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PORTRAIT. Nadiia Ivanova : fuir la guerre pour retrouver Paris, ville de la paix

Nadiia Ivanova, Ukrainienne au carré long et impeccable, possède un sourire empreint de gentillesse. Née en avril 1981 en Crimée, Nadiia Ivanova est une femme pugnace et souriante, détentrice de trois masters : l’un en économie après un cursus à l’Université des ressources naturelles de Crimée, le second en journalisme et le troisième en marketing. Réfugiée à Paris et accompagnée par la Maison des Journalistes depuis mars, la brune a confié son parcours à l’Œil de la MDJ. Portrait d’une voix ukrainienne inépuisable.

Tout commence en 1998 pour Nadiia Ivanova, lorsqu’elle prend les commandes d’une radio de divertissement en Crimée, en tant que rédactrice cheffe de la rubrique informations. La femme grimpera les échelons au fil des années en même temps qu’elle obtiendra ses diplômes, avant de se rendre à Kiev pour poursuivre sa carrière et travailler pour une radio locale, en tant que cheffe de la rubrique musicale.

En 2015, Nadiia entre au service de Lux FM en tant que journaliste info, un tournant significatif pour sa carrière. Dès 2018, la journaliste radio devient une professeure des arts oratoires de l’école de Journalisme Radio à Kiev, un métier qui la passionne encore aujourd’hui.

Véritable voix des Ukrainiens, Nadiia incarne deux ans plus tard la voix officielle de l’application mobile des services publics Diia.gov.ua, utilisée par la population pour envoyer, signer et remplir des documents administratifs. La quarantenaire a conduit plus de 500 interviews en live et possède une solide carrière de 20 ans en radio.

Une carrière interrompue par les bombardements

Mais en février 2022, Nadiia assiste impuissante aux premiers jours de la guerre, alors qu’elle représente l’une des journalistes radios les plus en vue de Lux FM. Celle-ci est obligée de fermer dès les premières heures des hostilités, coupant court à ses aspirations professionnelles.

Le sourire de Nadiia s’efface un peu à l’évocation des bombes, tandis que ses yeux roulent pour fouiller dans sa mémoire. Le second jour de la guerre l’a terriblement marquée : alors que Kiev est bombardée par la Russie, son appartement situé à l’ouest de la capitale échappe de peu à un obus, qui tombera sur le bâtiment à côté.

« C’était effrayant et très compliqué », assure-t-elle en déviant le regard. « Je dormais chez moi, le 24 février, lorsque les premières bombes sont tombées à cinq heures du matin. C’était la première fois que j’entendais ce son qui m’a fait réaliser que la guerre avait véritablement commencé. »

Nadiia Ivanova à son bureau

Depuis début février 2021, les Ukrainiens étaient prêts à la guerre, qu’on « pouvait sentir dans l’air. » Ils avaient préparé pour la majorité des sacs de secours en cas de fuite. « Lorsqu’un bombardement est annoncé à travers les sirènes de la ville, vous avez une quinzaine de minutes pour fuir », relate Nadiia sans attarder son regard trop longtemps. « Votre sac doit déjà être prêt avec quelques vêtements, de la nourriture, une trousse de secours et de l’eau. » Nadiia ne partira pas seule : un ami la rejoindra à son appartement, plus proche de la frontière que partagent la Pologne et l’Ukraine, pour qu’ils puissent se rendre en France ensemble.

Un véritable parcours du combattant. Les deux amis établissent leurs pénates d’abord dans un petit village à l’ouest du pays pour quelques jours, village qui fait face comme le reste du pays à des problèmes d’électricité, gaz et eau courante. « J’ai dû porter les mêmes habits pendant douze jours environ », affirme-t-elle de sa voix douce avec un demi-sourire gêné. « Nous étions tellement stressés avec les alertes à la bombe qu’on ne pouvait plus dormir ou manger correctement, nous ne pensions pas à nous changer au cas où il faudrait s’enfuir au plus vite. »

Vingt minutes d’antenne par jour pour Lux FM

Ils passent quelques jours en Allemagne avant de rejoindre la capitale française, que Nadiia a toujours portée dans son cœur et où d’autres amis vivent. Le traumatisme la suit jusqu’à Paris, où elle a eu les premiers mois l’impression d’entendre le sifflement mortel des bombes. Aujourd’hui encore, il est difficile pour elle de se dire qu’elle est finalement saine et sauve et que la guerre ne la poursuivra pas.

