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Les lampions se sont éteints sur le festival de Douarnenez

[Par nos envoyés spéciaux à Douarnenez Larbi GRAÏNE (rédacteur) et Muzaffar SALMAN (photographe)]

Crédit photo : Muzaffar Salman

Crédit photo : Muzaffar Salman



Ouvert le 22 août dernier, la 37e édition du festival de cinéma de Douarnenez, a clos ses portes très tard dans la soirée de samedi avec au programme des danses du pays invité : l’Indonésie. Des pièces chorégraphiques contemporaines hautes en couleurs ont été interprétées à cette occasion par le duo Becak, lequel a développé des sonorités liées au banjo et à des percussions traditionnelles inspirées de Java, Bali et Sumatra. Exécuté avec brio, ce jeu chorégraphique dont on a savouré la maîtrise polyphonique qui n’a d’égale que la prestance des danseurs, a cédé ensuite la place à l’artiste leste timorais Ego Lemos, qui, a chanté à la Bob Dylan des morceaux savoureux en tetum et en anglais évoquant des chevauchées à travers un pays altier et rugueux. Interdit dans son pays, la Papouasie occidentale, le groupe Mambesak a succédé ensuite sur scène en interprétant des chants d’espoir et de liberté qui ont appâté un public venu nombreux. Le clou de la soirée fut la remise par le Kanak Hiandjing Pagou Benehote de la sculpture scellant l’amitié entre les peuples. Un moment d’intenses et sublimes émotions mêlées de joie et de bonheur dans une soirée inoubliable !

Notons que la prochaine édition du festival sera dédiée aux peuples des Andes de l’Amérique du Sud.

[Crédit photo de Muzaffar SALMAN]

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Douarnenez : Quand la réflexion se conjugue avec l’ambiance festive

Par nos envoyés spéciaux à Douarnenez : Larbi GRAÏNE (redacteur) et Muzaffar SALMAN (photographe)

Ce compte rendu est la réunion de plusieurs articles parus dans Kezako, le journal du festival de cinéma de Douarnenez (auquel nous contribuons). Le festival se poursuit jusqu’au 30 août, avec à l’affiche des centaines de films, des expositions, des concerts et des conférences.
Une équipe de journalistes bénévoles, venue d’un peu partout, s’attelle quotidiennement à alimenter les colonnes de Kezako. Lequel Kezako est la transposition phonétique de « qu’est-ce qui », dit en occitan « qu’es aquo ». Pour faire breton, on a donc choisi d’utiliser les K et les Z à la place des QU et des S.

