Afrique : le Burkina ouvre le bal…

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Pour Blaise Compaoré, le glas a sonné le 31 octobre 2014, à midi. C’était le jour fatidique qui a vu se briser le socle de son règne, long de 27 ans, sous la pression de la rue. Était-ce également l’heure indiquée dans le cadran de l’Histoire pour marquer le début d’une nouvelle ère en Afrique, où les Constitutions, en carton-pâte, peuvent être amendées ? A tout-va ? Le « cas du Burkina Faso » ferait-il tache d’huile ?

Blaise Compaore (source : npa2009.org)

Blaise Compaore (source : npa2009.org)

Dans les bribes de leurs réponses, qui transparaissent çà et là à travers les médias africains, on sent l’embarras des commentateurs. La chute de Compaoré est comparable à la fois au fracas du déracinement d’un baobab, et au bruit, à peine audible, du brisement d’un roseau. En fait, deux réalités aux antipodes l’une de l’autre. Car, comme Janus (dieu grec), l’homme d’Etat avait deux faces. Ce qui place toute analyse devant un « défi de la complexité ».

Pour tenter de dégager sa personnalité, comme cachée dans un filon, et donner corps au jugement de faits, Cyril Bensimon (Le Monde, 26 novembre) écrivait : « Compaoré a su endosser le treillis du déstabilisateur, puis le costume du faiseur de paix ».

En fait, c’est lui qui était à l’origine de l’accord de base pour attaquer le Liberia, puis la Sierra Leone, situation ayant entraîné un conflit qui a duré plusieurs années, sur fond de « diamants de sang ». Mais c’est également lui qui, par surcroît de malice, sera bardé de médailles de vertu pour avoir joué les bons médiateurs dans les conflits togolais, guinéen et ivoirien. Ce qui lui avait valu, encore une fois, d’être promu médiateur dans le conflit malien. A cet égard, qu’était-il, ce Compaoré ? Un grand ou un petit chef d’Etat ?

Devant une telle confusion de genre, la chute du « Beau Blaise », comme l’avaient surnommé ses admirateurs, ne peut que laisser perplexe. Surtout sur le plan continental. Car si, au niveau local, la transition semble avoir dépassé le seuil des passions pour s’acheminer vers une sortie de « crise de rupture », il n’en est pas de même pour l’opinion africaine. Qui regarde et s’interroge.

Une dizaine de pays sont séduits par le chant des sirènes d’une modification de Constitution. La République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Rwanda, le Burundi et le Togo sont aux premières loges. En ces pays, les partis d’opposition, la société civile et la jeunesse sont déjà sur le gril.

(Source : jeuneafrique.com)

(Source : jeuneafrique.com)

Depuis, l’anxiété est contagieuse. Les chefs d’Etat en souffrent. Sans contexte. Ce qui a inspiré à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » ce titre truculent : « Brazza n’est pas Ouaga ». Comme pour dire que le régime du Congo-Brazza n’a cure de ce qui se passe au Burkina. Au Rwanda, on n’y est pas allé par quatre chemins : « On n’a pas besoin de démocratie “made in France” ». Allusion faite à la récente déclaration de François Hollande au sommet de la Francophonie à Dakar qui jetait l’anathème sur l’amendement de Constitutions.

Déjà, et quoi qu’on en dise, le cas du Burkina permet de lire, en filigrane, le début d’une nouvelle ère en Afrique. Il en sera sans doute un marqueur.

 

 

Au Rwanda la santé se mutualise progressivement

[Par Sintius MALAIKAT]

Membre de la Communauté de l’Afrique de l’Est, le Rwanda est un pays dont plus de 90% des 12 millions de rwandais travaillent dans le secteur informel (source : Le ministère de la Santé au Rwanda, 2012). Dans un pays affichant un taux de PIB de 4-6% par an (source : Banque Mondiale), 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, différents rapports montrent que c’est un pays dont la croissance économique est surprenante. Entre 2001 et 2012, le taux de croissance du PIB réel a atteint 8,1% en moyenne par an, selon la Banque Mondiale.

Source : izuba-rirashe.com

Source : izuba-rirashe.com

Ceci étant posé, comment parler de la croissance économique, sans parler de la santé des habitants ?
« Pour que le droit à la santé soit une réalité, les états doivent créer des conditions permettant à chacun de jouir du meilleur état de santé possible, c’est-à-dire garantir la disponibilité des services de santé, veiller à la santé et à la sécurité au travail et assurer l’accès à des logements adéquats et à des denrées alimentaires nutritives » (Le droit à la santé(OMS), Aide-mémoire N°323,Novembre 2013).
Le projet mutualiste
Comme le montre la VISION 2020 que le pays s’est fixé : «… la mission du ministère ayant la santé dans ses attributions est d’assurer et de promouvoir l’état de santé de la population du Rwanda… » (Vision 2020). C’est dans cette perspective que le gouvernement a entrepris de lancer un projet sur l’assurance maladie.
Le projet pilote des mutuelles de santé au Rwanda a démarré en 1999 dans trois districts, mais d’après une évaluation faite par le MINISANTE, après 2 ans, le taux d’adhésion n’était pas encore satisfaisant avec un taux de moins de 30%. Cette situation ne découragea pas les Autorités. Elles concentrèrent tous leurs efforts autour de la sensibilisation. Ce ce sera plus tard – en 2007 – que le parlement décrétera une loi selon laquelle l’adhésion à une assurance maladie est obligatoire.

