Congo Brazzaville : la journaliste Sadio Kanté « sans papiers » dans son pays ?

[Par Jean MATI]

Devenir « Sans papiers » dans son propre pays peut paraître comme un fait quasi impossible. Mais l’affaire « Sadio Kanté » semble être une illustration parfaite d’une théâtralisation dramatique que Brazzaville tente de donner à cet événement.

Sadio Kanté, tabassée par la police le 16 décembre 2013 à Brazzaville [Photo tirée de francaisdeletranger.org]

Sadio Kanté, tabassée par la police le 16 décembre 2013 à Brazzaville
[Photo tirée de francaisdeletranger.org]

Expulsée dans la nuit de lundi 22 à mardi 23 vers le Mali, Sadio Kanté-Morel signe et persiste : « Je suis congolaise. Ils veulent me régler mon compte parce que je dérange. Je reviendrai chez moi, je n’ai pas besoin de visa », pouvait-on lire jeudi dernier sur le blog de la journaliste.

La semaine dernière, les autorités de Brazzaville ont décidé d’expulser Sadio Kanté-Morel vers le Mali parce qu’elle n’a pas de titre de séjour, à en croire le communiqué de la Direction générale de la Police nationale congolaise publié mercredi. « Sadio Kanté est de nationalité malienne, née à Brazzaville en 1968 », précise-t-il.

Pour sa part, Sadio Kanté-Morel ne cesse d’affirmer sa congolité en se basant surtout sur le droit du sol. Née d’un père sénégalais et d’une mère malienne, la journaliste SKM a longtemps vécu au Congo Brazzaville. Elle se sent bien un « Mwana Mboka » – (Fils ou fille du pays ), comme les Congolais de Kinshasa le disent.

Sur la forme, cette histoire n’a ni queue, ni tête. Par contre sur le fond, l’opinion y voit quand même une main basse du gouvernement congolais sur cette affaire. Selon les sources concordantes, la journaliste Sadio Kanté bavarde un peu trop. Elle dérange beaucoup. Qui ? Le gouvernement certainement. Elle a même eu plusieurs antécédents avec le régime en place. Notamment avec ce récit triste qui a eu lieu le 16 septembre 2013 au palais de justice de Brazzaville où SKM, alors correspondante de Reuters, a été battue et ridiculisée par les gendarmes devant la foule. Mais le péché qui lui a valu vraiment l’expulsion, c’est l’article qu’elle a publié récemment sur l’agression du journaliste camerounais Elie Smith par des personnes inconnues.

Obstinément, Sadio Kanté-Morel n’a rien perdu d’elle. Sa promesse de revenir à Brazzaville n’est pas enterrée. Par ailleurs, pensons aussi que SKM doit éviter d’être un peu comme la chèvre de Monsieur Séguin au milieu des loups. La chèvre a fini par se faire manger…

Journée du tourisme 2014 : Le tourisme nous unit, nous valorise et crée de l’emploi

[Par John CHITAMBO LOBE]

Ce monde fut crée de manière splendide et merveilleuse – incroyable mais vrai – et tout ce qui s’y trouve est vraiment beau et magnifique à voir, et c’est dans la nature de l’Homme de devenir touriste et d’admirer sans cesse cette beauté naturelle et artificielle dans ce monde; mais à l’Homme fut aussi donné une intelligence terrible, la possibilité de créer, pour compléter ou pour ajouter à la beauté naturelle de ce monde, une beauté artificielle avec ses constructions magnifiques, ses châteaux, ses monuments, ses bâtiments… tout cela ne cesse d’attirer les touristes.
logo-2014C’est pourquoi la Journée Mondiale du Tourisme est célébrée depuis 1980 à l’initiative de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), et la date du 27 septembre fut retenue pour marquer l’anniversaire de l’adoption des statuts de l’OMT en 1970. Pourquoi une Journée Mondiale du Tourisme ?
L’objectif principal fixé alors par l’Organisation Mondiale du Tourisme était la prise de conscience de l’importance du tourisme du point de vue social, culturel, économique et même politique dans le monde, et la Journée Mondiale du Tourisme (JMT) est devenue une célébration organisée tous les ans à l’échelle mondiale pour mettre en lumière la valeur sociale, culturelle, politique et économique du tourisme partout dans le monde. Dans de nombreuses régions du globe, le tourisme arrive en tête des activités économiques, avec ses répercussions sur l’emploi pour éliminer le chômage, le brassage des différentes populations du monde qui se rencontrent, l’ouverture au monde et la circulation de l’information…
Le tourisme est un puissant moyen de croissance économique et de création d’emplois à travers le monde. Le secteur touristique représente un grand pourcentage des emplois dans le monde, surtout pour les jeunes, et le tourisme est un des piliers de l’économie mondiale.
Les pays les plus touristiques dans le monde:

1° La France: Pas de surprise pour ce numéro un des pays les plus touristiques du monde, avec ses trente-huit sites au patrimoine mondial de l’UNESCO; elle accueille chaque année des milliers de touristes. Renommée pour sa gastronomie, ses monuments connus dans le monde entier comme la tour Eiffel, Notre-Dame de Paris et bien d’autres, la France prend donc la tête.
2° Les États-Unis: Numéro deux, les États-Unis d’Amérique. Réunissant près de soixante-quatre millions de touristes, ils possèdent vingt et un sites au patrimoine mondial de l’UNESCO appréciés des touristes. Les parcs naturels y sont nombreux, comme Yellowstone ou Monument Valley.
3° L’Espagne: Elle accueille plus de cinquante-huit millions de touristes venus découvrir sa ville phare, Barcelone, et ses nombreux monuments. elle a quarante-quatre sites au patrimoine mondial de l’UNESCO, et fait partie des cinq pays possédant le plus de sites.
4° La Chine: Elle fait partie des pays possédant le plus de sites au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle totalise quarante-cinq sites. Elle possède l’un des monuments les plus visités au monde: la muraille de Chine, qui fait partie des nouvelles merveilles du monde.