De son appartement, Nadiia n’a quasiment rien emporté : les vêtements qu’elle porte à Paris les premiers mois sont ceux de ses amis. Toujours en location, l’appartement est aujourd’hui utilisé par une de ses connaissances après son départ, qui lui a attesté du vol de plusieurs de ses affaires. « Je me suis énervée au début, avant de relativiser. En temps de guerre, ce vol est beaucoup plus compréhensible. »

Quant à la radio Lux FM, elle peut à nouveau émettre des émissions. Problème, la couverture électrique est terriblement chamboulée par les bombardements. De nombreux blackouts minent les journées des Ukrainiens, avec quelques minutes d’électricité par jour dans tout le pays. « Les drones iraniens ont détruits nos centrales électriques, les habitants doivent pouvoir cuisiner, se laver et laver leurs vêtements en l’espace d’une vingtaine de minutes seulement. A Lux FM, seulement deux journalistes sont revenus travailler et ne bénéficient que d’un temps d’antenne quotidien très court », explique-t-elle d’une voix ferme.

Paris, ville des Lumières et de la paix

Nadiia évoque la libération de la ville de Kherson comme « un jour marquant, comme si on entrait dans une période de vacances très spéciales. » Elle ne compte cependant pas retourner à Kiev et Lux FM car elle ne veut plus vivre seule comme auparavant dans son appartement. « J’ai trop sacrifié pour faire le chemin inverse, la guerre m’a trop effrayée. Je veux vivre à Paris, la ville des Lumières et en temps de paix. J’ai toujours été fascinée par la langue française et Paris. La capitale est comme mon amante, je comprends cette ville et ses habitants, je m’y retrouve bien. Je ne veux pas perdre ma gentillesse et vivre dans la haine », confie la journaliste avec un franc sourire.

Nadiia participera bientôt aux activités de la MDJ, notamment l’édition 2022 de Renvoyé Spécial, le programme de sensibilisation à la liberté d’expression et de la presse. Elle étudie aujourd’hui le français et les arts à la Sorbonne et ne compte pas retravailler dans l’économie, mais “devenir une personne utile à la société française” et lui rendre tout ce que le pays a su lui donner. « J’ai suivi un parcours économique pour faire plaisir à mes parents, mais je suis une personne artistique et là est ma voie. J’ai des projets que je veux développer en France concernant la culture artistique du pays, des projets avec l’Unesco » explique-t-elle, enveloppée dans un manteau à carreaux marron. « Cette ville m’a sauvé », conclut-elle en accrochant son regard dans le nôtre. Pour le prouver, son compte Instagram intitulé « elle murmure. »

Lorsqu’on lui demande pourquoi, Nadiia n’hésite pas à rire à l’évocation de ce bon souvenir. « Il y a 12 ou 15 ans, mon Instagram était mon blog, mon journal intime. Mon copain de l’époque parlait un peu français, et je trouvais la prononciation des mots « elle murmure » très élégante. Ce n’est qu’au bout de plusieurs années que j’ai appris la signification réelle de ces termes. En tant que journaliste radio et professeure de journalisme, tu « murmures » au micro lorsque tu prends ta voix de radio. C’est mon petit jeu de mots. » Un jeu de mots qu’elle partage avec Paris, à qui elle murmure ses projets et aspirations. Elle n’attend plus que la ville lui prête oreille.

