A Bruxelles, The Working Group for Syrian Detainees lance un plan d’action pour les détenus syriens

[Par Shiyar KHALEAL]

Traduction de Johanna GALIS

A l’origine de la création de The Working Group for Syrian Detainees (le Groupe de Travail pour les Détenus Syriens), l’initiative de plusieurs activistes et journalistes d’origine syrienne, dont Shiyar Khaleal et Sakher Edris. C’est en obtenant en avril dernier des informations de Syriens détenus dans différentes prisons du pays, par le biais de téléphones mobiles, qu’ils apprirent grâce à eux que des détenus politiques de la prison centrale d’As Swayda, à tire d’exemple, allaient être exécutés.

Pendant la réunion à Bruxelles ©Sakher EDRIS

Pendant la réunion à Bruxelles © Sakher EDRIS

D’où la création par la suite d’un groupe Facebook, The Working Group for Syrian Detainees, qui se fit en quelque sorte lanceur d’alerte sur le sort des détenus politiques en Syrie, et puis par extension, sur les conditions d’emprisonnement des Syriens.
De nombreux médias français, allemands et britanniques, dont la chaîne britannique Channel 4, firent pression sur la Syrie suite à la divulgation de ces informations, et par conséquent les exécutions de détenus politiques prirent fin. Le groupe prit de l’importance et se fit remarquer de certaines figures clé de la politique européenne.

Retour sur une rencontre-clé entre Bruxelles et une délégation du groupe
Une délégation de The Working Group for Syrian Detainees (le Groupe de Travail pour les Détenus Syriens) vient d’achever une visite de deux jours à Bruxelles pendant laquelle ils rencontrèrent des représentants des Etats membres de l’Union Européenne, des officiels de l’Union Européenne, ainsi que des membres du Parlement Européen. Ils les pressèrent d’établir de nouvelles règles concernant une nouvelle politique de l’Union Européenne sur le sort des détenus Syriens.

« Notre but premier est celui de soulager les souffrances du peuple syrien », souligna le porte-parole du groupe Sakher Edris. « Pendant nos réunions nous exhortons nos amis européens à protéger les civils de Syrie et à user de leur poids politique sur la Russie et l’Iran pour mettre sous pression le régime d’Assad afin que soit décrété un moratoire sur tous les ordres d’exécution pour ainsi permettre à des dispositifs de contrôle internationaux d’avoir accès à tous les équipements de détention. Le régime d’Assad n’a pas pris de réels engagements pour libérer les détenus. Nous avons répété pendant nos réunions à Bruxelles que l’Union Européenne doit faire pression sur ceux qui détiennent illégalement des civils syriens ».

Des milliers de Syriens innocents sont détenus et torturés dans des centres de détention d’Assad en Syrie. Cette souffrance et les attaques quotidiennes discriminantes contre les civils participent vivement à la crise des migrants en Europe et affectent l’équilibre mental de Syriens qui ont fui leur pays pour leur propre sécurité.

La torture et la mort, une routine dans les prisons syriennes ©Aljazeera.com

La torture et la mort, une routine dans les prisons syriennes ©Aljazeera.com

Il fut aussi abordé le besoin de former des tribunaux locaux et internationaux en dehors du Conseil de Sécurité pour poursuivre les attaques en justice d’anciens détenus résidant en Europe portant sur les services de sécurité syriens, et mettre une forme de pression sur le veto Russe-Chinois.

« L’Europe est l’un des précurseurs de la crise syrienne », rajouta M.Edris. « Nous avons fait la demande d’une mécanique de compensation  qui serait dirigée par l’Union Européenne pour les familles des détenus qui ont fui la Syrie. Dans ce cadre-là nous accueillons l’engagement de ceux que nous avons rencontré au Parlement Européen afin de soutenir nos appels pour un réel progrès sur le dossier des détenus en Syrie. Nous avons aussi appelé l’Union Européenne à l’établissement d’un Tribunal Spécial pour la Syrie afin d’apporter dans ce pays la justice et le sens de responsabilités dont il aurait tellement besoin ».

Il s’en suivit finalement une discussion sur le plan d’action qui prendra forme dans les prochains jours sur l’appel de l’Union Européenne à progresser sur la cause des détenus Syriens, ainsi que sur de nombreux autres points appartenant à la situation des détenus à l’intérieur des centres de détention.

