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France-Rwanda : déclassification des documents relatifs au génocide

[Par Marie-Angélique INGABIRE]

La France a finalement signé la décision de déclassifier des archives de la présidence française sur le génocide de 1994. L’annonce de cette décision a coïncidé avec le premier jour de la semaine de la 21e  commémoration du génocide des Tutsi, le 7 Avril 2015.  La majorité de ces pièces sont des notes et des télégrammes diplomatiques.

Victimes du génocide rwandais au Mémorial du Génocide à Kigali. (©REUTERS/Noor Khamis)

Victimes du génocide rwandais au Mémorial du Génocide à Kigali. (©REUTERS/Noor Khamis)

Après une série de déclarations des autorités rwandaises qui accusent la France d’avoir participé au génocide via le soutien politique et militaire, le Rwanda  accuse également la France d’une participation directe au crime commis contre les Tutsis pendant le Génocide. Dans un entretien à Libération, le président rwandais, Paul Kagame avait déjà affirmé en Avril 2014 que « la France comme la Belgique ont joué un rôle néfaste dans l’histoire de son pays et ont contribué à l’émergence d’une idéologie génocidaire ». Ces accusations se concentrent surtout sur l’opération turquoise menée par l’armée française pendant le génocide.

S’adressant aux membres de l’EGAM (European Grassroots Antiracist Movement) en visite au Rwanda au lendemain de cette déclassification, le président Kagame a déclaré qu’il faudra d’abord vérifier si ces archives n’ont pas été fouinées avant de croire en leur authenticité. Quant au ministre rwandais de la justice, Johnston Busingye, il avait déclaré à RFI que « La relation politique, diplomatique et militaire franco-rwandaise pendant la période 1990-1995, a été un domaine bien gardé … Peut-être que ce qui s’est passé à l’époque sera finalement révélé et permettra de faire la lumière sur de nombreuses zones grises ».

Le Rwanda met l’accent sur l’impact de l’Opération Turquoise et sur l’intensité du génocide ; il reste à savoir la réaction du Rwanda étant donné qu’aucune note ne mentionne cette opération d’une façon explicite.

Chaque matin chez l’exilé…

[Par Sintius MALAIKAT]

Chaque matin à travers la fenêtre de ma chambre, sur un cimetière se pose mon regard. Souvent je vois des gens poser des gerbes de fleurs ou nettoyer les tombes des membres de leurs familles ou amis qui y sont enterrés. “Aurai- je un jour l’occasion de le faire pour les miens enterrés au Rwanda?” Exilée, je suis privée du droit de retourner dans ma patrie.
Que le monde est injuste!

Chaque matin j’attends vainement un appel ou un courrier porteur d’une bonne nouvelle. Pourquoi tout ce temps d’attente avant d’avoir le statut de réfugiée? Pourtant, je suis dans un pays de droit! Oui, nombreux sont les dossiers de demande, mais est-il juste d’attendre aussi longtemps? Heureusement dans les couloirs, je croise mes collègues de la Maison des journalistes, qui comme moi ont connu ces moments difficiles, et qui me remontent le moral en me disant “Patience est mère de sûreté”.

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Malheureusement qui sait qu’un maudit matin je serai peut-être obligée de partir, disparaître dans un centre sans collègue pour m’encourager? Un entourage sans affinité est une voie sans issue, une pièce sans sortie, un hôpital sans médecins.
Chaque matin à travers ma fenêtre, j’aperçois des enfants sur leur chemin de l’école. Forcée de vivre tout ce temps d’éloignement, sans lueur au bout du tunnel, je me demande quand mes filles pourront me rejoindre et en fin vivre en sécurité.
Chaque matin est le début d’une journée dure pour tout demandeur d’asile dont la procédure n’avance pas. Sur mon passé amer s’ajoute cet accablement.
Chaque matin…

 

 

 

 

Rwanda : 10 ans de prison pour Kizito Mihigo

[Par Sintius MALAIKAT]

L’artiste Kizito Mihigo a finalement été condamné à 10 ans de prison lors d’un procès durant lequel il plaidé coupable (cliquez ici pour lire l’article publié sur l’affaire Mihigo, le 7/11/2014).

Kizito Mihigo (source: ikazeiwacu.fr/

Kizito Mihigo (source: ikazeiwacu.fr/

Le verdict est tombé le 27 février. Accusé de conspiration contre le gouvernement du président Paul Kagame, de formation d’un groupe criminel, d’entente en vue de commettre un assassinat et de complicité dans un acte terroriste, Kizito Mihigo avait été arrêté en avril dernier.