Maud Baheng Daizey

Les journalistes de la MDJ aux assises de Tours et aux prix Bayeux

La Maison des journalistes (MDJ) a pris part à deux événements médiatiques majeurs : les assises du journalisme de Tours et le prix Bayeux. Au cours de ces deux rendez-vous annuels, les journalistes afghans résidents de la MDJ ont été particulièrement honorés.

Assises de Tours (4 et 8-10 octobre)

Darline Cothière, directrice de la MDJ, Najiba Noori, journaliste afghane résidente de la MDJ et Mariam Mana, journaliste afghane ancienne résidente de la MDJ ont participé à la table ronde “Solidarité Afghanistan : les Assises ont donné la parole aux journalistes afghans exilés” animée par Catherine MONET, rédactrice en chef à Reporters sans frontière.

Animé par Catherine MONET, rédactrice en chef à Reporters sans frontières avec Akbar Khan ARYOBWAL, fixeur et interprète des médias français ; Darline COTHIÈRE, directrice de la Maison des journalistes ; Ricardo GUTIERREZ, président de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) ; Mariam MANA, journaliste afghane réfugiée ; Najiba NOORI, journaliste afghane réfugiée ; Rateb NOORI, directeur vidéo du bureau de l’AFP à Kaboul ; Solène CHALVON, grand reporter, correspondante en Afghanistan ; Lotfullah NAJAFIZADA, directeur de Tolo News.

Darline Cothière est revenue sur la mission de la Maison des journalistes en rappelant que cette structure, unique au monde, a accueilli plus de 400 journalistes de 70 origines, en danger et arrivant en catastrophe pour fuir la répression.

“La Maison des journalistes est une sorte de baromètre de la répression dans le monde. En 2011, par exemple, nous avons eu un afflux de journalistes syriens. Maintenant nous sommes très sollicités par les journalistes afghans”, a déclaré Darline Cothière. Depuis le 15 août, la Maison des journalistes travaille étroitement avec ses partenaires pour (i) aider les journalistes afghans sur place et (ii) accueillir et installer dans de bonnes conditions ceux qui ont pu fuir. En effet, la MDJ a placé en priorité les journalistes afghans, tout en élargissant son dispositif d’hébergement limité à 14 chambres. “Nous avons besoin de les accueillir. Ils sont utiles à la France et au monde car, sans repères [qu’offrent le journalisme], on ne peut pas comprendre le monde dans lequel on vit”, explique Darline Cothière.

Crédit : Manuela Thonnel /EPJT

Arrivée en France en 2016, Mariam MANA fait partie de ces journalistes afghans ayant fui le pays bien avant la crise actuelle. Accueillie à la Maison des journalistes, elle est aujourd’hui heureuse de son intégration facilitée en grande partie par son passage à la MDJ. “C’est grâce à la MDJ que j’ai pu entrer en contact avec la communauté francophone. Cela m’a beaucoup aidé dans mon intégration en France. Car, il y a deux types d’exil : l’exil physique et l’exil linguistique. Ce dernier est encore plus dur”.

Arrivé en août dernier, Najiba Noori décrit la situation critique dans son pays bien avant la crise. « Avant le 15 août, les assassinats ciblés contre les journalistes ont augmenté, la violence s’est accrue, mais on continuait de travailler. Mais quand les talibans ont défilé devant chez moi, j’ai décidé de partir[1]. » Une décision difficile pour cette journaliste. “Quitter mon pays a été la décision la plus dure de toute ma vie. Tout ce que nous avons construit en tant que femme s’est effondré.” affirme émue Najiba Noori.

