Le rôle des médias mauritaniens s’invite à la MDJ

[Par Med LEMRABOTT]

Dans le cadre de ses activités, la Maison des journalistes (MDJ) en collaboration avec ses résidents a organisé, il y a une dizaine de jours, le mardi 22 novembre 2016, une rencontre débat sur « Le rôle des médias dans le processus de démocratisation en Mauritanie » . Retour sur cette riche soirée. 

Tijani Ahmed LEMRABOTT, journlaiste JRI de la MDJ, Diallo SAIDOU dit Thierno, enseignant-chercheur à l'université Paris 13, Cheikh GUEYE, doctorant en sciences politiques, Sami AL ASHWAL, journaliste Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Tijani Ahmed LEMRABOTT, journaliste de la MDJ, Diallo SAIDOU dit THIERNO, enseignant-chercheur , Cheikh GUEYE, doctorant et Sami AL ASHWAL, journaliste.
Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Cheikh Tijani Ahmed Lemrabott, en sa qualité résident-invitant et modérateur de cet échange, a présenté l’intérêt du sujet ainsi que les enjeux qui entourent cette question, avant de donner la parole aux différents intervenants.

M. Cheikh Gueye, doctorant à Paris X, a commencé par une présentation du pays. Il a mis l’accent sur l’impact des médias dans une société multiculturelle, comme la Mauritanie. Il s’attardera dans son exposé, sur la lancinante question de la place des langues nationales telles que le Peul, le Wolof ou Soninké dans l’espace médiatique.

Rencontre débat sur "Le rôle des médias dans le processus de démocratisation en Mauritanie" Crédits photo : Ahmad AL GABR

Le rôle des médias dans le processus de démocratisation en Mauritanie en question
Crédits photo : Ahmad AL GABR

Quand au second intervenant, Diallo Saidou dit Thierno, il commença son exposé par une analyse historique du cadre juridique relatif à la presse. Il mettra en relief le rapport entre les politiques et les médias à travers le prisme du parti unique. Ce qui a longtemps structuré, selon ses dires, un lien de subordination entre médias et politiques.

Il n’a pas manqué de rappeler les différents acquis en matière de liberté de la presse depuis l’ordonnance de 2006, abrogeant celle de 1991 avec son fameux article 11 qui était considéré comme un couperet par les journalistes.  Par ailleurs il a mis relief, une nouvelle forme de censure ou d’autocensure qui a un caractère aussi bien politique que sociale.

Le groupe de rap mauritanien en exil au Sénégal, de passage à Paris pour un concert, Ewlade Leblade, présent lors de cette rencontre a témoigné sur la liberté d’expression des artistes.

Partageant avec l’assistance leur amère expérience, suite à l’accusation de viol et de trafic de drogue qu’a subi Hamada, un des membres du groupe, ils n’ont pas manqué de pointer du doigt les autorités politiques. Ishagh, l’autre membre du groupe, affirma qu’il y a une réelle absence, aussi bien de liberté artistique que de liberté d’expression.

Ishagh et Hamada, les membres du groupe de rap mauritanien Elwade Leblade Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Ishagh et Hamada, les membres du groupe de rap mauritanien Elwade Leblade
Crédits photo : Clara LE QUELLEC

Pour ces artistes, c’est leur liberté de ton et leur engagement à travers des textes qui dénoncent la dilapidation de l’argent publique et autres détournements, qui est à la base de l’emprisonnement arbitraire (plus de 2 mois) de Hamada.

Cette rencontre-débat riche en enseignements à vu la présence de plusieurs journalistes (de différentes nationalités). L’assistante très intéressée par les différents exposés des intervenants, a échangé avec ces derniers autour d’un verre de thé parfumé à la menthe.

 

Le geste de Hollande et les tyrans africains

[Par Jean-Jules LEMA LANDU] 

François Hollande a décroché pour un second mandat, en 2017. Il ne se représentera pas à sa propre succession. L’annonce a fait grand bruit, en France, jeudi 1er décembre. Tout comme elle n’a pas manqué de créer la surprise, ailleurs dans le monde. Quel sera l’impact de ce geste sur les tyrans africains, partisans de la « monarchie présidentielle » ?

François Hollande au Sommet de la Francophonie à Madagascar le 26 novembre 2016. Crédits photo : Elysee.fr

François Hollande au Sommet de la Francophonie à Madagascar le 26 novembre 2016.
Crédits photo : Elysee.fr

Dans les pays démocratiques, on en a vite conclu à une « démarche politique courageuse », qui ennoblit davantage la notion de démocratie. Car, l’impopularité que connaît le quinquennat finissant du président Hollande, pour l’honneur, n’avait pas un autre levier que de pousser celui-ci vers la sortie.

Pourtant, le renoncement au fauteuil présidentiel, quelles qu’en soient les raisons, est un cas rarissime. Car, en l’espèce, c’est renoncer aux nombreux privilèges exceptionnels que confère cette fonction qualifiée de « magistrature suprême ». Parmi ceux-ci, citons la puissance et l’honneur, notamment, pour lesquels l’Histoire a vu couler des rivières de sang !

