de janvier 2016 permis d’écarter de la Cour Suprême de Yaoundé tous les magistrats « présumés » hostiles à la confirmation de sa condamnation, dont le rapporteur, Jean-Jacques Bikoue, renvoyé au ministère de la justice. Celui-ci avait requis l’annulation de sa peine.

Il n’en demeure pas moins qu’en toute logique, la condamnation du Ministre Atangana Mebara confirme l’innocence de Marafa Hamidou Yaya. Le 22 septembre 2012, au terme d’une audience marathon de plus de 18 heures, celui-ci avait été condamné à 25 ans de prison pour « complicité intellectuelle » de détournement de 29 millions de dollars débloqués en 2001 pour l’achat manqué de l’avion de Paul Biya.

C’est la tentative de détournement présumé d’une somme de 31 millions de dollars dont fait partie ces mêmes 29 millions de dollars qui ont servi de base à la condamnation de M. Atangana Mebara.

 

(Source : étudiant-ados)

(Source : étudiant-ados)

A noter que l’ordonnateur des dépenses, l’ancien ministre des finances, Michel Meva’a Meboutou, un proche du président camerounais qui avait reconnu devant le tribunal avoir débloqué l’argent pour le transférer à un négociant chargé d’acheter l’avion n’a jamais été inquiété. Il a en outre affirmé n’avoir jamais reçu quelque instruction que ce soit à cet effet « de la part de Marafa », qui de toute façon n’était pas son supérieur hiérarchique.

Au moment où M. Atangana Mebara prend en main la gestion administrative de l’achat de l’avion problématique, Marafa Hamidou Yaya n’en est plus du tout en charge, puisqu’il lui a cédé son poste auprès du président Paul Biya pour devenir ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, en 2002.

Comment les deux hommes auraient-ils pu, à des périodes différentes, gérer ou détourner les mêmes fonds ? Par quelle opération miraculeuse auraient-ils pu contracter le temps, pour se retrouver à la même époque, au même poste, et commettre les mêmes méfaits?

« Mon successeur au Secrétariat général de la présidence a été condamné pour avoir détourné la somme que je suis censé avoir dérobée », ironisait d’ailleurs M. Marafa, dans une interview publiée en janvier 2013 dans Slate Afrique.

Depuis des années dans cette affaire, la justice camerounaise s’emmêle les pédales. Si elle suivait la logique de la justice internationale, elle n’évoquerait même plus l’affaire de l’achat manqué de l’avion de Paul Biya. En 2006, le gouvernement de Yaoundé avait saisi le tribunal arbitral de l’État d’Oregon aux États-Unis.

 

(Source : Camerpost)

(Source : Camerpost)

Celui-ci avait rendu une sentence arbitrale laquelle condamnait le négociant dans l’achat de l’avion, le groupe GIA International, à remettre à l’État camerounais un Boeing 767-300 et 800 000 dollars de dommages-intérêts. Cette sentence arbitrale acceptée par toutes les parties précisait du reste qu’aucune des personnes impliquées dans le dossier ne ferait plus l’objet de poursuites.

Lors d’une conférence de presse tenue à Yaoundé en 2014, l’avocat commis par l’État du Cameroun pour le représenter auprès du tribunal arbitral de l’Oregon, le Bâtonnier Akere Muna, avait indiqué que l’avion en question avait bien été réceptionné par son client. D’où la position de la communauté internationale, qui a reconnu Marafa Hamidou Yaya prisonnier politique.

Depuis trois ans, l’ancien ministre figure dans les rapports annuels du Département d’État américain dans la rubrique des prisonniers politiques. L’année dernière, l’Internationale Socialiste, la plus grande organisation des partis socialistes et socio-démocrates du monde a pris une résolution exigeant sa libération.