Source : http://rwanda-in-liberation.blogvie.com/

Source : http://rwanda-in-liberation.blogvie.com/

Ainsi, l’adhésion à un type d’assurance maladie dépend de différents facteurs : entre autres, le domaine professionnel ou la vie sociale. Par domaine professionnel, on entend toute personne travaillant dans une institution ou un service public/gouvernemental. Elle bénéficie alors d’une assurance maladie dont les cotisations sont partagées entre l’employé et l’employeur. Ces cotisations sont gérées par le RSSB, Rwanda Social Security Board (Agence Rwandaise de la Sécurité Sociale). Quant aux organisations non gouvernementales et autres institutions privées, elles peuvent soit adhérer à la RSSB soit prendre une assurance privée pour leurs personnels auprès des compagnies d’assurance.
Enfin, le reste de la population non couverte par un des autres régimes d’assurance maladie mentionnés doit être couverte par les Mutuelles de Santé. Avec ce système, chaque membre de la famille paye une contribution au début de l’année budgétaire (elle débute le 1 er Juillet) Il reçoit une carte d’adhérent et se fait soigner pendant une année, payant un ticket modérateur (300 frw, soit 0,30 € pour les soins de base, le laboratoire et les médicaments). Cette cotisation doit être de 3000 frw par tête, soit 3,70 € pour des familles économiquement démunies et de 7000 frw ou 8,60 € par tête pour des familles classées dans la catégorie des riches. Notons aussi que le gouvernement prend en charge les cotisations de certaines familles parmi les plus pauvres.
Même si la population a adhéré « à pas de tortue » depuis la mise en place du système, ce dernier devient de plus en plus stable. Il a contribué à réduire le taux de mortalité car, comme c’est écrit sur les cartes des membres, « Avec cette carte, personne ne tombe plus gravement malade à la maison » .

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Cameroun : Arrestation de Gervais Mendo Zé, Paul Biya veut éviter une révolution

[Par René DASSIE’]

L’ancien patron de la radio télévision publique camerounaise a été interpellé mercredi et placé sous mandat de dépôt. Il est accusé d’avoir détourné de l’argent public, lorsqu’il était encore en fonction. Cependant, pour de nombreux observateurs, Paul Biya a en réalité sacrifié un de ses soutiens indéfectibles pour distraire une opinion qui réclame l’alternance politique. 

La prison centrale de Yaounde (source : 76crimes.com)

La prison centrale de Yaounde (source : 76crimes.com)

Gervais Mendo Zé (source : cameroonjournal.com)

Gervais Mendo Zé (source : cameroonjournal.com)

Gervais Mendo Zé a-t-il été sacrifié pour distraire une opinion publique tentée par l’expérience burkinabè ? De nombreux observateurs du marigot politique camerounais y croient. Vue sous cet angle, l’arrestation mercredi de l’ancien Directeur général de la CRTV, la radio télévision d’Etat et réputé très proche de la famille présidentielle camerounaise n’aurait que peu de choses à voir avec les détournements de fonds dont on l’accuse.  Au contraire, elle pourrait constituer le dérivatif trouvé par le pouvoir, aux revendications d’alternance au sommet de l’Etat qui se font de plus en plus bruyantes, depuis qu’une révolution populaire de trois jours au Burkina Faso a eu raison du président Blaise Compaoré.

Un gestionnaire mis à l’amende

Bien entendu, personne ne se risquerait à voir en le très religieux M. Mendo Zé aujourd’hui âgé de 70 ans, un saint injustement persécuté. Sa gestion ultra personnalisée de la CRTV, qui a duré 17 ans, de 1988 à 2005 a laissé une entreprise financièrement exsangue, en dépit des dizaines de milliards de francs CFA collectés, au titre de la redevance audiovisuelle. De sorte que si la justice camerounaise ne traînait pas la mauvaise réputation de justice aux ordres, il aurait même pu être pour elle un bon client. Il y a cinq ans en effet, le Contrôle supérieur de l’Etat (CSE), une institution chargée de vérifier les comptes des administrations publiques et parapubliques avait émis un rapport très critique sur sa gestion, et l’avait condamné à rembourser 2,6 milliards de francs Fcfa (4 millions d’euros) au Trésor public. Une somme constituée de dépenses non prévues dans les missions de la Crtv. A quoi M. Mendo Zé avait-il utilisé ce pactole ? A payer des cachets indus, mais aussi des primes et aides financières à ses collaborateurs et à des particuliers. En somme, de la générosité avec l’argent d’autrui. Outre le remboursement de tout cet argent, le CSE avait aussi infligé à M. Mendo Zé une « amende spéciale » de 2 millions FCFA (3.000 euros) et l’avait déchu de ses droits civiques pendant cinq ans.