A retenir : “​​Il y a beaucoup d’axes d’aide aujourd’hui pour les journalistes afghans. Il faut penser à ceux qui sont arrivés, mais aussi à ceux qui restent. Il faut maintenir la pression sur les chancelleries occidentales et donner des fonds aux organismes qui peuvent aider comme la Maison des journalistes, la Fédération européenne des journalistes ou Reporters sans frontières. Ils ont aussi un besoin de transfert de compétences, d’enseignement ou de matériel.[2]

Lors de deux autres rencontres, cette fois devant des lycéens, les deux journalistes de la MDJ Samad Ait Aicha (Maroc) et Anderson D. Michel (Haïti) sont intervenus dans le cadre des missions de sensibilisation et d’éducation aux médias que mènent la MDJ. Accompagnés d’Albéric De Gouville, président de la MDJ, qui anime ces rencontres, les deux journalistes ont mis en lumière les violations de la liberté de la presse dans leurs pays respectifs en prenant comme exemple leur propre parcours et les raisons qui les ont obligés à fuir et à demander l’asile en France.

Rappelons que la Maison des journalistes effectue cette mission d’éducation aux médias dans des collèges, lycées et centres d’arrêts dans le cadre du programme “Renvoyé spécial”.

Prix Bayeux Calvados-Normandie (29 septembre – 1er octobre)

Accompagnés d’Albéric De Gouville, président de la Maison des journalistes, et de Hicham Mansouri, chargé d’édition de L’Oeil, cinq autres journalistes résidents de la Maison des journalistes ont participé au Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre : le syrien Ahmed Muaddamani, le guinéen  Mamadou Bah et trois journalistes afghans, Asghar Noor Mohammadi, Najiba Noori et Farshad Usyan.

De gauche à droite : les journalistes afghans Najiba Noori, Farshad Usyan et Asghar Noor Mohammadi.

Arrivée le 19 août en France, Najiba Noori a particulièrement attiré l’attention lors de la cérémonie de clôture en témoignant sur la liberté de la presse en Afghanistan et plus particulièrement celle des femmes.

Aux côtés de deux autres jeunes journalistes syriens, anciens résidents de la Maison des journalistes, Ahmed Muaddamani a pris la parole lors de la conférence “Syrie, la guerre est-elle finie ?”. Les témoignages émouvants, issus du vécu de la guerre, des trois journalistes ont recueilli des applaudissements chaleureux du public. “Les femmes, les femmes journalistes notamment, ne peuvent plus travailler ni même sortir dans la rue. Les talibans les privent des plus basiques de leurs droits” a affirmé Najiba Noori devant une audience déjà acquise à la cause.

Ahmed Muaddamani a participé à une seconde conférence, animée cette fois par Albéric de Gouville, avec Mamadou Bah et Hicham Mansouri. 

De gauche à droite : Hicham Mansouri, Ahmad Muaddamani, Mamadou Bah et Albéric De Gouville au prix Bayeux.

Devant des élèves et des enseignants de l’Académie de Normandie, les trois intervenants ont à tour de rôle analysé la situation de la liberté de la presse et d’expression dans leurs pays.

Quatre autres journalistes de la Maison des journalistes sont également intervenus auprès de collégiens et de lycéens : Makaila Nguebla (Tchad), Anderson D. Michel (Haiti), Samad Ait Aicha (Maroc) et Ghys Fortuné (Congo Brazaville).

[1]   https://assises-journalisme.epjt.fr/

[2]  https://assises-journalisme.epjt.fr/

D’autres articles 

Les morts peuvent-ils migrer et demander l’asile ?

Le demandeur d’asile a toujours deux histoires, une qu’il présente aux services de l’immigration et une autre qu’il ne peut révéler et qu’il garde pour lui.”

Les services d’asile occidentaux interrogent les arrivants sur les menaces qui les poussent à quitter leurs pays d’origine en quête d’une nouvelle vie. Le demandeur d’asile a toujours deux histoires, une qu’il présente aux services de l’immigration et une autre qu’il ne peut révéler et qu’il garde pour lui. C’est une question complexe et épineuse que l’écrivain et cinéaste irakien Hassan Blasim résume bien dans son recueil de nouvelles Cadavre Expo (Seuil, 2017).