Kizito Mihigo durant le procès

Kizito Mihigo durant le procès

Kizito Mihigo et les autres accusés

Kizito Mihigo et les autres accusés

Dans un procès qu’il partageait avec 3 autres accusés, Kizito s’est passé définitivement de ses avocats et a plaidé coupable et a demandé pardon au Chef d’Etat et à tous les Rwandais.
Dix ans de prison contre la perpétuité qu’ avait proposée le procureur, tel est le sort de l’artiste reconnu coupable des 2 premières accusations, et dont le juge n’a pas retenu l’accusation de complicité dans un acte terroriste, « faute de preuve ». Ici se pose la question de savoir ce que dit la loi quand une personne plaide coupable d’un crime que la cour jugera qu’il n’a pas commis ! Ceci ne devrait-il pas affecter la véracité des informations que le présumé a données ?

Le journaliste Cassien NTAMUHANGA

Le journaliste Cassien NTAMUHANGA

Jean Paul Dukuzumuremyi, ancien militaire et Cassien Ntamuhanga, journaliste, ont quant à eux été reconnus coupables de toutes les charges, et condamnés respectivement à 30 et 25 ans de prison. A la sortie du tribunal, Cassien n’a pas caché son indignation : « C’est incroyable, c’est une honte, ce n’est pas une justice. » Agnès Niyibizi, la seule femme de ce procès, a été acquittée.
Cette dernière vivait chez l’actuel ambassadeur du Rwanda lequel, au moment des arrestations, était ministre des Sports et Cultures, Protais Mitali.
Agé de 34 ans, l’artiste Kizito a contribué à la composition de l’hymne national. Rescapé du génocide, il est connu pour avoir composé différents chants liturgiques catholiques et plusieurs chansons utilisées pendant la commémoration du génocide, ainsi que des chants visant l’unité et la réconciliation. Avec sa fondation KMP (Kizito Mihigo pour la Paix), il faisait le tour des écoles pour éduquer les jeunes rwandais sur ce programme d’unité et réconciliation. Il visitait également des prisons sensibilisant les détenus à avouer leur rôle pendant le génocide et les appelant à demander pardon. Le gouvernement n’avait jamais cessé de saluer ses activités jusqu’en Mars 2014 quand il composa une chanson dans laquelle il demandait que me toute victime des massacres commis en 1994 soit commémorée, quelle que soit son ethnie ou la cause de sa mort. Cette chanson a été qualifiée par le gouvernement de Kagame de moyen de véhiculer le négationnisme du génocide. Après une semaine au cours de laquelle la police disait à sa famille et aux médias ne pas avoir de ses nouvelles, Kizito Mihio apparaîtra menotté le 14 avril, accusé des 3 crimes cités plus haut.

[Toutes les photos ont été tirés de www.imirasire.com]

 

Au Rwanda la santé se mutualise progressivement

[Par Sintius MALAIKAT]

Membre de la Communauté de l’Afrique de l’Est, le Rwanda est un pays dont plus de 90% des 12 millions de rwandais travaillent dans le secteur informel (source : Le ministère de la Santé au Rwanda, 2012). Dans un pays affichant un taux de PIB de 4-6% par an (source : Banque Mondiale), 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, différents rapports montrent que c’est un pays dont la croissance économique est surprenante. Entre 2001 et 2012, le taux de croissance du PIB réel a atteint 8,1% en moyenne par an, selon la Banque Mondiale.

Source : izuba-rirashe.com

Source : izuba-rirashe.com

Ceci étant posé, comment parler de la croissance économique, sans parler de la santé des habitants ?
« Pour que le droit à la santé soit une réalité, les états doivent créer des conditions permettant à chacun de jouir du meilleur état de santé possible, c’est-à-dire garantir la disponibilité des services de santé, veiller à la santé et à la sécurité au travail et assurer l’accès à des logements adéquats et à des denrées alimentaires nutritives » (Le droit à la santé(OMS), Aide-mémoire N°323,Novembre 2013).
Le projet mutualiste
Comme le montre la VISION 2020 que le pays s’est fixé : «… la mission du ministère ayant la santé dans ses attributions est d’assurer et de promouvoir l’état de santé de la population du Rwanda… » (Vision 2020). C’est dans cette perspective que le gouvernement a entrepris de lancer un projet sur l’assurance maladie.
Le projet pilote des mutuelles de santé au Rwanda a démarré en 1999 dans trois districts, mais d’après une évaluation faite par le MINISANTE, après 2 ans, le taux d’adhésion n’était pas encore satisfaisant avec un taux de moins de 30%. Cette situation ne découragea pas les Autorités. Elles concentrèrent tous leurs efforts autour de la sensibilisation. Ce ce sera plus tard – en 2007 – que le parlement décrétera une loi selon laquelle l’adhésion à une assurance maladie est obligatoire.

