La Maison des Journalistes lance un projet éditorial avec le Caffè dei giornalisti

Un nouveau projet éditorial entre le Caffè dei giornalisti de Turin et la Maison des Journalistes 

Le 19 octobre 2017, la Maison des Journalistes (MDJ) et  le Caffè dei giornalisti de Turin ont signé un accord qui rapproche plus encore les deux associations qui ont déjà travaillé ensemble par le passé pour faire entendre leur engagement commun pour la liberté de la presse.

Ce nouveau partenariat permettra une collaboration durable entre les journalistes, anciens et actuels résidents de la Maison des Journalistes, et la diffusion de leur travail sur le site du Caffè dei giornalisti. Les contributions des professionnels de médias de la Maison des Journalistes, autour du thème annuel de « la Syrie » mais pas uniquement, seront donc publiées parallèlement en italien mais aussi en version originale et enfin en français sur l’Œil de l’exilé.

“Cette collaboration avec le Caffè dei giornalisti a le mérite de faire porter davantage la voix journalistes exilés et consolider le principe de liberté d’expression qui nous est cher”, affirme Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes. 

Le Caffè dei giornalisti défend non seulement la liberté de la presse mais est aussi un observatoire de la géopolitique autour du bassin méditerranéen.

Pour Rosita Ferrato, présidente du Caffè dei giornalisti c’est donc une  occasion de partager “des histoires et des événements qui se rapportent à des thèmes chers à notre observatoire, avec l’avantage d’entendre la voix de ceux qui ont vécu ces événements au premier plan”.

Au-delà de ce projet éditorial, la Maison des Journalistes a rebaptisé l’une des pièces communes de la maison en “Caffè dei giornalisti”, une cafétéria vouée à devenir un nouvel espace permettant la rencontre et le travail des résidents.

PRESSE 19 : témoigner dans les universités

Ce nouveau projet éditorial vient s’ajouter au partenariat Voci Scomode / Presse 19 qui existe depuis 2014 entre les deux organisations. L’objectif de ce programme est de sensibilisé des étudiants aux problématiques qui touchent à la liberté d’expression grâce aux témoignages de professionnels des médias contraints à l’exil.

Le 28 novembre prochain, le Caffé dei giornalisti accueillera à Turin Darline COTHIERE, directrice de la Maison des Journalistes, ainsi que deux anciens résidents Zakaria ABDELKAFI et Raafat AL GHANEM. Découvrez le programme de cet événement sur Facebook.

Quand le peuple africain chahute les fils à papa

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

Il y a huit ans, nous écrivions à travers les médias français (Ouest-France, 5-6 septembre 2009, notamment) que « les fils à papa avaient confisqué le pouvoir » en Afrique.

Aujourd’hui, ils sont de plus en plus vilipendés et chahutés par les peuples, qui réclament sans autre forme de procès leur départ des palais présidentiels. Comme c’est le cas, tout récemment, au Togo.

De qui parle-t-on ? Joseph Kabila, pour la République démocratique du Congo, imposé après l’assassinat de son père, Laurent, en janvier 2001 ; de Faure Gnassingbé, investi en février 2005, après la disparition de son père Eyadema et, enfin, d’Ali Ben Bongo, au Gabon, établi président en septembre 2009, après la mort de son père Omar.

Si Kabila père, après quatre ans de règne, n’a pas eu le temps de se tisser sur la veste l’écusson de dictateur – mais il en était un caché -, ses pairs du Togo et du Gabon, par contre, furent des autocrates assumés. Avec dans leur tête l’idée de laisser en héritage à leurs progénitures des rouages dynastiques adossés à une armée ethnisée et corrompue. Sans l’appui de laquelle il est généralement difficile de gouverner sur le continent africain.

C’est dans cette logique que se sont organisées, en trompe-l’œil, des élections visant à légitimer le pouvoir de Faure Gnassingbé, en 2005, et celui d’Ali Ben Bongo, en 2009. L’élection du Congolais Joseph Kabila, en 2006, après un parcours de cinq ans de pouvoir, sous l’égide des Accords de Sun City, en Afrique du Sud, est à placer dans la même veine : « fausse légitimation », résultant des élections non crédibles.

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Les trois « héritiers de de la dictature » ont régné, en gros, une dizaine d’années. Sans soucis majeurs… Jusqu’à la déferlante suscitée par la jeunesse au Burkina Faso, en 2002, ayant emporté le président Blaise Compaoré.

