Rebin Rahmani, la voix des Kurdes d’Iran

[Par Lisa Viola ROSSI]

« Je me sens comme déchiré entre deux mondes. Je ne peux ni me détacher de ma patrie ni totalement m’adapter à ce nouveau pays ». Il s’appelle Kareem « Rebin » Rahmani, il est kurde iranien et est exilé en France depuis deux ans et demi. L’exil, un lourd tribut qu’il a dû payer en raison de son activisme pour les droits de l’homme en Iran.

Malgré les difficultés auxquelles il a dû faire face en tant que réfugié, Rebin n’a jamais perdu l’espoir : il croit dans la possibilité de rentrer un jour en Iran. « La lutte pour la démocratie est un défi qui se joue à long terme – précise-t-il -. Il faut travailler à un niveau plus profond, à un processus de démocratisation partant du bas, à un changement de culture et de mentalité des gens, pour créer une société civique dans laquelle il est nécessaire d’enraciner le sentiment d’une urgence démocratique envers les droits des femmes et des minorités religieuses et ethniques en Iran.».

Dialogue sur les droits des minorités ethniques d’Iran (Genève, mars 2015)

Dialogue sur les droits des minorités ethniques d’Iran (Genève, mars 2015)

Dans ce but, Rebin s’est engagé avec le Réseau pour les droits de l’homme au Kurdistan, une organisation pour la défense des droits de l’homme fondée en janvier 2014 en France à l’initiative d’activistes des droits et d’avocats kurdes. « Le but est d’observer, de documenter et d’informer sur les violations des droits de l’homme dans le Kurdistan iranien. Le site du Réseau – explique Rebin – a été lancé en février 2014, mais en raison de difficultés matérielles, seule la version anglaise est pour l’instant disponible. Une version en kurde et en persan est en cours de préparation».

La page d’accueil du site http://www.kurdistanhumanrights.org/

La page d’accueil du site http://www.kurdistanhumanrights.org/

Le site de Kurdistan Human Rights Network est aujourd’hui parvenu à se faire connaître comme une source d’information fiable et sérieuse, et il compte des milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux : « Nos reportages et nos informations ont été repris par de nombreuses organisations et médias – fait savoir Rebin -. Toutefois, comme tous nos collaborateurs sont bénévoles, et que nous ne percevons aucune aide matérielle et financière, nos activités avancent très lentement. Nous espérons pouvoir pallier ces difficultés dans un avenir proche – souhaite l’activiste -, pour avancer plus rapidement dans la mise en œuvre de nos projets, comme passer par les mécanismes internationaux qui peuvent améliorer véritablement la situation des droits de l’homme au Kurdistan.»

Le peuple kurde est disloqué entre quatre pays : Iran, Irak, Syrie et Turquie. « Pour leur liberté, – rappelle Rebin – les kurdes ont payé le prix fort aussi bien sur le plan matériel qu’humain. Ce qui me donne de la force pour continuer mes activités, c’est l’ensemble de ces personnes qui ont donné leur vie pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Parmi ces gens, – ajoute Rebin – j’accorde une place particulière aux prisonniers politiques avec qui j’ai été en contact téléphonique ces dernières années et dont malheureusement j’ai souvent été l’un des premiers à apprendre la nouvelle de leur exécution. »

Le Kurdistan (source : ddc.arte.tv)

Le Kurdistan (source : ddc.arte.tv)

Garder les contacts en Iran n’est pas du tout facile. Le gouvernement iranien arrive à ralentir la vitesse des connections internet en dérangeant les communications via Skype. Les appels, les comptes email et les profils personnels sur Facebook, Twitter et Youtube sont systématiquement surveillés. L’utilisation des antennes paraboliques est défendue : « La police du régime monte sur les toits pour les chercher – explique Rebin -. Par ailleurs, au Kurdistan, à partir de la révolution de 2009, le régime émet des ondes afin de perturber les transmissions via satellite : des ondes qui ont des effets très graves sur la santé des citoyens, comme m’a confirmé un médecin que j’ai interviewé : les avortements spontanés seraient en fait en train d’augmenter dans toute la région ».

Les conditions de vie des kurdes en Iran ne sont pourtant pas toujours connues dans les pays occidentaux, soutient Rebin : « Le silence des médias est dû au fait qu’ils craignent qu’une attention aux conditions des prisonniers politiques au Kurdistan puisse encourager les idées séparatistes ». La conséquence de cela est « un regard centralisé sur la question des droits de l’homme en Iran », considère Rebin : « Cela signifie que malgré les risques que prennent les activistes kurdes pour informer les médias étrangers et les ONG internationales, en rédigeant rapports et statistiques qui donnent la preuve des violations et des abus dans cette région, ces derniers n’y accordent pas l’intérêt qu’on est en droit d’attendre. Et voilà, les arrestations et les exécutions d’activistes politiques et sociaux ainsi que les tortures terribles subies par ces derniers continuent, dans l’indifférence de l’opinion publique mondiale ».

De son coté, Rebin se fait garant du travail dur de médiateur. « Les moments les plus pénibles et les plus marquants de ma vie ont probablement été ceux où j’ai dû annoncer aux familles des prisonniers politiques kurdes l’exécution de leur proche. J’entends encore parfois résonner à mon oreille les pleurs et les lamentations de douleur des mères et des sœurs des prisonniers. Comment est-ce possible que leur fils ou frère soit exécuté sans que les familles ne soient prévenues et ne se soient entretenues une dernière fois avec lui? Bien souvent, les dépouilles des prisonniers exécutés ne sont pas rendues aux familles qui, par conséquent, refusent de croire à l’exécution de leur proche. Elles ne peuvent pas faire leur deuil et continuent d’attendre leur retour. Les victimes et les prisonniers politiques comptent donc sur nous – explique Rebin – pour faire parvenir leurs voix au monde extérieur. Cet espoir qu’ils ont placé en nous, rend notre tâche plus difficile encore. Nous espérons être à la hauteur de la mission et que les institutions et médias internationaux nous aideront à faire parvenir ces voix au monde entier ».

Rebin cultive cet espoir depuis des années. C’est en 2006, à l’époque du président réformiste Khatami, que la vie de Rebin a définitivement changé. Il n’était qu’un étudiant, mais aussi le rédacteur en chef d’un journal des étudiants kurdes, “Rojhelat”, “Orient”.