Rome : Palatin et Circus Maximus / www.italia.it

Italie, Rome : Palatin et Circus Maximus / www.italia.it

5° L’Italie: L’Italie est le numéro un avec ses sites au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle possède quarante-neuf sites. Grâce à son passé (et notamment la période de l’Antiquité romaine), elle possède une Histoire riche en monuments et lieux antiques.
6° La Turquie: Avec onze sites au patrimoine mondial de l’UNESCO, elle est le sixième pays le plus visité au monde et accueille plus de trente-six millions de touristes, forte de ses stations balnéaires et de sa ville phare, Istanbul.
7° Le Royaume-Uni: Il prend la septième place parmi les pays les plus touristiques du monde. Avec 29,2 millions de touristes, il reste très populaire dans le monde. Il compte vingt-huit sites au patrimoine mondial de l’UNESCO.
8° L’ Allemagne: Elle possède trente-huit sites au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est un pays très touristique avec plus de vingt-huit millions de touristes attirés par ses nombreuses cathédrales, comme celles de Cologne ou d’Aix-La-Chapelle. Berlin est l’une des villes les plus touristiques.
9° La Malaisie: Quatre sites au patrimoine mondial de l’UNESCO, elle est le neuvième pays le plus touristique au monde avec vingt-quatre millions de touristes par an.
10° Le Mexique: Le dixième pays, avec quarante-deux sites au patrimoine mondial de l’UNESCO, rassemble près de vingt-trois millions de touristes. Grâce aux nombreux sites construits par les Mayas, comme la ville préhispanique de Chichen-Itza figurant sur la liste des sept nouvelles merveilles du monde, il fait donc partie des pays les plus touristiques du monde.

France, Paris : Arc de triomphe / Crédits : Patrick Cadet - CMN, Paris

France, Paris : Arc de triomphe / Crédits : Patrick Cadet – CMN, Paris

Mais pourquoi la France attire-t-elle autant de touristes? Elle est un pays très diversifié, à la fois multi-clientèle et multi-marché, pour des séjours balnéaires, à la montagne, à la campagne, avec également une très forte attractivité de Paris et du patrimoine historique comme les châteaux de la Loire, le château de Versailles, le cimetière du Père-Lachaise… La proximité de l’Europe est également primordiale; pour les Anglais, les Hollandais, les Allemands, les Belges, la France est la destination de la proximité: elle reste une destination attractive à un coût raisonnable. La gastronomie française est également très appréciée par les étrangers. En venant en France, le touriste est comblé sur le point historique, culturel et artistique de la France.

La montée de l’Afrique. Le moment est venu, aujourd’hui plus que jamais, d’encourager le tourisme en tant que moyen de développement économique en Afrique subsaharienne. Où souhaitez-vous aller aujourd’hui? Le tourisme en Afrique représente une importante activité sociale et économique. La particularité touristique de l’Afrique réside dans la grande variété des points d’intérêts, la diversité et la multitudes de paysages ainsi que les riches patrimoines culturels et artificiels.

 

Zambie, Chutes Victoria / www.ac-limoges.fr

Zambie, Chutes Victoria / www.ac-limoges.fr

En Zambie, le pays s’est ouvert au tourisme dans les années 1990 comme la destination touristique pour une “real Africa”. Il est considéré pour ses safaris pédestres et ses fameuses Chutes Victoria (où Mosi-oa-Tunya) entre le Zimbabwe et la Zambie . Le territoire compte de nombreux parcs nationaux comme ceux de la Luangwa-sud, de la plaine de la Liuva, de la Kafue ou d’Isangavo ainsi que le fleuve zambezi qui traverse le pays. Les touristes viennent aussi pour admirer les chutes d’eau du Kasanga Falls, Chutes Cahvuma, Ngambwe Rapids, Wonder Gorge. Le Livingstone Memorial est un des rares monuments historiques du pays. Les festivals culturels y sont bien plus nombreux, comme le Ukusefya pa Ngwena pour les peuples Bembas,le Umutomboko pour les peuples Lundas,le Ku-Omboka pour les peuples Lozis.

Côte d’Ivoire, Présidentielle 2015 : Retour à la case 2010 ?

[Par Armand IRE’]

Photo tirée de ceici.org

Photo tirée de ceici.org

On prend les mêmes et on recommence, serait-on tenté de dire au vu des récents développements de l’actualité préélectorale de 2015 en Côte d’Ivoire. Le renouvellement du bureau de la commission électorale indépendante-CEI- et les échauffourées inters-partis n’augurent pas d’un horizon arc-en-ciel pour les ivoiriens, traumatisés par plus de 10 ans de crise politique.

Les accord de Linas-Marcoussis [Image tirée de dailymotion.com / Ina.fr]

Les accord de Linas-Marcoussis [Image tirée de dailymotion.com / Ina.fr]

Une commission électorale consensuelle et équilibrée, voilà le vœu de l’opposition et de nombreux ivoiriens. Dans sa mise en place, cette commission qui date des accords de Linas-Marcoussis- du nom du centre national français de Rugby situé dans les communes éponymes où a eu lieu du 15 au 26 janvier 2003 la signature des accords inter-ivoiriens sensés ramener la paix en terre ivoirienne- présentait toutes les caractéristiques d’un détonateur à retardement. Commission uniquement composée alors par les partis politiques et mouvements armés signataires de l’accord. Ceux qui pour le pouvoir se sont étripés dans une guerre devaient donc arbitrer une compétition électorale à laquelle ils prenaient tous part. Charybde en Scylla.

Youssouf Bakayoko, la rebelote fatale ?

