Dialogue entre Erri De Luca et Denis Robert sur les fake news et l’inefficacité de la vérité

J’ai longtemps pensé que le pouvoir était au bout de mon stylo.
Ce que m’a fait comprendre l’affaire Clearstream, c’est qu’il y a un pouvoir supérieur au stylo. Le vrai pouvoir est de réussir à étouffer ce qui a été dit. Vous pouvez écrire, crier la vérité. Si en face il y a des stratégies qui se mettent en place avec une complicité entre l’appareil judiciaire, politique et médiatique, vous n’y arriverez pas

Appel aux dons

mdjappelauxdons_04-11-2016vUnique dans le monde, la Maison des journalistes (Paris, France) accueille et accompagne des professionnels des médias contraints à l’exil.

Depuis 2002 près de 400 professionnels issus de pays sous tension ont ainsi bénéficié de son soutien actif.

L’autre mission assurée par la Maison des journalistes consiste à porter les idéaux de la liberté d’expression, de la tolérance et de la citoyenneté auprès des jeunes, notamment au sein des établissements scolaires.

Afin de pouvoir continuer à développer ses actions utiles à la Démocratie, la Maison des journalistes lance un appel aux dons.




Ceux-ci peuvent être effectués en ligne en cliquant sur le bouton ci-dessus ou par chèque à l’ordre de la Maison des journalistes.

Maison des journalistes
35 rue Cauchy | 75015 Paris
Tél. : 01 40 60 04 02
mdj@maisondesjournalistes.org

Pour télécharger le communiqué de presse, cliquez ici 

 

Réfugiés syriens: vous avez dit pays frères ?

Journée de la liberté de la presse : quatre grands journalistes primés

[Par Elyse NGABIRE]

Le 2 mai, à la veille de cette commémoration, Reporters sans frontières s’est associé à la Mairie de Paris pour décorer quatre professionnels des médias pour leur courage, leur combat dans la promotion de la liberté d’expression et celle de la presse.

©Elyse Ngabire

©Elyse Ngabire

18h30, au Théâtre du Rond-Point, 8ème Arrondissement de Paris. Reporters Sans Frontières et la Mairie de Paris avaient convié les professionnels des médias et leurs amis.

« Les combats du journalisme », c’est le thème qui a été retenu cette année. Et la raison est simple. Selon Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières, cette dernière décennie, la liberté de la presse a régressé de façon très déplorable partout dans le monde. Des journalistes sont menacés, arrêtés, torturés, emprisonnés ou tués en Afghanistan, Iran, Erythrée, Burundi, Turquie, etc. Les chiffres sont alarmants : RSF a recensé plus de 800 journalistes assassinés durant la dernière décennie. Pourtant, regrette-t-il, les Nations Unies sont au courant de cette situation catastrophique et de bonnes résolutions en faveur de la protection des journalistes sont adoptées par différents organes de l’ONU.

Le problème, raconte M. Deloire, c’est qu’elles ne sont jamais mises en application malgré l’alerte lancé par le secrétaire général des Nations Unies lui-même : « Dans son rapport, Ban Ki Moon a reconnu que le système de protection des journalistes est un échec. »

Malgré cette absence de détermination de la part des organisations onusiennes à s’investir, RSF ne lâche pas : « Nous allons nous impliquer pour que ce droit international soit appliqué et que tous les Etats soient mis devant leur responsabilité fixée. »

Même son de cloche chez Michaëlle Jean, secrétaire général de la Francophonie : « Il n’est pas normal que les organes de l’ONU attendent que RSF et d’autres associations de défense des droits des journalistes le réclament. »

Pour elle, il est temps de faire pression sur les chefs d’Etats et de gouvernements : « L’Organisation Internationale de la Francophonie est à vos côtés. »

©Elyse Ngabire

©Elyse Ngabire

La détermination face à la démission

Malgré le désengagement ou la démission des institutions onusiennes pour protéger les journalistes, ces derniers restent engagés et déterminés. En témoigne la dernière enquête sur les évasions fiscales, l’une des plus belles histoires du journalisme d’investigation : le Panama Papers.

Quatre journalistes chevronnés d’investigation, dont l’ex-présentatrice vedette de France 2, Elise Lucet, étaient invités. Et c’est sur leurs témoignages que la soirée a été ouverte.

Sans toutefois révéler leurs secrets professionnels, ils ont partagé avec le public leur expérience pour aboutir à cette triste réalité qui a sidéré le monde entier.  Ils sont regroupés au sein de l’International Consortium of Investigating Journalism, une organisation créée en 1997 et dont le siège se trouve à Washington Dc. Cette rédaction virtuelle comprend 180 journalistes répartis sur 150 pays.

« Aucun des grands défis qui hantent l’humanité notamment la corruption, l’extrême violence, etc. ne sera résolu sans les journalistes », fait remarquer le secrétaire général de RSF.