Rebin Rahmani

Rebin Rahmani

C’est à cette époque que Rebin décide, avec un compagnon sociologue, de mener une étude sur les causes de la toxicomanie, le SIDA et la prostitution à Kermanshah. Pendant environ six mois, ils conduisent des interviews vidéo de toxicomanes. C’est là qu’ils prennent conscience de la recrudescence de ces problèmes, une tendance systématique qui serait délibérément planifiée par la République islamique elle-même. A côté de l’Université de Razi de Kermanshah, dans le quartier résidentiel de “Bagh Abrisham”, “Le jardin de soie”, Rebin et son collègue filment une quarantaine de toxicomanes qui chaque jour frappent à la porte d’une sorte de kiosque pour obtenir de la drogue. Le voisinage les informe qu’il a déjà fait appel aux autorités mais sans obtenir de réponse. « Certains nous ont par ailleurs signalé le rôle de certains fonctionnaires de Renseignement de la ville de Kermanshah dans le trafic de drogue dans la région, drogue destinée aussi à la Turquie », précise Rebin. Plus tard, pendant un interrogatoire auquel Rebin sera soumis, un fonctionnaire lui dira : « Quel imbécile vous êtes de vous battre pour ces gens! Nous les avons fait devenir toxicomanes, et ils ne se soucient plus de ce qui se passe autour d’eux ! ».

Le 19 novembre 2006 Rebin a été arrêté par la police sur la route entre Kermanshah et Sarpol-e Zahab. Les fonctionnaires trouvent dans son sac des livres politiques. Il découvre qu’il était recherché. C’est exactement en ce moment-là que son calvaire commence. Un calvaire de deux ans durant lequel il passe de cellule en cellule, sous torture physique et psychologique permanente. Son arrêt est confirmé sous la surveillance du service au Renseignement. En mars 2007, deux jugements seront prononcés contre lui : activités contre la sécurité nationale et propagande contre l’Etat. Ils se traduisent en une peine de prison de cinq ans, réduite en appel à deux ans. Pas de remise sur les tortures, ce qui le conduit à une tentative de suicide. Rebin sort de la prison Dizel-Abad de Kermanshah le 7 novembre 2008. Malgré les convocations continuelles par les services secrets – l’Intelligence-, il commence sa collaboration avec l’organisation Activistes pour les droits de l’homme en Iran, sous le pseudonyme d’Hiva Shalmashi. Après sa libération, sa vie n’est plus comme auparavant : « Je me suis rendu à l’Université – rappelle-il -, où j’ai été informé de ma radiation. Chaque personne que je rencontrais, était convoquée et interrogée par l’Intelligence qui lui recommandait de n’avoir aucun contact avec moi. C’était dur ». Après l’exil de son frère, lui aussi activiste, les pressions de la part des fonctionnaires des services secrets augmentérent. « Mon activisme est la chose la plus importante de ma vie – dit Rebin -. Les tortures que j’ai pâties en prison, m’obligent à répondre maintenant à un devoir: aider les autres prisonniers. En Iran je ne pouvais pas faire cela, parce que j’étais sous surveillance. Donc, en mars 2011, j’ai quitté mon Pays ».

Rebin a traversé à pied la frontière montagneuse du Kurdistan d’Iran et le Kurdistan irakien avec un groupe de “passeurs” (passeurs de marchandises et d’hommes) jusqu’au moment où les forces iraniennes ont commencé à tirer sur eux. « Je me suis retrouvé complètement seul. Il faisait nuit, il y avait de la neige, j’ignorais que j’étais dans une zone minée. Mais je suis arrivé en Irak ». Une fois à Erbil, Rebin s’est adressé au bureau de l’UNHCR : « Je n’avais pas l’intention de partir pour l’Europe et je suis resté sans titre de séjour dans le Kurdistan d’Irak un an et demi ; jusqu’au jour où j’ai subi des pressions du régime en place, opposé à mes activités : c’était pour préserver ma vie; mais également pour préserver les intérêts du pouvoir irakien qui collabore avec les autorités iraniennes ». En même temps les services secrets iraniens menaçaient la famille de Rebin, restée en Iran et lui aussi était menacé à nouveau. « Je me suis rendu à l’ambassade française et grâce à une lettre de soutien de Reporters sans frontières, j’ai reçu les papiers nécessaires et je suis parti immédiatement. Quatre mois après mon arrivée en France, j’ai découvert la Maison des journalistes où j’ai été enfin accueilli jusqu’au moment où j’ai reçu mon statut de réfugié ». Et maintenant en France, à cinq mille kilomètres de sa terre natale, Rebin cultive opiniâtrement sa foi dans le pouvoir de la connaissance, de la vérité, pour les droits de son peuple.

Pour en savoir plus sur le Kurdistan Human Rights Network : www.kurdistanhumanrights.org

Cameroun – Boko Haram : Paul Biya, un chef de guerre “nonchalant”

[Par René DASSIE]

Engagés dans une inquiétante escalade, les islamistes ont commis cinq attentats-suicides dans le nord du Cameroun, en deux semaines. Le président Paul Biya ne s’est pas adressé à la nation au moment où la panique s’installe dans les villes. L’absence d’un chef de guerre actif se fait vivement sentir dans le pays.

Paul Biya en juillet 2015 ©voaafrique.com

Paul Biya en juillet 2015 ©voaafrique.com

« Nonchalante ». Voilà le terme utilisé par le Social Democratic Front (SDF), le principal parti de l’opposition camerounaise, pour qualifier l’attitude de Paul Biya, face aux agressions toujours plus violentes des islamistes de Boko Haram.

Le SDF se sent intrigué par « l’approche nonchalante à cette grave menace à la sécurité nationale du commandant en chef de nos forces armées, chef de l’État, qui a obstinément refusé de s’adresser à la nation et de consulter les associations politiques et civiles avant la riposte à ces événements tristes et tragiques ».

Le parti du chairman Ni John Fru Ndi, lui aussi inaudible depuis que le Cameroun fait face aux incursions meurtrières des islamistes venues du Nigeria voisins’exprimait ainsi samedi dernier, à l’issue de la réunion de son comité exécutif à Bamenda son fief, et capitale régionale du Nord-Ouest anglophone. C’est-à-dire trois jours après la visite d’État du président nigérian Muhammadu Buhari, venu voir Paul Biya à Yaoundé, dans l’espoir de sceller avec lui un accord en vue d’ une meilleure coordination de leurs actions contre Boko Haram.

Le point de vue du SDF est largement partagée par l’opinion camerounaise. Il y a une dizaine de jours, le quotidien Le Messager évoquait déjà « l’incroyable complaisance de Paul Biya », au moment où les islamistes frappaient durement le pays.