Youssouf Bakayoko / imatin.net

Youssouf Bakayoko / imatin.net

La suite est connue. Le mauvais arbitrage de la présidentielle de 2010 par toutes les entités institutionnelles chargées de valider le processus électoral aurait conduit à la mort, officiellement, de 3000 ivoiriens et personnes vivant en Côte d’Ivoire et de plus selon plusieurs décomptes quasi-officiels. N’ignorons pas les milliers d’exilés et refugiés. Celui par qui le malheur est arrivé s’appelle Youssouf Bakayoko, ancien député et ministre du Pdci-Rda, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire ; il avait, à trente minutes de minuit, heure qui marquait la fin des trois jours francs accordés par la loi à la commission électorale pour transférer les procès-verbaux des résultats au conseil constitutionnel , déclaré qu’ « il n’est pas encore minuit ». On le verra un jour plus tard prononcer des résultats globaux sans détails à l’hôtel du golf, QG de campagne d’Allassane Dramane Ouattara le candidat opposé au président sortant Laurent Gbagbo. Cette proclamation donnant Ouattara vainqueur est battue en brèche 24h après par Yao Ndré le président du conseil constitutionnel qui ensuite, avec détails et arguments, dénoncera des irrégularités dans le scrutin suite à une saisine de Laurent Gbagbo, notamment sur l’opacité et les attaques physiques poussées, perpétrées sur des électeurs et agents de bureau de vote dans le nord du pays par des partisans de l’actuel chef d’état ivoirien et qui étaient pour la plupart en armes.

Le poker menteur continue

Pascal Affi N'Guessan / fr.wikipedia.org

Pascal Affi N’Guessan
/ fr.wikipedia.org

La mise en place donc de la nouvelle commission électorale indépendante démontre que la Côte d’Ivoire est toujours en crise car cette institution est calquée sur celle issue des accords de Linas-Marcoussis comme nous l’avons écrit plus haut. Alors, pourquoi une telle commission dans un pays dont on dit qu’il est sorti de crise ? Les hommes politiques ivoiriens, toutes tendances, en acceptant ce remake qui a engendré des milliers de cadavres en 2010, sont loin de la volonté de leurs militants et du peuple ivoirien. La preuve, c’est que le FPI -Front populaire ivoirien- de Laurent Gbagbo a été au bord de l’implosion parce que son actuel président Pascal Affi Nguessan a décidé unilatéralement de l’entrée du parti dans cette commission. Un vote en interne a mis fin à cette crise intra muros qualifiée de séisme dans le paysage politique ivoirien et le parti est sorti de la CEI suite à la victoire du « non ». On assiste donc de nouveau à un vaste poker en Côte d’Ivoire. On met en place les ingrédients qui ont entraîné la déflagration de 2010 et on accuse tous ceux qui le contestent d’être des ennemis de la paix. Sans oublier qu’à tout moment,les armes peuvent tonner comme récemment à savoir le 19 septembre 2014 jour de la commémoration du déclenchement de la rébellion armée de septembre 2002. Ce jour-là, les nouvelles autorités ivoiriennes ont annoncé qu’Akouédo, la plus grande base militaire ivoirienne située dans la banlieue abidjanaise avait été attaquée. Croisons les doigts.

 

 

Cameroun, Appel de la Lékié : Paul Biya un otage dans le viseur ?

[Par René DASSIE]

Derrière les déclarations officielles de soutien et de fidélité qui émanent des cercles tribaux autour du président camerounais se cachent des concurrents au trône qui n’hésiteraient pas à l’éjecter si l’occasion se présentait.

Le president du Cameroun Paul Biya [Photo tirée de lionindomptable.com]

Le president du Cameroun Paul Biya [Photo tirée de lionindomptable.com]

Depuis le retour du multipartisme au Cameroun dans les années 90, les cercles tribaux autour du président Paul Biya ne cessent de montrer qu’ils sont prêts à tout, y compris la guerre civile, pour conserver le pouvoir. De sorte que chaque fois que le pouvoir a semblé leur échapper, ils n’ont pas hésité à jouer avec le feu, en agitant le spectre de la division selon les critères de différentiation ethnique, provoqué et entretenu un climat nauséabond de suspicion, pour parvenir à leurs fins.
C’est dans cette perspective qu’il convient de situer leur dernière sortie du mardi 02 septembre, qu’ils ont appelé « l’appel de la Lékié », du nom d’un département proche de Yaoundé, connu pour sa fidélité au président.
L’intitulé exact du document paraphé par un ministre et d’autres personnalités : «Appel de la Lékié pour une guerre totale contre la secte islamiste et étrangère et ses complicités au Cameroun», qui suscite des réactions passionnées, rappelle ainsi que le Cameroun – comme son président l’avait déclaré en mai à Paris à l’issue du mini-sommet consacré à Boko Haram sous la houlette de François Hollande – fait face à une menace guerrière venue de l’étranger, en l’occurrence le Nigeria voisin. Plus loin, le document affirme aussi que dans leurs débordements meurtriers sur le territoire camerounais, les islamistes – qui ont fait de la lutte contre les valeurs de la civilisation occidentales leur leitmotiv- bénéficient de soutiens locaux.