Film en langue bretonne

Crédit photo : Muzaffar Salman

Une première en France ! Producteurs, diffuseurs et porteurs de projets audiovisuels se réunissent autour de la même table pour coordonner leurs efforts à l’effet d’impulser une nouvelle dynamique à la production cinématographique en langue bretonne. Une Pitch dating (une sorte d’oral permettant d’exposer en 5 minutes la trame d’une fiction) a été organisée ce mercredi 27 août à l’Hôtel de France par Daoulagad, une association pour la promotion et la diffusion de l’audiovisuel en Bretagne. En tout, une quarantaine entre porteurs de projets, et producteurs dont des acteurs institutionnels tels que France 3, TVR, ont fait acte de présence . Le nombre de participants a surpris les organisateurs eux-mêmes. Elen Rubin a donné le ton en soulignant d’emblée qu’ « il y a des difficultés à faire passer les projets par les régions » lors même a-t-elle fait constater qu’on enregistre « un manque de films bretons ». Autant qu’il nous a été donné d’en juger par les premières interventions, n’ayant pu assister à l’ensemble des débats, ce sont les porteurs de projets d’un certain âge qui ont proposé des fictions cinéma centrées sur l’identité bretonne et essayé de remuer dans l’entrelacs périlleux du nationalisme français. Les porteurs plus jeunes, ont plutôt le regard préoccupé par les enjeux plus intimistes du moi en butte à une investigation introspective soucieuse de reconstituer le puzzle d’un ego éclaté. A l’égard de la langue bretonne, on y a exprimé une certaine appréhension. Telle personne se demande si l’humour pourrait être rendu par cette langue et comment le porteur du projet concerné pourrait-il s’y prendre ? Aurait-il l’intention de produire l’effet comique en puisant dans les ressorts linguistiques de la langue ou en montant des « gags visuels » ? Un autre participant fait état de son indécision : en confessant n’avoir pas encore tranché s’il devait produire un film entièrement en breton ou un film bilingue, où le français peut être utilisé dans certaines situations. Il se voit du reste conseillé par une dame qui lui lance: « tournez en breton quand il s’agit de scènes chargées de fantasmes et en français lorsque il s’agira de scènes reflétant le réel ». Toujours est-il qu’il y a eu des propositions de films aussi intéressantes les unes que les autres , comme celle de ce monsieur qui aspire à réaliser un long métrage de fiction dont la toile de fond est l’histoire relatant la mise en place au cours du XVIIIe siècle du premier établissement de soins en Bretagne tenu par des sages-femmes. Si ce film venait à être réalisé, il sera à coup sûr le premier de son genre, mais sa concrétisation nécessite un travail « fort » sur la langue ainsi que sur le jeu des comédiens, explique ce scénariste qui n’a pas hésité à dire tout le bien qu’il pense des producteurs. Autre thème abordé : la rupture avec le monde rural. C’est une dame qui fait la proposition de réaliser une fiction centrée sur les années 1970 qui relate l’histoire d’un adolescent tiraillé entre ses devoirs de jeune paysan breton et son ambition de s’arracher par l’étude (via l’école) à sa condition de personne liée au monde rural.

Métier Traducteur / LSF, une remarquable percée

Crédit photo : Muzaffar SalmanLes sourds sont l’un des publics les plus à l’écoute du festival de cinéma de Douarnenez. Ils constitueraient le un quart des visiteurs qui y font le déplacement. Le festival mobilise chaque jour 15 sur 18 interprètes et traducteurs en langue des signes (LSF) s’offrant ainsi le moyen d’accorder à tour de rôle un moment de répit à chaque membre de l’équipe. Chaque jour ces médiateurs d’un autre genre se relayent pour traduire le français vers la langue des signes. Ils interviennent dans les débats, les palabres, ainsi que dans les commentaires qui suivent la projection des films.

« Les sourds viennent de toute la France, en proportion impressionnante par rapport au reste du public » fait observer Blandine A, jeune traductrice LSF rencontrée au chapiteau où les interprètes prennent leur quartier. « C’est le plaisir de discuter à plusieurs et de profiter de l’événement qui fait massivement ramener cette catégorie de gens » fait-on observer. Bien que le festival compte dans ses rangs un interprète avec des cheveux blancs, ce qui est frappant chez les LSF, c’est leur jeune âge. « C’est un métier assez récent » explique notre interlocutrice. Son collègue Jérôme acquiesce. Tous ont un bac + 5, le diplôme est reconnu depuis très peu. Tous les deux tirent le constat que l’écrit fonctionne chez les sourds comme « une langue étrangère ». Le système éducatif français estiment-ils n’est pas adapté à la situation d’handicap auditif. S’il peut exister en France des établissements spécialisés, leur rareté a fait que la majorité des sourds est passée par les écoles dépourvues d’un enseignement adapté, c’est pourquoi elle ne possède pas la maîtrise des textes. Jérôme évoque l’utopie en abordant la probabilité de voir un jour les citoyens toutes catégories confondues, apprendre la langue des signes. Toujours est-il que l’idée qui a été retenue par les LSF pour ce festival est de faire la lecture du Cri de la mouette, un roman d’Emmanuelle Laborit (Robert Laffont, 1994), histoire d’attirer l’attention sur l’urgence de faciliter aux sourds l’accès à la lecture. Cette lecture triadique va consister à faire lire par quelqu’un et ce, à haute voix des extraits du roman que quelqu’un d’autre va se charger de traduire en langage des signes, ce qui est de nature à permettre aux sourds de visualiser la graphie française. Tout n’est pas noir dans le monde des sourds, puisque des journalistes sourds ont désormais voix au chapitre.