A propos du Working Group for Syrian Detainees

Le Working Group for Syrian Detainees (Le Groupe de Travail pour les Détenus Syriens) est un groupe qui fait partie de la société civile syrienne, qui se concentre sur les abus et les violations contre les détenus en Syrie, et qui informe sur les détenus et leurs dossiers à l’intérieur de nombreux centres de détention. Il suit l’état moral et psychologique des détenus après leur libération pour les aider à s’intégrer positivement dans la société.

Le rôle des médias mauritaniens s’invite à la MDJ

[Par Med LEMRABOTT]

Dans le cadre de ses activités, la Maison des journalistes (MDJ) en collaboration avec ses résidents a organisé, il y a une dizaine de jours, le mardi 22 novembre 2016, une rencontre débat sur « Le rôle des médias dans le processus de démocratisation en Mauritanie » . Retour sur cette riche soirée. 

Tijani Ahmed LEMRABOTT, journlaiste JRI de la MDJ, Diallo SAIDOU dit Thierno, enseignant-chercheur à l'université Paris 13, Cheikh GUEYE, doctorant en sciences politiques, Sami AL ASHWAL, journaliste Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Tijani Ahmed LEMRABOTT, journaliste de la MDJ, Diallo SAIDOU dit THIERNO, enseignant-chercheur , Cheikh GUEYE, doctorant et Sami AL ASHWAL, journaliste.
Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Cheikh Tijani Ahmed Lemrabott, en sa qualité résident-invitant et modérateur de cet échange, a présenté l’intérêt du sujet ainsi que les enjeux qui entourent cette question, avant de donner la parole aux différents intervenants.

M. Cheikh Gueye, doctorant à Paris X, a commencé par une présentation du pays. Il a mis l’accent sur l’impact des médias dans une société multiculturelle, comme la Mauritanie. Il s’attardera dans son exposé, sur la lancinante question de la place des langues nationales telles que le Peul, le Wolof ou Soninké dans l’espace médiatique.

Rencontre débat sur "Le rôle des médias dans le processus de démocratisation en Mauritanie" Crédits photo : Ahmad AL GABR

Le rôle des médias dans le processus de démocratisation en Mauritanie en question
Crédits photo : Ahmad AL GABR

Quand au second intervenant, Diallo Saidou dit Thierno, il commença son exposé par une analyse historique du cadre juridique relatif à la presse. Il mettra en relief le rapport entre les politiques et les médias à travers le prisme du parti unique. Ce qui a longtemps structuré, selon ses dires, un lien de subordination entre médias et politiques.

Il n’a pas manqué de rappeler les différents acquis en matière de liberté de la presse depuis l’ordonnance de 2006, abrogeant celle de 1991 avec son fameux article 11 qui était considéré comme un couperet par les journalistes.  Par ailleurs il a mis relief, une nouvelle forme de censure ou d’autocensure qui a un caractère aussi bien politique que sociale.

Le groupe de rap mauritanien en exil au Sénégal, de passage à Paris pour un concert, Ewlade Leblade, présent lors de cette rencontre a témoigné sur la liberté d’expression des artistes.

Partageant avec l’assistance leur amère expérience, suite à l’accusation de viol et de trafic de drogue qu’a subi Hamada, un des membres du groupe, ils n’ont pas manqué de pointer du doigt les autorités politiques. Ishagh, l’autre membre du groupe, affirma qu’il y a une réelle absence, aussi bien de liberté artistique que de liberté d’expression.

Ishagh et Hamada, les membres du groupe de rap mauritanien Elwade Leblade Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Ishagh et Hamada, les membres du groupe de rap mauritanien Elwade Leblade
Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Pour ces artistes, c’est leur liberté de ton et leur engagement à travers des textes qui dénoncent la dilapidation de l’argent publique et autres détournements, qui est à la base de l’emprisonnement arbitraire (plus de 2 mois) de Hamada.

Cette rencontre-débat riche en enseignements à vu la présence de plusieurs journalistes (de différentes nationalités). L’assistante très intéressée par les différents exposés des intervenants, a échangé avec ces derniers autour d’un verre de thé parfumé à la menthe.

 

Le geste de Hollande et les tyrans africains

[Par Jean-Jules LEMA LANDU] 

François Hollande a décroché pour un second mandat, en 2017. Il ne se représentera pas à sa propre succession. L’annonce a fait grand bruit, en France, jeudi 1er décembre. Tout comme elle n’a pas manqué de créer la surprise, ailleurs dans le monde. Quel sera l’impact de ce geste sur les tyrans africains, partisans de la « monarchie présidentielle » ?

