L’échec de l’équité et de la réconciliation: retour des années de plomb?

Des centaines de victimes au Maroc ont pu témoigner sur les tortures et les disparitions forcées menées par Hassan II : où en est-on aujourd’hui ? Peut-on parler de réconciliation ?

Afrique du Sud : les leçons d’un vote interne

Le Congrès National Africain (ANC), mouvement historique anti-apartheid, s’est choisi un nouveau chef, lundi 18 décembre, à travers une élection qui a tenu tout le continent en haleine.

La Lybie, l’esclave Noir et le siècle présent

L’esclavage en Libye a l’air de déjà-vu. C’est un fait historique qui remonte à la nuit des temps. Il a émergé avec la Révolution agricole quand l’homme commença à lier exploitation de la terre et richesse. Il a traversé les siècles, jusqu’à nos jours. La Libye aujourd’hui n’est que la partie visible de l’iceberg. C’est l’histoire éternelle du faible face au puissant. Elle a plusieurs facettes.

Afrique : le Zimbabwe face à un nouveau cycle politique ?

Mugabe a finalement démissionné, mercredi. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe, une semaine après le coup de force militaire mené, mercredi 15 novembre, à l’aube. Six jours après des tractations infructueuses pour amener le vieux dictateur, âgé de 93 ans, à signer sa démission.

Blasée, l’opinion commençait même à y voir un jeu de cache-cache, en dépit des mesures arrêtées dimanche 19, par la Zanu-Pf, parti au pouvoir, réunie en congrès extraordinaire, pour statuer sur ce cas épineux. A cette occasion, Mugabe avait été démis de ses fonctions de président du parti et son épouse, Grace, en a été exclue.

Bernique ! Le “vieux lion” ne l’entendait pas de cette oreille, faisant même semblant de montrer qu’il ne s’était rien passé d’anormal. Jusqu’à ce mercredi fatidique…

C’en est donc fini avec cet autocrate, lâché aujourd’hui par l’armée, le parti et la fameuse Organisation des anciens combattants. Cette dernière avait sa part dans cette union entre l’armée et la Zanu-PF. En fait, c’est dans cette union “sans statut” que s’organisait la légitimité du pouvoir au Zimbabwe. Et non à travers une parodie de démocratie. D’où la consigne de l’armée de ne pas faire dans la dentelle pour arriver à ses fins.

Maintenant que les jeux sont faits que va-t-il se passer, après le départ de Mugabe que souhaitaient, enfin, tous les piliers du régime ? La question essentielle est celle de savoir si l’armée ainsi que l’Organisation des anciens combattants, émanation de la lutte de l’indépendance, vont se dépouiller de leur titre de “gardien du temple” ? Et, de ce fait, laisser libre court à la naissance d’une véritable démocratie !

Mugabe – Crédit Photo AFP

A s’y méprendre, il s’agit d’une destitution, presqu’à l’image de celle qui a vu, en 1987, le Tunisien Bourguiba pousser vers la porte. Sauf que l’une fut ficelée à travers un “arrangement politique”, tandis que l’autre vient de se dérouler sous l’action de l’armée. Si la comparaison s’arrête-là, les conséquences pourraient être identiques, dans la mesure où c’est la même “clique” qui va reprendre les rênes du pays.

En Tunisie, Ben Ali, qui a succédé à Bourguiba, fut pire que le premier. Pour le Zimbabwe, il s’agit de Mnangangwa, vice-président de la République, un des leaders de la guérilla pour l’indépendance comme Mugabe ; il n’est pas non plus un modèle de vertu. C’est lui que la Zanu-PF vient de désigner candidat à la présidentielle de 2018, et il en sera sans doute vainqueur devant une opposition mise en lambeaux par le mari de Grace.