Les bénévoles à l’affût

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Quelque 270 bénévoles font tourner cette grosse machine qu’est le festival de cinéma de Douarnenez. A elle seule la cuisine mobilise environ 126 d’entre eux qui chaque jour dégagent une équipe de 14 éléments qui vont préparer les deux repas de la journée, laver les assiettes et préparer les couverts. A l’heure des repas qu’il pleuve ou qu’il vente, il y a toujours une longue file qui se forme sur la place. Une réputation bio colle à la peau de cet antre de la restauration qui, quand bien même il est éphémère, sert des plats aussi délicieux que recherchés. On a fait venir du reste des épices d’un peu partout et notamment d’Indonésie pour concocter des plats de ce pays invité du festival. Les festivaliers se sont avérés de fins gourmets n’hésitant pas à consacrer une partie de leur temps à palabrer autour de tables bien garnies. Mitoyen à la cuisine, le coin bar où l’on sert du vin et de la bière, attire également son lot de monde. «C’est convivial, le plaisir réside dans le partage des délices entre amis » observe Florence qui vient de Marseille. Souvent on voit les invités -animateurs, se mêler à la masse du public attablé. Pour la journée d’aujourd’hui la cuisine s’est mise à la mode végétarienne, et ce, à l’occasion de la venue d’une nouvelle équipe conduite par MM, cuisinière en chef. Celle-ci s’est attelée à préparer des gâteaux-sandwichs à la scandinave où toute chair animale est bannie. « J’ai testé tous mes plats, c’est sur la base de mon expérience que je les ai choisis » explique-t-elle. Les bénévoles se recrutent parmi les hommes et les femmes de tous les âges. Nikol, 73 ans, un tantinet espiègle, a été arrachée à ses vacances, mais elle a gagné au change : « je suis bien dans mon élément, je suis contente de me retrouver dans cette ambiance » lance-t-elle avec un sourire. Elle est chargée de « superposer du pain de mie et des petits légumes y compris des avocats avec pleins de fines herbes et de coriandre ». Quant à Timothée, 25 ans, il a appris le métier dans un restaurant biologique. Il est « séduit par l’organisation de la cuisine et les rencontres » qu’il a faites.

Muzaffar Salman raconte Dourmanez : le 5ème jour du Festival

[Photos de notre envoyé spécial à Douarnenez, Muzaffar SALMAN]
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Festival de Cinéma de Douarnenez, ce mardi en photos

[Crédit photo de notre envoyé spécial à Douarnenez, Muzaffar SALMAN]

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Douarnenez, troisieme jour : les images de Muzaffar Salman

[Photo de notre envoyé spécial à Douarnenez, Muzaffar SALMAN]

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Photo crédit : Muzaffar Salman

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Photo crédit : Muzaffar Salman

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Festival de cinéma de Douarnenez : Focus sur les peuples

Par nos envoyés spéciaux à Douarnenez : Larbi GRAÏNE (redacteur) et Muzaffar SALMAN (photographe)

Ce compte rendu est la réunion de plusieurs articles parus dans Kezako, le journal du festival de cinéma de Douarnenez (auquel nous contribuons). Le festival se poursuit jusqu’au 30 août, avec à l’affiche des centaines de films, des expositions, des concerts et des conférences.
Une équipe de journalistes bénévoles, venue d’un peu partout, s’attelle quotidiennement à alimenter les colonnes de Kezako. Lequel Kezako est la transposition phonétique de « qu’est-ce qui », dit en occitan « qu’es aquo ». Pour faire breton, on a donc choisi d’utiliser les K et les Z à la place des QU et des S.

