RDC : Controverse autour de 425 cadavres découverts à Kinshasa

[Par Jean MATI]

425 corps ont été retrouvés naguère à Maluku dans la banlieue de Kinshasa. Au moment où les indiscrétions pointent un doigt accusateur en direction des industries de la mort installées par le régime en place, cette découverte macabre a suscité la réaction de l’opinion nationale mais aussi de la communauté internationale. Elle relance, par ailleurs, le débat sur la question sécuritaire en République démocratique du Congo, un pays dont les droits de l’homme sont bafoués. Les opposants emprisonnés, les contestataires muselés, les journalistes assassinés et voire pousser à l’exil…Telle est la présentation d’un tableau sombre qu’expose le Congo-Kinshasa.

kinshasa
Ce jour-là, une odeur nauséabonde bouchait les narines des citadins de Maluku, une commune située dans le faubourg de Kinshasa, la capitale de la RDC. « Presque tout le monde voulait savoir d’où venait une telle odeur, car ça donnait l’envie de vomir. Est-ce une odeur d’excréments ? Se demandaient les uns. Non, affirmaient les autres. C’était plus que ça ! », Confie un témoin.
A quelques pas de là, dans l’enceinte du cimetière local « fula-fula », les badauds découvrirent une fosse commune. Des corps humains mal enterrés ont refait surface. Ils traînaient à la hauteur de la terre. On pouvait observer les bras, les cheveux, les têtes et autres partie du corps. Une scène effrayante à la manière d’un film d’horreur. De quel monde sortent-ils ces corps ? Ce sont des fantômes ? A priori, à ces questions manquaient les réponses. Trop vite les mots ont pu remplacer le silence. « C’est le Gouvernement qui a fait ça » affirment les observateurs avisés. « Ce sont des Congolais qu’on tue chaque jour. Dans ce pays, l’Etat ne se soucie pas de la protection de la population. Les Congolais sont assassinés par des mains criminelles. Personne ne fait rien. Et rien ne fera rien. Ainsi va la vie au Congo-Kinshasa» soutiennent-ils.
Pour mieux accabler le Gouvernement congolais de son cynisme quant à la façon d’enterrer ses compatriotes, de multiples voix vont s’élever et dire que ces corps seraient ceux des manifestants tués lors des émeutes de janvier dernier à Kinshasa. « L’Etat aurait voulu les inhumer discrètement comme dans ses habitudes. Mais cette fois-ci, les morts ont refusé de mourir », fait savoir un habitant de Maluku.

Réaction du gouvernement
Dans la précipitation, le gouvernement de Kinshasa, craignant une mauvaise publicité à l’extérieur du pays, réagit. Mais c’est une riposte tardive. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. A l’ère du développement des réseaux sociaux, les informations se propagent vite. Les photos et les vidéos macabres circulent déjà sur Facebook, Whatsaap, Viber, Youtube…La presse internationale est déjà au courant ? Oui, ça c’est sûr !

Evariste Boshab (source : http://24hcongo.com/)

Evariste Boshab (source : http://24hcongo.com/)

Par l’entremise de son Vice-Premier ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, le pouvoir de Kinshasa va présenter les faits à sa manière. Les 425 corps découverts dans la fosse commune de Maluku seraient des cadavres qui pourrissaient dans les chambres froides de la morgue de l’Hôpital général de Kinshasa. « Ce sont des fœtus de morts – nés et des corps d’ inconnus décédés des morts naturelles. C’est une pratique courante en RDC où les familles ne possédant pas de moyens abandonnent leurs proches à la morgue», soutenait Evariste Boshab. Pour étayer sa version de thèse privilégiée, le pouvoir de Kinshasa offrira un spectacle désolant en mode « Syndrome Timisoara ». Le lendemain, les médias d’Etat sont à l’Hôpital général et filment les cadavres des indigènes qui se trouvaient à la morgue. Le gouvernement de Kinshasa brandit cela comme des pièces à conviction et promet de les enterrer dignement. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avec les 425 cadavres de Maluku ? Pourquoi en RDC les autorités ont perdu tout le caractère du sens moral ?