L'appel de la Lékié : Cliquez sur l'image pour le lire (http://fr.scribd.com/)

L’appel de la Lékié : Cliquez sur l’image pour le lire (http://fr.scribd.com/)

Il s’agit dans les faits, puisque l’un des signataires du document se trouve être un membre du gouvernement en plein exercice de ses fonctions, d’une officialisation de la rumeur entretenue depuis quelques semaines, selon laquelle derrière le voile islamiste, se cacherait une insurrection armée partie du Grand-Nord Cameroun pour s’emparer du pouvoir.
Plus loin, le document rendu public après un conciliabule à Obala, petite ville de la Lékié explicite sous la forme négative, les intentions de ceux-là qui manœuvreraient dans l’ombre, pour arracher le pouvoir à Paul Biya.
Non au « chantage politique assimilable à une tentative de prise en otage ou de déstabilisation des institutions de la République ou à une conspiration politique, inspirée par des fins diverses, notamment des ambitions politiques personnelles ou régionalistes », peut-on lire dans le texte complaisamment publié par le quotidien officiel «Cameroun Tribune» et repris sous forme de publicité payante par des médias privés.
On a tôt fait de comprendre, la « déstabilisation des institutions » dans ces conditions n’étant pas l’affaire des citoyens ordinaires trop occupés à batailler pour joindre les deux bouts, que les signataires du document visent sans les nommer des élites politiques et économiques originaires de la partie septentrionale du Cameroun, qui pourraient légitimement aspirer à exercer un jour la magistrature suprême, dans un pays qui depuis trente-deux (32) ans, n’a pas connu d’alternance politique.
Ce sont eux que le texte qu’un journal local a qualifié de « document détonant sorti tout droit du laboratoire de la haine » désigne comme ennemis à abattre. Manœuvre politicienne sous faux drapeau.
Si l’accusation de conspiration dont ils sont ainsi l’objet est en effet gravissime, elle parait cependant douteuse, eu égard à la réalité sur le terrain. Il est en effet difficile d’admettre que des personnes influentes, engagées dans une rébellion pour prendre le pouvoir adoptent la stratégie à la fois ruineuse, stupide et suicidaire, de commencer par dévaster le territoire qui pourrait leur servir de base de repli. Jusqu’ici en effet, seuls les populations du Grand-Nord Cameroun ont payé un lourd tribut aux incursions des islamistes, ceux-ci ayant égorgé des dizaines d’entre eux, incendié les écoles de leurs enfants, détruit ou pillé leurs biens.

En réalité, l’« Appel de la Lékié » s’inscrit dans la logique des manipulations politiciennes habituelles de la caste qui règne à Yaoundé.

Le sommet du pouvoir se montre en effet de plus en plus chancelant, absent, hésitant et muet comme si par son silence assourdissant il se déclarait forfait et cherchait preneur pour une place manifestement vacante. Dans ce contexte, les milieux tribaux autour de Paul Biya, arc-boutés à leurs prébendes, ont de nouveau ressorti la vieille ruse de la stigmatisation d’une partie de la classe politique et partant, des populations qui leur seraient favorables, pour conserver le pouvoir, au prix d’une dangereuse diversion.

Henri Eyebé Ayissi et Jean Bernard Ndongo Essomba [Photos tirées de africapresse.com]

Henri Eyebé Ayissi et Jean Bernard Ndongo Essomba [Photos tirées de africapresse.com]

Cette stratégie de la division qui encourage la suspicion et poussent les citoyens à se regarder en chiens de faïence fonctionne depuis près de trois (03) décennies. Elle constitue avec la fainéantise et la villégiature, l’une des clés majeures de la longévité de Paul Biya au pouvoir.
En tête de la liste des signataires de l’ « Appel de Lékié », il y a deux personnalités politiques originaires du centre du pays, le bastion politique de Paul Biya : le ministre délégué au Contrôle supérieur de l’État, Henri Eyebé Ayissi et l’inamovible président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale du RDPC au pouvoir, Jean Bernard Ndongo Essomba. Avec eux , avancent masqués, d’autres personnalités politiques dans le proche entourage du chef de l’État.
Ce sont les mêmes qui depuis le coup d’Etat manqué d’avril 1984 contre Paul Biya œuvrent ouvertement pour saper l’émergence d’une conscience nationale, dans le seul but de conserver le pouvoir. Dans les années 90, lorsque le pays fut tout près de connaître l’alternance politique par la voie des urnes, ils stigmatisèrent les ressortissants de l’ouest, Bamilékés et Anglophones qui avaient massivement suivi la fronde contre le pouvoir et voté pour l’opposition. On vit ainsi apparaître le vocable « d’Anglo-Bami », pour désigner collectivement ceux-là qui appelaient au changement de tous leurs vœux. Des persécutions furent déclenchées contre eux et bon nombre de commerçants bamiléké furent chassés du sud du pays pendant que des hordes manipulées pillaient leurs biens. En représailles, des actions tout aussi malveillantes visèrent des fonctionnaires de l’ethnie du président, des bétis, vivant à l’ouest. On vit poindre le spectre de la guerre civile, lorsque l’ancien Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Basile Emah aujourd’hui décédé offrit lors d’une cérémonie publique à Paul Biya, tamtam, lance, arcs et flèches, pour bouter hors de la capitale ceux qui étaient désormais considérés comme des ennemis de l’intérieur, le pays n’étant engagé dans aucun conflit frontalier. Le calme revint difficilement et le trône fut conservé au prix d’un hold-up électoral.
Ce sont les mêmes qui poursuivant leurs œuvres, ont modifié la constitution le 18 janvier 1996, pour institutionnaliser le tribalisme, par le biais de la notion de populations autochtones. On sait que cette expression discriminante crée par ricochet celle d’allogènes, autrement dit d’étrangers de l’intérieur. Elle signifie que chaque Camerounais n’est plus partout chez lui sur l’ensemble du territoire national, mais qu’il reste rattaché à sa tribu et n’est au mieux que toléré, lorsqu’il s’installe autre part.