Attentats-suicides

Coup sur coup, entre le 12 et le 25 juillet, Fotokol, une cité de l’extrême-Nord du Cameroun proche de la frontière avec le Nigeria et souvent visée par les islamistes, et Maroua, une ville symbole, à la fois capitale régionale et centre opérationnel du dispositif militaire national de lutte contre Boko Haram, ont été la cible de cinq attentats-suicides attribués à Boko Haram. Bilan: plus de 40 morts et des dizaines de blessés, civils pour la plupart.

Ces attaques ne sont pas les plus meurtrières commises sur le sol camerounais depuis le début des hostilités, les islamistes ont fait pire à Fotokol en février dernier, en massacrant, selon des sources crédibles, plusieurs centaines de personnes. Elles ont cependant causé un choc inédit dans tout le pays, eu égard au changement radical du mode opératoire des assaillants, qui, pour la première fois, ont fait usage de « bombes humaines »

Voisins du Cameroun, seuls le Nigeria et le Tchad eux-aussi confrontés à la menace terroriste avaient en effet jusque-là connu des attentats-suicides meurtriers.

D’où le choc et la stupeur qui se sont emparés des concitoyens de Paul Biya, lorsqu’on leur a appris que les assaillants de Fotokol et de Maroua étaient pour la plupart des adolescentes, qui portaient le voile islamique intégral, sous lequel on avait dissimulé des charges explosives qu’elles ont déclenché dans des lieux publics, causant leur propre mort et celle de nombreux innocents.

Paul Biya silencieux

« Il s’agit clairement d’une escalade. Et le président Paul Biya déjà l’objet de nombreuses critiques a manqué une occasion de revêtir les habits de chef de guerre », relève un observateur.

Face à la gravité de la situation, le président camerounais aurait dû en effet beaucoup communiqué.

Il aurait dû envahir les écrans de télévision, les ondes des radios et les colonnes des journaux, pour rassurer les populations et atténuer l’effet de panique et de confusion recherché par les islamistes. Comme le fit l’ancien président américain Georges Bush debout, mégaphone en main sur les ruines du Word trade center à New York peu après les attentats du 11 septembre 2001. Ou comme le fit en janvier François Hollande, dont l’image dévalant quatre à quatre les marches de l’Élysée le 7 janvier dernier, pour se rendre au siège du journal satirique Charly Hebdo, victime d’une attaque terroriste, fit le tour du monde.

Le président camerounais a fait le choix de se contenter d’une réaction minimale, froide et distante.

Lundi 13 juillet, au lendemain des deux premiers attentats-suicides commis à Fotokol qui ont fait treize morts dont les deux kamikazes et sept blessés, Paul Biya est resté silencieux. C’est le Secrétaire général de la présidence camerounaise, Ferdinand Ngoh Ngoh, qui a signé un communiqué lu sur les médias d’État, rapportant à la troisième personne des propos attribués au chef d’État camerounais. Lesquels condamnent « avec fermeté ces attentats lâches et odieux ».

« Rebelote » une dizaine de jours plus tard. Le 22 juillet, les terroristes récidivent en frappant Maroua. Un double attentat-suicide cible un lieu populaire de la ville, faisant 13 morts et 32 blessés selon le bilan officiel. C’est encore Ferdinand Ngoh Ngoh, qui rapporte aux Camerounais par communiqué, la réaction de Paul Biya.

© rfi.fr

© rfi.fr

Lorsque trois jours plus tard un nouvel attentat-suicide endeuille la même ville, le collaborateur du président ne juge plus nécessaire de rédiger un nouveau communiqué au nom de son patron. Paul Biya n’est même pas alors à Yaoundé. Peu après la visite du président français François Hollande, il s’était retiré à Mvomeka’a, son village natal dans le sud du Cameroun, où il s’était fait bâtir un somptueux palais.

Le quotidien Le Messager qui juge « froids et impersonnels » les communiqués de la présidence camerounaise a fait un parallèle entre l’attitude de Paul Biya et celle du président Idriss Déby, qui lui, se comporte en véritable chef de guerre.

En juin, le président tchadien avait décrété trois jours de deuil national en mémoire des victimes du double attentat terroriste qui avait fait 33 morts à N’Djamena, la capitale. « Les auteurs répondront de leurs actes » avait laissé entendre M. Déby, dès son retour du sommet du 25e sommet de l’Union Africaine de Johannesburg en Afrique du Sud.  

La désinvolture de Paul Biya est telle que les médias officiels habitués à lui tresser des lauriers à la moindre action doivent se livrer à de ridicules contorsions éditoriales, pour lui fabriquer une présence, même fictive, auprès des populations agressées.

Le 24 juillet, Cameroun Tribune, le quotidien d’État, titrait ainsi à sa Une : « Double attaque-suicide de Maroua : Paul Biya réconforte les victimes ». Cependant, la photo illustrant le titre montrait plutôt le ministre de la Défense, Edgar Alain Mebe Ngo’o debout dans un hôpital de la ville, face à un survivant de l’attentat blessé et alité.

Ce trompe-l’œil n’est pas sans rappeler le photomontage publié sur le site de la présidence camerounaise, et montrant Paul Biya rendant hommage aux soldats tombés dans la guerre contre Boko Haram, qui avait fait scandale début mars dernier. Face au tollé suscité par cette affaire, le gouvernement camerounais avait évoqué sans trop convaincre, la piste de pirates informatiques. En réaction, des médias camerounais avaient ressorti d’autres photomontages situant Paul Biya à des cérémonies auxquelles il n’avait pas participé.

« Nonchalant », absent aux sommets décisifs contre Boko Haram

Les médias privés camerounais le rappellent régulièrement : c’est Paul Biya qui avait déclaré la guerre contre Boko Haram sur le perron de l’Élysée le 17 mai, à l’issue du mini-sommet organisé par François Hollande pour déterminer la stratégie à adopter face au groupe islamiste. Depuis lors, le président qui ne rate jamais une occasion de se rendre en Occident n’a jamais mis les pieds dans le nord du Cameroun, où sévit la secte islamiste.

Et lorsque les dirigeants africains se réunissent pour débattre de Boko Haram et adopter des stratégies, Paul Biya préfère se faire représenter.

C’est son ministre de la Défense, Edgar Alain Mebe Ngo’o qui était allé voir le tchadien Idriss Déby à N’Djamena, pour négocier les conditions d’entrée en guerre de son pays, aux côtés du Cameroun.

Fin janvier au sommet de l’UA d’Addis-Abeba en Éthiopie  largement consacré à Boko Haram où il avait été décidé de mettre en place une force africaine contre la secte, c’est le même Mebe Ngo’o qui l’avait représenté. Tout comme à la rencontre d’Abuja du 11 juin convoquée deux semaines à peine après son investiture par le président Muhammadu Buhari et où Paul Biya a été le seul dirigeant absent, parmi les cinq chefs d’États du bassin du lac Tchad, engagés contre Boko Haram.