Le pouvoir de Kinshasa ou l’ « ante-peuple » congolais
Cette représentation cynique du pouvoir de Kinshasa ne va pas apaiser la colère. Mais elle va plutôt jeter de l’huile sur le feu. L’opposition qualifiera cette découverte macabre de « charnier ». L’opposant historique Etienne Tshisekedi parlera même de l’ « escadron de la mort ». Le régime en place est démasqué. Il y a trop de contradictions dans les discours des représentants de la Majorité présidentielle. Lambert Mende, ministre de la Communication et des Médias change de registre et refuse de parler de la « fosse commune ». Il invente une expression : le « tombeau commun ». Les membres de sa famille politique rectifient et préfèrent dire la « tombe commune ». Quelle négation !

(source : http://www.un.org/)

(source : http://www.un.org/)

Dans ce cas de figure, il faut faire appel à l’extérieur. Les Occidentaux doivent mener l’expertise. Ici, il faut pas compter sur nos autorités et surtout pas sur la justice, estime une partie de l’opinion nationale. Comme il fallait s’y attendre, l’ONU intervient finalement et exige l’exhumation des corps afin de mener une enquête approfondie en vue d’établir les circonstances de leur mort. Le pouvoir de Kinshasa fait obstruction.
En attendant de connaître les résultats des experts, force est de déplorer la culture de banalisation qui a atteint son paroxysme en République démocratique du Congo. Les morts ne sont plus respectés. Ces Congolais à qui on a « chosifié » à Kinshasa, ne méritaient-ils pas d’être enterrés dignement ?

 

 

Guinée : l’opposition face à l’équation Alpha Condé

[Par Sékou Chérif DIALLO]

Comment arriver à une alternance politique sans ‘’brûler le pays’’ ? Les inconditionnels du jeu démocratique vous répondront sans équivoque : par les urnes.

Alpha Condé ©africaguinee.com

Alpha Condé ©africaguinee.com

Et pour les autres ? Ils vont sans doute argumenter sur les multiples recours ‘’possibles’’ face à un tel cas de figure. Quel est alors le cas de figure qui se présente en Guinée ? Le régime de Alpha Condé peine à insuffler un véritable changement. La manipulation ethnique semble être le leitmotiv politiquement ancré dans les pratiques du régime. La pauvreté des guinéens est aujourd’hui insoutenable. Les violations de la constitution sont récurrentes. Les statistiques macabres sont alarmantes. Bref, le régime a failli à ses engagements d’offrir aux guinéens des conditions de vie décentes, de les protéger et respecter le contrat social démocratique régi par des lois. Ce diagnostic est partagé par l’immense majorité des guinéens. Mêmes ceux qui soutiennent mordicus le régime savent que l’arc-en-ciel promis par le RPG (parti au pouvoir) n’a réellement qu’une seule couleur : le noir. Loin de faire de la caricature, j’essaie de présenter les faits. Face à un tel bilan, les velléités de changement anticonstitutionnel trouveraient leurs justifications et la légitimité populaire mettrait de l’ombre à la légalité constitutionnelle. Mais, l’issue ‘’envisagée’’ d’une telle entreprise est plus qu’incertaine et son évaluation à priori est inéluctablement hypothétique.

Revenons un instant sur la position de ceux qui défendent la voie des urnes pour ‘’abattre’’ légalement un régime jugé incompétent. Replongeons-nous dans l’histoire électorale récente de la Guinée pour asseoir notre argumentation. En 2010, Alpha Condé a été déclaré président de la République à l’issue d’une élection la plus invraisemblable. Un cas d’école sur la fraude électorale dans le monde. Arrivé en deuxième position avec 20,7% au premier tour de l’élection et ne bénéficiant pas du soutien du troisième (Sidya Touré avec 15,6%) et face au premier (Cellou Dalein) qui avait totalisé 39,7%, Alpha Condé s’en sort avec 52,52% au deuxième tour. Un exploit inédit diront certains mais c’était plutôt le résultat d’‘’une vente aux enchères’’ où le plus offrant a raflé la mise. On pourrait trouver une explication à cette surenchère politico-mafiosieuse sur la guéguerre qui a suivi entre l’acheteur et le vendeur où ce dernier est persona non grata dans son pays. Bref, comme sous l’arbre à palabre qui d’ailleurs mine l’ancrage démocratique dans nos pays, la forfaiture a été entérinée sous le prétexte d’une préservation de la paix sociale.