Ahmadou Ahidjo [Photo: © Archives cameroon-info.net]

Ahmadou Ahidjo [Photo: © Archives cameroon-info.net]

Elle va à l’encontre de l’esprit et de la pratique de l’unité nationale promu par feu Amadou Ahidjo le premier président, nordiste et musulman pratiquant. Elle s’oppose diamétralement au préambule de l’ancienne constitution qu’il a laissée et qui stipulait que « Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et se déplacer librement (…). Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines ».
Ce sont les mêmes enfin qui, en février 2008, au moment où la rue manifestait à la fois contre la faim et la modification de la constitution orchestrée par Paul Biya pour se représenter en dépit de la limitation des mandats qu’ il avait précédemment diligentée, avaient motivé la fameuse «Déclaration des forces vives du Mfoundi» (Yaoundé). Un texte aux relents xénophobes, aussi violent que l’ « Appel de la Lékié », sinon pire.
Morceaux choisis de ce petit bréviaire de la haine publié dans Cameroun Tribune, le quotidien officiel et outil de propagande d’État :
«Qu’il soit donc entendu que désormais, nous répondons aux coups par coups. À partir de maintenant, œil pour œil, dent pour dent»;
«En outre, nous invitons fermement tous les prédateurs venus d’ailleurs, de quitter rapidement et définitivement notre sol. Car ils n’y seront plus jamais en sécurité. Qu’ils disent à leurs commettants que les forces vives du Mfoundi ont de nouveau revêtu la tenue de combat de leurs ancêtres. Lesquels ont longtemps résisté à la pénétration européenne.»

Issa Tchiroma Bakary [Photo tirée de ndjoka.com]

Issa Tchiroma Bakary [Photo tirée de ndjoka.com]

Cette fois-ci, l’ennemi n’était plus seulement l’Anglo-Bami de l’ouest, mais aussi le Grand-nordiste que l’on croyait jusque-là lié au pouvoir par une sorte d’alliance politique connue sous l’appellation d’axe Nord-Sud. Il faut dire que quelques années plus tôt, certains membres de la classe politique parmi lesquels l’actuel ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary qui à l’époque végétait dans l’opposition, avaient publié le « mémorandum du Grand-Nord » pour raconter par le menu détail l’affreuse misère qui sévissait dans la région et l’abandon dont il avait été l’objet de la part du pouvoir central. Après la publication de la «Déclaration des forces vives du Mfoundi», plusieurs d’entre eux se sentirent visés et confièrent anonymement aux médias privés, la crainte qu’ils ressentaient quant à leur sécurité.

Paul Biya un otage (consentant) dans le viseur ?

On ne peut évidemment pas dédouaner le président camerounais des actions de son entourage puisque c’est lui qui l’a choisi et que comme chacun le sait, l’environnement immédiat d’une personne n’est autre que le reflet de sa personnalité. Cependant, si dans leurs anciens manifestes les gourous du pouvoir tribal visaient avant tout son maintien à la tête de l’État, eu égard aux prébendes qu’ils tirent de cette situation, leur objectif de 2014 semble plutôt être de provoquer un changement au sommet , au profit de l’un des leurs, même si par ruse, ils continuent de clamer leur allégeance à Paul Biya, à travers de faux serments de soutien, de déférence et de fidélité tribale.
De nombreux indices montrent en effet que l’«Appel de la Lékié» en visant les élites nordistes comme les ennemis de la République cherche en réalité à détourner l’attention, le temps de résoudre la sourde bataille de succession qui oppose les proches de Paul Biya.
Vieux, usé par l’exercice prolongé du pouvoir et sans doute aussi malade, le président se montre en effet dans ses rares déclarations publics, en totale déphasage avec la réalité. Il semble ne plus avoir d’intérêt que pour ses longs et multiples séjours helvétiques ou ses retraites dans le somptueux palais qu’il s’était fait bâtir à Mvomeka’a son village natal, dans le calme reposant de la forêt équatoriale.
L’«Appel de la Lékié» l’a ainsi surpris à Genève, ville qu’il avait directement rejointe après avoir participé à Toulon dans le sud-est de la France, à la cérémonie de commémoration du débarquement de Provence.
En Suisse, son silence face aux multiples interpellations d’une partie de la classe politique camerounaise et de la société civile qui le pressaient de revenir s’occuper de Boko Haram avait surpris et alimenté toutes sortes de spéculations sur son état de santé. Et comme il y a dix (10) ans, des rumeurs sur sa mort avaient commencé à circuler.
C’est dans ce contexte qu’est paru dans Mediapart, quotidien français en ligne, un article controversé, qu’une partie de l’opinion nationale pourrait considérer comme inspiré par les cercles proches de Paul Biya et qui désigne certains hommes politiques issus du Grand-Nord, comme les promoteurs d’une rébellion armée déterminée à marcher sur Yaoundé.

Me Abdoulaye Harissou [Photo tirée de 237online.com]

Me Abdoulaye Harissou [Photo tirée de 237online.com]

Dans la foulée de cette publication, Me Abdoulaye Harissou, notaire à Maroua (Extrême Nord) qui n’a pas d’activités politiques connues mais que l’on présente comme le gestionnaire testamentaire de plusieurs dignitaires de la région a été interpellé par les services de renseignement et mis au secret. Officiellement, il est soupçonné de « tentative de déstabilisation du Cameroun à partir des pays voisins». Certains journaux contrôlés par le pouvoir ont annoncé que d’autres arrestations et envois en exil à l’étranger suivraient. Toutes choses qui s’apparentent à une opération de purge politique.
« Lorsque la mort rôde autour d’un mortier, ce n’est pas le pilon qu’elle vise, mais celui qui le tient », dit un proverbe Peul. Le ministre Eyébé Ayissi et ses « frères du village » ont-ils cru que leur heure était arrivée avant que Paul Biya ne réapparaisse à Yaoundé, contraint comme certaines sources l’affirment par des chancelleries occidentales qui l’ont pressé de rentrer chez lui s’occuper de ses problèmes de Président ? Ont-ils tenté de l’écarter en douce ? À Yaoundé, certains observateurs avisés n’écartent pas cette hypothèse. Dans tous les cas, les monstres tribalistes qu’il a lui-même créés pour sécuriser et pérenniser son pouvoir ne songeraient désormais plus qu’à prendre son relais. Des noms circulent d’ailleurs – comme celui d’Edgard Alain Mebé Ngo’o ministre de la Défense souvent présenté comme dauphin présomptif- circulent.