Source : http://rwanda-in-liberation.blogvie.com/

Source : http://rwanda-in-liberation.blogvie.com/

Ainsi, l’adhésion à un type d’assurance maladie dépend de différents facteurs : entre autres, le domaine professionnel ou la vie sociale. Par domaine professionnel, on entend toute personne travaillant dans une institution ou un service public/gouvernemental. Elle bénéficie alors d’une assurance maladie dont les cotisations sont partagées entre l’employé et l’employeur. Ces cotisations sont gérées par le RSSB, Rwanda Social Security Board (Agence Rwandaise de la Sécurité Sociale). Quant aux organisations non gouvernementales et autres institutions privées, elles peuvent soit adhérer à la RSSB soit prendre une assurance privée pour leurs personnels auprès des compagnies d’assurance.
Enfin, le reste de la population non couverte par un des autres régimes d’assurance maladie mentionnés doit être couverte par les Mutuelles de Santé. Avec ce système, chaque membre de la famille paye une contribution au début de l’année budgétaire (elle débute le 1 er Juillet) Il reçoit une carte d’adhérent et se fait soigner pendant une année, payant un ticket modérateur (300 frw, soit 0,30 € pour les soins de base, le laboratoire et les médicaments). Cette cotisation doit être de 3000 frw par tête, soit 3,70 € pour des familles économiquement démunies et de 7000 frw ou 8,60 € par tête pour des familles classées dans la catégorie des riches. Notons aussi que le gouvernement prend en charge les cotisations de certaines familles parmi les plus pauvres.
Même si la population a adhéré « à pas de tortue » depuis la mise en place du système, ce dernier devient de plus en plus stable. Il a contribué à réduire le taux de mortalité car, comme c’est écrit sur les cartes des membres, « Avec cette carte, personne ne tombe plus gravement malade à la maison » .

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Rwanda : le mystère persiste sur l’affaire Kizito Mihigo

[Par Sintius MALAIKAT]

Kizito Mihigo, artiste-musicien rwandais et rescapé du génocide, est incarcéré depuis le 14 avril 2014. Après une semaine de disparition la police nationale, malgré une série de déclarations, finira par reconnaître sa détention.

Kizito Mihigo (source: inyenyerinews.org)

Kizito Mihigo avec ses avocats (source: inyenyerinews.org)

Mihigo est poursuivi pour collaboration avec des groupes terroristes opérant à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et le RNC (Rwanda National Congres), parti politique de l’opposition fondé en Afrique du Sud par des anciens pro-Kagame. Ses accusations vont jusqu’à montrer qu’il planifiait l’assassinat du président rwandais, Paul Kagame et de certaines autres autorités du pays. Mais il avait évoqué, dans sa dernière chanson, «Igisobanuro Cy’Urupfu » « La signification de la mort », les crimes dont est accusé le Front patriotique rwandais (FPR), aujourd’hui au pouvoir. Cette chanson a été prise pour négationnisme du génocide car d’après ses mots, l’artiste veut que toute personne morte au Rwanda soit commémorée, quelle que soit la cause et l’ethnie.

« Je suis orphelin à cause du génocide, mais cela ne doit pas me faire oublier qu’il y a d’autres personnes qui ont été massacrées suite à la vengeance. Je leur rends hommage car elles aussi sont des êtres humains… »
Chrétien catholique, il est accusé de s’être attaqué contre le programme « Ndi Umunyarwanda » (Je suis Rwandais), programme dans lequel toute personne Hutu est obligée de demander pardon aux Tutsis pour les crimes commis en leur nom lors du génocide.
« Je suis Rwandais devrait être précédé par Je suis chrétien… »
Pourtant, ce programme a semé la polémique car beaucoup de gens ne sont pas pour cette politique de généralisation ; certains l’avaient trouvé comme une manière de criminaliser tous les Hutus et d’autres, dont Ibuka, association des rescapés du génocide, comme un programme pouvant contribuer à dissimuler la vérité sur ce qui s’est réellement passé. [Cette association avait désapprouvé ce programme à son lancement mais elle n’a pas tardé à se contredire].