Depuis, les trois chefs d’Etat étaient assis sur un volcan. En République démocratique du Congo, Joseph Kabila tient à un fil, à travers des dialogues politiques sans issue, qui finissent par le décrédibiliser. Le peuple congolais est vent debout et ne demande mieux que son départ, permettant ainsi l’organisation des élections libres. Et la sortie du pays des labyrinthes autocratiques.

Le Gabon n’échappe pas à la règle. Depuis la présidentielle mouvementée, en 2016, à l’issue de laquelle le fils à papa Ali Bongo est sorti vainqueur, grâce manifestement à une « manipulation » des urnes, la paix dans ce petit pays pétrolier est en sursis. Le chef de l’Etat est contesté non seulement sur le plan politique, mais aussi sur celui de sa filiation avec Omar Bongo père. Tout Comme Joseph Kabila, en RD Congo, à qui on attribue des origines rwandaises.

Si, à cet égard, Faure Gnassingbé n’est pas rangé à la même enseigne, les Togolais profèrent, cependant : « Y’en a marre ». Les manifestations monstres qui ont eu lieu, tout récemment, à Lomé, la capitale, traduisent l’exaspération du peuple de vivre sous la « dynastie Gnassingbé ». Ils n’acceptent aucun autre deal que de voir Faure mis à la porte.

Qui vaincra dans ce bras de fer ? Quoi qu’il en soit, le dernier mot reviendra au peuple. Au grand dam des dictateurs, qui méprisent les leçons de l’Histoire sur la souveraineté des peuples. Qu’on se souvienne de la prise de la Bastille, en 1789 ou de celle du Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, en 1917… et de tant d’autres grandes victoires populaires.

Afrique : la justice kényane en point de mire

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

« Un nouveau Kenya est né »

Tel a été le cri de victoire lancé par Raila Odinga, vendredi 1er septembre, après la décision de la Cour suprême du Kenya invalidant le résultat de la présidentielle du 8 août. Celui-ci a obtenu 44,74 % des suffrages, loin du score réalisé par le président sortant, Uhuru Kenyatta, qui en a récolté 54,27 %. Si c’est une première en Afrique, ce cas n’est pas légion non plus à travers le monde.

Uhuru Kenyatta et Raila Odinga

Une première précédée par un autre cas tout aussi exceptionnel, en Gambie, où un des pires dictateurs, Yahya Jammeh, a officiellement perdu les élections. C’était en décembre dernier. Après avoir accepté sa défaite, il s’était rétracté par la suite au point qu’il fallait le résoudre à quitter le pouvoir sous la menace de l’intervention armée de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest).

S’il n’y a pas de similitude entre les deux cas, il y a sans doute à y voir la naissance d’une dynamique qui pousse vers l’éclosion de la démocratie. Plus ou moins entachée en Gambie par l’attitude versatile du dictateur, la situation au Kenya s’est présentée sous le signe de la sagesse. On note que le « vainqueur déchu » a, certes, cédé à la violence verbale, allant jusqu’à traiter les juges de cette instance d’ « escrocs », sans toutefois rejeter la décision judiciaire. Une posture responsable qui a évité de donner lieu à une empoignade sanglante entre les partisans chauffés à blanc des deux camps. Après une campagne folle.

 

Tout peut donc arriver

La prise de position de la justice kényane d’invalider la présidentielle du 8 août a été saluée avec enthousiasme partout en Afrique. Outre le débordement de la presse locale, qui a épuisé tous les termes de louange, pour qualifier la circonstance, les médias africains en ont fait également leur affaire. La plupart d’entre eux ont exprimé l’espoir de voir, enfin, tout le continent emboîter le pas des juges kényans. Tel aussi a été le sentiment de plusieurs observateurs indépendants, à l’instar de Crisis Group, qui estimait que « la démocratie non seulement au Kenya, mais également en Afrique, est en train de mûrir ».

[source : https://afrochild.files.wordpress.com]

De tout côté, le satisfecit est donc total, mais ce n’est là que la partie visible de l’iceberg. Car, derrière cette décision judiciaire se cachent nombre d’interrogations, par rapport à la réalité sur le terrain.

 

Quelques questions sur la nouvelle élection…

Le pays dispose-t-il de moyens financiers nécessaires pour organiser, en soixante jours, deux présidentielles sortables ? Trouvera-t-on une solution qui satisfasse toutes les parties, quant à la restructuration de la Commission électorale indépendante (IEBC) que l’opposition appelle de tous ses vœux, alors que le parti au pouvoir s’y refuse net ? La sagesse observée aujourd’hui de la part des deux candidats sera-t-elle toujours de mise, lors de la proclamation du scrutin remis en jeu ?