Mnangangwa, vice-président de la République de Zimbabwe et favori à la succession de Mugabe

Il y a encore-là l’image de l’Afrique du Sud de l’après-Mandela, le lettré, qui a su donner de l’éclat à son mandat, aujourd’hui éclaboussé par Zuma, son deuxième successeur, celui-ci n’ayant eu d’autres mérites que celui d’avoir été combattant pour la lutte contre l’apartheid. C’est le scénario en cours au Zimbabwe, où le président limogé est un homme instruit. Avec, malgré tout, un bagage de sept diplômes académiques, contre non seulement un vide intellectuel, mais aussi un dictateur potentiel. Par rapport aux nombreux actes “inciviques” qu’il a posés pendant sa longue carrière politique, d’abord, en tant que ministre.

A tout prendre, il y a lieu de penser que le premier cycle de la situation politique, au Zimbabwe, vient d’être bouclé. Quoi que déchirée, l’opposition ne manquera pas de faire en sorte qu’un nouveau s’ouvre, démocratique, porteur d’espoir pour tous.

Quand le peuple africain chahute les fils à papa

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

Il y a huit ans, nous écrivions à travers les médias français (Ouest-France, 5-6 septembre 2009, notamment) que « les fils à papa avaient confisqué le pouvoir » en Afrique.

Aujourd’hui, ils sont de plus en plus vilipendés et chahutés par les peuples, qui réclament sans autre forme de procès leur départ des palais présidentiels. Comme c’est le cas, tout récemment, au Togo.

De qui parle-t-on ? Joseph Kabila, pour la République démocratique du Congo, imposé après l’assassinat de son père, Laurent, en janvier 2001 ; de Faure Gnassingbé, investi en février 2005, après la disparition de son père Eyadema et, enfin, d’Ali Ben Bongo, au Gabon, établi président en septembre 2009, après la mort de son père Omar.

Si Kabila père, après quatre ans de règne, n’a pas eu le temps de se tisser sur la veste l’écusson de dictateur – mais il en était un caché -, ses pairs du Togo et du Gabon, par contre, furent des autocrates assumés. Avec dans leur tête l’idée de laisser en héritage à leurs progénitures des rouages dynastiques adossés à une armée ethnisée et corrompue. Sans l’appui de laquelle il est généralement difficile de gouverner sur le continent africain.

C’est dans cette logique que se sont organisées, en trompe-l’œil, des élections visant à légitimer le pouvoir de Faure Gnassingbé, en 2005, et celui d’Ali Ben Bongo, en 2009. L’élection du Congolais Joseph Kabila, en 2006, après un parcours de cinq ans de pouvoir, sous l’égide des Accords de Sun City, en Afrique du Sud, est à placer dans la même veine : « fausse légitimation », résultant des élections non crédibles.

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Les trois « héritiers de de la dictature » ont régné, en gros, une dizaine d’années. Sans soucis majeurs… Jusqu’à la déferlante suscitée par la jeunesse au Burkina Faso, en 2002, ayant emporté le président Blaise Compaoré.

Depuis, les trois chefs d’Etat étaient assis sur un volcan. En République démocratique du Congo, Joseph Kabila tient à un fil, à travers des dialogues politiques sans issue, qui finissent par le décrédibiliser. Le peuple congolais est vent debout et ne demande mieux que son départ, permettant ainsi l’organisation des élections libres. Et la sortie du pays des labyrinthes autocratiques.

Le Gabon n’échappe pas à la règle. Depuis la présidentielle mouvementée, en 2016, à l’issue de laquelle le fils à papa Ali Bongo est sorti vainqueur, grâce manifestement à une « manipulation » des urnes, la paix dans ce petit pays pétrolier est en sursis. Le chef de l’Etat est contesté non seulement sur le plan politique, mais aussi sur celui de sa filiation avec Omar Bongo père. Tout Comme Joseph Kabila, en RD Congo, à qui on attribue des origines rwandaises.

Si, à cet égard, Faure Gnassingbé n’est pas rangé à la même enseigne, les Togolais profèrent, cependant : « Y’en a marre ». Les manifestations monstres qui ont eu lieu, tout récemment, à Lomé, la capitale, traduisent l’exaspération du peuple de vivre sous la « dynastie Gnassingbé ». Ils n’acceptent aucun autre deal que de voir Faure mis à la porte.