Pour comprendre la réalité de cette menace, il faut se demander si les militants et les journalistes sont en danger en Irak ? Les empêche-t-on de faire leur métier ? Risquent-ils leur vie s’ils ne font pas assez attention et s’ils ne se préparent pas à fuir leur pays ?

D’où vient cette menace et dans quel contexte ces nombreux militants et civils sont-ils morts ? Après chaque assassinat, le gouvernement : « des parties inconnues avec une déclaration accompagnée, entre autres, par l’ouverture d’une enquête pour trouver et poursuivre les tueurs devant la justice ». Ce qui est étrange, c’est qu’il s’agit toujours des mêmes déclarations, même si le gouvernement a changé, comme s’il s’agissait systématiquement d’une réponse toute faite.

Nous sommes donc face à une nouvelle théorie : quiconque va manifester et revendiquer ses droits risque de mourir et quiconque essaie de critiquer le régime, qu’il soit journaliste ou militant, fera face à la menace directe de la mort.

Cette nouvelle série d’assassinats a commencé le 1er octobre 2019 lors de la Révolution d’Octobre. Suite à des interventions de la police anti-émeute (ou d’autres forces encore inconnues), ces manifestations ont coûté la vie à plus de 600 jeunes Irakiens.

Countryman, un court métrage de Hassnaien Khazaal.

Parmi eux, des journalistes et des militants assassinés dans des opérations planifiées. À Bassora, dans le sud de l’Irak, Hussein Adel et sa femme ont été tués chez eux après un assaut organisé par des hommes armés. Amjad Al-Dahamat, lui, a été assassiné au sortir du domicile du chef de la police du gouvernorat de Maysan. Dans le gouvernorat de Karbala, devant un hôtel, un motard a tiré sur Fahim al-Ta’i puis s’est enfui, etc.

Des femmes ont également été visées comme Reham Shaker Yaqoub, médecin, assassinée dans sa voiture par trois balles.

Cette série d’assassinats se poursuit, bien après la Révolution d’Octobre. Il y a quelques jours, Ihab al-Wazani, un autre militant de Karbala, a été tué devant sa maison avec un pistolet silencieux. Pour avoir exprimé leurs opinions ou revendiqué leurs droits et les droits du peuple, les militants sont visés. 

Qu’en est-il des forces de sécurité, du gouvernement et des services du renseignement ? L’Irak est considéré comme un système démocratique, mais de quelle démocratie parle-t-on lorsque le pays reste sous l’influence des États-Unis et de l’Iran ?

Quel est l’intérêt de ce système démocratique et des élections si chaque candidat au poste de Premier ministre n’est pas nommé sans l’accord préalable des États-Unis et de l’Iran ?

L’organisation que les États-Unis ont mis en place après 2003 n’est pas une démocratie mais plutôt un système de quotas sectaires.

Qu’en est-il des Nations Unies ? Leur rôle s’apparente à celui des grandes institutions islamiques. L’ONU condamne le gouvernement seulement lorsqu’il y a des soulèvements et des révolutions lors desquels de nombreuses personnes perdent la vie mais en dehors de cela, on ne l’entend pas.

Qui sont les premières victimes de ce système ? L’ensemble du peuple irakien. Car, si on met de côté la guerre, les arrestations et les assassinats, nous sommes aujourd’hui confrontés à un processus de politisation du peuple. C’est-à-dire que les Irakiens sont incités à parler politique, mais pas à débattre tranquillement… Ils sont encouragés à s’écharper sur les réseaux sociaux. Objectif : créer des tensions entre les enfants d’un même peuple. Et gare à ceux qui s’opposent à ce système, comme les journalistes ou les militants, car dès lors le gouvernement n’hésitera pas à les éliminer.

Puisque ces personnes ciblées ne sont plus de ce monde et prouvent ainsi que leur vie était en danger, une question reste sans réponse : peuvent-elles maintenant émigrer et demander l’asile ?!

Hassanein Khazaal, journaliste et réalisateur irakien. Ancien résident de la Maison des journalistes. Il est l’auteur de Jidar Baghdad (“Le mur de Bagdad”).