Le grand moment

Il est 19 h 45min quand le grand moment arrive : l’hommage officiel aux héros de la liberté d’expression et de la presse.

Quatre journalistes, du moins pour ceux qui sont présents, montent un à un sur la scène.

Nargues Mohammadi, iranienne, condamnée à six ans de prison pour avoir livré des informations à la presse étrangère, son mari l’a représentée.

Antoine Kaburahe,  qui vit en Belgique depuis qu’il a été accusé  d’être impliqué dans l’affaire du coup d’Etat du 13 mai 2015.

Lotfullah Najafizada, directeur de Tolo News, une chaîne afghane. Il a été retenu pour avoir dénoncé le viol des enfants par des rebelles talibans. Le 20 janvier 2016, sa chaîne est  visée par un attentat perpétré contre un bus qui transportait le personnel. Bilan : six journalistes et leur chauffeur tués et plusieurs blessés.

La médaille a été aussi décernée à Can Dundar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, un journal turc très influent. M.Dündar a été choisi pour avoir dénoncé le soutien de la Syrie envers les rebelles islamistes et la collaboration de l’Union européenne avec Recep Tayyip Erdogan contrairement aux valeurs démocratiques. Emprisonné, il n’a pas pu se présenter à la remise des médailles. Sa femme l’a représenté.

Les médailles de protection et de citoyenneté d’honneur

Pour Patrick Klugman, adjoint du maire en charge des relations internationales et à la Francophonie, il est regrettable que Paris soit presque la seule ville européenne à se doter d’une structure comme La Maison Des Journalistes (MDJ) qui accueille des professionnels des médias exilés.

Citant Victor Hugo, M. Klugman estime que le genre humain a le droit sur Paris : « Au-delà des quatre lauréats qui portent la médaille de Paris, tous ceux qui exercent ce métier et courent un danger doivent pouvoir trouver soutien et refuge à Paris. » Et d’annoncer que bientôt 20 logements seront disponibles pour permettre à la MDJ d’accueillir des journalistes.

D’après Anne Hidalgo, maire de Paris qui avait rehaussé de sa présence à cette soirée, ces médailles font des quatre lauréats des citoyens d’honneur de Paris. Espérons que les médias du monde, comme la ville, ne sombreront pas.

On peut lire sur ces médailles la devise de la ville de Paris : « FLUCTUAT NEC MERGITUR » qui se traduit : « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas. »

 

Algérie : quand la presse oublie la langue de Molière

[Par Mourad HAMMAMI]

Comme disait un écrivain, «  on a voulu arabiser même les oliviers ». L’arabisation était en marche et le lit arabo islamiste bien préparé. C’est le mal principal de l’Algérie dont le système en place se nourrit. Il en est de même avec la presse. On est ainsi passé d’une presse majoritairement francophone à une presse arabophone à tendance propagandiste.

Par Mourad HAMMAMI Parmi les réformes désastreuses pour l’Algérie, on compte celle de l’école. En effet, on est passé d’une école plus ou moins neutre, respectable et républicaine à un système fondamentale, qui semble être une école idéologique dédiée à la propagande panarabisme. Les Algériens lisent des journaux nationaux (Source : www.npr.org)

Les Algériens lisent des journaux nationaux (Source : www.npr.org)

Évidemment il y a lieu de citer certains organes de presse arabophones qui sont connus pour leur professionnalisme et leurs défenses des valeurs de la démocratie et de l’éthique. Mais ces organes se retrouvent esseulés et préoccupés par leur survie, sanctionnés et aussi menacés.

Les autres journaux arabophones (à l’exemple d’Echerouk et d’Ennahar) ont constamment eu le vent en poupe. Ce soutien est du tout d’abord à la loi arbitraire de répartition de la manne publicitaire de l’ANEP (Agence Nationale d’Edition et de la Publicité); mais aussi de l’indulgence dont ces organes ont bénéficié malgré leurs dérapages.

Ces journaux puisent également leur force dans l’Algérie arabisée à coup de force, quitte à tout faire pour effacer le français. Cette langue, ouverte sur le monde et considérée comme butin de guerre, a été quasi effacée en Algérie d’une façon programmée. Hormis la Kabylie, où le français perdure, en Algérie la langue de Molière se fait rare. Ces derniers temps en Kabylie, les journaux arabophones ont surpassé les journaux francophones en terme de vente. L’arabisation gagne du terrain et aujourd’hui, rares sont les jeunes de moins de trente ans capables de lire et de comprendre un journal en français.

En plus de la langue, ces journaux usent d’une stratégie redoutable : peu de place pour l’objectivité, la rationalité. La majeure partie des lecteurs consomme l’information, se laisse aspirer et siphonner en jouant sur sa sensibilité identitaire, religieuse et de son manque d’expérience dans le monde de la presse.