Kizito Mihigo (source : inyarwanda.com)

Kizito Mihigo (source : inyarwanda.com)

Son procès a été ouvert à la Haute cour de Kigali le 12 septembre, en compagnie de ses 3 co-accusés dont un journaliste. Kizito plaide coupable de toute accusation et demande que son procès soit jugé séparément. Reporté, le procès réapparait ce 06 novembre et plaide coupable de tout chef d’accusation ; mais ses avocats ne sont pas d’accord surtout en ce qui concerne l’appellation des ses crimes et sur l’authenticité des preuves dont dispose le parquet, : preuves basées sur des messages via des réseaux sociaux, Skype et Whatsapp. Pourtant, l’artiste insiste et déclare que peu importe l’appellation, il plaide coupable et demande pardon au chef d’Etat qu’il a trahi alors que ce dernier l’avait beaucoup aidé dans sa carrière.
« Je ne l’ai jamais détesté [le Président Kagame]. Trahir une personne ne signifie pas qu’on la déteste. Seulement c’est comme si je m’étais révolté car j’avais des problèmes avec d’autres autorités,… Mais je regrette ce que j’ai fait contre le Président alors qu’il m’a aidé ».

Après Kizito Mihigo, ce fut le tour d’un de ses co-accusés, Cassien Ntamuhanga, ancien journaliste et directeur de radio privée religieuse, Amazing Grace. Ce dernier a immédiatement rejeté la première des quatre accusations qu’il partage avec Mihigo, mais le procès a été reporté au 14 novembre car l’un des juges est tombé brusquement malade.

Source : Umuseke.com, RFI

 

 

Crimes contre l’Humanité : L’histoire du Rwanda jamais contée

[Par Sintius MALAIKAT]

La Journée des Nations Unies marque l’anniversaire de la fondation des Nations Unies, le 24 octobre 1945 à la suite de la Seconde Guerre mondiale. L’institution mondiale a été créée afin de préserver les générations futures du fléau de la guerre et des crimes contre l’humanité, comme le génocide dans le monde, de réaffirmer la foi des pays membres envers les droits fondamentaux de l’homme dans le monde, de favoriser le progrès social et d’ instaurer de meilleures conditions de vie pour une liberté plus grande et plus sécurisée pour tous.

La Journée des Nations Unies est aujourd’hui célébrée dans les 192 États membres des Nations Unies. Le drapeau des Nations Unies est arboré symboliquement dans les lieux publics. En cette journée, des rencontres et des débats sérieux sont organisés sur la place publique traitant de questions sur lesquelles travaillent les Nations Unies. Des propositions y sont également formulées quant à la façon de résoudre les problèmes mondiaux par la coopération internationale. La Journée des Nations Unies donne la possibilité aux groupes et aux particuliers de mieux connaître les activités et les réalisations des Nations Unies et de relever les défis auxquels tous les pays sont confrontés au 21e siècle.

Dans le documentaire, le chef de l'Etat Paul Kagame est accusé d'être le commanditaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana (source : Rfi)

Dans le documentaire, le chef de l’Etat Paul Kagame est accusé d’être le commanditaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana (source : Rfi)

Au Rwanda : En 1994, le pays a connu “le génocide”, crime contre l’humanité. Lors de la 20ème commémoration du génocide, le Secrétaire Général de l’Onu, Ban Ki-Moon, présent à l’événement, a reconnu la faiblesse de la communauté internationale qui a « assisté » de loin à ce qui se passait. « Nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus… »
Le 1er octobre, la BBC diffuse Rwanda’s untold story, « L’histoire du Rwanda jamais contée ». Un documentaire à charge contre le président rwandais Paul Kagame, l’accusant de crimes de guerre pendant le génocide, de massacres au Congo, d’assassinats politiques et d’être responsable de l’attaque contre l’avion du président Habyarimana. Dans ce film, Marie, jeune femme belgo-rwandaise hutu témoigne des atrocités commis par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) contre des réfugiés rwandais hutus qui étaient en République Démocratique du Congo entre 1996-1998. Très triste, en larmes, Marie condamne la communauté internationale qui n’a joué aucun rôle pour empêcher les crimes contre les hutus : « C’était l’apocalypse. C’était la fin du monde. Un jour je me suis demandée : si la Communauté Internationale existe, pourquoi sommes-nous en train de mourir comme ça sans aucune aide ? … il fallait tuer le plus grand nombre possible de réfugiés hutus …et on les tuait parce qu’ils étaient nombreux. » Aujourd’hui, le film documentaire a fait polémique ; des manifestations ont été organisées au Rwanda contre la BBC et le parlement rwandais demande la suspension de la diffusion des émissions de la BBC au Rwanda. Finalement, ce 24 Octobre, l’Agence Rwandaise de Régulation, RURA décide de suspendre toute émission de la BBC en langue nationale.