Sur un autre plan, quelle serait la place des observateurs internationaux, clairement décrédibilisés par la décision de la Cour suprême, alors qu’ils avaient déclaré « crédible » l’ensemble des opérations du vote ? La question restera longtemps posée…

Enfin, au Kenya, comme c’est le cas partout en Afrique subsaharienne, se pose avec acuité la question ethnique. Les Luo, d’un côté, et les Kikuyu, de l’autre, ne continuent pas moins de se regarder en chiens de faïence. Tout peut donc arriver, lors du second scrutin prévu pour le 11 octobre. En attendant, la Cour suprême constitue le point de mire.

Le Kenya entre pouvoir politique et « empires » financiers

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

L’Histoire a encore bégayé au Kenya. L’ombre du spectre des événements qui ont endeuillé la présidentielle de 2007 planait sur le pays, à mesure que l’on s’approchait de la date fatidique du 8 août. En dépit de toutes les précautions mises en œuvre, le rituel macabre s’est encore imposé : contestation véhémente de résultats, actes de vandalisme, bain de sang.

Les raisons sont d’ordre politique, ethnique et… financier ; ce dernier point a souvent été oublié, alors qu’il joue un rôle important dans la configuration socio-politique du pays.

Les élections, au Kenya, c’est la guerre pour le pouvoir entre deux ethnies, deux « empires » financiers. Car, le Kenya postcolonial, c’est l’histoire des deux hommes : Jomo Kenyatta, de l’ethnie kikuyu (majoritaire), et Oginga Odinga, de l’ethnie luo. L’un et l’autre furent, à l’époque (les années 1930 -1940), de rares sommités intellectuelles kenyanes. Kenyatta ethnologue formé à Londres, Odigna diplômé de l’éducation de la fameuse université de Makerere, en Ouganda.

Le président Jomo Kenyatta et le vice-président Oginga Odinga

A l’indépendance du pays, en 1963, les deux fleurons collaborent. Dans l’effervescence de la liberté fraîchement conquise, le temps n’était pas aux disputes. Kenyatta occupa les fonctions de président et Odinga celles de vice-président. Une entente qui durera jusqu’en 1965, avant de connaître une rupture brutale, et une première empoignade sanglante ethnique entre les Kikuyu et les Luo : 11 morts et des dizaines de blessés.

C’est le départ d’un psychodrame que vont hériter leurs deux rejetons, Uhuru Kenyatta, d’une part, Raila Odinga, de l’autre. Mais un héritage complexe, du fait qu’en Afrique, quand quelqu’un émerge en politique ou dans les affaires, il devient, du coup, leader en tout, mais surtout un « patron », créateur d’emplois en faveur des membres de son ethnie. C’est, à ce titre, que le patriarche Odinga Oginga fut désigné « Ker » (roi, en luo).

Uhuru Kenyatta et Raila Odinga

Les deux « dynasties » règnent sur de véritables empires financiers. Si, en 2011, Uhuru a été classé par Forbes 26e fortune africaine, pesant près de 500 millions de dollars, son rival caracolait entre 200 et 300 millions de dollars. Chaque camp représente un puissant conglomérat, avec une immense capacité d’embauche. C’est donc des patrimoines à défendre, non à titre individuel, mais au nom de chaque ethnie. Ainsi, pour les deux dirigeants, entre en ligne de compte, presque inconsciemment, la notion de « responsabilité pour l’autre » du philosophe Emmanuel Levinas.

Or, pour assurer l’épanouissement et la survie de ces entreprises et, par ricochet, le bien-être des membres de chaque ethnie, on connaît la voie, en Afrique : s’appuyer sur la puissance et les « vices » de la politique. C’est dans ce registre qu’il faut placer la saga de la lutte politique kényane, dont le flambeau a été repris par Uhuru Kenyatta et Raila Odinga. Battu à deux reprises par les leaders kikuyu, après la mort de Jomo Kenyatta, en 1978, Raila entre dans l’arène, pour la troisième fois, contre le jeune Uhuru, en 2013. Il perd la partie contre le novice qui l’emporte d’un cheveu, avec 50,07 % des voix.

Restait donc pour le vieux lion, âgé aujourd’hui de 72 ans, de gagner les dernières élections. Raté le baroud d’honneur ! Le jeune loup, 51 ans, l’a emporté haut la main, avec 54, 27 % des suffrages. D’où la contestation acide du désormais « retraité » politique.