En France même, les commentaires continuent d’aller bon train. Ils sont de deux ordres : d’un côté, il y a ceux qui pensent que le geste du président de la République est empreint de « lucidité », témoignages émanant des leaders de gauche ; de l’autre, ceux qui ravalent ce geste, jusqu’à le qualifier « d’aveu terrible d’échec ». Ces derniers propos sont le fait de l’opposition.

Depuis, quelles ont été les réactions émises par l’Afrique politique ? Elles y sont, naturellement, absentes, sinon évasives. Et pour cause. Le continent demeure réfractaire à la démocratie. A l’exception de quelques Etats, à compter sur les doigts de la main, le reste somnole encore dans les brouillards de l’absolutisme.

La force des vertus démocratiques

L’exemple récent, sur les élections qui viennent de se dérouler, en cette année 2016, nous en fournit la mesure. Là où les élections ont donné l’apparence d’avoir bonne figure, l’atmosphère post-électorale s’enlise dans de vaines querelles politiciennes, comme au Burkina Faso, ou s’illustre par la question de vengeance personnelle, comme au Bénin. Autrement, comme ce fut le cas au Gabon, au Congo/Brazza et au Tchad, où la transparence a fait défaut, on s’attend plutôt au pire : révoltes, rébellions, guerres civiles…

Globalement, le résultat est tellement maigre, au point d’exclure l’octroi d’une simple « cote d’amour », c’est-à-dire cette appréciation basée uniquement sur l’affectif.

Le renoncement du président français peut-t-il avoir le don d’appeler les tyrans à la modestie autant qu’à la réflexion sur les méfaits de la dictature ? Rien n’est moins sûr quand l’exemple de Mandela, un Africain, ne leur a pas inspiré le modèle à suivre. En Afrique du Sud même, pays de cette icône politique, la démocratie est à la peine. Certains analystes parlent du « chaos » de ce pays, relégué déjà au grenier sur le plan économique, laissant sa place de premier rang au Nigéria.

Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud Crédits photo : Reuters

Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud
Crédits photo : Reuters

C’est donc peine perdue ? Que non. Si Goebbels, l’Allemand, disait, pour asservir les peuples : « Un mensonge souvent répété devient vérité pour les peuples », pourquoi pas ne pas penser, en parallèle, que « la répétition des vertus démocratiques finira par vaincre les dictateurs ? ». En dépit de la lenteur qui caractérise l’éveil des peuples africains ?

En témoigne le résultat de la présidentielle, en Gambie, vendredi 2 décembre. A la surprise générale, c’est l’opposant Adema Barrow, 51 ans, qui en est sorti vainqueur. Il a engrangé 45,6 % des suffrages contre 36,7 % attribués au dictateur Yahya Jammet. Un des pires autocrates de l’Histoire contemporaine – illuminé, mégalomane et cruel -, qui a dirigé le pays de main de fer pendant 22 ans.

Qui y croirait ? Fini, le slogan « Jamais sans Jammet » !

 

 

RD Congo : bienvenue à l’usine à gaz !

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les drames congolais ? C’est cyclique. La clef de voûte de celui qui a commencé à se tisser, à travers la présidentielle brouillée de 2011, vient d’être posée, le jeudi 17 novembre. Il s’agit de la nomination d’un nouveau Premier ministre, en la personne de Samy Badibanga, selon les termes d’un « Dialogue politique » bâtard. Un forum initié par l’Union africaine, vite rejeté par les principaux partis d’opposition, mais auquel a participé une poignée de « dissidents ».

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Samy Badibanga ( au centre), lors de la cérémonie d’ouverture du dialogue national, à Kinshasa, le 1er septembre 2016 ( crédits photos: Junior.D.Kannah AFP)

Le fond du problème : la tenue de la présidentielle, prévue en ce mois de novembre, et par conséquent, le départ du pouvoir du président Kabila, dont le deuxième et dernier mandat s’achève le 19 décembre, en vertu de la Constitution ou report de cette échéance, avec pour conséquence, le maintien du président en exercice. Il s’agissait, en résumé, du respect ou non de la Constitution.

Le 17 octobre, le « Dialogue politique » a tranché : report de la présidentielle et maintien à ses fonctions du président Kabila, jusqu’en avril 2018, situation qui devait être accompagnée par une sorte de gouvernement de transition, sous la conduite d’un Premier ministre, issu de l’opposition. Or, depuis 2011, Samy Badibanga est en rupture de ban avec la direction de l’UDPES, son parti et formation principale de l’opposition congolaise.  De ce fait, Il ne représente que lui-même.

D’où l’impasse, ou plutôt le début d’un énième drame sanglant. Alors que, dès le départ, l’ONU, les Etats-Unis, la France, l’Eglise Catholique, et plusieurs voix ayant autorité à travers le monde prônaient le respect de la Constitution, tout en appelant à la responsabilité du président Kabila. Rien n’y a fait. Si bien qu’on en est arrivé, aujourd’hui, à ce point de non-retour qui ne peut présager autre chose qu’un bain de sang.