François Hollande au Sommet de la Francophonie à Madagascar le 26 novembre 2016. Crédits photo : Elysee.fr

François Hollande au Sommet de la Francophonie à Madagascar le 26 novembre 2016.
Crédits photo : Elysee.fr

Dans les pays démocratiques, on en a vite conclu à une « démarche politique courageuse », qui ennoblit davantage la notion de démocratie. Car, l’impopularité que connaît le quinquennat finissant du président Hollande, pour l’honneur, n’avait pas un autre levier que de pousser celui-ci vers la sortie.

Pourtant, le renoncement au fauteuil présidentiel, quelles qu’en soient les raisons, est un cas rarissime. Car, en l’espèce, c’est renoncer aux nombreux privilèges exceptionnels que confère cette fonction qualifiée de « magistrature suprême ». Parmi ceux-ci, citons la puissance et l’honneur, notamment, pour lesquels l’Histoire a vu couler des rivières de sang !

En France même, les commentaires continuent d’aller bon train. Ils sont de deux ordres : d’un côté, il y a ceux qui pensent que le geste du président de la République est empreint de « lucidité », témoignages émanant des leaders de gauche ; de l’autre, ceux qui ravalent ce geste, jusqu’à le qualifier « d’aveu terrible d’échec ». Ces derniers propos sont le fait de l’opposition.

Depuis, quelles ont été les réactions émises par l’Afrique politique ? Elles y sont, naturellement, absentes, sinon évasives. Et pour cause. Le continent demeure réfractaire à la démocratie. A l’exception de quelques Etats, à compter sur les doigts de la main, le reste somnole encore dans les brouillards de l’absolutisme.

La force des vertus démocratiques

L’exemple récent, sur les élections qui viennent de se dérouler, en cette année 2016, nous en fournit la mesure. Là où les élections ont donné l’apparence d’avoir bonne figure, l’atmosphère post-électorale s’enlise dans de vaines querelles politiciennes, comme au Burkina Faso, ou s’illustre par la question de vengeance personnelle, comme au Bénin. Autrement, comme ce fut le cas au Gabon, au Congo/Brazza et au Tchad, où la transparence a fait défaut, on s’attend plutôt au pire : révoltes, rébellions, guerres civiles…

Globalement, le résultat est tellement maigre, au point d’exclure l’octroi d’une simple « cote d’amour », c’est-à-dire cette appréciation basée uniquement sur l’affectif.

Le renoncement du président français peut-t-il avoir le don d’appeler les tyrans à la modestie autant qu’à la réflexion sur les méfaits de la dictature ? Rien n’est moins sûr quand l’exemple de Mandela, un Africain, ne leur a pas inspiré le modèle à suivre. En Afrique du Sud même, pays de cette icône politique, la démocratie est à la peine. Certains analystes parlent du « chaos » de ce pays, relégué déjà au grenier sur le plan économique, laissant sa place de premier rang au Nigéria.

Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud Crédits photo : Reuters

Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud
Crédits photo : Reuters

C’est donc peine perdue ? Que non. Si Goebbels, l’Allemand, disait, pour asservir les peuples : « Un mensonge souvent répété devient vérité pour les peuples », pourquoi pas ne pas penser, en parallèle, que « la répétition des vertus démocratiques finira par vaincre les dictateurs ? ». En dépit de la lenteur qui caractérise l’éveil des peuples africains ?

En témoigne le résultat de la présidentielle, en Gambie, vendredi 2 décembre. A la surprise générale, c’est l’opposant Adema Barrow, 51 ans, qui en est sorti vainqueur. Il a engrangé 45,6 % des suffrages contre 36,7 % attribués au dictateur Yahya Jammet. Un des pires autocrates de l’Histoire contemporaine – illuminé, mégalomane et cruel -, qui a dirigé le pays de main de fer pendant 22 ans.

Qui y croirait ? Fini, le slogan « Jamais sans Jammet » !