Photo tirée de cameroon-info.net

Photo tirée de cameroon-info.net

Il apparaît en tout cas de plus en plus flagrant que Paul Biya n’est plus à l’abri derrière son cordon sécuritaire tribal. Ceux-là même qui jusqu’ici couvraient ses arrières ne semblent plus travailler que pour leur propre compte. Il doit cependant comprendre que si la menace qu’ils n’ont cessé de brandir finissait par aboutir, ils lui auront rendu le pire des services, en le faisant sortir de l’histoire par la petite porte. Car le monde entier ne retiendra de lui et de sa femme que l’image d’un couple tyrannique qui aura martyrisé son peuple et mis en péril la paix dans son pays.

Les vertus de l’apaisement

Jean Michel Nintcheu [Photo tirée de ]http://www.postnewsline.com/]

Jean Michel Nintcheu [Photo tirée de ]http://www.postnewsline.com/]

Cependant, l’espoir d’un retournement positif de la situation est encore permis. D’abord parce que les rédacteurs de « l’Appel de la Lékié » que le député de l’opposition Jean Michel Nintcheu a taxé de « pyromanes zélés » ne représentent pour l’instant qu’eux-mêmes. Les représentants légitimes des populations qu’ils ont régulièrement manipulées semblent avoir découvert leur jeu et se désolidarisent de leurs manœuvres. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les déclarations de rejet qui ont sanctionné l’« Appel de la Lékié ».
L’association des étudiants de ce département les invite ainsi à éviter «à l’avenir de traîner tout le monde dans des initiatives individuelles politico-tribales», et se déclare solidaire des souffrances des populations du nord du pays confrontés aux exactions des islamistes de Boko Haram. Denis Emilien Atangana, un ancien candidat aux municipales à Monatélé (chef-lieu du département de la Lékié) qui avait obtenu 41% des suffrages, leur dit à son tour de «cesser de mêler tout le monde à leur business». «Le phénomène Boko Haram me semble pour d’aucuns une opportunité de faire de l’activisme politique», a réagi pour sa part Marie Robert Eloundou, porte-parole de l’Association pour le développement de cette ville.
Autant de témoignages à l’apaisement et à la vigilance partagés par la grande majorité des Camerounais de l’intérieur et de l’étranger, qui sur les réseaux sociaux multiplient les appels au calme, rappelant que les ethnies comme les religions ont toujours coexisté pacifiquement dans le pays.
« Ceux qui jouent aux pyromanes agissent par stupidité et cécité politique. Les cas de la Côte d’Ivoire et du Rwanda sont toujours là pour nous rappeler qu’en cas de querelle politique, il vaut mieux sauter l’étape de la bagarre pour procéder à la négociation tout de suite », observe un politicien camerounais. « Au Rwanda, les organisateurs du génocide avaient avec eux le pouvoir, l’argent et les armes. Si leur entreprise criminelle fut couronnée de succès, celle-ci se transforma rapidement en une cinglante défaite politique et historique. Plusieurs d’entre eux ont été arrêté et jugé, et la justice internationale continue de traquer ceux qui avaient réussi à se cacher », ajoute-t-il.
Principal concerné, Paul Biya qui avait hérité de son prédécesseur la gestion d’un pays calme et confiant en son avenir peut encore aménager une porte de sortie honorable à la crise actuelle. On n’attend certes plus de lui qu’il répare comme par un coup de baguette magique les turpitudes de toute une vie qui ont appauvri son pays et l’ont conduit au bord de l’éclatement.

 AP PHOTO/SIMON DAWSON

AP PHOTO/SIMON DAWSON

Il pourrait cependant poser des actes symboliques allant dans le sens d’un apaisement des esprits et d’une amorce de la réconciliation nationale. Par exemple, en libérant les personnes qu’il a injustement envoyées en prison. Puis en initiant un forum de réconciliation, version allégée de la conférence nationale à laquelle il s’était opposé dans les années 90, en la déclarant sans objet. Si les jugements de l’histoire sont parfois cruels et sans appel, les peuples ont toujours su apprécier les bonnes initiatives. Lorsque Nelson Mandela sortit de prison le 11 février 1990, il eut le choix entre susciter la vengeance contre la minorité blanche sud-africaine qui avait longuement opprimé la majorité noire et ruiner une bonne partie de sa propre vie, et prôner le pardon et la réconciliation. Il choisit la seconde possibilité. C’est aussi pour cela qu’il est devenu un monument de l’histoire de l’humanité.
Paul Biya n’a ni la carrure ni le courage de Mandela. Pour autant, il lui appartient de susciter entente et retour au calme, sans lesquels la mobilisation consensuelle et patriotique recherchée et souhaitée contre les extrémistes islamistes pourrait s’avérer fastidieuse et incertaine, à défaut d’être vouée à l’échec.
Pour une fois Monsieur Paul Biya, soyez au rendez-vous de la grande histoire du Cameroun.

 

 

Afrique : est-ce la fin de la torpeur ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

J.-J. Lema Landu

Depuis le début du troisième millénaire, livres et articles de journaux sur l’Afrique ont déserté le camp de l’« afro-pessimisme ». A l’appui des statistiques, ils parlent plutôt du « réveil du continent ». Non sans en souligner l’incidence au niveau de la coopération internationale, l’Afrique étant un énorme gisement des ressources naturelles. Les perspectives qui s’en dégagent sont des plus alléchantes.