Boko Haram n’est visiblement pas une préoccupation majeure pour le chef d’État camerounais, qui avait déclaré au début des années 90 : « Lorsque Yaoundé respire, le Cameroun vit ». La capitale camerounaise a jusqu’ici été épargnée par les attentats-suicides.

Liberté d’expression au Burundi : le bateau est-il à la dérive ?

[Par Diane HAKIZIMANA]

Le coup d’état déjoué du 13 mai dernier a-t- il accéléré les choses ? On ne saurait pas le dire. Mais les faits sont têtus et parlants, parfois. Depuis 2010, une certaine méfiance s’est installée entre le pouvoir de Pierre Nkurunziza et les médias privés indépendants. Une méfiance qui a grandi jusqu’au désamour. Un désamour qui s’est inéluctablement traduit par un divorce vu l’état actuel des radios indépendantes et le fait qu’il n’existait qu’une seule télé privée. Toutes ces stations ont été réduites au silence.

Manifestation contre le 3e mandat de Nkurunziza Source : ici.radio-canada.ca

Manifestation contre le 3e mandat de Nkurunziza
Source : ici.radio-canada.ca

Au Burundi, au cours de ces dernières années, la relation entre les médias indépendants et le pouvoir en place n’était pas au beau fixe. Il y a toujours eu une sorte de suspicion surtout après la dénonciation des résultats issus des élections de 2010 par une partie des opposants au régime de Nkurunziza. Les médias indépendants, qui jusque-là avaient pris le soin de couvrir les élections en synergie et en toute transparence, n’avaient jamais pris partie dans ce conflit entre le pouvoir donné vainqueur par le scrutin et les partis de l’opposition qui ont par la suite choisi de quitter la course électorale. Mais juste après ce scrutin, le pouvoir n’a cessé de taxer ces médias d’être à la solde de l’opposition surtout quand il s’agissait de dénoncer les pratiques de mauvaise gouvernance et de corruption, de violations graves des droits humains, etc.

Des menaces

Des journalistes ont eu droit à des menaces de mort au cours de ces dernières années, certains ont même connu la prison à l’instar du patron d’une radio privée très populaire au Burundi, la RPA, Radio Publique Africaine, pour avoir diffusé un reportage sur l’assassinat de sœurs italiennes, qui impliquait certaines personnalités proches du pouvoir, pour ne citer que celui-ci. Toutefois, personne ne pouvait prévoir que cet état des faits allait déboucher sur une destruction macabre des stations de quasi toutes les radios privées burundaises ainsi que de la seule télé privée du pays.

Les médias burundais pris entre deux feux

La volonté manifeste du président burundais Pierre Nkurunziza de briguer un 3e mandat et les soulèvements populaires qui ont suivi n’ont pas facilité le travail des médias burundais. Avant les événements du 13 mai 2015 où quelques éléments militaires et policiers burundais, sous le commandement du général Godefroid Niyombare, annonçaient la destitution du président Pierre Nkurunziza, les radios privées ne pouvaient pas émettre à travers tout le pays. La fameuse RPA, elle, a eu droit à la fermeture. Dans la foulée, le coup de force du 13 mai a entraîné une liesse populaire, justifiée sûrement par le fait que ce coup de pouce militaro-policier allait mettre fin à des représailles policières que les manifestants subissent chaque jour. Ces derniers n’ont pas tardé à désenchanter. Mais entre-temps, des combats ont éclaté entre les pro-Nkurunziza et les putschistes.

Apparemment, ces deux camps ont vite compris que cette bataille ne devrait pas être seulement militaire, qu’il s’agit plutôt de contrôler aussi les outils d’information. Les putschistes vont jusqu’à utiliser les médias privés pour faire passer leur message à la nation car ils n’ont pas jusque-là accès à la Radio Télévision Nationale du Burundi « RTNB ». Le dernier combat déterminant se déroulera par ailleurs devant cette dernière (RTNB) car, il amènera les putschistes à reconnaître leur défaite moins de 48 heures plus tard.

Les événements du 13-15 mai, coup fatal pour les médias privés burundais

Les médias burundais indépendants sont réduits au silence total depuis l’échec du putsch contre le Président Nkurunziza, s’est indigné Alexandre Niyungeko, président de l’Union Burundaise des Journalistes sur les réseaux sociaux.

 Un manifestant exhortant le gouvernement à rouvrir la station locale de la Radio Publique Africaine (RPA), Bujumbura, la capitale, le 29 avril 2015 Source : ifex.org

Un manifestant exhortant le gouvernement à rouvrir la station locale de la Radio Publique Africaine (RPA), Bujumbura, la capitale, mai 2015
Source : ifex.org

Des éléments en tenue policière et les miliciens du parti au pouvoir ont attaqué à l’arme lourde toutes les stations des radios et télés indépendantes : la Radio Publique Africaine (RPA), Bonesha FM, Isanganiro et la Radio Télévision Renaissance, a-t-il raconté. Peu avant, la radio Rema FM, une radio du parti au pouvoir avait été saccagée et détruite par des manifestants contre la troisième candidature du Président Nkurunziza, juste après l’annonce du putsch, a-t-il poursuivi.

Maintenant, aucune radio privée ne fonctionne à part la radio télévision nationale que contrôle le pouvoir de Bujumbura. Les ruines des radios détruites sont gardées par des policiers lourdement armés, et ils sont prêts à en découdre avec le premier des journalistes qui s’y présenterait, a-t-il conclut. Du coup, plusieurs journalistes de ces radios vivent en clandestinité, surtout les directeurs de ces médias et du syndicat des journalistes, l’Union Burundaise des Journalistes (UBJ).

Le déroulement de ces événements a accentué le désamour qui existait déjà entre les journalistes indépendants et le pouvoir de Nkurunziza. « Je crois que le gouvernement a développé une intolérance grave à l’encontre des voix critiques », a annoncé Bob Rugurika sur France 24, un des directeurs d’une radio privée contraint à l’exil. Il a qualifié ces attaques perpétrées contre ces médias d’« attaque grave envers la liberté de la presse ».  Aujourd’hui, le seul média en mesure d’émettre est la RTNB (Radio Télévision Nationale du Burundi) qui finalement a été gagnée par les forces loyalistes au président Pierre Nkurunziza et qui n’émet que des éloges du gouvernement. Il aura fallu seulement moins de 48 heures pour que le Burundi fasse un bond en arrière de plus de 15 ans, du temps où le pays était secoué par des conflits armés et où il n’existait qu’un seul média d’Etat pour donner sa version des faits.