L’un des bastion de lutte de l’opposition au système est la région de Kabylie, et ainsi ces journaux cultivent sans cesse un sentiment de haine et d’anti-kabyle: les leaders et les organisations de cette région sont attaquées à la moindre occasion et les populations attirées vers une ligne politique désastreuse.

Une marche contre la répression à Alger, 3 mai 2001 (Source : www.themilitant.com)

Une marche contre la répression à Alger, 3 mai 2001 (Source : www.themilitant.com)

Depuis 2012, ces organes de presse ont créé des chaines de télévision offshore : elles sont accréditées en Algérie, mais leur siège social se trouve dans d’autres pays. Auparavant, seulement BRTV et BEUR TV fonctionnaient de cette méthode. Mais Echerouk, en 2012, a ouvert la brèche pour cette technique de télévision offshore et depuis, c’est la ruée vers l’or. On compte une dizaine de chaines télévisées privées en Algérie et aucune d’entre elles n’est officiellement algérienne.

Ennahar et Echerouk ne se contenteraient plus de la propagande écrite et avec ce moyen lourd ils s’adonnent à la propagande audiovisuelle.

Connu pour être subventionné, le journal Ennahar est connu pour être un journal de la police. Les lecteurs sont séduits  par la multitude d’informations et de faits divers qu’il fournit. Le secret réside dans l’alimentation de ces journaux par les services de renseignements algériens, connus sous le nom des RG. En lisant ces faits divers on comprendra vite que c’est la traduction directe des PV et des rapports des différents commissariats d’Algérie. Mais dans ces journaux on retrouve rarement des reportages ou des articles d’analyse, de réflexion. Dans ces faits divers ou de l’info de proximité de ces journaux, je retrouve parfois des infos de ma région d’où j’étais correspondant. Parfois je suis surpris de lire une info rapportée par l’un de ces journaux. Le plus souvent se sont des informations tenues secrètes par la police et que l’on ne découvre qu’en consultant les rapports des services de sécurité. Parfois aussi je trouve un article sur un fait que je connais et dont j’ai consacré aussi un article. Souvent les faits sont défigurés pour des raisons politiques. Par exemple, je me demande comment un journaliste indépendant pourrait être au courant que la villa de l’ex-président de la république Ahmed ben Bella a été cambriolée et que deux pistolet ont été dérobés ? Il est clair que ces organes de presse bénéficient des moyens de l’Etat. Ils sont appuyés par un important clan de politiques, de militaires et de services secrets. Un clan qui manœuvre pour une Algérie orientalisée et prônant l’idéologie panarabisme.
Ces entreprises n’ont pas uniquement porté atteinte à l’image de la presse mais au-delà.
Ce complot commence à porter ses fruits et atteindre ses objectifs.

L’Algérie qui était l’un des pays les plus ouverts, les plus occidentalisés, se retrouve de nos jours relégué en arrière. L’islamisme prend de l’ampleur, les valeurs du progrès sont de plus en plus diabolisées. L’Algérie régresse et tout mouvement important à venir pourra faire plonger le pays dans le chaos et l’instabilité.

Burundi : La fin de l’âge d’or de la liberté de la presse

[Par Yvette MUREKASABE]

Radio Populaire AfricaineAntoine Kaburahe, un journaliste chevronné, est le directeur des publications du groupe de Presse Iwacu. Iwacu est le seul organe de presse qui a tenu jusqu’à aujourd’hui, après la destruction des autres médias indépendants du Burundi. Cette destruction a eu lieu la nuit du coup d’état manqué contre le président Pierre Nkurunziza, ce dernier étant contesté par les partis de l’opposition et la société civile pour avoir brigué un troisième mandat illégitime.

Après ce black-out médiatique, plus de soixante journalistes Burundais ont été contraints à l’exil, certains d’entre eux étant dans le collimateur de la justice burundaise. Le procureur général de la République a émis une demande d’extradition de Bob Rugurika, directeur général de la radio RPA, ainsi que de Patrick Nduwimana, responsable de la radio Bonesha FM, et de Gilbert Niyonkuru, journaliste à la Radio Publique Africaine.

Dans la photo, Christian THIBON, historien, Serge NIBIZI, journaliste burundais et Antoine KABURAHE, journaliste et directeur du groupe de presse IWACU

Dans la photo, Christian THIBON, historien, Serge NIBIZI, journaliste burundais et Antoine KABURAHE, journaliste et directeur du groupe de presse IWACU

Le 13 octobre dernier, le journaliste Christophe Nkezabahizi de la Radio-Télévision nationale du Burundi a été tué avec toute sa famille.

Des arrestations arbitraires et abusives ainsi que des actes de tortures à l’endroit des journalistes sont monnaie courante à Bujumbura.

Six mois viennent de s’écouler, du 13 mai au 13 novembre 2015 , et c’est l’histoire d’une régression, la fin de l’âge d’or de la liberté de la presse au Burundi.