 La crainte de la contagion de la révolution burkinabè

Il n’avait contesté ni le rapport du CSE ni la sanction qu’on lui avait infligée, et coulait une retraite sobre en croyant l’affaire close. D’où les interrogations que suscite son arrestation et sa mise sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé.

D’abord le contexte de cette interpellation.  Le tribunal criminel spécial de Yaoundé qui a officiellement pour mission de traquer et de punir les malversations financières dans l’appareil d’Etat a en effet rouvert le dossier de M. Mendo Zé au moment où une partie de l’opposition et de la société civile, réveillée par la récente révolution populaire burkinabè réclame le départ de Paul Biya, au pouvoir depuis 32 ans. En 2008, le président camerounais avait réussi, au prix d’une sanglante répression des manifestations populaires, à modifier la Constitution, pour faire sauter le verrou qui l’empêchait de se représenter. Il avait donc réussi là où Blaise Compaoré vient d’échouer et ne s’attendait pas logiquement à de nouvelles contestations, du moins pas avant la fin de son mandat actuel, en 2018.  Mais, le départ forcé du président burkinabè est venue bousculer les choses.

John Fru Ndi (source : jeuneafrique.com)

John Fru Ndi (source : jeuneafrique.com)

Profitant de l’opportunité, John Fru Ndi, le président du Social democratic front (SDF), le principal parti de l’opposition a annoncé qu’il y aura une révolution au Cameroun, dès l’année prochaine.

De leur côté, quelques titres de la presse privée ont également relancé la question de l’alternance politique. « Après 32 ans de pouvoir… Pourquoi Paul Biya doit partir », a titré à sa Une Le Messager, principal quotidien d’opposition.

« Pour de nombreux médias privés (…), son arrestation [de M. Mendo Zé NDLR] est une distraction, voire une «immolation». Car elle intervient au moment où le débat public chez les camerounais est marqué par les félicitations adressées au peuple burkinabé qui a fait preuve d’héroïsme en faisant chuter le dictateur Blaise Compaoré. Paul Biya pour anticiper un mouvement populaire au Cameroun, veut relancer «l’opération épervier», écrivait jeudi le site [Koaci.com->http://koaci.com/cameroun-operation-epervier-arrestation-lancien-directeur-general-radio-television-detat-96395.html].

« Ce qui se passe au Burkina Faso est suivi par une grande partie de la jeunesse africaine qui semble n’attendre qu’un mot d’ordre, celui de la mobilisation et de la prise en main de son destin », abonde dans le même sens Vincent Sosthène Fouda, président du Mouvement camerounais pour la sociale démocratie, un parti d’opposition.

Un fidèle parmi les fidèles de Paul Biya sacrifié

Il y a ensuite la personnalité de Gervais Mendo Zé. Car dans le système de Paul Biya, l’ancien patron de la radio télévision d’Etat n’a pas été n’importe qui. C’est lui en effet qui a construit et exécuté pendant près de deux décennies la propagande du régime à la radio et à la télévision publique. Omniprésent sur les antennes, il ne manquait aucune occasion de magnifier « l’œuvre exceptionnelle » de Paul Biya à la tête du pays. Bien plus, il lui a aussi offert son soutien spirituel. Catholique exalté, promoteur de la « mariologie », sorte de culte à la vierge Marie qui frise l’idolâtrie et que n’approuve pas le clergé, il a ainsi créé la « Voix du cénacle », une chorale religieuse. Des rumeurs persistantes ont habituellement laissé entendre que les membres de la « Voix du cénacle », se relayaient pour prier en faveur du président camerounais et de sa famille. En public, la chorale assurait l’animation, lors de la plupart des sorties du couple présidentiel camerounais, n’hésitant pas à faire danser des ministres. Elle a d’ailleurs consacré à Paul Biya et à son épouse plusieurs cantiques louangeurs. Ce qui dans un pays pétri de ferveur religieuse n’est pas peu de choses.

En laissant la justice arrêter M. Mendo Zé, c’est donc un gros poisson que Paul Biya vient de lâcher. Pour des raisons qui pour certains paraissent évidentes.

«Il (Paul Biya) n’hésiterait pas à sacrifier tout ce qu’il peut pour rester au pouvoir. Que ce soit ses proches ou des milliers de Camerounais »,  analyse Mohamadou Houmfa, un journaliste qui suit au quotidien l’actualité camerounaise.

Hilaire Kamga (source : cameroun24.net)

Hilaire Kamga (source : cameroun24.net)

Militant des droits de l’homme et secrétaire permanent de la Plate-forme de la société civile pour la démocratie au Cameroun, Hilaire Kamga ne dit pas autre chose « Mendo Zé en prison ou l’illustration d’un système qui se désagrège. Attention, les citoyens doivent redoubler de vigilance car le régime de M. Biya n’a plus de commandant in chief. Nous devons plus que jamais accélérer les préparatifs de la transition post-Paul Biya », écrit-il sur sa page Facebook.

Lancée en 2004 sous la pression des bailleurs de fonds, l’opération « Epervier » dédiée à la lutte contre la corruption avait acquis quelques années plus tard la réputation d’instrument de purge politicienne. Elle pourrait aussi désormais servir de dérivatif aux exigences d’alternance à la tête de l’Etat. La presse camerounaise annonce ainsi d’autres arrestations, à la suite de de celle de M. Mendo Zé.