Le règne des « rois fainéants »

Comment s’est construite cette usine à gaz ? La réponse se trouve dans l’histoire même postcoloniale du pays : c’est un pays de crises cycliques. Au point qu’au cours des années 1960, date de l’indépendance, le substantif « congolisation » fut forgé pour désigner toute situation de grand désordre au monde.

Depuis, le ciel congolais n’a guère connu d’éclaircies. Les rébellions de toutes les couleurs, la dictature de Mobutu pendant 33 ans et l’arrivée de la dynastie Kabila au pouvoir (père, puis fils), depuis 1997, ont laissé ( et continuent à le faire) des stigmates de la médiocrité.

C’est dans cette logique qu’il convient de placer les convulsions qui ébranlent, actuellement, la sphère politique congolaise. Avec, en prime, l’appui du règne d’un président de la République, comparable à celui des « rois fainéants » au VIIe siècle, dont le pouvoir n’était qu’apparent.

Telle est la caractéristique principale des deux mandats du président Kabila, hissé au fauteuil présidentiel, à l’assassinat de son père Laurent Kabila, en 2001. A l’opposé d’un Mobutu, ancien journaliste, qui fut au fait des rudiments des relations internationales. Et qui, par conséquent, avait une certaine vision des choses, qui lui permettait d’initier des décisions personnelles à prendre.

Les dés sont jetés

Quant à l’autre, c’est sa cour qui « pense » et règle tous les moindres détails sur la direction du pays. Son silence que la presse qualifie de « légendaire » n’a d’égal que son incapacité, elle aussi légendaire, à cogiter et à s’exprimer. Tout repose sur sa cour qui, progressivement, s’est solidement structurée, jusqu’à se donner la dénomination flamboyante de « G 6 », un groupe composé de six personnes aux pouvoirs illimités.

Certes, celle-ci comprend d’éminents intellectuels, comme Alexis Thambwe Mwamba, mais malheureusement, tous au caractère politique erratique. Sans idéal, sinon celui de s’enrichir sur le dos du peuple. D’où la succession des montages machiavéliques, visant à maintenir indéfiniment au pouvoir le « roi fainéant », sans la présence duquel ils seront éjectés, avec leurs affidés, hors des circuits pécuniaires.

La nomination de ce premier ministre, à l’analyse, ne constitue qu’un marchepied pour atteindre l’objectif final, à savoir l’amendement de la Constitution dans le but d’accorder deux mandats supplémentaires au président Kabila, comme ce fut le cas au Rwanda. Mais la RD Congo n’est pas le Rwanda. Et, dès lors, il faut dire que les dés sont déjà jetés pour une nouvelle crise, longue et sanglante.

 

 

 

 

Trump s’occupera-t-il de l’Afrique ?

[par Jean-Jules LEMA LANDU]

Comme partout ailleurs, l’Afrique a suivi assidûment le déroulement de la présidentielle américaine. Dans l’imaginaire collectif, l’Amérique, parée de sa grandeur économique et militaire, est perçue comme une sorte de puissance tutélaire universelle.

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Donald Trump élu 45ème président des Etats-Unis. (crédits photos: Mary Schwalm / AFP )

La Chine, la Russie, l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, chacun a eu son mot. L’idée générale qui s’en dégage se résume à l’interrogation, tant Donald Trump, le nouveau locataire de la Maison Blanche, est un inconnu. Considéré, surtout, comme quelqu’un aux sorties à l’emporte-pièce.

Cela prouve que les Etats-Unis tiennent le manche de plusieurs leviers sur la marche du monde.

Quelle est la place du continent africain, en termes de profits économiques, politiques ou géostratégiques, sur cette plate-forme régissant les relations internationales ?

L’Afrique, en réalité, y est absente. Entre les Etats-Unis et l’ensemble des 54 Etats africains, spécifiquement, les échanges y sont exsangues. Entre 2000 et 2010, les exportations non pétrolières de l’Afrique furent chiffrées à 53,8 milliards de dollars contre 20, 3 milliards de dollars, dans le sens inverse, pour les Etats-Unis. La moyenne, de part et d’autre, est insignifiante !

En 2014, à l’instar de la Chine qui, en matière de financement en faveur de l’Afrique, tient le haut du pavé, l’Amérique a initié le sommet « Etats-Unis – Afrique ». Une sorte d’opération de charme, au cours de laquelle le président Obama a engagé son pays à verser 33 milliards de dollars, à titre d’investissements publics et privés. Deux ans après, la corbeille est encore quasi vide.

Libérer la démocratie

Côté politique, les Etats-Unis (comme le reste des autres puissances occidentales) n’ont jamais véritablement soutenu le continent, dans sa quête pour l’émergence de la démocratie. Les souvenirs liés aux années soixante, début des indépendances africaines, sont amers. Pour empêcher le continent de basculer dans l’escarcelle du communisme, Washington a exercé l’effet de criquet au développement de celui-ci, en favorisant des conflits internes.