 

Guinée : L’opposition dans une guéguerre inutile

[Par Sékou Chérif DIALLO]

« Moi contre mon frère, mon frère et moi contre mon cousin, mon frère, mon cousin et moi contre l’étranger ». Cette maxime est évocatrice des rapports de « groupabilité », d’appartenance ou encore d’alliance politique. Vous verrez plus loin que ce type de rapport (positif et négatif) est d’une ambivalence sournoise. Aujourd’hui, deux formations de l’opposition guinéenne se donnent en spectacle. Leurs lieutenants par médias interposés attisent les haines dans une dynamique d’abrutissement généralisé. Ils tiennent tous leur célébrité des idioties qu’ils propagent tous les jours. Dans le souci de dépersonnaliser le débat politique où des passions se déchaînent et obscurcissent le raisonnement, je ferai l’effort de ne mentionner que les noms des formations politiques en question. Il s’agit de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) et l’UFR (Union des forces républicaines).

Sidya Touré (à gauche), leader de l'UFR et Cellou Dalein Diallo (à droite), leader de l'UFDG (Source : africaguinée.com)

Sidya Touré (à gauche), leader de l’UFR et Cellou Dalein Diallo (à droite), leader de l’UFDG
(Source : africaguinee.com)

Quand des forces prétendument « démocratiques » et « républicaines » exposent leurs faiblesses stratégiques

Rappel : au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010, l’UFR arrive en troisième position derrière le RPG (Rassemblement du peuple de Guinée, l’actuelle formation au pouvoir) et l’UFDG. L’UFR accepte alors de s’allier à cette dernière en donnant des consignes de vote à ses militants. Inutile de rappeler que l’objectif visé était la conquête et le partage du pouvoir. Inutile aussi de rappeler que ce scénario planifié ne prenait pas en compte des cartes que détenait le vieux routier de la politique guinéenne qui avait les faveurs des « petits dieux » qui gouvernaient à l’époque. Bref, l’alliance circonstancielle va muter en alliance conjoncturelle face aux nouveaux défis lancés par les maîtres de Conakry. Autrement dit, on reste ensemble parce que l’on s’est retrouvé de l’autre côté de la grille. C’est avant tout l’expression d’une conscience de survie rationnellement évaluée.

Entre 2010 et 2015, de l’eau est passée sous le pont. D’ailleurs, il serait illusoire de croire à des alliances naturelles. Elles sont avant tout délimitées dans le temps en fonction des enjeux et objectifs qui motivent leurs signataires.

Dans une approche compréhensible, faisons un effort pédagogique afin d’élucider la notion d’alliance politique. Aujourd’hui la confusion est totale chez les militants de ces deux formations politiques. Mais ma consternation est encore plus grande quand j’écoute les lieutenants « mauvais communicants » et « foncièrement médiocres » des leaders des formations politiques en question. Quand de simples crieurs publics s’improvisent communicants politiques, il faudrait s’attendre à une foire aux banalités ou à un cirque d’idioties.

Sur la foi de lectures scientifiques, les travaux d’un auteur sur les questions d’alliances politiques ont conforté ma position et serviront de tremplin pour asseoir mon argumentation. Il s’agit de Vincent Lemieux. A son avis, « Il y a alliance quand des acteurs qui ont des rapports positifs entre eux ou qui, tout au moins, n’ont pas de rapports négatifs, cherchent à maintenir ou à améliorer leur position par rapport à des acteurs cibles, qui sont des rivaux… . Une alliance peut-être négociée ou tacite, et elle peut être durable ou temporaire ».

Comme mentionné précédemment c’est une alliance de raison et non de cœur. Les acteurs politiques guinéens et leurs militants doivent intérioriser cette dynamique de partenaires politiques et éviter de toujours ramener le débat au niveau des personnes.

Quand l’environnement fausse l’approche politique

La politique étant différente de l’arithmétique, en 2010, l’UFDG s’illusionnait dans un calcul élémentaire (39,7+15,6 = 55,3), ce qui révèle d’ailleurs sa naïveté politique à l’époque.

Cette formation avait besoin de l’UFR. Du coup, elle avait du mal à s’intéresser aux petites formations politiques qui totalisaient à peine 1% de l’électorat à l’issue des résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2010. Aux dires de ses membres, l’UFR suffisait pour remporter l’élection au deuxième tour. Erreur de « Gawa » (excusez ma vulgarité circonstancielle). Une lecture biaisée du jeu politique qui profitera au RPG qui d’ailleurs, adoptera l’approche inverse en ratissant large sans se soucier du poids électoral des alliés pour donner l’impression d’une représentation « nationale ». Et l’approche était juste parce qu’elle collait parfaitement à la sociologie politique du pays où le dosage ethno-stratégique apparaît comme une « règle » tacite parce que héritée d’une logique d’instrumentalisation des ethnies à des fins politiques. Aussi, la lecture extérieure sur la Guinée qui est le plus souvent réductrice, fait apparaître un bicéphalisme politico-ethnique. L’UFDG n’avait pas saisi cette réalité. Comme le rappelle Lemieux « Il est important pour l’alliance victorieuse de donner l’impression qu’elle a un large appui des autres acteurs qui jouent des rôles sur la scène politique ». Loin d’avoir des ambitions hégémoniques « communautaires » comme le reprochent certains, l’UFDG a cependant du mal à se débarrasser des nombreux préjugés historiquement fabriqués et entretenus pour diviser. Dans un environnement où les croyances populaires teintées d’appréhensions sur telles ou telles ethnies sont plus vivaces que les vérités historiques, la tâche d’anéantissement de ces croyances fabriquées semble gigantesque. Surtout si les commis dédiés à cette tâche excellent le plus souvent dans la propagation d’âneries de toutes sortes.

A l’opposé des extrêmes ethniquement identifiables, l’UFR se targue d’être une formation à la représentation large. Même si aucune statistique ne le confirme. Inutile ! Car en Guinée, nous avons des données statistiques toutes faites qui ne relèvent d’aucune étude scientifique mais simplement concoctées par de pseudo « connaisseurs ».