En sept semaines de révolte en Irak, il y a eu plus de 330 morts, avec environ 15.000 blessés.

Les jeunes Irakiens revendiquent l’accès à l’emploi, l’égalité sociale et la fin du régime politique totalement corrompu selon eux.

La plupart des personnes tuées ont été abattues à balles réelles, d’autres ont subi des blessures mortelles causées par des grenades lacrymogènes tirées à bout portant sur les manifestants.

En outre, des canons à eau ont été utilisés, pulvérisant de l’eau bouillante selon les informations fournies par les manifestants.

Il n’y a pas que la jeunesse de Bagdad qui se soulève en Irak, la ville pétrolière de Bassorah a réduit sa production de 50% suite au mouvement de protestation dans la ville. 

Pour mieux comprendre la situation actuelle en Irak, voici une série de reportages traitant de la révolte irakienne.

Dara (dessinateur iranien) : “Des jeunes vivent la liberté sans en avoir conscience”

En collaboration avec la Maison des journalistes, L’Orient à l’envers vous présente Dara, caricaturiste iranien aujourd’hui réfugié en France. Via son parcours, cet ancien résident de la MDJ revient sur son métier, ses conditions de travail en Iran, son arrivée en France et les valeurs qu’il porte aujourd’hui.

Ancien résident de la Maison des journalistes (MDJ), Dara est arrivé en France en 2015 après la fermeture de son journal et fuyant les menaces à son encontre. “Je suis arrivé ici par hasard. C’est étrange, avec toutes les difficultés, comme l’obstacle de la langue. Un changement radical”.

Dessinant depuis l’âge de huit ans, ce langage universel lui permet de penser, communiquer et partager. C’est SA vie, résume-il. D’ailleurs, la première chose faite le jour de son arrivée à Paris, fut de se rendre au musée du Louvre. “C’était MON rêve d’enfant. C’était impressionnant. La culture française en général m’attire beaucoup”.

Dans ce podcast, Dara évoque aussi sa vision de la société française, estimant que son pays est incompris des Français, par leurs jugements “ erronés” sur les Iraniens. Ce constat le choque surtout lorsque les médias sont impliqués. “Nous sommes restés étrangers au monde occidental. L’Iran est malheureusement très absent des médias français, ses images très stéréotypées découlent d’un jugement partial, comme pour voile ou l’autorité religieuse. Parfois c’est vrai, mais ce ne sont pas des choses fondamentales. Nous pourrions par exemple évoquer différents Irans : Iran de la politique, de la culture, de la religion, etc.” Dara estime que les Iraniens sont “plus modernes” qu’ils ne paraissent. “L’Iran n’est pas un pays démodé. Les chiffres montrent que les femmes iraniennes sont plus éduquées que les hommes. Nous sommes une société moderne, bien à jour par rapport à l’actualité, et l’islam iranien est particulier.”

Membre de l’association Cartooning for Peace créée par le dessinateur Plantu et Kofi Annan, prix Nobel de la Paix et ancien Secrétaire général des Nations Unies, Dara est engagé dans des combats lui tenant à cœur. C’est le cas par exemple de l’éducation aux médias avec de multiples ateliers qu’il anime au profit des collégiens et lycéens français. “Il y a des jeunes qui vivent la liberté sans en avoir conscience. J’adore partager cela avec eux et leur dire combien ils ont de la chance”.


Halgurd S. © L’Orient à l’envers

Écoutez également le podcast de Halgurd, réfugié kurde d’Irak et un autre ancien résident de la MDJ.

https://podcast.ausha.co/l-orient-a-l-envers/portrait-du-kurdistan 


À PROPOS DE L’ORIENT À L’ENVERS

Le podcast de décryptage inspirant et réaliste sur le danger d’une histoire unique sur le Moyen-Orient. Une histoire de catastrophes, de guerres incessantes, de pauvreté, de désespoir, mais surtout une représentation incomplète, négative, stéréotypée, qui éloigne, dépossède et déshumanise.