En dépit de tout, l’Afrique n’avait cessé de regarder à ce « puissant maître », qui a fait de la démocratie le socle de sa vie. De la Maison Blanche – tout comme de l’Elysée ou de 10 Down Street -, on s’attendait de voir venir, un jour, la planche de salut. C’est ainsi qu’à l’élection de Mitterrand, en 1981, ou à celle de Clinton, en 1992 – supposés « progressistes » -, l’Afrique centrale a dansé de joie. Espoir trahi !

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Pierre Nkurunziza, président burundais, sable le champagne pour saluer l’élection du 45e président des Etats-Unis, Donald Trump. ( crédits photos : afrique-sur7.fr)

Désabusée, l’Afrique ne vibre plus pour les présidentielles, en Occident. Désormais, elle les regarde, assise au balcon. D’où l’étonnement de certains analystes, face à la joie qu’ont exprimée les présidents Pierre Nkurunziza du Burundi et Joseph Kabila de la RD Congo. Ils sont allés jusqu’à sabler le champagne, en l’honneur de l’« ami Donald ».

Or, le nouvel élu américain reste encore une énigme pour l’Afrique qu’il ne connaît, probablement, que de manière vague. Que cette hypothèse venait à se vérifier ou non, aurait-il à cœur le sort du continent, lui qui privilégie à outrance la notion de l’ « american way of live » ? Le doute est permis. Tout au moins, s’attèlera-t-il à considérer le continent, comme ses prédécesseurs, sous l’angle des intérêts géostratégiques et commerciaux, à travers l’installation des bases militaires et l’importation de matières premières nécessaires à la croissance américaine ?

Que les dirigeants africains quittent leurs illusions ! Le départ d’Obama, leur contradicteur obstiné, et l’arrivée à la Maison Blanche de Trump n’arrangeront en rien leurs ennuis. Car, c’est avec leurs peuples respectifs qu’ils ont affaire. Et, l’affaire est simple : libérer la démocratie.

 

 

L’Afrique divise-t-elle l’opinion en France ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, en septembre dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, a pris à contre-pied l’ancien président, Nicolas Sarkozy, déclarant : « J’ai la conviction qu’une part de l’avenir de l’Europe et donc de la France se joue en Afrique, et que ce siècle sera celui des Africains. » Il l’a redit, récemment, en Côte d’Ivoire, lors de sa tournée africaine.

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Le premier Ministre Manuel Valls aux côtés de Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire et Kablan Duncan, premier ministre ivoirien, lors de sa tournée en Afrique de l’Ouest le 30 octobre 2016 (crédits phots: Ben Alain, africaposts)

Tel ne fut pas l’avis, il y a quelques années, de l’ancien chef de l’Etat : « Économiquement, la France n’a pas besoin d’Afrique. », affirmait-il. En réalité, ces propos renvoyaient, subtilement, à l’image d’une « Afrique de clichés » : misérabiliste.

Le professeur Bernard Debré, ancien ministre de la Coopération, quant à lui, se pose plutôt en farouche défenseur. En 2010, il a plaidé le cas du continent, dans le même hebdomadaire, en évoquant le tâtonnement. « L’Afrique est en marche », voulait-il dire, autrement.

Car, à l’analyse, on s’aperçoit, aujourd’hui, que tous les grands pays du monde couvent des yeux l’Afrique et s’en approchent, à travers des rencontres bilatérales pour « sceller l’amitié » avec elle. Depuis peu, l’Allemagne et d’autres, qui manquaient à l’appel, se bousculent au portillon. Le premier enjeu de cet engouement, à l’évidence, revêt un caractère économique. Cette attitude globale confirme la « conviction » de Valls ainsi que l’opinion exprimée par beaucoup d’observateurs.

Mais, sont aussi nombreux ceux qui épousent un point de vue différent. Tout en s’invitant au débat. Parmi eux, quelques Africains comme la Zambienne Dambissa Moyo et le Malien Moussa Konaté. Leur thèse rejoint celle développée par plusieurs auteurs « afro-pessimistes », dont le journaliste polonais Kapuscinski et le célèbre écrivain britannique Naipaul. L’un affirmait que « l’Afrique n’existe que par la géographie », l’autre parlait de « la malédiction des tropiques ». Économiste de formation, la Zambienne pense, dans « L’Aide fatale », que l’Afrique est condamnée à rester pauvre, à cause de sa propension à vivre de l’aide, tandis que Konaté, dans « L’Afrique noire est-elle maudite ? », emboîte le pas à Naipaul. Et se désespère.

Quid de cette Afrique qui divise tant les opinions ?