 

La transition est-elle possible en Algérie ?

[Par Larbi GRAÏNE]

Un air de fin de règne souffle actuellement en Algérie. L’indice le plus spectaculaire en a été la « rébellion » des policiers qui, outre qu’ils ont demandé la tête de leur chef – le général Abdelghani Hamel – ont osé manifester devant la présidence de la République et déranger ainsi la quiétude d’un chef d’Etat grabataire quoique fraîchement reconduit pour un quatrième mandat.

des centaines de policiers ont manifesté devant la présidence à El Mouradia mais aussi à Oran et Constantine (source : maglor.fr)

des centaines de policiers ont manifesté devant la présidence à El Mouradia mais aussi à Oran et Constantine (source : maglor.fr)

 

Abdelghani Hamel (source : impact24.info)

Abdelghani Hamel (source : impact24.info)

On susurre que le chef de la police était bien placé pour succéder à Abdelaziz Bouteflika dont le maintien au pouvoir répond au souci d’empêcher un déséquilibre qui aurait mis à rude épreuve le système de la distribution de la rente. Bouteflika n’incarnerait qu’un consensus temporaire en attendant que se dégage un compromis entre les différentes factions au pouvoir. Mais le compromis en question n’a pu se concrétiser sur le terrain, puisque le général Hamel s’est heurté semble-t-il à l’hostilité des services secrets, le DRS dirigé par Mohamed Mediene dit Tewfik. En cette mi-octobre 2014, les policiers en colère n’ont pas trouvé mieux que de hurler sous les murs du palais présidentiel « Hamel Dégage ! » reprenant ainsi à leur compte un slogan cher aux masses insurgées du printemps dit arabe.
Bien entendu dans cette partie qui se joue à ciel ouvert, les masses « laborieuses » en sont absentes. On joue à la révolution en l’absence d’un peuple, pourtant un des plus bouillonnants de la rive sud de la Méditerranée. Dix ans de guerre civile ont brisé ses ressorts et l’ont fait douter de lui-même jusqu’au point où les hommes politiques ont été réduits au rôle peu envieux des Cassandre.

 

Trucage des urnes, fondement du système
Passé maître dans le trucage des urnes, le pouvoir algérien s’est arrangé pour mettre en place toutes les institutions censées représenter le peuple dont il a brimé la voix. Les deux chambres du parlement servent à alimenter les journaux télévisés en images dont la force incantatoire fige la démocratie en rangées ordonnées d’élus levant ou s’abstenant de lever la main. Comme tous les pays qui singent les démocraties occidentales, l’Algérie s’est dotée d’un parlement uniquement pour donner la réplique aux Etats qui véritablement en possèdent un. Il faut bien que le président d’un parlement étranger soit reçu par son homologue algérien. Si la France ou la Suisse a son assemblée, l’Algérie devrait en avoir la sienne.
Quant au président de la République, il faut reconnaître que lui-même n’échappe pas à la logique qui préside à la fabrication des assemblées élues. C’est l’armée qui lui donne mandat pour gouverner, et c’est à elle seule et non au peuple qu’il doit rendre des comptes.

 
L’armée, faiseuse de rois
En vertu de cette règle qui date de l’indépendance, l’armée est devenue la faiseuse de rois. Il en résulte ce fait que depuis plus d’un quart de siècle c’est elle qui dirige en sous main les gouvernements successifs mais sous des dehors civils, même si parfois elle n’y parvient que très difficilement. Né juste au lendemain de l’indépendance, le premier mouvement d’opposition, le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed, a dû prendre les armes contre l’Armée nationale populaire (ANP) dépêchée en Kabylie par les autorités. La confrontation qui a fait plus de 400 morts dans les rangs du FFS, devait néanmoins précipiter en 1965 la chute d’Ahmed Ben Bella, premier président de l’Algérie indépendante, qui fut déposé par le Colonel Houari Boumediene, alors chef d’Etat-major de l’armée. Par cet acte Boumediene anticipait sur la reconnaissance du FFS que Ben Bella était sur le point d’avaliser. Cela étant, l’armée d’aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était en 1962 : un rassemblement de maquisards au sortir d’une guerre atroce dirigée contre l’occupant étranger. Le rassemblement de maquisards a cédé la place à une bureaucratie militaire ayant développé des connexions intensives avec la bourgeoisie d’affaires dont elle a investi les valeurs en tant que classe dominante. L’histoire de ce « complexe militaro-industriel » est émaillée de tueries massives : répression des émeutes d’octobre de 1988 (plus de 400 morts), guerre contre la rébellion islamiste des années 1990 (plus de 100 000 morts) et répression des émeutes de Kabylie à partir de 2001 (plus de 120 morts).

 

Après le « qui tue qui ? » c’est le « qui dirige l’Algérie ? »
En l’absence de démocratie et lors même que des tendances séparatistes commencent à s’exprimer en Kabylie, voire dans la vallée du Mzab, la « réélection » d’Abdelaziz Bouteflika pour la quatrième fois consécutive, n’a tenu compte ni du bon sens ni d’aucun paramètre ayant un lien avec une quelconque fonction sociale, ou du moins avec une fonction consensuelle si infime soit-elle. Les généraux de l’armée ont tellement usé et abusé de la manipulation, et excellé dans l’action psychologique visant à neutraliser les populations, qu’ils ont fini par être pris par leur propre piège. Ils sont les seuls à ne pas se rendre compte que l’Algérie n’a pas de président de la République !