Qui vaincra dans ce bras de fer ? Quoi qu’il en soit, le dernier mot reviendra au peuple. Au grand dam des dictateurs, qui méprisent les leçons de l’Histoire sur la souveraineté des peuples. Qu’on se souvienne de la prise de la Bastille, en 1789 ou de celle du Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, en 1917… et de tant d’autres grandes victoires populaires.

Afrique : la justice kényane en point de mire

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

« Un nouveau Kenya est né »

Tel a été le cri de victoire lancé par Raila Odinga, vendredi 1er septembre, après la décision de la Cour suprême du Kenya invalidant le résultat de la présidentielle du 8 août. Celui-ci a obtenu 44,74 % des suffrages, loin du score réalisé par le président sortant, Uhuru Kenyatta, qui en a récolté 54,27 %. Si c’est une première en Afrique, ce cas n’est pas légion non plus à travers le monde.

Uhuru Kenyatta et Raila Odinga

Une première précédée par un autre cas tout aussi exceptionnel, en Gambie, où un des pires dictateurs, Yahya Jammeh, a officiellement perdu les élections. C’était en décembre dernier. Après avoir accepté sa défaite, il s’était rétracté par la suite au point qu’il fallait le résoudre à quitter le pouvoir sous la menace de l’intervention armée de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest).

S’il n’y a pas de similitude entre les deux cas, il y a sans doute à y voir la naissance d’une dynamique qui pousse vers l’éclosion de la démocratie. Plus ou moins entachée en Gambie par l’attitude versatile du dictateur, la situation au Kenya s’est présentée sous le signe de la sagesse. On note que le « vainqueur déchu » a, certes, cédé à la violence verbale, allant jusqu’à traiter les juges de cette instance d’ « escrocs », sans toutefois rejeter la décision judiciaire. Une posture responsable qui a évité de donner lieu à une empoignade sanglante entre les partisans chauffés à blanc des deux camps. Après une campagne folle.

 

Tout peut donc arriver

La prise de position de la justice kényane d’invalider la présidentielle du 8 août a été saluée avec enthousiasme partout en Afrique. Outre le débordement de la presse locale, qui a épuisé tous les termes de louange, pour qualifier la circonstance, les médias africains en ont fait également leur affaire. La plupart d’entre eux ont exprimé l’espoir de voir, enfin, tout le continent emboîter le pas des juges kényans. Tel aussi a été le sentiment de plusieurs observateurs indépendants, à l’instar de Crisis Group, qui estimait que « la démocratie non seulement au Kenya, mais également en Afrique, est en train de mûrir ».

[source : https://afrochild.files.wordpress.com]

De tout côté, le satisfecit est donc total, mais ce n’est là que la partie visible de l’iceberg. Car, derrière cette décision judiciaire se cachent nombre d’interrogations, par rapport à la réalité sur le terrain.

 

Quelques questions sur la nouvelle élection…

Le pays dispose-t-il de moyens financiers nécessaires pour organiser, en soixante jours, deux présidentielles sortables ? Trouvera-t-on une solution qui satisfasse toutes les parties, quant à la restructuration de la Commission électorale indépendante (IEBC) que l’opposition appelle de tous ses vœux, alors que le parti au pouvoir s’y refuse net ? La sagesse observée aujourd’hui de la part des deux candidats sera-t-elle toujours de mise, lors de la proclamation du scrutin remis en jeu ?

Sur un autre plan, quelle serait la place des observateurs internationaux, clairement décrédibilisés par la décision de la Cour suprême, alors qu’ils avaient déclaré « crédible » l’ensemble des opérations du vote ? La question restera longtemps posée…

Enfin, au Kenya, comme c’est le cas partout en Afrique subsaharienne, se pose avec acuité la question ethnique. Les Luo, d’un côté, et les Kikuyu, de l’autre, ne continuent pas moins de se regarder en chiens de faïence. Tout peut donc arriver, lors du second scrutin prévu pour le 11 octobre. En attendant, la Cour suprême constitue le point de mire.