L’Afrique dont il est question, aujourd’hui, est située sur un autre versant. Lumineux. Où, en dépit de tout, elle a pris conscience de son existence et revendique son identité. Il s’agit d’un continent doté de richesses naturelles fabuleuses dont le coltan, minerai, qui, pour l’heure, fait le bonheur de la technologie de pointe. Sans oublier sa masse démographique : en 2050, un quart de la population mondiale sera africaine, soit 1,9 milliards de personnes (en majorité jeunes). La mondialisation, en partie, doit passer par là.

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Logo du Forum franco-africain qui s’est tenu le 6 février 2015 à Bercy ( crédits photos: economie.gouv.fr)

Comment, dans cette optique, ne pas associer l’Afrique aux exploits du futur ? Et envisager la coopération tous azimuts avec elle ? Reste à l’accompagner dans son réveil comme le préconisent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, dans « Quand l’Afrique s’éveille… ». Mais par qui ? Bernard Debré suggérait, en 2010 : « La France a encore un rôle à jouer en Afrique. »

Avis qui n’est pas resté sans écho, car en février 2015, à l’issue de Forum franco-africain, à Paris, la France s’est engagée à « accompagner » le continent dans son développement. « L’Afrique est pleine d’avenir et la France pleine de projets », a-t-on entendu dire. A quand les noces ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Renvoyé Spécial PJJ, les jeunes à la rencontre de deux journalistes de la MDJ. « Parler c’est offrir une possibilité de changement »

[Par Romane SALAHUN]

Le jeudi 20 octobre 2016, la Maison des journalistes (MDJ) a reçu entre ses murs, un groupe de visiteurs composé de jeunes et éducateurs de l’UEAJ de Combs-la-Ville en Seine-et-Marne, unité du service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Présents dans le cadre du programme Renvoyé Spécial PJJ mis en place par la MDJ en janvier 2016, les jeunes ont pu rencontrer la rwandaise Maria Kuandika et le camerounais René Dassié, journalistes en exil de la Maison des journalistes.

René Dassié, journaliste camerounais en exil. Crédits photo : Lisa Viola ROSSI

René Dassié, journaliste camerounais en exil.
(Crédits photo : Lisa Viola ROSSI)

Réunis pendant plus de deux heures, les deux journalistes ont pu partager avec les jeunes et leurs éducateurs, leur parcours de vie, les risques liés à l’exercice de leur métier dans leur pays, et leur combat pour la vérité. Cette rencontre visait donc à sensibiliser les jeunes aux enjeux de la liberté d’expression, amener une ouverture sur le monde, et un questionnement sur notre rapport à l’information.

« Accepter les coups, en tirer du positif est quelque chose d’utile pour moi et les autres ».

C’est ce que répond René Dassié lorsque les visiteurs lui demandent comment il a pu se reconstruire. A travers son témoignage direct, ce journaliste camerounais de 44 ans cherche à faire prendre conscience aux jeunes les réalités de son métier de journaliste au Cameroun.

Pour appréhender son parcours d’exil,  il ouvre d’abord une fenêtre sur son pays. René Dassié nous indique que les valeurs démocratiques semblent avoir déserté le Cameroun gangrené par la corruption, les inégalités, et la violence d’Etat. Il partage avec les visiteurs son impuissance face au constat d’une situation désastreuse où les richesses sont accaparées par une élite au pouvoir, laissant dans la misère une population sous contrôle. Les failles dans la gestion du pays sont visibles dans les écoles, en ruine, où les élèves issus des familles les plus pauvres s’entassent dans la poussière. Le récit et les images de René viennent attiser la curiosité des jeunes sur la situation de leurs homologues camerounais. « C’est un vrai prof ? Ont-ils connu une vraie école ? ». Des questions qui se heurtent parfois au constat d’une réalité difficile et loin de la leur. «  Je devais chaque matin traverser la brousse pour me rendre à l’école, je connaissais l’heure par la position du soleil vu qu’il n’y avait pas de montre […] je tombais parfois nez-à-nez avec un serpent ». L’exotisme surprend, et fait parfois sourire la salle.  Les inégalités sont également visibles dans les infrastructures. Les grandes autoroutes, symboles de modernité, côtoient les chemins de boue inondés, rendant impossible l’acheminement des ressources. René Dassié nous parle également des prisons camerounaises où il a enquêté pour un reportage, et dans lesquelles il y a « 30 fois plus de prisonniers que ce qu’elles peuvent accueillir ». Les prisonniers sont entassés là, corps contre corps, sans ressources, victimes de maladies, de malnutrition, de déshydratation.

Photo prise clandestinement en décembre 2012 dans le quartier des hommes de la prison surpeuplée de Kondengui (Yaoundé), 4000 détenus pour 800 places. Crédits photo : D.R

Photo prise clandestinement en décembre 2012 dans le quartier des hommes de la prison surpeuplée de Kondengui (Yaoundé), 4000 détenus pour 800 places.
(Crédits photo : D.R)

Ce sont ces failles que, par son métier, René Dassié s’est attaché à dévoiler au péril de sa vie. Journaliste dans le journal privé Le Messager, René était spécialisé dans les questions liées à la sécurité, la police et l’armée. Son journal était très critique vis-à-vis du pouvoir, et avait vocation à faire bouger les lignes. Or dans un pays où la police est le bras armé de l’Etat et use de la violence pour faire respecter l’ordre, son métier devient un métier à risque.