 

Lettre ouverte d’un citoyen syrien au Président Macron

[Par Shiyar KHALEAL]

J’ai fait partie des optimistes satisfaits de voir la France désormais dirigée par un jeune Président, appartenant à une génération qui croit en la Liberté et en la Démocratie.
J’étais également content de voir des jeunes entrer dans la vie politique à l’occasion des élections législatives. Mais hélas, la déception fut grande quand le Président Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne voyait pas d’alternative légitime au Président syrien Bachar Al-Assad et que la France ne considèrait plus son départ comme une condition en vue de résoudre le conflit en cours depuis six ans.

Emmanuel Macron et Bachar Al-Assad

Monsieur Macron a ajouté que le Président syrien est un ennemi de son peuple… mais pas un ennemi de la France et que la priorité de la France consiste à s’engager totalement dans la lutte contre les groupes terroristes et faire en sorte que la Syrie ne devienne pas un État défaillant.

Ces déclarations nous m’ont surpris comme ceci a été aussi le cas pour beaucoup de mes concitoyens, lesquels ont fui la brutalité du régime syrien, choisissant de partir vers des pays qui leur offrent une vie de dignité et de liberté.

Comment peut-on penser qu’un chef d’Etat, comme Al-Assad, peut apporter la Justice aux Syriens ? C’est ce même régime qui m’a privé de libertés pendant plus de deux ans à cause de mon travail médiatique et critique à l’égard du Régime en place. Comment, à partir de là, puis-je faire confiance en la justice de Bachar alors qu’il a également tué et poussé à l’exil ses concitoyens en les bombardant notamment à l’aide d’armes interdites telles que des armes chimiques ?

Les déclarations du Président français peuvent apparaître comme une façon de préserver des relations équilibrées entre la France et le monde, y compris la Russie. Mais, sachez Monsieur le Président, que vos déclarations, constituent une grande injustice aux yeux des Syriens qui se sont rebellés contre leur tyran.
Dans le même temps, des forces islamiques se sont affirmées dans la violence et la mort… et Al-Assad a été le premier à les encourager en libérant des détenus fanatisés, lesquels ont décidé de participer à des milices destructrices.

L’une de nos priorités, nous Syriens, passe aussi par la lutte contre Daesh. L’Etat Islamique a tué nos familles en collaboration avec Al-Assad face à une opposition politique syrienne malheureusement peu efficace.
Comment pouvons-nous faire confiance, Monsieur le Président, à Al-Assad, qui maintient en prison plus de 300.000 personnes ?

Monsieur le Président, nous comprenons les intérêts qui sont ceux de la France. J’espère, néanmoins, en tant que Kurde Syrien résident en France, que vous figurerez parmi ceux qui sauront nous rendre justice.
La Révolution française a duré de longues années, avant d’aboutir un Etat fort de sa Démocratie. Au regard de cette Histoire exemplaire, nous espérons que vos prises de positions futures vont contribuer à rendre justice aux Syriens en favorisant l’émergence d’un Syrie nouvelle enfin respectueuse de ses citoyens.

 

 

Kaboul, Paris, Bagdad, Londres, Téhéran… N’oublions pas !

Paris, Place de la République – Le mercredi 7 juin 2017, après une semaine d’attentats à Kaboul, les afghans vivant à Paris ont organisé un rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes. Sur leurs mains étaient inscrits des vers d’un des poèmes du poète persan Saadi, Jardin de roses :

Les hommes font partie du même corps / Ils sont issus de la même essence / Si le destin faisait

souffrir l’un des membres / Les autres n’en auront pas de repos / Toi qui es indifférent aux

malheurs des autres / Tu ne mérites pas d’être nommé un Homme.

Kaboul, la capitale afghane a été encore frappée par un attentat terroriste le mercredi 31 Mai 2017. Une semaine après, le bilan s’annonçait lourd pour la population civile : 150 personnes ont été tuées, plus de 300 blessées et des centaines de familles endeuillées. Kaboul n’est pas la seule cible de ces attaques inhumains, Paris, Bagdad, Londres, Téhéran et tant d’autres villes sont les témoins impuissantes de ces actes barbares.

« Agissons pour une paix universelle et n’oublions pas les victimes civiles de ces attentats terroristes ». Tels étaient les cris scandés pendant ce rassemblement à la Place de République au centre de Paris mercredi dernier.