 

 

L’appel de Shiyar Khaleal, porte-parole de “Détenus d’abord” : “Les syriens méritent un futur libre de toute tyrannie”

13173116_1204431332902910_4281646736751400093_o[Par Shiyar KHALEAL]

Je me considère chanceux d’avoir survécu à l’épreuve de l’emprisonnement dans un des centres de détention de Bachar el-Assad. Depuis le début de la révolution Syrienne, en mars 2011, des centaines de milliers de personnes innocentes ont été arrêtées et retenues illégalement pour les mêmes motifs que ceux pour lesquels j’ai été accusé : la recherche de la liberté, de la démocratie et d’un gouvernement qui puisse rendre des comptes à son peuple. La vaste majorité de ceux qui ont été arrêtés n’ont pas survécu à leur détention et ne sont en conséquent pas capables de rapporter toutes les horreurs qu’ils ont vues et expérimentées. Et pour chaque personne tuée lors d’une incarcération, des milliers d’autres languissent dans une captivité où elles passent par la famine, la torture, et trop souvent par la violence sexuelle. L’ancien chef procureur de la Cour spéciale de Sierra Leone, Desmond Lorenz de Silva, a comparé la torture à l’intérieur des prisons d’Assad à « du meurtre à échelle industrielle »

Tandis que l’attention du monde se porte sur l’issue de l’élection des Etats-Unis, le 16 novembre j’ai voyagé à Bruxelles avec une délégation d’avocats défenseurs des droits humains des Syriens, ainsi que des anciens détenus pour rencontrer des diplomates européens d’expérience. Notre message est clair : appeler l’Europe à devenir un véritable partenaire moral du peuple Syrien et paver la route pour une nouvelle approche compréhensive de la Syrie. C’est aujourd’hui encore plus important étant donné le résultat des élections américaines. Notre délégation à Bruxelles porte la responsabilité d’être la porte-parole de tous ceux qui ont péri en détention. Ces personnes sont toutes une sorte de rappel constant de pourquoi nous, Syriens, sommes tout d’abord venus dans les rues, et pourquoi notre révolution perdure.

Les efforts pour assurer la libération des détenus sauveront des vies et aideront à débloquer certains efforts pour atteindre une solution politique. Le peuple syrien a demandé à de nombreuses reprises de libérer ces détenus dans l’optique de reconstruire une certaine confiance. Accomplir des progrès sur le dossier des détenus demeure un moyen de recommencer des négociations significatives pour une transition politique.

La justice et la paix en Syrie apporteront aussi plus de sécurité en Europe. La crise des migrants et la montée des attaques terroristes montre que l’Europe n’est pas isolée de la crise en Syrie. Cependant, ni le terrorisme ni la crise des migrants ne seront résolus sans réelle responsabilité de la Syrie. Sans des pas concrets pour s’occuper de la culture de l’impunité en Syrie, il y a un risque sérieux de voir le peuple syrien perde espoir en des principes tels que ceux des droits humains internationaux et la loi humanitaire. Un tel environnement ne fera qu’attiser le conflit.

C’est donc dans l’intérêt de l’Europe de s’assurer des conséquences des violations de ces droits humains et de mener des nouveaux efforts pour libérer tous les Syriens détenus sans aucuns droits. Il y a des pas concrets que l’Union Européenne peut faire pour garantir la justice et la responsabilité du peuple Syrien. Par exemple l’Union Européenne et ses Etats membres devraient mener un effort dans l’Europe et dans l’assemblée générale des Nations Unies pour que soient mis en place des dispositifs d’aide et de contrôle internationaux, tels que le Comité International de la Croix Rouge, pour avoir un accès immédiat à toutes les installations de détention syriennes, incluant des installations secrètes contrôlées par des milices étrangères. Comme l’horrible portrait de César le dépeint, certaines des formes les plus sévères de « justice » d’Assad sont distribuées avec une régularité intimidante dans ces installations mêmes, avec des détenus systématiquement sujets au viol, à la torture, à la famine, à la suffocation, et à des blessures par balle.

Tandis que la responsable des affaires étrangères de l’Union Européenne Federica Mogherini intensifie son engagement régional, nous l’appelons à pousser le régime – ainsi qu’à ses maîtres à Moscou et Téhéran – à suspendre tous les ordres d’exécution dans les centres de détention. Les auteurs de kidnapping, de torture et d’exécution de personnes innocentes doivent être tenus pour responsables. Cette responsabilité n’aidera pas seulement la volonté des victimes d’obtenir justice, mais elle empêchera d’autres crimes d’être commis dans le futur, sur le court terme et aussi dans l’optique d’apaiser la violence actuelle.