Lors de sa première enquête, René couvrait un conflit meurtrier entre deux villages. Sur place, identifié comme journaliste d’opposition, il fut arrêté, tabassé. Mais comme il l’explique, il était « têtu ». Il continuera donc d’accomplir sa mission d’information malgré les risques. Au fil de ses enquêtes sur les exactions de l’armée et de la police, les persécutions se poursuivent : menaces téléphoniques, menaces physiques, accusations de fomenter un coup d’Etat. Si le danger physique est réel, la mort sociale l’est tout autant. Une propagande s’instaure alors pour jeter le discrédit sur cet individu et tous ceux qui l’approchent pour en faire des parias. « Si je répondais aux menaces, j’allais mourir ». Malgré tout René continue de poursuivre son devoir d’informer, de dévoiler la vérité. Une vérité de corruption, de violence, d’oppression qui gangrène le pouvoir en place.  Et puis un jour, la situation devient intolérable, et pousse au départ. Alors que René travaille sur la guerre des chefs dans l’armée, la pression psychologique et physique deviennent insupportables. Il décide donc de partir en laissant tout derrière lui. L’arrivée en France est difficile. Plus tard, René prendra connaissance de l’existence de la MDJ par Reporters sans Frontières. Il restera alors 6 mois à la Maison, apprenant le français, faisant les démarches de demande d’asile.

A ses côtés, se tient Maria Kuandika, journaliste rwandaise dont le parcours fait écho à celui de René Dassié. Résidente de la Maison des journalistes, elle se rappelle son arrivée en France le 6 juin 2016 et va à son tour raconter son parcours aux jeunes visiteurs attentifs.

 « Parler c’est offrir une possibilité de changement, une possibilité d’aide en révélant un problème. C’est donner une voix à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. »

Maria, jeune femme journaliste de 28 ans, se souvient de son arrivée en France il y a 6 mois. Avant d’être journaliste en exil, elle travaillait au sein de médias privés (radio et télévision) subventionnés par l’Etat rwandais.

Maria Kuandika, journaliste rwandaise, résidente de la MDJ (Crédits photo : Lisa Viola ROSSI)

Maria Kuandika, journaliste rwandaise, résidente de la MDJ (Crédits photo : Lisa Viola ROSSI)

Maria interpelle les visiteurs : « Que connaissez-vous du Rwanda ? ». « Le génocide ». Les références des visiteurs viennent des informations perçues de loin ou de l’univers cinématographique. Le film Hôtel Rwanda de Terry George sorti en 2005 traitant du génocide, est invoqué par l’un des jeunes. A ces bribes d’informations, Maria confronte son histoire. Elle indique qu’aujourd’hui le Rwanda tente de se reconstruire après le génocide de 1994, point culminant de la discrimination entre Hutus et Tutsis. Le président actuel, Paul Kagamé, occupe actuellement son troisième mandat. Même si le gouvernement en place affiche une volonté de modernisation, les défaillances dans la gestion du pays restent visibles. En effet, Maria décrit une fracture sociale profonde où les extrêmes se côtoient, entre individus vivants dans la misère, sans éducation et aide sanitaire, et une élite nécrosée par la corruption, cumulant les ressources et éduquée dans des écoles internationales.

Se donnant pour but de révéler ces fractures, Maria était journaliste spécialisée dans le domaine du social et de la santé. Elle partage alors avec les jeunes l’exercice de son métier en montrant un de ses reportages sur les conditions sanitaires terribles d’un village reculé du Rwanda. Ce reportage sur une population rurale, extrêmement pauvre et victime d’épidémies dévastatrices, révèle l’inexistante prise en charge du gouvernement. Cette vérité dérange donc le pouvoir qui se veut aujourd’hui être un modèle de modernité. La censure et les persécutions surviennent alors. Maria recevra des injures, des menaces téléphoniques, des pressions de licenciement auprès de sa rédaction. Les reportages seront parfois abandonnés, la rédaction étant poussée à l’autocensure. Or Maria ne veut pas refuser de dire ce qu’il y a à dire.

Elle questionne alors les visiteurs pour mettre des mots sur ce que l’on considère parfois comme un concept trop flou « c’est quoi pour vous la liberté d’expression ? » « C’est dire ce qu’on veut », « c’est exprimer ses pensées » répondent les jeunes. Maria nous livre alors sa définition : « La liberté d’expression c’est montrer ce que tu penses, montrer tes sentiments à travers un écrit, une chanson, un dessin, un article. Parler c’est offrir une possibilité de changement. Parler c’est ouvrir une possibilité d’aide en révélant un problème ; c’est donner une voix à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer ».