Abdelmalek Sellal (source : lepointeco.com)

Abdelmalek Sellal (source : lepointeco.com)

Pourtant les activités du premier ministre, Abdelmalek Sellal ont tendance à consacrer sur la scène diplomatique l’effacement du chef de l’Etat. Le premier ministre, qui prend des décisions au nom de Bouteflika, n’est en fait que le mandataire d’un président lui-même mandataire ayant reçu ses prérogatives de l’armée. Encouragés par le délitement de la société, les décideurs militaires en sont arrivés à faire usage cette fois-ci d’un déguisement inopérant qui consiste à faire accroire que le maintien d’un vieillard agonisant à son poste est un choix découlant de la souveraineté populaire. Les décideurs doivent se sentir tellement forts qu’il leur avait paru inutile de cacher par quelque artifice dont ils ont le secret leur entreprise de cooptation de la personne sur laquelle ils ont jeté leur dévolu. Du coup ils ont brutalement rendu visible et démaquillé leur imposture électorale, déconstruisant ainsi leur propre stratagème. La question redondante « Qui dirige l’Algérie ? » est désormais sur toutes les lèvres des journalistes des médias internationaux et le nom du général chargé du DRS a fait le tour du monde.
Le régime algérien est au pied du mur. Pour reprendre l’expression d’un journal londonien « le pouvoir algérien est un géant qui a peur de son ombre ». L’aspiration au changement n’a d’égale que la férocité de la confrontation qui met aux prises les différents clans de l’armée.

 

L’an II de l’opposition algérienne

Conférence de la CNLTD : Congrès inédit de l'opposition (source : algerie360com)

Conférence de la CNLTD : Congrès inédit de l’opposition (source : algerie360com)

La réélection de Bouteflika fut durement ressentie par l’opposition, toutes tendances confondues. Ce qui va l’inciter à se fédérer au sein d’une coordination nationale pour la transition et les libertés démocratiques (CNTLD) dont l’activisme sera couronné par un événement majeur : l’organisation au mois de juin 2014 à Zeralda, à l’ouest d’Alger, de la première conférence pour les libertés et la transition démocratique en Algérie. Ainsi la CNTLD a réussi à réunir les laïcs et les islamistes dont des ex dirigeants du parti du Front islamique du salut, FIS (interdit).
Ayant regroupé également d’anciens chefs de gouvernements passés à l’opposition, la conférence de Zeralda a appelé au « respect du cadre républicain de l’État algérien », à « rendre civil le régime politique et éloigner l’institution militaire et sécuritaire des conflits politiques ». Si les partis politiques semblent avoir mûri en acceptant de s’asseoir à la table de négociation et faire l’effort de surmonter leurs divergences, il n’en demeure pas moins que leur audience a considérablement reculé au cours de ces dernières années sous l’effet conjugué de la guerre civile et de l’autoritarisme du règne de Bouteflika. Laminés autant que les populations qui avaient constitué leur vivier, les partis ont du mal à promouvoir la chose politique. Cela dit, depuis le lancement de la CNTLD, qui, s’il a accentué l’isolement du pouvoir, n’a pas pour autant permis d’impulser une dynamique de changement. Chacune des deux parties, opposition et pouvoir, sont restées campées sur leur position respective jusqu’au moment où un intrus est venu chambouler cet échiquier. Cet intrus n’est autre que le FFS dont on a déjà parlé.

Aït Ahmed (source : algerie1com)

Aït Ahmed (source : algerie1com)