Une mascarade électorale

Moins d’an an après, nous avons évalué ce que valait réellement cette ‘’prétendue paix sociale’’ avec son couronnement macabre. En 2013, les élections législatives sont organisées. Cette fois-ci encore avec le même modus operandi. Le bras exécutant de toutes ces mascarades électorales n’est autre que l’organe chargé des élections en Guinée. La commission électorale nationale ‘’indépendante’’ est l’une des plus partisanes en Afrique. Sous un soleil de plomb, l’électeur guinéen s’aligne une journée entière dans l’attente pour pouvoir glisser son bulletin dans l’urne et une poignée de guinéens décident autrement des résultats à publier en violant la volonté exprimée par la majorité. Les frustrations qui en découlent décrédibilisent les arbitres électoraux et alimentent le sentiment de rejet et de défiance face une tradition qui semble vivace.

Les crises politiques sont permanentes en Guinée. Le pouvoir est dans une logique de répression, de justification et de manipulation. De l’autre côté, l’opposition est coincée dans une spirale de revendications qui sont d’ailleurs toutes légitimes, de victimisation et des querelles fratricides de positionnement.

Vote dans le quartier Dixinn à Conakry ©rfi.fr

Vote dans le quartier Dixinn à Conakry ©rfi.fr

Comment alors résoudre une telle équation sans basculer dans une violence ‘’inutile’’ ? Partant du constat que la situation du pays résulte d’un colmatage institutionnel initié et adopté par les organes de la transition de 2010 où le laxisme, le favoritisme et l’amateurisme ont contribué à la création et l’entretien d’un environnement de suspicion généralisée. Autre aspect notable, la relégation de la constitution au second plan au profit d’accords tri ou multipartites dont les contours entretiennent des confusions et n’engagent faiblement leurs signataires. Face à une telle exception dans un pays qui se targue d’être exceptionnel par le caractère plutôt insolite et informel de son modèle social, des mesures exceptionnelles s’imposent.

En ma qualité de citoyen lambda dont la notoriété ne dépasse pas le seuil de ma porte, je me permets de faire un certain nombre de propositions aux acteurs qui nous ont injustement piégés dans des querelles infernales.

Au pouvoir (je voulais dire à « Alpha Condé »)

L’organisation des élections communales et communautaires avant la présidentielle qui est aujourd’hui la principale revendication de l’opposition est la résultante d’une suspicion ‘’fondée’’ sur le rôle des délégations spéciales mises en place par le régime. A cet effet, nous suggérons ce qui suit :

1. Alpha Condé devrait prendre un décret révoquant toutes les délégations spéciales qui ont remplacé les élus locaux en déclarant une vacance des pouvoirs locaux jusqu’à l’installation des nouveaux élus ;

2. Le rôle de la force spéciale de sécurisation des élections dans les fraudes électorales précédentes est avéré. La mission de cette force doit être redéfinie et elle doit s’occuper strictement de la sécurisation des bureaux de vote et du pays en général sans aucune implication directe dans la gestion et le transport du matériel électoral ;

3. Ecarter systématiquement toute l’administration déconcentrée du processus.

NB : je me permets cette naïveté intellectuelle de croire qu’Alpha Condé accèdera à cette requête sachant que son salut viendra de ces acteurs précités.

A la CENI (commission électorale nationale ‘’indépendante’’)

1. Procéder à la recomposition de ses démembrements avec la présence des ‘’vrais’’ représentants des partis politiques en lice ;

2. Ces démembrements auront des missions élargies à celles jusque-là détenues par les délégations spéciales. Ils seront chargés de la gestion de tout le matériel électoral et de l’organisation au niveau local.

A l’opposition

1. De faire preuve d’exigence sur le choix de ses représentants au niveau des démembrements de la CENI qui seront leurs véritables observateurs. Finir avec le laxisme et les affinités dans le choix de leurs représentants, qui ne se contenteront pas simplement d’émarger sur une fiche pour percevoir de per diem mais de garants de la transparence. Cette recommandation est aussi valable pour ses délégués au bureau central de la CENI.