Au-delà de la suppression de cette liberté, c’est la vie de la jeune femme qui est menacée. Subissant une oppression constante dans son pays, elle a d’abord fui au Burundi. Là-bas, arrêtée par les services de renseignements, et accusée de vouloir démolir le pouvoir en place, elle est torturée. Une fois relâchée, partir loin est une décision qui s’impose. Grâce à l’aide d’amis, elle pourra alors partir sans que la France ne soit son choix. « Si j’avais pu je serais partie aux Etats-Unis ». Ici, à Paris, en sécurité, la situation reste complexe. « Il n’est pas simple de tout quitter. Mon départ met en danger mes proches, devenus parias de la société ». Elle se réjouit tout de même de sa situation à la MDJ. «  Ici je ne suis plus seule. J’ai rencontré des collègues qui ont parfois des histoires pires que la mienne […] Si mon pays ne veut pas de moi, la France, elle, m’a accueillie ».

Une réflexion concrète sur la liberté de la presse

René Dassié, qui a «  toujours dû se battre dans un milieu hostile », voit dans ces rencontres avec les jeunes un moyen de partager un vécu qui peut servir. « J’accepte les coups. Le plus grand problème c’est mon impuissance face à des situations terribles. Ce que je peux faire c’est chercher à écrire des histoires sur mon vécu qui peuvent aider certains. J’essaie d’en tirer de l’utile. ». De son côté, Maria y voit une sorte de thérapie « Ça aide pour aller pour de l’avant, et c’est précieux de voir l’intérêt des gens pour notre situation ».

Car l’intérêt se manifeste bel et bien chez les visiteurs qui réagissent aux récits des intervenants. « Pour moi vous êtes des combattants, je ne vous vois pas comme des victimes. Vous affrontez la situation » exprime un éducateur. Si les questions des jeunes se concentrent surtout sur la situation personnelle des journalistes, le courage et la force de continuer l’exercice de leur métier devant les menaces forgent l’admiration. Le message des visiteurs aux journalistes est clair : continuez de parler. Le but semble atteint de sensibiliser au fait que la liberté de la presse est un droit fondamental, précieux et fragile. La quête de la vérité et le droit d’informer reste une lutte permanente et nécessaire au processus décisionnel dans une société démocratique. Si Maria et René se sont battus pour leur vie et pour leur métier, cette rencontre fait écho au fait que nous sommes tous des combattants en puissance, ayant pour arme la possibilité de parler, de dénoncer.

Rencontre Renvoyé Spécial PJJ, Romaric Kenzo Chembo : « N’arrêtez jamais de croire en vous »

[Par Clara LE QUELLEC]

Mercredi 19 octobre, la Maison des journalistes accueillait un groupe de jeunes et de professionnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) du Val d’Oise. Environ cinq adolescents, leurs éducateurs et la référente laïcité et citoyenneté de la structure val-d’oisienne, Odile Villard, ont pu découvrir la « Maison de la liberté d’expression » et échanger avec l’un de ses anciens pensionnaires, le journaliste centrafricain, Romaric Marciano Kenzo Chembo. Cet après-midi initiait la première rencontre du projet Renvoyé Spécial PJJ dont l’objectif vise à aider les jeunes à mieux s’informer, à les amener à s’ouvrir à d’autres mondes, et ainsi à prendre conscience des valeurs de la liberté de la presse et d’expression, de la tolérance et du vivre ensemble. 

Rencontre entre Romaric Marciano KENZO CHEMBO journaliste et les jeunes et professionnels de la PJJ – Val d’Oise, mercredi 19 octobre. (Crédits photo : Lisa Viola ROSSI)

Pendant plus d’une heure, les jeunes ont pu écouter le témoignage tant professionnel que personnel de Romaric Kenzo Chembo : sa lutte pour exercer son travail de journaliste librement, son enfance, les difficultés de l’exil, ses doutes et obstacles mais également ses réussites et ses espoirs… Une histoire qui a particulièrement fait écho dans la tête et le cœur de ces jeunes, tous passés par des étapes de vie douloureuses et difficiles.

« Un peuple qui n’a plus d’espoirs et de rêves est un peuple mort »

A trente-six ans, Romaric Marciano Kenzo Chembo revient de loin. Aujourd’hui en pleine résilience, il raconte avec un mélange de gravité et d’humour son enfance en Centrafrique. Le combat en faveur de la liberté d’expression semble avoir été en partie délaissé par la population de ce pays de quatre millions d’habitants « où tout est surveillé par le gouvernement ». « Si à la maison vous avez la chance de répondre avec respect à votre père, considérez-vous chanceux » note Romaric. Le ton est donné. La salle déjà captivée. Le quotidien de la majorité des enfants centrafricains est rythmé par la faim, les 15 km par jour à effectuer pour aller à l’école et le travail. « Il y a beaucoup d’enfants de rue chez moi – explique le journaliste – mais nous ne pouvons pas parler de ce sujet. Systématiquement, on nous traite d’opposants et on nous accuse de préparer un putsch ». Les enfants travaillent à partir de six ans et sont souvent recrutés par les armées rebelles. Romaric se souvient par exemple d’un enfant-soldat surnommé « Colonel » pour avoir eu beaucoup de morts à son actif. Les jeunes découvrent alors la dure réalité de ce pays où « les grenades se vendent à 1 euro, les kalachnikov à 10 euros et où il y a trois fois plus d’armes que de population ». « Vous voyez, un peuple qui n’a plus d’espoirs et de rêves est un peuple mort » déclare le journaliste.