Au Cameroun, la Cour Suprême qui de par la loi est tenu d’examiner son pourvoi en cassation dans un délai de six mois accuse un retard de trois ans pour ce faire, et même ses problèmes récurrents de santé n’ont pas fait fléchir le pouvoir de Yaoundé

2000-2015 : quels résultats du programme de l’Onu pour le progrès de l’Afrique ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le contient africain, on le sait, est ravagé par plusieurs fléaux. La pauvreté, les maladies endémiques, l’analphabétisme et les guerres récurrentes sont parmi les plus dévastateurs. Au début des années 2000, l’Onu a mis en place un programme pour les pays du Sud, avec vocation d’améliorer le sort « des plus défavorisés de la planète ». Il s’agissait des 8 « Objectifs du millénaire pour le développement » (OMD). L’année 2015 a été retenu comme date buttoir. Qu’en est-il, aujourd’hui, de l’Afrique ?

Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) [source : un.org]

Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)
[source : un.org]


 

L’Onu a également initié, en septembre 2015 – faisant donc de cette période une année charnière -, un second programme, portant sur 17 « Objectifs de développement durable » (ODD), adopté comme le premier par tous ses 193 pays membres. Universel, celui-là, et plus ambitieux, car alignant aussi l’environnement, il va jusqu’à toucher les aspects liés à la paix, à la justice et à l’efficacité des institutions. Son échéance est fixée à l’horizon 2030. L’Afrique des dictatures s’y retrouve dans les premières loges.

Si le bilan de ce premier faisceau d’objectifs (OMD) n’est pas totalement positif, il a au moins le mérite de montrer que le mal n’est pas une fatalité. On cite en exemple la pauvreté (quand on vit avec moins de 1,25 $ par jour, seuil défini par la Banque mondiale), les statistiques prouvent que pour chaque espace de trois ans, le continent connaît une diminution de 9 millions de pauvres. Ce standard est tiré des calculs effectués entre 2005-2008 : de 395 millions de faméliques, ce chiffre est tombé à 386 millions.

(source : oeildafrique.com)

(source : oeildafrique.com)

Un autre exemple qui inspire est à trouver dans le domaine de l’éducation. En 10 ans, entre 1999 et 2009 le nombre des enfants non scolarisés a diminué de 13 millions, passant de 43 millions à 30 millions. On épingle le même « progrès relatif » dans quasi tous les autres Objectifs. Sauf dans l’univers de la mortalité infantile (avant 5 ans), où le nombre s’est sensiblement élevé, entre 2002-2014, à 174 morts sur 1 000 naissances. Comparativement, ce chiffre a baissé, un peu partout, de 90 à 43 décès sur 1 000 naissances.

Ce que, globalement, l’Afrique n’est pas encore sortie de l’auberge. Mais, pourquoi cette inhibition et comment en venir à bout ?

De but en blanc, on relèvera des « motifs classiques », telle la question liée à l’insuffisance de financement, qui exige plusieurs dizaines de milliards d’euros, ou à la situation de certains Etats, qualifiés de pauvres, par exemple ; mais à s’obstiner dans les détails, on y découvre aussi le diable : le « syndrome de Peter Pan ». Autrement dit, cette maladie liée au refus de devenir adulte. Les Africains ne veulent pas grandir. De « grands enfants », aux yeux de l’Occident.

« ODD » est déjà entré en vigueur, après « OMD ». Jusqu’en 2030. Peu de dirigeants africains y pensent. Il y a en a même ceux qui vont jusqu’à en oublier l’existence. En attendant que le continent guérisse du complexe nuisible évoqué ci-dessus, à charge pour la communauté internationale de « boucher le trou ».

 

 

Electrification : Sunna Design et Lendosphère veulent électrifier 600 millions d’africains

[Par Emile Zola NDE TCHOUSSI]

Ces deux entreprises françaises lancent une opération de levée de fonds pour financer ce projet ambitieux de lampadaire solaire. L’annonce a été faite lors d’un petit-déjeuner de presse tenu vendredi 20 novembre à Paris.

_FLO2492_rPendant 90 minutes d’entretien avec la presse Thomas Samuel, le directeur général de Sunna design, s’est montré très convaincant et sûr de la réussite son projet. Il est parti d’un constat : « Aujourd’hui 600 millions [sur une population estimée à un milliard, Ndlr] de personnes vivent en Afrique sans accès à l’électricité. Pour permettre leur développement, leur accès à l’éducation, à la croissance économique et lutter contre l’exode rural, il est essentiel de leur procurer mieux qu’une lampe à kérosène. Le coût financier et écologique que représenterait leur raccordement au réseau électrique classique ne rend pas cette perspective possible ».