 

Paris - Rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes à Kaboul © Mortaza Behboudi

Paris – Rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes à Kaboul © Mortaza Behboudi

 

Paris - Rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes à Kaboul © Mortaza Behboudi

Paris – Rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes à Kaboul © Mortaza Behboudi

 

Paris - Rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes à Kaboul © Mortaza Behboudi

Paris – Rassemblement pour la mémoire des victimes des attaques terroristes à Kaboul © Mortaza Behboudi

France-Afrique : Macron a gagné. Et, après ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Tous les médias du monde, quasiment, ont forgé des formules dithyrambiques à l’endroit d’Emmanuel Macron, le jeune président français âgé de 39 ans, élu le 7 mai. L’Afrique n’a pas été en reste. Si quelqu’un en Occident s’est écrié : « Une étoile est née, vraiment ? » (Courrier international, du 11 au 17 mai), quelqu’un d’autre, en Afrique, a retorqué : « A Macron bien né, la valeur n’attend pas le nombre des années » (site Wakat Séra du Burkina, 8 mai).

 Les deux formules ci-dessus soulèvent des espoirs, mais dans des directions différentes.

Emmanuel Macron, nouveau président de la République française
© Christophe Ena/AP/SIPA

Dans les médias occidentaux, on note que Macron inspire à la fois espoirs et doutes. Si pas la peur. Beaucoup d’entre eux, comme par connivence, évoquent l’« Ode à la joie » du poète allemand Friedrich von Schiller. Ce poème rappelle « le secours demandé au génie, lorsque le danger est imminent, et dès que celui-ci se présente, on s’effraye de lui ».

Ainsi, la question qui émerge à leur esprit et qu’ils se posent ouvertement avec insistance est celle-ci : « Et si Macron échouait… ».

Tel n’est pas le cas pour l’Afrique, où on met en avant la naissance de nouvelles relations entre le continent et la France. On exploite ainsi, avec confiance, le volontarisme affiché par cet homme nouveau, en rupture de ban avec l’ère gaullienne, à l’égard du continent. Son crédo « ni à gauche ni à droite », autrement dit, les deux rives d’une même rivière au service des voiles « françafricaines » obsolètes, fait, a priori, plaisir aux Africains.

Ceux-ci ont-ils raison de se réjouir, en donnant tort au passé ? Que nenni, car l’Histoire, c’est l’Histoire. Elle est fondée sur des ressorts énigmatiques qui propulsent l’humanité vers des progrès inouïs ou la retardent, un instant, à travers des malheurs exemplaires. La révolution cognitive, l’esclavage, la révolution industrielle, le colonialisme, l’excellence du numérique, aujourd’hui… tous ont leur part de contradiction dans la marche du monde.

La force de la « françafrique »

Il en va ainsi de la fameuse « françafrique ». C’est une chaîne d’antivaleurs, érigées en paternalisme éclairé, avec deux faces opposées : le bien, puisque ce néocolonialisme à visage humain – qu’on le veuille ou non -, a empêché le continent d’éclater davantage, rongé par le poison du tribalisme (après son partage par la Conférence de Berlin, en 1884 -1885). Bien sûr, à l’avantage de l’Occident ; le mal, puisque l’exploitation indue, à tout va, par ce système, a non seulement appauvri le continent, mais l’a également jeté dans l’obscurantisme d’illettrisme, faute par celui-ci de disposer des moyens suffisants pour l’éducation de ses populations.

Tweet du président guinéen, Alpha Condé, pour l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence française
© facebook

Cette chaîne puise ses racines dans la politique africaine mise en place par le général de Gaulle. En dépit de ses qualités reconnues de grand homme d’Etat, celui-ci est resté retenu par le tropisme de l’Histoire, qui veut que le plus fort exploite le plus faible. Ses successeurs sont restés emprisonnés dans la même logique, puisque de Pompidou à Hollande, la « françafrique » n’a pu être gommée.

Or, pendant ce temps, les Africains avaient déjà commencé à ouvrir l’œil – et le bon -, sur l’existence de ce contrat léonin. D’où cet élan de confiance exprimée envers Macron, qui, d’ores et déjà, leur donne le sentiment d’être un véritable tournant dans les relations entre les deux partenaires.

Nombre d’observateurs pointilleux, en ce domaine, nourrissent sans ambages le même optimisme. Béchir Ben Yahmed le justifie en ces termes : « Macron s’intéresse à l’évolution de notre continent et sait que la France gagnerait beaucoup à renouer avec lui des liens qui se sont distendus, depuis vingt-cinq ans » (Jeune Afrique, du 7 au 13 mai).

Il est rare de voir ce pilier de la presse africaine glisser, tout de go, dans une affirmation aussi dogmatique. A Macron donc de la jouer ferme… et efficace, puisqu’il est sous le régime de l’« alignement des astres ». Dit-on…