Centrafrique : un adolescent de la rébellion Séléka pose avec une arme, le 25 mars 2013 à Bangui

Centrafrique : L’enfant-soldat de la rébellion Séléka, surnommé “Colonel”,  le 25 mars 2013 à Bangui (Crédits photo : Sia KAMBOU/AFP)

Du combat pour la libre parole aux menaces

Romaric Kenzo Chembo a travaillé de 2006 à 2012 à la Radio Ndeke Luka de la Fondation Hirondelle. Animateur d’une émission intitulée « À vous la parole », il n’avait qu’un seul leitmotiv : « Non à la censure ». Chaque jour, pendant une heure, l’émission donnait la voix aux citoyens, protégés par l’anonymat, sur différents thèmes d’actualité. Pour le journaliste, « tous les propos devaient être écoutés ». A partir de l’année 2010, il était de plus en plus difficile pour Romaric d’exercer son métier librement. « Chaque jour, il y avait une critique au vitriol. Il fallait me faire taire ». C’est alors qu’ont commencé les appels téléphoniques anonymes, les lettres de menaces et les agressions physiques. Pendant cette période, Romaric a perdu sa fiancée et sa famille. Sa mère est restée son seul soutien infaillible. « Quand ça commence à chauffer, tout le monde te laisse. Les gens privilégient leur propre intérêt car ils ont peur de la mort ». Émotion palpable dans la salle. Un jour, la radio entend parler d’une histoire avec le fils du Président de la République. Ce dernier aurait enterré une personne presque vivante pour une histoire amoureuse de jalousie. La radio charge le journaliste d’obtenir le scoop. Le lendemain, toute la ville était au courant et Romaric en danger de mort. Le journaliste quitte alors la capitale pour rejoindre le Cameroun afin de prendre l’avion. « J’ai marché 550 km à pied à travers la brousse ». « A pied ? » s’exclame un des jeunes.

Une patrouille des Casques bleus à Bangui le 2 janvier 2016 (Crédits photo : Issouf SANOGO)

Une patrouille des Casques bleus à Bangui le 2 janvier 2016
(Crédits photo : Issouf SANOGO)

L’exil et l’arrivée en France

En septembre 2012, Romaric Kenzo Chembo débarque à l’aéroport Charles de Gaulle et est placé dans la zone d’attente de Roissy avec de nombreux autres étrangers. « Vous savez, ce fameux hôtel cinq étoiles » ironise t-il. Les autorités veulent le ramener en Afrique. Ils sont deux dans ce cas. « J’ai fait un scandale. Me ramener en Afrique, c’était comme signer mon arrêt de mort ! ». Attitude payante. Son compagnon d’infortune n’a malheureusement pas eu cette chance et a été renvoyé dans un avion. « Vous voyez, si je ne m’étais pas battu, j’aurais été raccompagné comme lui ». Croire en soi et ne jamais lâcher, tel est le message passé ici par le journaliste aux jeunes de la PJJ. Après avoir dormi à la Gare du Nord et dans les abribus, Romaric se laisse guider au plus profond de lui-même par une seule conviction : « Je dormais avec les SDF mais je me suis dit que ça allait changer ». Le journaliste entend alors parler par l’association France Terre d’Asile de la Maison des journalistes accueillant des professionnels de l’information en exil pour avoir exercé leur métier librement. Romaric y obtient une chambre et commence le long travail de reconstruction. Grâce à une formation, il est maintenant responsable de communication dans une grande entreprise de sécurité. « La France nous donne l’opportunité de refaire sa vie et d’obtenir une seconde chance ». « Vous voyez les amis, l’essentiel n’est pas de tomber mais bien de savoir se relever » conclut le journaliste, aujourd’hui en attente de rapatrier ses six enfants en France.

Arrive alors le temps des questions. « Vous allez repartir en Centrafrique ? » demande un des jeunes au 1er rang. « Peut-être un jour, j’aimerais y créer une station de radio ». « Où sont vos enfants ? » s’interroge un de ses camarades. « Ils sont réfugiés dans un pays voisin » répond Romaric. « Mais pourquoi vous n’avez pas arrêté ? » questionne un autre. « Car j’adore le journalisme. Si je ne m’étais pas battu, je ne serais pas fier de moi aujourd’hui ». La rencontre touche à sa fin. « J’ai beaucoup aimé ce témoignage – note un des jeunes du public – ce n’est pas un exemple de plus raconté par d’autres, c’est juste réel ». Une formidable leçon de combativité, de détermination et d’optimisme à partager donc sans modération et au plus grand nombre.