L’Europe a une longue et vénérable histoire en ce qui concerne son soutien aux efforts mis en place pour accomplir une justice qui fasse transition pour les victimes de crimes de guerre. Elle sert d’hôte à la Cour Criminelle Internationale, la Cour Internationale de Justice, ainsi qu’à d’autre tribunaux mis en place pour assurer la justice envers des victimes de crimes de guerre. Il est temps pour l’Europe de montrer ces mêmes qualités de leader dans sa recherche active pour protéger et apporter de la justice à tous les Syriens. Ceci doit être un message univoque de la part des dirigeants européens au président fraîchement élu Trump.

Les Syriens méritent un futur où ils puissent vivre en sécurité, libres de toute tyrannie et de la peur de bombes lancées à tort et à travers. Mais tant que des centaines de milliers de Syriens sont détenus illégalement, aucun Syrien n’est libre. C’est pourquoi nous avons besoin de l’Europe pour se mettre debout et assurer le fait que ceux qui sont responsables des abus et des tortures à l’intérieur des prisons Syriennes seront traduits en justice. Une responsabilité et une justice de transition sont des éléments essentiels pour garantir une Syrie libre pour tous les Syriens.

 

Traduction par Johanna Galis.

 

 

RD Congo : bienvenue à l’usine à gaz !

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les drames congolais ? C’est cyclique. La clef de voûte de celui qui a commencé à se tisser, à travers la présidentielle brouillée de 2011, vient d’être posée, le jeudi 17 novembre. Il s’agit de la nomination d’un nouveau Premier ministre, en la personne de Samy Badibanga, selon les termes d’un « Dialogue politique » bâtard. Un forum initié par l’Union africaine, vite rejeté par les principaux partis d’opposition, mais auquel a participé une poignée de « dissidents ».

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Samy Badibanga ( au centre), lors de la cérémonie d’ouverture du dialogue national, à Kinshasa, le 1er septembre 2016 ( crédits photos: Junior.D.Kannah AFP)

Le fond du problème : la tenue de la présidentielle, prévue en ce mois de novembre, et par conséquent, le départ du pouvoir du président Kabila, dont le deuxième et dernier mandat s’achève le 19 décembre, en vertu de la Constitution ou report de cette échéance, avec pour conséquence, le maintien du président en exercice. Il s’agissait, en résumé, du respect ou non de la Constitution.

Le 17 octobre, le « Dialogue politique » a tranché : report de la présidentielle et maintien à ses fonctions du président Kabila, jusqu’en avril 2018, situation qui devait être accompagnée par une sorte de gouvernement de transition, sous la conduite d’un Premier ministre, issu de l’opposition. Or, depuis 2011, Samy Badibanga est en rupture de ban avec la direction de l’UDPES, son parti et formation principale de l’opposition congolaise.  De ce fait, Il ne représente que lui-même.

D’où l’impasse, ou plutôt le début d’un énième drame sanglant. Alors que, dès le départ, l’ONU, les Etats-Unis, la France, l’Eglise Catholique, et plusieurs voix ayant autorité à travers le monde prônaient le respect de la Constitution, tout en appelant à la responsabilité du président Kabila. Rien n’y a fait. Si bien qu’on en est arrivé, aujourd’hui, à ce point de non-retour qui ne peut présager autre chose qu’un bain de sang.

Le règne des « rois fainéants »

Comment s’est construite cette usine à gaz ? La réponse se trouve dans l’histoire même postcoloniale du pays : c’est un pays de crises cycliques. Au point qu’au cours des années 1960, date de l’indépendance, le substantif « congolisation » fut forgé pour désigner toute situation de grand désordre au monde.

Depuis, le ciel congolais n’a guère connu d’éclaircies. Les rébellions de toutes les couleurs, la dictature de Mobutu pendant 33 ans et l’arrivée de la dynastie Kabila au pouvoir (père, puis fils), depuis 1997, ont laissé ( et continuent à le faire) des stigmates de la médiocrité.

C’est dans cette logique qu’il convient de placer les convulsions qui ébranlent, actuellement, la sphère politique congolaise. Avec, en prime, l’appui du règne d’un président de la République, comparable à celui des « rois fainéants » au VIIe siècle, dont le pouvoir n’était qu’apparent.