A ses débuts, l’UFR était avant tout une formation qui puisait son électorat en milieu urbain, donc cosmopolite et au sein d’une catégorie socioprofessionnelle de fonctionnaires et cadres moyens. Auréolé de son passage jugé « remarquable » à la primature guinéenne, son leader a bénéficié d’un crédit confiance auprès de ceux qui avaient la capacité de lecture d’une action gouvernementale et ceux qui s’impressionnent facilement face à la nouveauté et aux mirages du quotidien. Cependant, avec l’évolution de la dynamique politique dans le pays où les assises électorales sont géographiquement compartimentées, l’UFR n’échappera pas à cette tendance vicieuse de courtisanerie communautaire. Dans le contexte guinéen, est-ce faire preuve de réalisme politique ou d’inconstance idéologique ? Je ne saurais vous répondre. Seuls les politiciens savent les motivations qui sous-tendent leurs positionnements ou actions. Il faut cependant déplorer les incessantes mutations observées çà et là dans les démarches et approches politiques, afin, soutiennent-ils, de s’adapter à un environnement politique qui est assez malsain.

Quand tous prétendent faire de la politique à l’aveuglette

Dans une alliance ou toute forme d’association, les rapports de pouvoir sont inhérents. Du coup, la motivation première de chaque acteur politique est d’occuper une position avantageuse. L’UFR comme l’UFDG cherche avant tout à accéder au pouvoir. Songer à une relation de vassalité est foncièrement prétentieuse. Rien n’est acquis avant le verdict des urnes. L’assurance aveugle d’un environnement ambiant et profondément instable où quelques personnes tapis dans l’ombre ont ce pouvoir de faire basculer une élection relève de la naïveté politique.

Il est impératif d’avoir des alliés à plusieurs niveaux. Il faudra apprendre à dépersonnaliser et dépassionner le débat politique. Même au sein de l’appareil d’état actuel, la récupération de certains frustrés de la gouvernance relève du pragmatisme politique. Mais il faudrait les rassurer pour qu’ils mettent en jeu leurs positions et privilèges au profit d’une promesse. Tous cherchent une existence meilleure, une visibilité, une reconnaissance, un environnement pour s’épanouir. Qu’est-ce qui empêcherait à un leader politique d’entamer un processus de rapprochement avec le président de la CENI par exemple ? Sachant pertinemment qu’il fait partie du puzzle de la fraude électorale. Ces personnes ont peur de perdre leurs privilèges et sont prêtes à toutes les bassesses pour se maintenir. La démarche politique est graduelle et l’exclusion est improductive. Loin de moi l’idée de faire l’apologie du principe : la fin justifie les moyens ; mais il faut privilégier une approche inclusive dans la conquête et l’exercice du pouvoir.

Quand un rapport négatif devient ambivalent pour redevenir négatif

Pour finir, revenons sur cette maxime qui illustre bien cette ambivalence relationnelle qui caractérise très souvent les alliances politiques « Moi contre mon frère, mon frère et moi contre mon cousin, mon frère, mon cousin et moi contre l’étranger ». Vincent Lemieux apporte une explication qui conforte ma compréhension de la guéguerre encore inutile entre l’UFDG et l’UFR. A son avis, « L’alliance avec le frère, puis avec le frère et le cousin, n’efface pas tout à fait l’hostilité préalable. Elle la tempère plutôt d’une affinité qui transforme un rapport négatif en un rapport ambivalent, toujours susceptible de redevenir plus négatif que positif quand la menace de l’ennemi commun s’estompe. »

 

L’Etat islamique déclare la guerre aux milices de « Fajr Libya, l’aube de la Libye »

[Par Sirine AMARI]

Assassinat de cinq membres des milices de « Fajr Libya », dans une attaque à la voiture bélier qui avait pour cible un check point à l’ouest de Misrata. L’attentat a été revendiqué par la branche libyenne de l’Etat Islamique qui avait déclaré auparavant la guerre contre ces milices. Celles-ci détiennent la capitale Tripoli ainsi que d’autres villes situées dans l’ouest du pays. 

Image tirée de la chaîne télé de l’organisation de l’Etat islamique Source : mediapart.fr

Image tirée de la chaîne télé de l’organisation de l’Etat islamique
Source : mediapart.fr

La ville de Misrata située à 250 kilomètres à l’est de la capitale libyenne a été réveillée par un énorme bruit de détonation, à la suite d’un bombardement lors d’un attentat commis par un kamikaze à un check point à « Dafnia » la porte d’entrée ouest de la ville ; provoquant ainsi la mort de cinq membres des forces armées en place et de sept autres grièvement blessés.

L’organisation de l’Etat Islamique a revendiqué cet attentat sur son compte Twitter, précisant que l’auteur de l’attentat est de nationalité tunisienne et qu’il est connu sous le nom de « Abou Wahib Attounissi». L’EI qui a déjà revendiqué son implication dans des attaques similaires les mois derniers, a déjà mis en garde les milices de « Fajr Libya » constituées par des Islamistes, que la guerre est annoncée contre ses membres et que l’Organisation allait nettoyer le territoire de cette « impureté »… et les a invités à se repentir puis à retourner à la religion.

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye a été abandonnée aux conflits sanglants et au chaos politique qui a conduit à une lutte meurtrière pour le pouvoir, engendrant une division du pays entre deux gouvernements avec deux parlements respectifs. Le premier est reconnu sur le plan international et conduit ses activités politiques à l’Est du Pays, tandis que le deuxième est basé à Tripoli. Il est soutenu par les milices de « Fajr Libya », pendant que les forces loyales aux deux parties du conflit ainsi que d’autres groupes armés mènent une guerre sur plusieurs fronts et régions du pays, une guerre qui a coûté la vie à des milliers de victimes depuis juillet 2014.

La porte Dafniya après l’explosion du dimanche 31 mai 2015 Source : twitter.fr

La porte Dafniya après l’explosion du dimanche 31 mai 2015
Source : twitter.fr

Le chaos sécuritaire dû à ce conflit a profité aux groupes de combattants djihadistes en vue d’étendre leurs zones de contrôle. C’est notamment le cas pour la branche libyenne de l’Etat Islamique qui a réussi le 29 mai dernier à faire tomber l’aéroport de la ville de Syrte (450 km à l’Est de Tripoli) après qu’elle se soit emparée de cette ville (dont était natif le colonel Kadhafi) au mois de février dernier.

Le gouvernement intérimaire libyen, reconnu par la communauté internationale, a tiré la sonnette d’alarme face au danger d’une attaque probable de l’EI contre des installations pétrolières proches de Syrte. Après s’être emparé de l’aéroport de la ville et de la base aérienne de Gardhabiya, les rebelles de l’Etat Islamique ne sont qu’à 150 kilomètres de la région du croissant pétrolier. En effet, cette zone concentre des entreprises, des champs pétroliers et également des ports stratégiques. La ville de Derna, désormais connue pour abriter le quartier général de l’EI sur le territoire libyen, est à seulement 1300 kilomètres de la capitale Tripoli.