 

Hiandjing Pagou Banehote, sculpteur kanak

Hiandjing Pagou Banehote [Photo crédit : Muzaffar Salman]

Hiandjing Pagou Banehote [Photo crédit : Muzaffar Salman]

 Il a la sculpture « dans le sang » et il croit au pouvoir des sorciers. Il s’est réveillé un jour alors qu’il avait 35 ans et a commencé à sculpter du bois sans avoir été jamais à l’école. Son père lui avait dit que « si tu es un héritier de cet art, tu n’as pas besoin d’apprendre », C’est que la sculpture dans la société canak relevait jusqu’à une époque récente plus du symbolique et du communicatif que de la marchandisation qu’on lui connaît aujourd’hui. Hiandjing Pagou Banehote, 50 ans a débarqué à Douarnenez avec dans ses bagages une sculpture sur bois « pour sceller les liens d’amitié entre les êtres humains de l’hémisphère sud et de l’hémisphère nord ». Demain, du reste, à 14 h 30, la salle de l’Auditorium où est attendue une délégation de kanak, verra la projection de La Tête d’Ataï, un film réalisé en Nouvelle Calédonie par Mehdi Lallaoui. Hiandjing parle de sa société avec passion. On y lit de la fougue dans ses yeux étincelants. S’il s’affirme « indépendantiste », il prévient néanmoins qu’on ne peut y parvenir sans « être soi-même indépendant ». Pour lui il y a trop d’injustices en Nouvelle-Calédonie. Il s’en prend aux Caldoches (Calédoniens blancs) descendants de bagnards, composant aujourd’hui la classe dominante. « Si il ne se passe rien, s’il n’y a pas de guerre chez nous, c’est grâce au code coutumier qui est bien ancré dans la société et au fait que le respect des anciens est encore opérant » fait-il valoir. Le clan représente pour Hiandjing Pagou Banehote un repère identitaire fort. A ses dires, il a vécu dans une société aussi bien matriarcale que patriarcale. Sa grand-mère avait de la poigne et commandait à la tribu. Un proverbe kanak énonce « sans la femme, il n’y a pas d’homme ». Dans la coutume, il revient à l’homme de prendre la parole mais c’est la femme qui analyse ensuite et c’est elle qui, à la maison, propose les solutions aux problèmes. Tout dans les propos de notre Kanak, se réfère à la cosmogonie locale. Il est impossible qu’un autre ressortissant puisse avoir le même prénom que le sien. Car le système de pré-nomination est établi sur la base d’un lexique animalier couplé à une « signalisation » territoriale qui permet de renouveler les prénoms sans risque de les voir se répéter. Hiandjing Pagou Banehote signifie « la maison du petit poisson de l’ancien guerrier ». Tout un programme.

 

De l’intersexe avec Ins A Kromminga

Un intersexe [Photo crédit : Muzaffar Salman]

Un intersexe [Photo crédit : Muzaffar Salman]