Avec ce minimum de mesures concrètes, les positions radicales des différentes parties se décanteront et s’affineront. L’opposition pourrait adhérer à l’argument financier brandit par la CENI qui ‘’justifierait’’ le choix d’inverser l’ordre des élections. Ainsi la seconde phase du processus sera abordée dans un environnement de confiance minimale retrouvée. De toute évidence, les étapes suivantes seront aussi laborieuses. La révision et le toilettage du fichier électoral, la redéfinition de la cartographie électorale, l’élaboration et la distribution des cartes d’électeurs soulèveront sans doute d’autres problématiques encore plus grandes. Le pouvoir reste le seul responsable de cette énième impasse politique.

Pour terminer, je réaffirme ma position inébranlable qui est celle d’un démocrate convaincu : un coup d’Etat militaire est toujours un recul démocratique. C’est plutôt une insurrection populaire qu’il faudrait redouter avec la tournure que prennent les évènements et le pourrissement de la situation. De toute évidence, les révolutions populaires ont souvent connu la récupération militaire. Plusieurs exemples en font foi.

France-Rwanda : déclassification des documents relatifs au génocide

[Par Marie-Angélique INGABIRE]

La France a finalement signé la décision de déclassifier des archives de la présidence française sur le génocide de 1994. L’annonce de cette décision a coïncidé avec le premier jour de la semaine de la 21e  commémoration du génocide des Tutsi, le 7 Avril 2015.  La majorité de ces pièces sont des notes et des télégrammes diplomatiques.

Victimes du génocide rwandais au Mémorial du Génocide à Kigali. (©REUTERS/Noor Khamis)

Victimes du génocide rwandais au Mémorial du Génocide à Kigali. (©REUTERS/Noor Khamis)

Après une série de déclarations des autorités rwandaises qui accusent la France d’avoir participé au génocide via le soutien politique et militaire, le Rwanda  accuse également la France d’une participation directe au crime commis contre les Tutsis pendant le Génocide. Dans un entretien à Libération, le président rwandais, Paul Kagame avait déjà affirmé en Avril 2014 que « la France comme la Belgique ont joué un rôle néfaste dans l’histoire de son pays et ont contribué à l’émergence d’une idéologie génocidaire ». Ces accusations se concentrent surtout sur l’opération turquoise menée par l’armée française pendant le génocide.

S’adressant aux membres de l’EGAM (European Grassroots Antiracist Movement) en visite au Rwanda au lendemain de cette déclassification, le président Kagame a déclaré qu’il faudra d’abord vérifier si ces archives n’ont pas été fouinées avant de croire en leur authenticité. Quant au ministre rwandais de la justice, Johnston Busingye, il avait déclaré à RFI que « La relation politique, diplomatique et militaire franco-rwandaise pendant la période 1990-1995, a été un domaine bien gardé … Peut-être que ce qui s’est passé à l’époque sera finalement révélé et permettra de faire la lumière sur de nombreuses zones grises ».

Le Rwanda met l’accent sur l’impact de l’Opération Turquoise et sur l’intensité du génocide ; il reste à savoir la réaction du Rwanda étant donné qu’aucune note ne mentionne cette opération d’une façon explicite.

À la Sorbonne : Evénement autour de la liberté d’expression

[Par Nahed BADAWIA]

L’association “Panthéon Sorbonne Monde Arabe” a organisé le 16 mars 2015 une conférence sur la pratique journalistique et la liberté d’expression dans le monde Arabe.