 

Burundi: Tant qu’il y aura le tout puissant président Nkurunziza !

[Par Jean MATI]

Maître du jeu, le président sortant du Burundi, Pierre Nkurunziza est loin de lâcher prise. Malgré les contestations de la rue, l’homme fort du pays reste insensible face à l’émotion de tout un peuple. Cynisme, déni, mépris et autres stratégies mises en place pour demeurer au pouvoir, Pierre Nkurunziza se représente pour un troisième mandat en toute violation de la constitution.  

Le président Pierre Nkurunziza Source : notreafrik.com

Le président Pierre Nkurunziza
Source : notreafrik.com

N’eussent été les mouvements de contestations de la rue et le semblant « coup d’Etat » de ce dernier temps, peut-être beaucoup des gens et autres curieux n’auraient pas entendu parler du Burundi en boucle et de son fameux président Pierre Nkurunziza devenu sans doute une Super Star dans les médias. Burundi, pays d’Afrique de l’Est avec une superficie de 27.834 km2, était jusqu’alors, l’une des nations africaines, la moins agitée, malgré une politique dictatoriale du régime en place. Inutile de le rappeler, le Président de la République burundaise s’appelle : Pierre Nkurunziza. Comme un bon chef d’Etat africain, il est le père de la nation. Il est le garant. C’est celui qui détient les âmes et la vie de tous ses compatriotes. On le déteste parce qu’il est chef. Pourquoi ? « En Afrique, les présidents (les chefs)  sont toujours détestables parce qu’ils sont riches et voleurs. Mais aussi tueurs et criminels », accuse l’homme de la rue. « Parfois, leur fortune dépasse même les dettes de leurs pays. Toutefois, ils ont des sympathisants. Ceux qui les acclament ou  les vénèrent », ajoute-t-il. Le président Nkurunziza est-il différent des autres ?

Du condamné à mort au Chef de l’Etat

L’histoire de l’ascension du tout puissant Nkurunziza tente de ressembler aux  récits des personnages religieux ou prophétiques. Était-il l’homme de destin du pays ? Le messie, celui qui devait venir…  En tout cas, il y a trop de mystification là-dessus. On connait, par exemple, peu sur son enfance. Pas grand-chose n’a été dit sur l’enfant Nkurunziza. On retiendra tout de même que son père fut un ancien gouverneur des provinces de Kayanzi et de Ngozi. Le père de Nkurunziza est élu au parlement en 1965, à en croire les sources dignes de foi, avant d’être liquidé en 1972. Son fils Pierre n’avait que huit ans et demi et a vu le père assassiné… Point barre. Plus rien n’a été dit par la suite sur la vie du tout puissant Nkurunziza.

Il fallait attendre le début des années 90. Un vent nouveau souffle en Afrique avec la vague de démocratie. La fin des partis uniques. C’est aussi la nouvelle donne mondiale. La chute du mur de Berlin. La fin de la guerre froide. Comme dans un rêve, Pierre Nkurunziza réapparaît. Cette subite apparition n’est pas sans doute pour venger le père assassiné. Ça non et non ! Ici, on parle de futur « l’homme fort du Burundi » en termes d’un grand sportif. Un grand athlète qui aurait pu faire une belle carrière sportive si jamais la volonté du Très Haut ne lui avait pas guidé sur le terrain politique. Selon le site Internet de la Présidence, le tout puissant Nkurunziza est un sportif talentueux qui aime le football et la course à vélo. Il a même entraîné un club de la première division… (qui malheureusement n’a pas gagné de titres, ndlr). Il finit dans les auditoires de l’Université de Bujumbura comme professeur assistant. En 1993, des violences ethniques s’éclatent, deux des sept membres de la famille de Nkurunziza sont tués. Le professeur Pierre abandonne les salles de cours et rejoint les maquis pour tenir les armes et faire la guerre. Cette fois-ci, il est revanchard. Très revanchard même. L’ancien footballeur et cycliste devient terroriste. Il planifie des projets d’attentat comme celui de 1995 qui a coûté la vie à des dizaines de morts dans la capitale burundaise. Il est condamné à mort par la justice. Il s’exile discrètement dans des pays voisins avant de revenir au bled pour s’activer dans la rébellion.

Dans sa pérégrination, Pierre Nkurunziza songe à devenir « Chef de l’Etat ». Martin Luther King avait fait un rêve. Pourquoi pas lui ? Mais pour concrétiser ce destin acharné, il doit se convertir et chercher la rédemption. Pierre, pas encore « Tout puissant » à l’époque, devient pacifiste. Il signe les accords de paix d’Arusha de 2000 et  de 2003. Une démarche payante, car, sa peine de condamnation à mort est amnistiée… provisoirement !

En 2005, il est élu chef de l’Etat. Son arrivé au pouvoir est salué par les partenaires occidentaux. C’est un jeune président. Un bel avenir pour le Burundi ! Mais vite, ça sera la déception. L’homme est un vieux routier. On n’apprend pas à faire des grimaces à un vieux singe, dit un vieil adage africain. Nkurunziza est un dictateur né. Un despote. Un démagogue aussi. Il est vite désavoué par une majorité des Burundais. Même les gens de son ethnie ont fini par cracher sur sa mauvaise politique. En 2010, il est réélu maintenant comme un vrai dictateur avec un score fleuve de 91 % de voix. L’opposition crie à la fraude et en appelle même à la Communauté internationale. Le camp présidentiel ferme les oreilles à toutes les jérémiades des opposants burundais. Les années passent vite. Durant deux mandats, le président n’a pas fait grand-chose. Arrive l’an 2015, les élections sont prévues en ce mois de juin. Sauf que le tout puissant Nkurunziza n’a plus le droit de se représenter. Pourquoi l’empêcher ? C’est la Constitution. Foutez-nous tranquille avec vos constitutions  écrites à la main par les intellectuels noirs africains à l’aide des conseillers politiques blancs ! – imagine-t-on un tel scénario. Finalement, le pouvoir en place modifie la Constitution. Le président peut se représenter plusieurs fois (illimité) tant qu’il aura encore la force de servir son peuple grâce à la volonté divine du très Haut.

Le peuple burundais est tout sauf idiot. Les manifestants sont dans la rue. Certains bâtiments publics sont mis à sac. Les échauffourées dégénèrent entre les contestataires et les forces dites de l’ordre, en Afrique, sont généralement du « désordre ». Des tirs à balle réelle sont entendus dans les grandes artères de la capitale, certains tombent et d’autres s’échappent miraculeusement.