En Centrafrique : L’Amnesty international dénonce des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les deux parties en conflit.

Laurent Gbagbo (source : apricainfo.com)

Laurent Gbagbo (source : apricainfo.com)

En Côte d’Ivoire : La crise de 2010-2011 a commencé quand le président Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle de 2010 face à l’actuel chef d’Etat, Alassane Ouattara.
Dans son mandat d’arrêt, la CPI estime qu’il est raisonnable de croire que cet ancien fer de lance des violentes manifestations antifrançaises en 2003 et 2004 recevait des instructions de la part de Laurent Gbagbo, qui comparaît également devant les juges de la CPI, dans le cadre d’un “plan commun”, pensé par M. Gbagbo et son entourage. Il donnait des instructions directement aux jeunes qui étaient systématiquement recrutés, armés, formés et intégrés à la chaîne de commandement des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS) et Il a été surnommé “général de la rue” ou encore “ministre de la rue” pour sa capacité de mobilisation.
La Cour a également émis un mandat d’arrêt contre son épouse Simone, mais Abidjan refuse de la transférer à La Haye, avec pour motif que la justice ivoirienne est désormais en capacité d’assurer équitablement son procès. Inculpée le 18 août 2011 pour atteinte à la défense nationale, attentat ou complot contre l’autorité de l’État, constitution de bandes armées, direction ou participation à un mouvement insurrectionnel, trouble à l’ordre public ou encore rébellion, elle a vu, en février 2012, les charges retenues contre elles s’étendre à des “faits de génocides”.
Plus de 90 pro-Gbagbo sont jugés à partir du 22 octobre. Ils sont poursuivis pour leur rôle dans la crise postélectorale de 2010-2011. Outre Simone Gbagbo, l’ex-première dame et plusieurs personnalités de haut rang sont concernées. Qui sont-ils et que leur reproche la justice ivoirienne ? Si certains devront un jour répondre des chefs de génocide ou de crimes économiques, le procès qui a démarré ne concernera que l’accusation d'”atteinte à la sûreté de l’État”.

Uhuru Kenyatta (source : telegraph.co.uk)

Uhuru Kenyatta (source : telegraph.co.uk)

Au Kenya: Le président kényan Uhuru Kenyatta a comparu devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, le 8 Octobre, où l’un de ses avocats a demandé l’abandon des poursuites pour crimes contre l’humanité à son encontre. “Ce n’est pas le moment d’affaiblir un pays et une région en renvoyant un président en justice” Le monde livre une terrible bataille contre des terroristes insurgés radicaux dont l’intention est de détruire notre mode de vie. La Corne de l’Afrique et l’Afrique de l’Est sont un théâtre crucial de cette même guerre.
Il y a un an, réunis en sommet extraordinaire à Addis-Abeba, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine avaient pareillement demandé le report du procès en s’inquiétant de voir la CPI pratiquer la règle du “deux poids, deux mesures” en concentrant ses procédures sur l’Afrique tout en ignorant les crimes commis dans d’autres régions du monde.
Elu à la présidence du Kenya en mars 2013, Uhuru Kenyatta est accusé d’avoir co-orchestré les violences à caractère ethnique qui ont fait 1.200 morts après l’élection présidentielle de décembre 2007, remportée par Mwai Kibaki.
Le crime contre l’humanité est sans doute le procès du siècle aujourd’hui, le genre d’événement qui tient tout un peuple en haleine. C’est pourquoi le monde aujourd’hui doit s’ unir contre les crimes contre l’humanité partout dans le monde : au Rwanda, au Congo, en République Centrafrique, en Côte d’Ivoire, au Soudan et contre la menace que font peser les groupes armés contre l’Afrique de l’Est, à commencer par les miliciens islamistes somaliens AL-Chabaab qui ont tué 67 personnes dans un centre commercial de Nairobi en septembre dernier.