Une moment de la rencontre

Une moment de la rencontre

La Maison des Journalistes a participé à cet événement avec deux journalistes du Moyen-Orient, le Yéménite Mohamad Alchami et la Syrienne Nahed Badawia. Le troisième intervenant était le journaliste français Tangi Salaün qui travaille, actuellement, pour l’agence Reuter comme correspondant en Égypte. Les trois participants ont abordé la liberté d’expression sur leur terrain du travail.
Mohamad Alchami a abordé la violation de la liberté d’expression par différents pouvoirs au Yémen : par le régime en place, les chefs des tribus et les extrémistes. Il a précisé que c’est bien là un réel combat pour les Droits de l’Homme, au-delà de celui de la liberté de la presse.
Nahed Badawia a évoqué trois périodes différentes.
Pendant La première république Syrienne (1932-1963) une liberté de la presse existait. Par exemple, il y avait 128 journaux et 129 périodiques littéraires, scientifiques et professionnels.
Lors de la deuxième république (1963-2011) Pendant le mandat du parti Baas on assistait à La nationalisation de la presse. Il n’y avait que trois journaux : AlBaas (renaissance), Alsawra (la révolution) and Tichreen (Octobre- la date du coup d’état de Hafez Assad). Mais on peut dire que tous étaient de pâles copies les uns des autres.
La presse entre 2011 et 2013 : durant la période révolutionnaire, la vie médiatique a fleuri. Jamais la presse n’a été aussi active et libre. Mais en 2014-2015 La presse fut prise entre deux feux: le régime et les extrémistes.
Tangi Salaün, pour sa part, a constaté que La révolution Twitter-Facebook ne concernait que peu de personnes dans le monde Arabe. En Egypte, son problème principal dans l’exercice de son métier de journaliste, était l’accès à l’information mais pas la répression.
A l’occasion de cette conférence les étudiants ont posé de multiples questions sur le thème de la liberté d’expression au Moyen-Orient et dans le monde dans son ensemble. Les orateurs, quant à eux, ont souligné, en conclusion, que les notions de « démocratie » et de « liberté de la presse » sont définitivement indissociables.

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Jean-Louis Borloo, l’Afrique et l’électricité

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Jean-Louis Borloo

Jean-Louis Borloo

« D’ici à 2025, le continent africain pourra être électrifié, à 100 %. » Et sortir 600 millions d’Africains de l’obscurité. L’idée est de Jean-Louis Borloo, ancien ministre français, sérieux et optimiste. Pourtant, en Afrique, la déclaration a suscité plus de questions dubitatives que d’enthousiasme.

En fait, comment s’y prendre dans cette partie du monde, trois fois plus vaste que l’Europe, où la route, en beaucoup d’endroits, est inexistante ? N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs que de parler d’électrification, avant que tous les pays du continent ne soient en mesure de communiquer par la route ? Kipling ne disait-il pas que « la civilisation, c’est d’abord la route ? »

Ces questions sont pertinentes. Les pays africains ne sont pas reliés entre eux. Quand vous consultez une carte routière du continent, cette réalité saute aux yeux. Vous y découvrez, plutôt, une « Afrique de blocs » : Maghreb, Afrique Centrale, Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest, et Afrique Australe. Sans liens entre eux. On parlera, alors, d’« intégration régionale », comme solution : un concept global.

D’où, en son temps, la préoccupation des Nations-Unies et des organisations sous-régionales africaines de bâtir un réseau de routes transcontinental, long de 56 683 km. Depuis quelques années, ce projet est sur la table, en attendant un financement. Il comprend quatre axes pour la partie est-ouest et trois axes pour la direction nord-sud. L’axe le plus long est celui qui va de Tripoli (Libye) jusqu’au Cap (Afrique du Sud), soit 10 808 km.

En voici donc une vision traditionnelle, qui prend en compte l’importance de la route, aux dépens de quelques autres infrastructures de base. Cette priorité, qui a assuré la grandeur des empires antiques, l’a fait aussi pour l’Europe préindustrielle. Et, à l’heure de la mondialisation, la route continue de jouer un rôle non moins important pour la prospérité du monde.

Est-il valable de bousculer ce schéma quasi-classique, éprouvé à travers les siècles ? J-L Borloo le pense et s’en explique : « L’électricité n’est pas un sujet comme les autres, c’est un sujet en amont de tous les autres. L’électricité, cela veut dire l’accès à l’eau, c’est aussi la réduction de la déforestation, le développement de l’agriculture, la santé, l’éducation… et un coup de pouce au climat. »

Rien n’est moins vrai !

(source : un.org)

(source : un.org)

Or, on peut en dire autant de la route, car l’aphorisme de Kipling, à notre avis, n’a pas pris une seule ride. Ainsi donc, route ou électricité, pour l’Afrique, ne constitue pas en soi un vrai dilemme. Ce qui nous amène à penser que le mégaprojet du Français (investissement de quelque 200 milliards d’euros), axé sur l’électricité, et le projet de l’Onu – pour le moment, mis en veilleuse – privilégiant la route, peuvent cheminer ensemble.