Telle est la caractéristique principale des deux mandats du président Kabila, hissé au fauteuil présidentiel, à l’assassinat de son père Laurent Kabila, en 2001. A l’opposé d’un Mobutu, ancien journaliste, qui fut au fait des rudiments des relations internationales. Et qui, par conséquent, avait une certaine vision des choses, qui lui permettait d’initier des décisions personnelles à prendre.

Les dés sont jetés

Quant à l’autre, c’est sa cour qui « pense » et règle tous les moindres détails sur la direction du pays. Son silence que la presse qualifie de « légendaire » n’a d’égal que son incapacité, elle aussi légendaire, à cogiter et à s’exprimer. Tout repose sur sa cour qui, progressivement, s’est solidement structurée, jusqu’à se donner la dénomination flamboyante de « G 6 », un groupe composé de six personnes aux pouvoirs illimités.

Certes, celle-ci comprend d’éminents intellectuels, comme Alexis Thambwe Mwamba, mais malheureusement, tous au caractère politique erratique. Sans idéal, sinon celui de s’enrichir sur le dos du peuple. D’où la succession des montages machiavéliques, visant à maintenir indéfiniment au pouvoir le « roi fainéant », sans la présence duquel ils seront éjectés, avec leurs affidés, hors des circuits pécuniaires.

La nomination de ce premier ministre, à l’analyse, ne constitue qu’un marchepied pour atteindre l’objectif final, à savoir l’amendement de la Constitution dans le but d’accorder deux mandats supplémentaires au président Kabila, comme ce fut le cas au Rwanda. Mais la RD Congo n’est pas le Rwanda. Et, dès lors, il faut dire que les dés sont déjà jetés pour une nouvelle crise, longue et sanglante.

 

 

 

 

Trump s’occupera-t-il de l’Afrique ?

[par Jean-Jules LEMA LANDU]

Comme partout ailleurs, l’Afrique a suivi assidûment le déroulement de la présidentielle américaine. Dans l’imaginaire collectif, l’Amérique, parée de sa grandeur économique et militaire, est perçue comme une sorte de puissance tutélaire universelle.

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Donald Trump élu 45ème président des Etats-Unis. (crédits photos: Mary Schwalm / AFP )

La Chine, la Russie, l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, chacun a eu son mot. L’idée générale qui s’en dégage se résume à l’interrogation, tant Donald Trump, le nouveau locataire de la Maison Blanche, est un inconnu. Considéré, surtout, comme quelqu’un aux sorties à l’emporte-pièce.

Cela prouve que les Etats-Unis tiennent le manche de plusieurs leviers sur la marche du monde.

Quelle est la place du continent africain, en termes de profits économiques, politiques ou géostratégiques, sur cette plate-forme régissant les relations internationales ?

L’Afrique, en réalité, y est absente. Entre les Etats-Unis et l’ensemble des 54 Etats africains, spécifiquement, les échanges y sont exsangues. Entre 2000 et 2010, les exportations non pétrolières de l’Afrique furent chiffrées à 53,8 milliards de dollars contre 20, 3 milliards de dollars, dans le sens inverse, pour les Etats-Unis. La moyenne, de part et d’autre, est insignifiante !

En 2014, à l’instar de la Chine qui, en matière de financement en faveur de l’Afrique, tient le haut du pavé, l’Amérique a initié le sommet « Etats-Unis – Afrique ». Une sorte d’opération de charme, au cours de laquelle le président Obama a engagé son pays à verser 33 milliards de dollars, à titre d’investissements publics et privés. Deux ans après, la corbeille est encore quasi vide.

Libérer la démocratie

Côté politique, les Etats-Unis (comme le reste des autres puissances occidentales) n’ont jamais véritablement soutenu le continent, dans sa quête pour l’émergence de la démocratie. Les souvenirs liés aux années soixante, début des indépendances africaines, sont amers. Pour empêcher le continent de basculer dans l’escarcelle du communisme, Washington a exercé l’effet de criquet au développement de celui-ci, en favorisant des conflits internes.

En dépit de tout, l’Afrique n’avait cessé de regarder à ce « puissant maître », qui a fait de la démocratie le socle de sa vie. De la Maison Blanche – tout comme de l’Elysée ou de 10 Down Street -, on s’attendait de voir venir, un jour, la planche de salut. C’est ainsi qu’à l’élection de Mitterrand, en 1981, ou à celle de Clinton, en 1992 – supposés « progressistes » -, l’Afrique centrale a dansé de joie. Espoir trahi !