Du coup, le continent, ce malade grabataire, est à l’honneur. Dans une formule simple, les grandes nations s’empressent de l’inviter pour « parler amitié et coopération ». Selon un nouveau mode d’emploi, basé sur la négociation entre partenaires et la réciprocité des intérêts. Exit donc l’imposition du plus fort comme ce fut jadis le cas. Ainsi des sommets « Afrique-France », « Afrique-Chine », « Afrique-Amérique », « Afrique-Japon ».

Pourtant, auparavant, l’Afrique n’avait jamais eu la cote. Des siècles de plomb, marqués par l’esclavage, aux indépendances en trompe-l’œil, dans les années 1960, en passant par une colonisation impitoyable, le continent fut constamment l’objet de mépris. En 1950, Mgr de Hemptinne, évêque du Katanga (RD Congo), oubliant les consignes de l’évangile qui prônent le respect de l’autre, déclarait sans détour : « La race noire n’avait rien derrière elle. Peuple sans écriture, peuple sans Histoire, sans consistance aucune… » (1). Et Sarkozy de le relaye, à Dakar, en 2007.

Qu’en est-il, aujourd’hui ? Pourquoi cette « nouvelle ruée vers l’Afrique ? ». Les experts répondent par la vertu des chiffres. Ils nous disent que le taux de croissance (la production totale comparée d’une année à l’autre) de l’Afrique va augmentant chaque année, au point d’avoir atteint 5,6%, en 2013. Signe que le continent s’est mis en marche et à se débarrasser de sa torpeur. Ce géant qui s’élève est aussi une puissance démographique : 1,04 milliard d’habitants, en 2012. Ce chiffre, selon les prévisions, sera doublé dans vingt ans. C’est, à l’horizon, un grand marché de consommation qui est en train de se tisser. D’où la préoccupation de grandes puissances de baliser, d’ores et déjà, le chemin de la coopération.

Mais, en Afrique, il n’y a pas que cela qui est positif. Si a corruption persiste, si la dictature, cachée, reste de mise dans les arcanes des pouvoirs (à l’exception de l’Afrique du Sud et de quelques rares autres Etats), si les détournements de deniers publics, ainsi que tous les autres fléaux traditionnels tiennent encore le haut du pavé, les peuples, tout au moins, ont maintenant conscience de leur responsabilité dans la marche politique de leurs pays. Le Printemps arabe, tel qu’il s’était manifesté, n’était autre chose que cette volonté affichée des peuples de s’approprier leur destin.

Place Tahrir [Photo tirée de parismatch.com]

Place Tahrir [Photo tirée de parismatch.com]

Cet événement de fond, après avoir produit un effet papillon, a changé la figure et l’air ambiant de l’Afrique. Au point de créer un climat de confiance pour les investisseurs qui pensent maintenant « afro-optimisme ». Au fait, qui ne rêve, en Afrique, d’ériger une « Place Tahrir » pour en finir avec des régimes prédateurs ?

(1) Jeune Afrique n° 2711-2712, dans « Qui a tué Lumumba ? ».

Côte d’Ivoire-Paris : l’affaire des « nounous esclaves » au tribunal de Nanterre

[Par Armand IRE’]

Elle s’appelle Sy Kadidia. Elle est de nationalité burkinabé et est la compagne attitrée de l’ex-chef de la rébellion ivoirienne, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro. Elle était à la barre du tribunal correctionnel de Nanterre en région parisienne le lundi 8 septembre 2014, pour trafic d’êtres humains, travail dissimulé et absence de bulletins de paie. Cette affaire qui a cours depuis 2008, l’oppose à deux de ses compatriotes qu’elle a engagées à son service et qui l’accusent de les avoir soumis à des traitements dégradants. Nous étions à Nanterre.

Tribunal correctionnel de Nanterre [Photo tirée de affiches-parisiennes.com]

Tribunal correctionnel de Nanterre [Photo tirée de affiches-parisiennes.com]

Allure guindée, démarche assurée, visage affublé d’une paire de lunettes de correction, Sy Kadidia a le visage serein lorsque, accompagnée d’une amie, elle quitte pour un temps court la salle d’audience, quelques minutes avant le début de son procès. Lorsqu’à sa sortie de l’ascenseur, nous tentons de lui arracher quelques mots, celle qui lui sert, on va dire, de garde du corps s’interpose. La compagne de Guillaume Soro file vers la salle d’audience. Quelques minutes après 15h, elle est appelée à la barre. Veste noire et pantalon assorti soutenu par une sorte de body blanc, Sy Kadidia vue de près est d’allure juvénile. Elle tente tant bien que mal de faire face à l’armada de questions parfois intimes que lui pose le juge. Pour elle, ses ex-employées sont bien ingrates. Elle les a nourries, logées, blanchies et voilà comment elle est récompensée. « Elles voyageaient en business class aux frais de mon mari », dira-t-elle en substance. Aux frais de son « mari » ou aux frais du contribuable ivoirien ?