Quitte à harmoniser les deux projets et à trouver leur financement dans une démarche commune. C’est faisable. Après concertation avec la majorité des pays africains pour connaître leur avis sur le sujet, au lieu d’imposer des solutions.

 

 

Guinée : le barrage Kaléta, un autre mirage du peuple guinéen

[Par ADS]

« On vous parle de Kaléta, ils ont attendu cinq ans, c’est à la veille des élections, qu’ils veulent vous fournir un peu d’électricité pour encore dire qu’ils ont amené l’électricité et deux mois après ça va s’arrêter ». C’est la lecture faite par Sydia Touré, président de l’UFR. Cette lecture est largement partagée par bien des Guinéens encore sceptiques quant à la fiabilité dudit barrage, la fierté du quinquennat gorgé de sang et d’impostures. Le barrage de Kaléta est ainsi devenu un fond de campagne pour le parti au pouvoir.

Il reste que, à quelques mois de la remise de l’ouvrage, en mai 2015 selon le contrat, le président doute. Selon Alpha Condé, Garafiri, Kaléta et Souapiti sont des barrages en cascade, contrairement aux autres barrages. Mais ils sont également interdépendants les uns des autres pour électrifier la Guinée, ne serait-ce que Conakry : « Le premier (Garafiri, ndlr) ne peut donner 75 MWA que si Kaléta lui donne de l’eau. Kaléta lui aussi ne peut donner ses 250 MWA en période d’étiage que si Souapiti lui donne de l’eau. Comme Kaléta sera fonctionnel à partir de mai (2015) il faut que tout de suite on trouve les moyens de financer la partie eau par des turbines. Mais au moins qu’on nous aide à élaborer la partie eau pour que Souapiti puisse donner de l’eau à Kaléta quelle que soit la période », martèle le président guinéen. Ce qui tranche avec ce qui nous a été dit.
En déclarant ainsi que Kaléta ne fait plus rêver, Alpha Condé donne raison à son ancien ministre de l’Energie, Papa Koly Kourouma, qui avait été dépouillé de toutes ses prérogatives avant d’être limogé et confiné au poste de ministre conseiller à la Présidence, comme Bah Ousmane et Rougui Barry, les alliés d’hier. On se rappelle que Papa Koly Kourouma avait failli se faire bouffer par la mouvance. Papa Koly Kourouma n’est plus en odeur de sainteté avec la mouvance présidentielle qui voit en l’ancien ministre de l’Energie un prêcheur en eau trouble. De plus, son passage à la tête de ce département n’aura pas été des plus appréciés : « Je ne peux dire qu’il a trahit le président de la République. Tout ce que je peux dire, ce que le ministre Papa Koly Kourouma n’a pas été à la hauteur ». C’est un membre de la mouvance qui parle. Amadou Damaro Camara en veut un peu à Alpha Condé « qui nomme et a la liberté de nommer qui il veut ».
Cette aigreur, car c’en est une, pourrait être née de la sortie médiatique de Papa Koly Kourouma en début d’année. En effet, l’ancien ministre avait déclaré sur les ondes d’une radio locale que le projet du barrage de Kaléta dont se vante aujourd’hui le chef de l’Etat ne pourra jamais résoudre tous les problèmes d’énergie en Guinée. Cela tranche avec ce qui se dit parmi certains proches du parti au pouvoir. Pour lui, la capacité du barrage installé à Kaléta sera de 240 Mégawats, mais il fonctionnera au gré des courants. Et parce que ce barrage n’a pas de retenue d’eau suffisante pour produire les 240 Mégawatts pendant l’étiage, cette puissance va chuter à 45 Mégawats, provoquant à nouveau des délestages électriques. Pour se justifier aujourd’hui, après avoir bien compris la réalité, Alpha Condé parle de distribution d’équipements qui transportent le courant. En réalité, il est allé trop vite en besogne. Juste pour narguer ses opposants. A l’épreuve du pouvoir, Condé comprend à son corps défendant que Kaléta ne résoudra pas tout.
Il y a peu, des Chinois ont procédé à la présentation de l’étude faisabilité de l’aménagement du barrage hydroélectrique de Souapiti, distant de celui en construction (Kaléta) de six kilomètres . Deux jours auront suffi aux ingénieurs de la china international water et Electric Corp. Et à ceux de la Guinée pour étudier le projet devant être réalisé sur le fleuve Konkouré, qui arrose bien des préfectures, dont Fria et Dubreka.
Le montant pour la réalisation du projet est évalué à près de 2 milliards USD pour une capacité, nous dit-on, de 600 MW. La durée, elle, est estimée à cinq ans. La société d’électricité d’Abou Dhabi et la Banque mondiale seront probablement les premiers partenaires de la Guinée dans l’exécution de cette infrastructure. En attendant, le rêve entretenu sur Kaléta a fondu comme neige au soleil. En effet, contrairement à ce que l’on laissait entendre, la construction de ce barrage n’empêchera pas les Guinéens de survivre à la bougie ou d’utiliser des lampes chinoises. Bref, Kaléta ne pourra résoudre les problèmes d’électricité en Guinée. Pourtant, la fourniture régulière du courant et de l’eau figurait en bonne place dans les priorités d’Alpha Condé lors de la campagne présidentielle antérieure. Mais, copinage et amateurisme dans le choix des hommes ont grippé la machine.
Au lieu de faire face à ces choix hasardeux, le président guinéen est en perpétuelle quête de boucs émissaires pour justifier son échec dans ces deux domaines vitaux : l’eau et l’électricité. De la bouche du chef de l’Etat, on a entendu que 525 millions de dollars avaient été dépensés dans le secteur de l’énergie en Guinée. Qu’a-t-on fait de ce magot ? Et ces 100 MWT qui ont été achetés à 140 millions de dollars par des proches du président ? Plus personne ne le sait. On sait en revanche que le barrage sera l’un des maîtres mots de la campagne pour Alpha Condé, qui a déjà revendiqué la victoire.