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Pierre Nkurunziza, président burundais, sable le champagne pour saluer l’élection du 45e président des Etats-Unis, Donald Trump. ( crédits photos : afrique-sur7.fr)

Désabusée, l’Afrique ne vibre plus pour les présidentielles, en Occident. Désormais, elle les regarde, assise au balcon. D’où l’étonnement de certains analystes, face à la joie qu’ont exprimée les présidents Pierre Nkurunziza du Burundi et Joseph Kabila de la RD Congo. Ils sont allés jusqu’à sabler le champagne, en l’honneur de l’« ami Donald ».

Or, le nouvel élu américain reste encore une énigme pour l’Afrique qu’il ne connaît, probablement, que de manière vague. Que cette hypothèse venait à se vérifier ou non, aurait-il à cœur le sort du continent, lui qui privilégie à outrance la notion de l’ « american way of live » ? Le doute est permis. Tout au moins, s’attèlera-t-il à considérer le continent, comme ses prédécesseurs, sous l’angle des intérêts géostratégiques et commerciaux, à travers l’installation des bases militaires et l’importation de matières premières nécessaires à la croissance américaine ?

Que les dirigeants africains quittent leurs illusions ! Le départ d’Obama, leur contradicteur obstiné, et l’arrivée à la Maison Blanche de Trump n’arrangeront en rien leurs ennuis. Car, c’est avec leurs peuples respectifs qu’ils ont affaire. Et, l’affaire est simple : libérer la démocratie.

 

 

La MDJ bientôt marraine des jeunes pros du CFPJ

[Par Laure PECHKECHIAN]

La Maison des journalistes sera prochainement marraine d’une promotion de jeunes sous contrat professionnel au Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). La durée prévue du marrainage est de deux ans. Pour amorcer ce nouveau lien, 15 jeunes de la promotion sont venus découvrir la Maison des journalistes (MDJ) au cours de la matinée du mardi 25 octobre 2016.

Rencontre entre Mariam MANA et les jeunes sous contrat professionnels du CFPJ

Rencontre entre Mariam MANA et les jeunes sous contrat professionnels du CFPJ

Le groupe a été accueilli par Lisa Viola Rossi, chargée des activités pédagogiques et de sensibilisation à la MDJ et secrétaire de rédaction de « L’œil de l’exilé ». Darline Cothière, directrice de la MDJ leur a présenté les principales activités de l’association : l’accueil, le soutien et l’accompagnement des journalistes exilés ainsi que les actions de sensibilisation du public au respect de la liberté de la presse. Un temps a ensuite été consacré aux questions des jeunes. Denis Perrin, secrétaire du conseil d’administration de la MDJ a pu les éclairer sur les sources de financement de l’association.

Les jeunes professionnels du CFPJ posent des questions sur le fonctionnement de l'association

Les jeunes professionnels du CFPJ posent des questions sur le fonctionnement de l’association

A la suite de cette présentation, les jeunes professionnels ont rencontré Mariam MANA, une journaliste de 28 ans qui a fui l’Afghanistan. Mariam a présenté son parcours, sa naissance et sa jeunesse en Iran, son déménagement vers Kaboul pour étudier les sciences politiques. Elle raconte y avoir trouvé son premier emploi de reporter à l’âge de 18 ans. Elle a ensuite été journaliste et productrice de programmes radios pendant 4 ans. A travers son récit, Mariam a partagé avec les jeunes des récits de discriminations et de violences physiques dont elle-même et d’autres femmes et femmes journalistes ont pu souffrir en Afghanistan. Les jeunes ont ainsi pu entendre puis prendre conscience du combat que représente le fait d’être une femme et une journaliste à Kaboul.

Les jeunes professionnels, captivés par ce récit, ont pu poser de nombreuses questions à Mariam. A la suite de cet échange, ils ont exprimés leurs attentes dans la perspective du marrainage de leur promotion par la MDJ. Plusieurs d’entre eux ont exprimé leur envie de rencontrer d’autres journalistes de l’association, pour pouvoir bénéficier de leur expérience à l’étranger dans des contextes politiques difficiles ainsi qu’en tant que professionnels des métiers du journalisme. Le marrainage de l’association leur permettra d’assister à des rencontres en milieu scolaire entre des journalistes de l’association et des jeunes lycéens dans le cadre du projet de sensibilisation à la liberté de la presse « Renvoyé Spécial ». La rencontre a pris fin après une visite des locaux de la Maison des journalistes.