Des manifestants dispersés par la police au cours d’une manifestation contre un 3e mandat du président, vendredi 17 avril 2015 Source : voaafrique.com

Des manifestants dispersés par la police au cours d’une manifestation contre un 3e mandat du président, vendredi 17 avril 2015
Source : voaafrique.com

Le Tout puissant Nkurunziza en Tanzanie lors d’un déplacement apprend par les voies des médias, qu’il est déchu. Coup d’Etat ! C’est la jubilation à Bujumbura. Les femmes enlèvent leur pagne et dansent. Les manifestants scandent la victoire conquise de manière héroïque. Le nouvel homme fort, le général Godefroid Niyombare, lut un discours à la télé comme un enfant. Très rapidement, on remarque que l’officier n’a ni charisme, ni aura pour être « Quelqu’un de la situation ». Les loyalistes refusent d’obtempérer. Ça barde de nouveau. Les manifestants déchantent. Tout le monde est retranché dans sa maison. Attention ! Quand les militaires se battent – il faut éviter d’être une victime collatérale, on nous dit souvent au moment de la pagaille. Les hommes du Président déjouent le complot. Nkurunziza rentre tranquillement dans son palais présidentiel et reprend service. Les conspirateurs fuient comme des « chiens » la queue entre les pattes. Certains quittent le jour même le pays par craintes des représailles. D’autres comploteurs sont liquidés ou capturés, jetés dans des lugubres geôles. Le président Nkurunziza se bombe le torse. Il convoque ses services à la présidence. Les ministres, agents du renseignement et autres s’agrippent au chef. Ce dernier les tire aux oreilles comme des gamins turbulents. Ils répondent par : un oui «  Chef ».

Comme si de rien était, le lendemain, le président Nkurunziza poursuit sa tournée nationale dans le cadre de la campagne électorale à laquelle il est candidat, nous l’avions déjà dit, pour un troisième mandat. Cette arrogance inacceptable du tout puissant président a occasionné la montée en fièvre du  peuple burundais. Celui-ci est descendu encore dans la rue. Sans doute, les Burundais se sont sentis roulés dans la pâte à farine. En attendant la tenue des élections au Burundi, la question est de savoir : jusqu’où ira Pierre Nkurunziza ?

ONU : une résolution historique adoptée sur la protection des journalistes, RSF se réjouit !

[Par Makaila NGUEBLA]

Sur proposition de Reporters Sans Frontières (RSF), le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité, ce mardi 27 mai 2015 à New-York, une résolution en faveur de la protection des journalistes. L’organisation a salué dans un communiqué cette « décision historique ».

Christophe Deloire de Reporters Sans Frontières Crédits : Makaila Nguebla

Christophe Deloire de Reporters Sans Frontières
Crédits : Makaila Nguebla

Présent à la tribune du Conseil de sécurité de l’ONU, Christophe Deloire, Secrétaire général de RSF, a clairement salué l’adoption de la résolution 2222 (2015) sur la protection des journalistes qui se trouvent dans les zones de conflit armé dans le cadre de l’exercice de leur métier. « C’est un jour historique pour la protection des journalistes, mais au-delà, nous l’espérons, pour la liberté de l’information » a t-il déclaré devant les ambassadeurs des 15 Etats membres du Conseil de sécurité et d’une cinquantaine d’Etats membres de l’ONU.

Hommage à RSF

Pour sa part, Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, a quant à lui, rendu hommage au travail de l’organisation Reporters Sans Frontières qui veille sur la défense et la protection des journalistes.
« Depuis l’adoption de la résolution 1738 en 2006, jamais le Conseil de sécurité n’avait statué sur ce thème crucial » relève l’organisation. Reporters Sans Frontières a recensé, en dix ans, 700 journalistes qui ont été tués dans l’exercice ou en raison de leurs fonctions.
L’organisation affirme avoir formulé des recommandations relatives au « droit à la liberté d’expression » et c’est la première fois qu’une résolution du Conseil de sécurité fait référence à cette question. Pour RSF « ce document affirme que le travail des médias libres, indépendants et impartiaux constitue un des fondements essentiels d’une société démocratique, et de ce fait peut contribuer à la protection des civils ».

Obligations des Etats de protéger les journalistes

« On demande aux Etats de remplir toutes leurs obligations en matière de protection des journalistes lors des conflits armés, et exige des comptes-rendus sur la sécurité des journalistes lors des opérations de maintien de la paix des Nations unies » a poursuivi RSF dans son communiqué. Lors de son allocution devant le Conseil de sécurité, Christophe Deloire a réclamé un mécanisme de contrôle du respect des obligations des Etats membres concernant la sécurité des journalistes au regard du droit international. « Le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU comme l’Unesco travaillent incontestablement à la protection des journalistes. Mais en dix ans, plus de 700 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. Combien de journalistes devront être tués avant que les résolutions de l’ONU soient appliquées ? Il est temps que des actions concrètes soient entreprises, avec notamment la nomination d’un représentant spécial sur la protection des journalistes auprès du secrétaire général des Nations unies » a t-il indiqué.

Saisine de la CPI pour lutter contre l’impunité

En outre, C. Deloire a plaidé afin que le Conseil de sécurité saisisse la Cour pénale internationale à propos des situations qui prévalent en Syrie et en Irak, où des crimes sont commis à l’encontre des journalistes, soulignant avoir adressé le 27 avril, une lettre au secrétaire général de l’ONU, lui demandant d’intercéder sur cette question. L’organisation dresse un sombre tableau sur la situation des journalistes dans les pays où règnent des conflits armés. Selon RSF, depuis le début du conflit syrien, 45 journalistes et près de 130 net-citoyens ont été tués. En Irak, plus de 15 journalistes ont connu le même sort depuis 2013.
Pour ce qui concerne la Syrie et l’Irak, RSF soutient que les journalistes sont délibérément visés par différentes parties du conflit. Ils sont enlevés, assassinés ou décapités, victimes d’homicides, de torture ou de traitements inhumains, de prises d’otage ou de détentions arbitraires. Il ajoute également que « ces crimes peuvent être qualifiés de crimes de guerre au sens des dispositions de l’article 8 du Statut de Rome ».

Protection élargie aux journalistes non professionnels

Du haut de la tribune de l’ONU, le Secrétaire général de RSF a plaidé également pour la protection des journalistes non professionnels. « Il est crucial que le Conseil de sécurité continue à porter la protection des journalistes comme une priorité et élargisse le champ des protections aux journalistes non professionnels et en temps de paix, a-t-il souligné. Il a appelé le Conseil de sécurité à assigner « des obligations aux Etats au-delà des situations de conflits armés ».