Légalisé en 1989 à la faveur de l’instauration du multipartisme, le parti d’Aït Ahmed, en sortant de la clandestinité a, tôt défendu l’idée selon laquelle l’implication des islamistes du FIS dans la vie politique est de nature à leur ôter le voile de sacralité dont ils sont entourés. Mais l’armée ne l’entendait pas de cette oreille. En janvier 1992, elle procédait à l’arrêt des élections législatives, les premières qui aient été organisées sous le multipartisme, mais remportées par le FIS. A l’époque il n’y avait pas encore l’expérience tunisienne qui eût pu démontrer- pour peu qu’il y ait une société civile – que les islamistes peuvent être délogés avec leur tapis de prière. L’incurie des islamistes maghrébins est proverbiale, elle n’a d’égale que leur inaptitude à concevoir le monde dans sa réalité et à préconiser des solutions en matière de gouvernance étatique. Brandi pendant longtemps par les décideurs militaires pour justifier leur politique d’éradication, l’alibi du danger islamiste devient aujourd’hui relativement obsolète aussi bien au niveau interne qu’externe. Bien qu’ayant participé à la conférence de l’opposition de Zeralda, le FFS est passé, fin octobre 2014, à la vitesse supérieure en appelant à une autre conférence, baptisée « conférence du consensus » qu’il compte organiser sous sa propre supervision. La nouveauté réside dans le fait que le pouvoir en place est invité à y participer. Le but assigné à la conférence du consensus est d’organiser une période de transition « inspirée des modèles internationaux de consensus» expérimentés (notamment en Espagne et en Amérique du sud) à l’issue de laquelle le pouvoir actuel est sommé de faire ses valises et transmettre le témoin selon un agenda négocié et ce, « sans manifestation de rue, ni violence ». Il est à noter que le FFS reconnait que les modèles de consensus ayant été mis en œuvre ici et là ont été l’émanation des pouvoirs en place soulignant que l’originalité de sa démarche tient en ceci que c’est un parti politique qui en est l’initiateur.
Comme il fallait s’y attendre les principaux animateurs de la coordination, soit le Mouvement de la société pour la paix (MSP), le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), le parti Jil Djadid et l’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour) tombent des nues et crient au complot. Cette initiative a été jugée à juste titre comme une option concurrente au sommet de Zeralda. Il n’empêche, le doyen des partis d’opposition invoque une recommandation de son dernier congrès qui serait antérieure à la création de la CNTLD. Le laïc Mohcine Belabbas, président du RCD insiste sur la non clarté du projet du FFS et l’accuse de vouloir torpiller l’action entamée par la CNTLD. L’islamiste Abderrezak Makri, président du MSP, quant à lui, fulmine en soulignant que « le problème ne réside pas dans l’opposition, c’est du côté du pouvoir que le FFS devrait voir ». Et de s’interroger sur « l’identité » de la partie du pouvoir que la formation d’Aït Ahmed compte ramener à la table de négociation. Makri ne cache pas son inquiétude de voir le FFS louper le « pouvoir réel ».

Abdelaziz Rahabi (source : algerie360com)

Abdelaziz Rahabi (source : algerie360com)

Mais la critique la plus fondée a été avancée par Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la communication qui reproche au FFS d’organiser un événement qui aurait dû échoir au pouvoir.
Toujours est-il qu’on a assisté alors à quelque chose d’insolite : pour emporter l’adhésion du plus grand nombre, le FFS connu pour son aversion à l’égard des faux partis et de la fausse opposition qu’il n’a eu de cesse de dénoncer, s’est livré cette fois-ci à un exercice dont il est peu coutumier, en allant taper à la porte ( mises à part quelques organisations de la société civile, formations politiques et syndicales et personnalités d’importance) d’une noria de partis-éprouvettes proches du DRS et du parti de l’administration, le Front de libération nationale (FLN), qui ont tous paradoxalement fait bon accueil à son initiative. Tout porte donc à croire que le DRS et la présidence de la République n’ont pas l’intention de s’opposer à la tenue de la conférence en question.

 

Différence entre la CNTLD et la conférence du consensus
Il saute aux yeux que les deux approches proposées pour résorber la crise algérienne présentent des différences tant au niveau du fond que de la forme. Au niveau du fond, la CNTLD dénie tout rôle à l’armée pour mener la transition tandis que la conférence à laquelle appelle le FFS est une « feuille vierge qu’il faudrait remplir » autrement dit, la feuille de route qui sortirait de la conférence est à noircir avec l’ensemble des participants, y compris le gouvernement. Au niveau de la forme, la CNTLD n’a pas jugé utile d’associer le pouvoir aux discussions, se contentant uniquement de réunir l’opposition. C’est tout le contraire de ce que prône le parti d’Aït Ahmed qui insiste sur la nécessité d’impliquer l’Exécutif.

 

Pour conclure
Tout compte fait, les arguments présentés par la CNTLD pour disqualifier la conférence du consensus paraissent fondées qu’en partie. Certes l’initiative du FFS est trop risquée, – ce que ses détracteurs certainement ne sont pas sans ignorer, mais tout de même elle reste intéressante à plus d’un titre. Au vu de la tournure qu’ont pris les événements, il est presque assuré que la conférence du consensus aura lieu, même si on peut s’attendre peut-être à quelques absences qui ne devraient pas peser beaucoup. On peut s’interroger en revanche sur la marge de manœuvre de l’opposition, qui plus est, elle est appelée à négocier avec le DRS par fausse classe politique interposée. Au cas où les exigences de démocratisation qui y seront immanquablement exprimées, paraîtraient aux yeux des décideurs impossibles à satisfaire, ces derniers auront alors la partie facile pour provoquer les défections nécessaires à l’effet de saborder la conférence. Car dans tout ce qui va se jouer, l’un des principaux protagonistes, le pouvoir en l’occurrence, n’a fait jusque là montre d’aucune volonté politique allant dans le sens d’une véritable ouverture politique. Toute prédiction étant difficile à faire, le mieux est de laisser l’expérience se produire…

 

Guinée : un opposant arrêté et une plainte contre trois radios privées

[Par Alareny BAH]

La violation de la liberté d’expression est un fait réel désormais connu de tous les citoyens guinéens. Ceux qui se hasardent à se lancer dans cette aventure trouveront sur leur chemin des difficultés importantes. Il ne se passe pas un seul jour dans ce pays sans que des attaques, menaces, agressions, violations de domicile ou assassinats ne soient signalés.