Pour remédier à cette situation, « une solution révolutionnaire » est donc proposée par deux entreprises, Sunna Design, installée près de Bordeaux et Lendophère, basée à Paris. La première citée amène la technologie innovante et la fabrication « Made in France », la deuxième apporte une solution de financement participatif, grâce à son expertise dans ce secteur d’activité : le crowdlending. Faut-il le rappeler, ces deux entreprises appartiennent au réseau Up Afrique, un groupement de 10 jeunes sociétés françaises persuadées que l’économie verte et les star-up (entreprises à fort potentiel de croissance et qui fait la plupart du temps l’objet de levées de fonds) peuvent dynamiser les liens humains et économiques entre la France et l’Afrique.

Le Nanogrid

_FLO3213_01Dans les faits, la solution proposée est un mini réseau électrique qui alimente quatre foyers à partir d’un lampadaire solaire. Complètement écologique et autonome, le Nanogrid (une box intelligente pour à la fois vous donner de la lumière et recharger votre iPhone) peut s’installer partout en quelques minutes. « Mieux, le Nanogrid est très fiable. Il ne demande qu’à être dépoussiéré, car il faut dix ans d’utilisation avant d’assurer sa maintenance ». Thomas Samuel explique également que les foyers qui y sont connectés bénéficient ensuite d’un service essentiel d’accès à l’énergie, pour éclairer l’intérieur des maisons et recharger de petits équipements électroniques comme les téléphones mobiles ou les radios. Les personnes intéressées par ce type de lampadaire solaire prépayent le service grâce à leur réseau téléphone mobile, « une utilisation très répandue en Afrique ».

De l’avis des promoteurs, ils ont, lors business plan, tenu compte du pouvoir d’achat des africains : « Il faut 100 000 euros (environ 65 500 000 Fcfa) pour équiper 500 foyers. Le coût d’installation des box par foyer s’élève à 200 euros (environ 130 000 Fcfa). Mais chaque foyer ne pourra débourser que 20 centimes d’euros (130 F Cfa) par jour, soit environ 4000 F cfa par mois. Mieux, ils auront trois ans pour payer ». Avec cette formule, les lampadaires solaires « Sunna Design » sont largement à la portée des familles africaines, même les plus modestes.

Frais de fabrication

IMG_0945A travers les images projetées lors du point de presse, l’on a pu se rendre compte que certains villages de la région de la Casamance au Sénégal sont déjà sortis de l’obscurité,avec ces lampadaires solaires modèles Sunna Design. Au Bénin, grâce à l’entreprise partenaire, Ecolabs, de Charles Agueh, les études pour l’implantation de cet ambitieux projet sont en phase de finalisation. En Afrique de l’Est et Centrale, et notamment au Cameroun, nos partenaires sont encore en phase de sensibilisation : « Il faut que les populations africaines démunies, en manque d’électricité, comprennent bien ce concept. Une fois qu’ils se seront connectés à notre réseau, ces populations comprendront qu’il est moins coûteux et écologiquement plus viable », précise un autre intervenant.

Pour satisfaire ces besoins, il ne manque donc que l’avance des frais de fabrication des lampadaires dans l’usine girondine. Pour y parvenir, Sunna Design compte sur un nouvel outil de financement d’avenir : le crowdlending. Au lieu de faire des dons, les particuliers prêtent à Sunna Design l’argent nécessaire à la fabrication des équipements, via le site www.lendosphère.com. Cet investissement leur est ensuite remboursé par Sunna Design, avec un taux d’intérêt annuel de 6% brut.

A l’image de Jean-Louis Borloo dont la Fondation Energies pour l’Afrique veut électrifier l’Afrique en 10 ans, le brillant Thomas Samuel a aussi rappelé que l’électrification de l’Afrique est aussi pour la France un nouveau marché en perspective. Un discours de mobilisation que ce jeune chef d’entreprise et ses principaux collaborateurs continueront à faire passer pendant la Conférence de Paris sur le climat du 30 novembre au 11 décembre 2015.