 

Document RFI réalisé à Conakry à écouter pour se rendre compte des affabulations et fausses promesses du régime de Conakry par la voix de son ex-ministre de l’énergie Papa Koly KOUROUMA : http://www.rfi.fr/emission/20120923-1-le-secteur-energetique-guinee/

 

 

CUBA : La dictature du marketing

[Par Jesús ZUÑIGA]

Cliquez ici pour télécharger la version originale en espagnol

Traduit de l’espagnol par Rébecca Tural

Dans le palais d’un ancien dictateur déchu, des élèves portant de grands foulards rouges les identifiant comme étant des « pionniers » du Parti Communiste écoutent un guide qui leur parle des bienfaits de la Révolution.
Pendant leur visite du bâtiment, les petits observent, étonnés, un vieux pistolet, la chemise ensanglantée d’un combattant, le moteur d’un avion-espion américain qu’on a abattu. Puis, ils arrivent près du yacht Granma sur lequel Fidel Castro et ses guérilleros ont débarqué ; les bottes de combat qu’a utilisées son frère cadet sont là aussi. Ce sont celles du Général Raúl, qui l’a remplacé au pouvoir en 2006 et qui affirme qu’il ne fera rien qui « contredise l’héritage de Fidel ».

(source :  Oswaldo Rivas/Reuters)

(source : Oswaldo Rivas/Reuters)

Le palais de Fulgencio Batista – l’ancien dictateur de Cuba –, renversé par Fidel Castro, est aujourd’hui un musée à la gloire de la Révolution, et, à ces enfants qui ont entre 6 et 9 ans, on leur dit qu’ils sont les héritiers d’un gouvernement communiste que vient d’avoir 56 ans.
« Nous, les Castro, nous vivons longtemps », a dit Raúl, répondant à contretemps à un commentaire déjà ancien de l’ex-président chilien, Sebastián Piñera. Ceux qui se sont rebellés contre la dictature militaire de Batista ont établi à Cuba une autre dictature militaire huit fois plus longue. La différence principale entre Batista et les frères Castro est le marketing. Comment peut-on encore considérer Cuba comme une démocratie après 56 ans au pouvoir des mêmes dirigeants ? Cuba est sans aucun doute la meilleure école pour dictateurs.