Abdourahamane Bakayoko (source : guineelibre.com)

Abdourahamane Bakayoko (source : guineelibre.com)

Le jeudi 6 novembre dernier un jeune du nom d’Abdourahamane Bakayoko entré en politique en 2012, dans un parti agréé et reconnu par l’État, et candidat à la députation en 2013, a vu son véhicule incendié par de jeunes incendiaires surexcités, à Labé, ville située à plus de 400km de la capitale Conakry. Le reproche qui lui était fait était d’avoir dénoncé les malversations et les positions ethniques de l’opposition et du pouvoir. Invité par une radio privée de l’ endroit pour débattre des sujets de la vie nationale, ce jeune homme d’une trentaine d’années et président du parti (les Démocrates Guinéens) a répondu à une question du journaliste en ces termes: le président de la république a un parti ethnique, il n’a de militants que dans son ethnie, et d’enchaîner : Cellou Dalein (chef de file de l’opposition) ne pourra jamais battre Alpha Condé (pdt de la rép) aux prochaines présidentielles car il n’a de militants que dans son ethnie et dans sa famille. Fin de citation. Voilà les propos qui ont fait déborder le vase.

Cellou Dalein (source : tamtamguinee.com)

Cellou Dalein (source : tamtamguinee.com)

Avant même que l’émission ne soit terminée, les locaux extérieurs de la radio furent encerclés voire attaqués par des jeunes se réclamant de l’opposition et du parti de Cellou Dalein. Comme le jeune leader ne sortait pas, la foule s’est emparée de son véhicule et y mis le feu. Le pouvoir, c’est à dire les autorités locales, au lieu de le protéger, a procédé à son arrestation pour outrage au chef de l’État. Actuellement, il est détenu à la gendarmerie régionale en attendant son procès. A la suite de cela, les magistrats de Guinée ont jeté leurs robes pour porter plainte contre trois radios privées de Conakry. Le 4 novembre, lors d’une réunion spécialement tenue pour la circonstance, l’association des magistrats a fait savoir que ces trois radios avaient critiqué à plusieurs reprises leur institution et traité leur président d’incompétent. Chose jugée intolérable. Elle a donc déposé plainte contre ces trois médias malgré la dépénalisation du délit de presse dans ce pays. Le 5 novembre, des commandos armés jusqu’aux dents ont fait une descente musclée jusqu’à l’intérieur même du tribunal pour mettre à tabac le juge de ce tribunal ; ils se sentaient forts du fait qu’ils étaient armés. Où est passé l’État de droit? En tout cas, voilà ce qui se passe dans mon pays.

 

 

RDC : Quand les esprits de « Ouagadougou » hantent Kinshasa

[Par Jean MATI] 

Ce fut l’actu de la semaine dans les réseaux sociaux. Les événements survenus au Burkina Faso n’ont laissé personne indifférent, même au Congo-Kinshasa. D’ailleurs là-bas, ce cours d’Histoire avait une signification d’autant plus grande que l’élément déclencheur de la révolution Burkinabè ressemble à la situation congolaise : un projet de loi modifiant la Constitution pouvant permettre un nombre illimité de mandats présidentiels.


Le soulèvement qui a poussé le président Blaise Compaoré (27 ans au pouvoir) à rendre le tablier a été vécue avec joie par de nombreux Africains optant pour l’alternance. Cependant en RDC, deux faits majeurs se sont joints à ladite circonstance. D’abord, le photomontage mis sur internet montrant un homme qui tient une pancarte en mains sur laquelle on pouvait lire : «Blaise Compaoré dégage si tu veux un 3ème mandat va au Congo-Kinshasa. Là où les peuples sont des idiots manipulés par les pasteurs et la musique. Pas ici. Nous sommes un peuple fort ».
Analysons bien ce message. Y-a-t-il du vrai dedans ? Un peu de vrai. Globalement, à travers cette démarche, l’auteur de ce trucage voudrait dénoncer la passivité de l’Homme congolais quant à son implication dans les prises de décision de son pays. Disons, une auto-prise en charge et une conscience collective pouvant amener au changement radical. Depuis plusieurs années, on reproche au Congolais son désintérêt pour la chose politique au profit d’autres activités : musique, sport et religions, par exemple.
Ce trucage marque bien la similarité avec la situation politique en RDC où une guerre silencieuse règne depuis peu entre les chantres du pouvoir (favorables à la modification de la Constitution) et une partie de l’opposition, fragilisée par la corruption, qui malgré tout défend l’article 220 interdisant toute modification de la Constitution. Dans cette bataille, comme on peut bien le remarquer, la majorité des Congolais reste silencieuse, et parfois se fout même de ces débats politiques. N’est-elle pas concernée ? Dieu seul le sait…
Toutefois, ce photomontage a produit l’effet d’une bombe. Et bien qu’il soit difficile de l’accepter, il détient malgré tout une part de vérité, même si l’auteur du trucage a commis une grosse bourde en écrivant par exemple : « Blaise Compaoré dégage si tu veux un 3ème mandat » – Non, ça c’est une faute. Le tout-puissant Blaise en voulait un cinquième. Peut-être ce message était-il destiné à quelqu’un d’autre, par exemple au président de la RDC Joseph Kabila, qui rêve de briguer un troisième mandat.
Ensuite, nous voulons croire que ce n’est pas à cause de ce trucage que la RTNC (Radio-Télévision nationale congolaise), le 30 octobre 2014, n’a pas évoqué, dans son édition du journal télévisé, ce qui s’est passé au Burkina Faso. Etait-ce un événement de si faible envergure, pour que nos confrères n’y accordent pas d’importance ou de signification ? Pourquoi une telle censure ? Le gouvernement de Kinshasa, qui a la main-mise sur la RTNC depuis quelques années, n’a-t-il pas donné l’ordre d’interdire toute diffusion montrant les manifestations de Ouagadougou ? Cette longue série de questionnements restera sans réponses précises. Par ailleurs, on soutiendrait que “mieux valait prévenir que guérir”. Il fallait éviter une réaction en chaîne.