 L’intersexe s’invite à la galerie Miettes de baleine sous forme d’une exposition de dessins qui « peuvent s’assembler comme dans une bande dessinée, imbriqués les uns dans les autres » selon Ins A Kromminga, l’auteur de cette manifestation, un Allemand de 44 ans, intersexe et graphiste de son état,qui de sa haute stature regarde ses œuvres après les avoir disposé de façon à ce qu’elles soient vues en même temps dans leur ensemble et dans le détail selon qu’on s’approche ou on s’éloigne du mur sur lequel elles sont collées. De ces dessins sourd une colère, une révolte, plutôt contre la médecine. Les titres sont révélateurs : « Girl-monster or boy monster », « Medical Porno » , « Prader » qui épingle la corporation des docteurs et des toubibs, dont on souligne pour la première fois les accointances avec la société dans laquelle elle évolue. Pour Ins Kromminga « la médecine ne devrait pas trouver des solutions pour les personnes intersexe », soutenant que c’est là le rôle de la société. Les dessins de Kromminga donnent à voir du reste les organes génitaux qui interrogent les opérations chirurgicales comme pour en souligner le ridicule. Tantôt la médecine intervient pour raffermir un sexe mâle, tantôt pour étouffer dans l’œuf un soupçon de féminité « tout dépend de la largeur du pénis » ironise Kromminga. « Il ne faut pas nous confondre avec les androgynes. L’androgynie relève de l’apparence et non de l’être » analyse-t-il. L’intersexe est un état dont on hérite dès la naissance. Je milite pour qu’on sois reconnus pour ce que nous sommes. Et Kromminga de déplorer « c’est en fait notre existence en tant qu’être humain qui est remise en cause ». Que pense-t-il du mariage gay ? Un haussement d’épaules s’ensuit, de l’air de dire « ça ne concerne que les gays ». D’après lui « avec les personnes intersexes « la question de marier qui avec qui ? » se pose. En Allemagne, on commence à aborder le dossier de l’intersexe mais ça bute sur la question de l’identité des uns ou des autres ». « c’est plus facile qu’on est gay, car le couple gay est censé être du même sexe » souligne-t-il. Pour lui, le problème des intersexes concerne l’ensemble du monde occidental et non seulement l’Allemagne. « Je suis un homme, je vis avec un autre homme qui a un vagin, grâce à mes papiers masculins j’ai fait un mariage gay mais officiellement et juridiquement, on n’existe pas en que tels . Notre sexe est indéfinissable nous ne sommes ni hommes ni femmes, nous sommes ce que nous sommes » explique un ami français de Kromminga.

 

Les Messagers de Hélène Crouzillat et Laetitia Tura

Si pour Paul Valéry, « toutes les guerres sont absurdes », celle que raconte les Messagers, film documentaire de Hélène Crouzillat et Laetitia Tura est tout simplement l’histoire d’une guerre innommable. C’est l’un des immigrants camerounais rescapé de la mort qui fait cette comparaison avec la guerre. Une sombre épopée aiguillonnée par un désir d’Europe qui fait traverser aux Subsahariens, déserts, monts et vaux. Beaucoup n’y arriveront jamais, ils sont avalés par la mer et peuvent avoir une sépulture si leur corps vient à être repêché. Le Maroc et l’Espagne se partagent les rôles. Le second refoule les candidats à l’émigration clandestine d’une manière « conforme aux normes internationales » du moins c’est ce que s’efforce de soutenir le représentant de la garde civile espagnole, tandis que le premier, peut tuer ceux ou celles qui n’ont pu se faufiler entre les mailles des barbelés. « Si on me refoule, je remonte jusqu’à ce que je rentre, qu’importe le temps que ça va prendre » lance avec défi un de ces migrants coincé au Maroc.

Les Messagers, film documentaire de Hélène Crouzillat et Laetitia Tura, produit par Marie-Odile Gazin, The Kingdom en association avec Périphérie, France, 2014, 70 mn.

Franc-tireur

Un poème de Rana ZEID.

Traduit de l’arabe au français par Dima Abdallah‏. 

Alep, Syria, 2012. © Muzaffar Salman‏

Alep, Syria, 2012. © Muzaffar Salman‏

Moi, Dieu et toi,

Deux oiseaux et un franc-tireur.

Le franc-tireur ne se rappelle rien de son passé,

La précipitation lui fait oublier ses plaisirs…

Ses poches sont lourdes de la douleur des balles,

Son doigt attend le départ rapide après le tir.

Vivrai-je assez pour que les feuilles de vigne bourgeonnent sur moi,

Si je ne meurs pas qui serai-je ?

Une danseuse de ballet,

Qui a jeté son cœur au puits,

Tel un récipient métallique

Puis l’a ressorti fissuré,

Que le monstre a trainé au puits

Et elle est devenue monstre comme lui.

Le franc-tireur a t-il oublié

Le sang à découvert sur mon épaule

Et la fraicheur de la paume d’un homme

Contemplant la mer

Dans son autre paume ?!

Moi, Dieu et toi

Deux oiseaux et un franc-tireur

Sans odeur de meurtre,

Il a sa sombre cave

Et le battement lent du cœur

Et pour nous tous les trous des arbres anciens.