Onze ans après sa création, la CPI n’a prononcé que deux condamnations contre deux ex-chefs de guerre de la République démocratique du Congo, Thomas Lubanga et Germain Katanga. D’autres procédures sont en cours, notamment contre Jean-Pierre Bemba du Congo Kinshasa et le président Soudanais Omar Hassan al Bachir et l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, en attente de son procès. Des enquêtes sont ouvertes sur la situation au Mali ou bien encore en Centrafrique.
Le bureau du procureur effectue parallèlement des examens préliminaires dans un certain nombre de pays dont l’Afghanistan, la Géorgie, la Colombie, le Honduras et la Corée du Sud. Mais ils n’ont pas encore débouché sur des affaires.

Germain Katanga (afriqueredaction.com) et Thomas Lubanga (afriqinter.com)

Germain Katanga (afriqueredaction.com) et Thomas Lubanga (afriqinter.com)

France-Rwanda : relations en dents de scie

[Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais]

Le 7 avril de chaque année, date-anniversaire du génocide rwandais, en 1994, le « Kwibuka » (se souvenir, en français) prend les dimensions d’une grande journée historique, où se mêlent sentiments de douleur et volonté de renforcer le processus de catharsis. Lors du 20e anniversaire cette année, le président Kagamé en a profité pour désigner les « complices » de cette tragédie. Parmi les coupables : la France, la Belgique et la communauté internationale.

Le 7 avril 2014, journée officielle de commémoration de Kwibuka20 (se souvenir), au stade Amahoro, où a eu lieu le discours du président Paul Kagame.  [Photo tirée par Pscholastiquemukasonga.net]

Le 7 avril 2014, journée officielle de commémoration de Kwibuka20 (se souvenir), au stade Amahoro, où a eu lieu le discours du président Paul Kagame.
[Photo tirée par Pscholastiquemukasonga.net]


Ce n’est pas la première fois – c’est devenu une rengaine – que la France est pointée du doigt par le Rwanda pour sa collaboration, supposée, avec les génocidaires hutus. Depuis, les relations entre Kigali et Paris se sont brouillées, connaissant des moments de répit et d’autres de tensions extrêmes, jusqu’à dicter, en 2006, la rupture des relations diplomatiques.
Qu’en est-il au juste ? Depuis vingt ans, selon les circonstances, on assiste toujours au même scénario : le Rwanda accuse, la France nie en bloc. De part et d’autre, on s’est même employé à démontrer la « vérité », à travers les commissions d’enquête parlementaire. Apparemment, rien n’y a fait. L’opacité sur des faits majeurs du dossier est restée intacte, tel que l’assassinat du président hutu Habyarimana, dans l’avion détruit par un missile, la veille du génocide, sous le ciel de Kigali. On considère cet acte, auquel on associe aussi la main de la France, comme l’élément déclencheur du génocide.

Paul Kagamé [Photo tirée par yfcrwanda.com]

Paul Kagamé [Photo tirée par yfcrwanda.com]

Dans le livre « La nuit rwandaise. L’implication française dans le dernier génocide du siècle », de Jean-Pierre Gouteux, paru en 2002, l’auteur enfonce le clou : «  Ainsi, les enfants des écoles apprendront que Mitterrand est le président sous le règne duquel la République française a soutenu un Etat génocidaire ».
Toutes ces affirmations (sans preuves) appellent au moins trois questions essentielles : les militaires français étaient-ils présents au Rwanda avant et pendant le génocide ? Comment ont-ils participé au génocide ? Les relations entre le Rwanda et la France finiront-elles par s’apaiser ?
Les militaires français étaient présents à Kigali, dans le cadre de vieux accords de coopération signés, en 1962, entre le premier président rwandais Kayibanda et le général de Gaulle. Ils étaient là à la demande du président Habyarimana pour former l’armée rwandaise, en lutte contre le FPR (Front Populaire Rwandais), aujourd’hui au pouvoir à Kigali. Arrivés au Rwanda alors que le génocide était déjà en cours, les militaires de l’opération « Turquoise » pouvaient-ils opérer au grand jour ? Sur tout cela, le doute plane. Quant aux relations, en dents de scie, entre la France et le Rwanda, les derniers développements du dossier laissent penser que l’on est encore loin de la lune de miel entre les deux protagonistes.
Au fait, quand le président Kagamé, qui a renoncé à apprendre le français, assena dans la langue de Molière, le 7 avril, cette formule : « les faits sont têtus », ce n’était pas pour amuser la galerie. C’était plutôt une façon de dire, avec force, que la France fut complice du génocide rwandais.