Blaise Compaoré : Game over

[Par Armand IRE’]

Il a fallu attendre 27 ans pour que l’auteur de l’un des putschs des plus sanglants que l’Afrique ait subi passe à la trappe de l’histoire. La rue burkinabé a eu raison du plus grand déstabilisateur de la région ouest africaine. Vendredi 31 octobre 2014, jour historique pour l’Afrique de l’ouest. Sommes-nous cependant sortis de l’auberge ?

Alassane Ouattara et Blaise Compaoré (source : http://news.abidjan.net/)

Alassane Ouattara et Blaise Compaoré (source : http://news.abidjan.net/)

C’est à Yamoussoukro district, capitale dans le centre ivoirien, région natale de son épouse Chantal que Blaise Compaoré après moult péripéties a posé ses valises après son départ du pouvoir. Officiellement, il a démissionné, mais nous savons qu’il a été contraint au départ par le peuple burkinabé qui est massivement sorti pour barrer la route à la modification de l’article 37 de la constitution de ce pays, modification qui devait permettre à l’ex-homme fort d’Ouaga de briguer un énième mandat présidentiel. Celui qui a soutenu le viol de la constitution ivoirienne pour permettre l’installation de son « protégé » au palais d’Abidjan n’a pas réussi à berner à nouveau ses compatriotes.

 

Pays en coupe réglée

Thomas Isidore Sankara (source : lefaso.net)

Thomas Isidore Sankara (source : lefaso.net)

Le « Beau Blaise » comme on l’appelle dans le milieu politique et diplomatique n’est pas monté sur le tapis rouge de manière décente. En octobre 1987, il est l’auteur d’un coup d’état qui emporte son meilleur ami et président de la république du Faso, l’inégalable et inoubliable capitaine Thomas Isidore Sankara. Compaoré poursuivra sa purge en envoyant au poteau pour fusillade ses compagnons Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo. Seul désormais aux commandes il accapare son pays qui constitue la base arrière de toutes les rebellions ouest-africaines. L’homme des basses besognes de la communauté internationale dans la région c’est lui, le pyromane-pompier qui déstabilise et devient ensuite médiateur. L’armée burkinabée est à ses pieds et les contestataires se retrouvent au cimetière avec l’aide de son cadet François Compaoré dont on aurait retrouvé des restes humains dans sa résidence lors de la chute du régime de son frère.

Norbert Zongo (source : rfi.fr)

Norbert Zongo (source : rfi.fr)

Les opposants et journalistes envoyés ad-patres, le Burkina en compte un bon nombre. Le plus célèbre est le journaliste Norbert Zongo qui a osé enquêter sur la famille Compaoré suite au meurtre inexpliqué de David Ouédraogo le chauffeur de François Compaoré. Le journaliste a été brûlé vif dans sa voiture en compagnie de trois de ses compagnons à quelques kilomètres de Ouagadougou. Les coupables n’ont jamais été inquiétés.

 

 

Parti… mais trop proche

Allassane Dramane Ouattara (source : abidjan.net)

Allassane Dramane Ouattara (source : abidjan.net)

Blaise Compaoré a quitté le Burkina-Faso, mais se trouve à un vol d’oiseau de la capitale burkinabée d’où il est parti avec 27 véhicules. Il a trouvé refuge chez quelqu’un qui lui doit beaucoup, Allassane Dramane Ouattara, l’actuel homme fort d’Abidjan. A Ouagadougou, la transition est chaotique, les proclamations, déclarations et autoproclamations se succèdent. Nul ne sait qui dirige véritablement le pays aujourd’hui. Des militaires fidèles à Compaoré ont pris les commandes de l’état sous la grogne de l’opposition. L’armée burkinabée est en train de voler la révolution du peuple au grand dam de l’union africaine qui somme les militaires de remettre sans conditions le pouvoir aux civils. Alors que plusieurs ivoiriens grognent et demandent le départ de Blaise Compaoré du pays et sa remise à la CPI pour son rôle supposé dans la crise ivoirienne, le nouveau locataire du « Giscardium » de la « villa des hôtes » de Yamoussoukro pense sans doute à tous ceux dont il a été le bras séculier pour de basses besognes et qui l’ont tous lâché aujourd’hui.
Rideau sur un éternel putschiste.