La révolution qui menace les Castro

Dans ce contexte, à Cuba, un très petit nombre des 11,3 millions d’habitants a accès à Internet ; les Cubains n’ont d’ailleurs ni beaucoup de temps ni beaucoup d’intérêt à se connecter, puisque leur préoccupation principale est de savoir comment survivre, jour après jour, obligés de se débrouiller du fait d’une économie à cause de laquelle il est difficile d’obtenir du papier toilette ou de la viande de bœuf.
Après avoir essayé pendant plus de huit ans de modérer certains des contours de son régime orthopédique, Raúl Castro reste décidé à éliminer tout ce qui menacerait sa permanence au pouvoir et qui pourrait le rayer de la carte comme cela est arrivé à l’ancienne puissance protectrice, l’ex-Union Soviétique, que presque personne n’a regrettée. Et pourtant, même sous de telles conditions de vie dans la Cuba d’aujourd’hui, une nouvelle proposition électrisante commence à faire rêver beaucoup de gens sur l’île comme à l’extérieur, entrevoyant peut-être un changement à Cuba.

Depuis le 17 décembre 2014, la presse internationale publie beaucoup de « unes » concernant Cuba. Dans une déclaration conjointe, retransmise simultanément depuis Washington et La Havane, Barack Obama et Raúl Castro, respectivement, annonçaient le lancement de discussions dans le but de rétablir les relations diplomatiques après plus de 50 ans de « guerre froide » entre les Etats-Unis et Cuba.
Cette simple annonce officielle a signifié, comme dans une course de chevaux, le coup d’envoi d’une concurrence entre les firmes technologiques les plus puissantes du monde, Google, Netflix, Apple, pour ne citer qu’elles, pour s’installer à Cuba-patrie du rhum, du cigare, du sucre et du Buena Vista Social Club, une île qui en plein XXI ème siècle vit encore dans l’ère des grottes, alors que, des îles Fidji à Malte en passant par l’Islande et Madagascar les citoyens profitent de la télévision par satellite, de la téléphonie mobile et d’Internet.

En 1996, le régime communiste de La Havane a promulgué le décret-loi 209, qui établit que l’utilisation d’Internet ne peut être autorisée si elle « viole les principes moraux de la société cubaine ou les lois du pays ». Le ministre des télécommunications, Ramiro Valdés, a même déclaré que « Internet est un outil d’extermination globale qu’il faut contrôler quel qu’en soit le prix ».
Mais au milieu des extrémistes du dogme dictatorial et totalitaire imposé par la force, de nouveaux visages ont surgi à Cuba : rappers, gays, travestis et transsexuels, adolescents portant des tatouages et des piercings au nombril, utilisateurs d’antennes satellites pirates… Sans compter l’augmentation de la consommation de drogue et celle de la prostitution. Tout cela, en plus d’une société civile indépendante qui existe toujours : dissidents, journalistes indépendants, blogueurs, « Dames en blanc » (« Damas de blanco »)…

Fidel Castro

Fidel Castro

Fidel et Raúl et leurs expériences meurent à petit feu. Le capitalisme commence à s’installer peu à peu sur l’île : les Cubains peuvent enfin en sortir s’ils obtiennent un visa… Et la dictature a beau essayer de bloquer Internet et les réseaux sociaux, l’ingéniosité des cubains finira par s’imposer face aux interdictions absurdes.

Cuba continue d’être un des pays les plus fermés au monde. Les frères Castro maintiennent leur contrôle à l’aide de la peur et d’un système répressif bien huilé, mais qui à présent montre ses limites.
Il n’est plus impensable que le Congrès des Etats-Unis lève l’embargo à l’égard de Cuba, mais il ne devrait pas le faire tant que l’île n’améliorera pas son passif criminel en matière de droits de l’homme, ne démocratisera pas son système politique et ne fera pas de place à ses dissidents et à la presse indépendante interne.
A Cuba, la liberté est un problème biologique, et la démocratie peut seulement survenir à la suite d’un problème de santé. Je n’ose pas faire de pronostic à propos de la fin du castrisme, mais je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas attendre la mort de Fidel et de Raúl Castro pour que Cuba change.
En fin de compte, les dictateurs ne doivent pas mourir au pouvoir, mais en prison.