L’Orient à l’envers se propose d’analyser et critiquer ces représentations, de découvrir ces sujets oubliés et de comprendre cette actualité compliquée, méconnue ou mal connue pour porter une représentation différente, juste, authentique.

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Ibrahim Cheaib : La Maison des journalistes m’a sauvé !

Ibrahim Cheaib, journaliste Libanais et résident de la MDJ, était l’invité de Radio Notre Dame pour une émission consacrée à la journée mondiale de la liberté de la presse. Il revient sur la situation de la liberté de la presse au Liban, les raisons de son exil et sa vie actuelle en France.

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L’Oeil de la MDJ se dote d’une nouvelle stratégie

L’œil de la Maison des journalistes est en train de se moderniser. Après l’arrivée de Christophe Joly, notre rédacteur en chef, et Hicham Mansouri, le chargé d’édition, c’est le moment pour une nouvelle stratégie de développement. Présentée le 20 janvier dernier, la nouvelle stratégie réaffirme la place des journalistes résidents et des partenariats éditoriaux.

En présence d’une quinzaine de journalistes résidents (anciens et actuels), c’est Darline Cothière, directrice de la MDJ (également directrice de publication de L’œil), qui a donné le coup d’envoi de ce nouveau départ, résumé en trois grands axes: plus de partenariats, plus de visibilité et plus de reconnaissance des journalistes de la Maison des journalistes.

Le chargé d’édition a ensuite développé les principales nouveautés qui seront apportées au journal. Il y a d’abord la place qui sera donnée à la chronique avec les plumes d’anciens résidents à l’instar de Larbi Graïne, Sakher Edris, Shiyar Khaleal et Ghys Fortune. Ensuite, toujours du côté contenu, le format vidéo sera renforcé. Afin de dépasser l’obstacle de la langue, les journalistes pourront – grâce aux partenariats avec des universités et des écoles de traduction – écrire également en arabe et en anglais (en plus du français). Enfin, des partenariats éditoriaux qui seront entrepris pour permettre aux journalistes et au journal de gagner en visibilité.

© Davy Goma Louzolo

Plus largement, cette nouvelle feuille de route réaffirme la place des journalistes réfugiés dans ce projet, en mettant leur reconnaissance dans le paysage médiatique français au cœur de ses priorités et en offrant un accompagnement personnalisé dans le processus d’intégration professionnelle des journalistes résidents (formations, stages et mise en réseau).

À la fin de cette rencontre, réduite en nombre pour cause des mesures sanitaires liées au Covid 19, un temps d’échange avec les journalistes présents a permis l’émergence de nouvelles idées pratiques qui ont été rapidement intégrées au projet. Il s’agit notamment d’une série de formations qui seront dispensées par des anciens résidents de la Maison des journalistes.

À rappeler que L’œil de la Maison des journalistes est une plateforme numérique dédiée à la liberté de la presse et d’expression. Répertorié par le ministère de la Culture et la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) parmi les médias en ligne reconnus[1], le journal permet aux journalistes résidents (demandeurs d’asile et réfugiés) de continuer à informer sur ce qui se passe dans leur pays et à donner un regard original sur l’actualité française[2].

[1] Numéro CPPAP : 0523 Z 93080

[2] Le journal reste également ouvert aux contributeurs externes.

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Le combat sans fin des journalistes syriens : l’histoire de Fatten, mère en deuil et journaliste en révolte

[JOURNALISTE DE LA MDJ] “J’ai été contactée par les islamistes de Daech : Ils m’ont dit qu’ils avaient mon fis, Abboud, et que si j’avais envoyé de l’argent, ils l’auraient peut être libéré, si non ils le tueront.” Le combat sans fin des journalistes syriens : l’histoire de Fatten, une mère qui a perdu son enfant, une journaliste en révolte pour les droits de la femme au Moyen-Orient.