Alain Lobognon et de fausses attestations

Alain Lobognon veut les CAN 2019 et 2021 pour la Côte d'Ivoire. [Photo tirée de rti.ci]

Alain Lobognon  actuel ministre des sports de la Côte d’Ivoire.
[Photo tirée de rti.ci]

Tout commence en 2008. Guillaume Soro est alors Premier ministre suite aux accords de Ouagadougou. Son fils, aujourd’hui âgé de 7 ans, est victime d’une très grave maladie du sang : l’hémophilie. Sy Kadidia, la mère de l’enfant, l’envoie rapidement en France pour des soins. L’état du petit Soro demande une surveillance constante. Kadidia décide de prendre une nounou pour s’occuper de son fils. Les services de Guillaume Soro entrent alors en scène. Selon le juge dans sa présentation des faits, Alain Lobognon, actuel ministre des sports ivoirien, à cette époque conseiller spécial en charge de la communication à la Primature, aurait fait de fausses attestations où il présente Rosalie Nabi, la première nounou, et plus tard la seconde, comme des personnes travaillant pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire, et étant affectées à ce titre comme dames de compagnie de Kadidia. A la question du juge, à savoir pourquoi avoir produit ces attestations non conformes à la qualité des plaignantes, Sy Kadidia avouera que c’était dans le but de leur obtenir des visas. Traitées comme des esclaves de Ouagadougou, elle et sa patronne débarquent dans le 16e arrondissement, quartier chic de Paris, dans un trois pièces. Après plusieurs va et vient entre Ouaga , Abidjan et Paris, Sy Kadidia décide de s’installer en France : sa fille de 17 ans, issue d’une première union et qui vit avec elle à Ouaga, est française. Ce qui lui permet de bénéficier d’une carte de séjour. A Paris, le caractère acariâtre de Sy Kadidia atteint son paroxysme, selon les explications de Rosalie Nabi mais aussi de la seconde nounou, Marie Drabo qui, à un an d’intervalles a vécu le même calvaire que sa compatriote. Être au service de la compagne de Guillaume Soro n’est pas une partie de plaisir, disent-elles. Le salaire est dérisoire au vu du droit du travail en France et même au Burkina Faso. 45 euros (29.475 FCFA environ) de salaire mensuel selon les filles, 80 euros (52 400 FCFA environ) selon la version de Kadidia. On est bien loin du compte. Les deux travailleuses ne sont pas déclarées, elles n’ont aucun bulletin de salaire, travaillent dès le lever du jour et finissent tard dans la nuit. Malgré qu’elles n’aient pas vécu à la même période chez leur ex-patronne, leurs récits se rejoignent très souvent. Elles affirment manger les restes de leur patronne, veiller à l’hôpital Necker où était souvent hospitalisé le petit Soro. Elles n’ont pas droit à des congés, reçoivent des insultes lorsque dame Kadidia jugeait que leur cuisine n’était pas bonne. De véritables esclaves en somme selon leur avocat. Fatiguées de vivre ce calvaire, l’une a récupéré son passeport alors que sa patronne était sortie et l’autre a profité du fait qu’elle devait retirer un colis avec son passeport qui lui avait donc été remis par sa patronne… pour prendre le large.

Me David Desgranges avocat des nounous de la compagne de Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire. [Photo tirée de ivoirebusiness.net]

Me David Desgranges avocat des nounous de la compagne de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. [Photo tirée de ivoirebusiness.net]

Aujourd’hui, épaulées par le Comité contre l’esclavage moderne, elles ont porté plainte. Après la remarquable plaidoirie de leur avocat, Maitre David Desgranges, et le réquisitoire très dilué du procureur qui a requis trois mois de prison avec sursis et une amende de 5000 euros (3.275.000FCFA environ) à l’encontre de la prévenue, le tribunal a renvoyé son verdict au 6 octobre prochain. Le principal axe de la ligne de défense de Sy Kadidia est qu’elle ignorait tout du droit du travail en France. Selon elle, son compagnon a les moyens de lui permettre de payer ses employées en conformité avec le barème français. C’est la tête enveloppée d’un foulard blanc que l’épouse de Guillaume Soro a quitté le tribunal de Nanterre pour s’engouffrer à l’arrière d’une grosse cylindrée en compagnie de sa famille.

Ebola : La Zambie directement concernée

[Par John CHITAMBO LOBE]

Un laboratoire d'analyse du virus Ebola [Photo tirée de daily-mail.co.zm]

Un laboratoire d’analyse du virus Ebola [Photo tirée de daily-mail.co.zm]

Chaque pays africain tente de protéger ses frontières contre la maladie Ebola. Ainsi, des officiels botswais de l’immigration, à la frontière entre la Zambie et le Botswana – à Kazungula border post – ont refusé l’entrée des toutes les personnes en provenance de Zambie ayant un visa d’entrée ou de sortie sur la frontière avec le Katanga en République Démocratique du Congo. Par la suite, la Zambie va réagir contre les officiers Congolais et leurs concitoyens qui ont interdit l’accès de leur pays pour se préserver du virus Ebola : une mesure assez surprenante de la part du peuple Congolais qui dépend en grande partie économiquement de la Zambie. Dans le même temps, au Katanga, on a démenti toute présence de la maladie.

Des cas suspects multiples

Le ministre de la Santé en Zambie [Photo tirée de Joseph Kasonde en.africatime.com]

Le ministre de la Santé en Zambie, Joseph Kasonde  [Photo tirée de en.africatime.com]

Plus précisément, on sait que l’épidémie d’Ebola sévit dans la région de l’Equateur. Quatre cas sont confirmés. La souche de la maladie serait celle du Zaïre. Pour le ministre congolais de la Santé, monsieur Félix Kabange Numbi, cette épidémie n’a aucun lien avec celle d’Afrique de l’Ouest. Pour sa part, la Zambie a signalé quelques cas suspects dans une petite ville du sud appelée Mumbwa. Ici, quelques personnes ont été en contact avec des chauffeurs de camions des marchandises en provenance du Katanga. L’un des chauffeurs est mort de la maladie. Dans ce contexte, le pays a engagé la construction d’un centre de traitement et d’un laboratoire mobile. Des mesures préventives sont aussi prises dans cette petite ville reculée où se concentre l’épidémie d’Ebola. Le ministre de la Santé, le Docteur Joseph Kasonde, a confirmé très récemment avoir demandé tout de même plus de moyens pour lutter contre la maladie :« Nous lançons un appel à tous les partenaires nationaux, internationaux, pour nous venir en aide. L’alerte est déjà lancée dans la province pour pouvoir orienter les mouvements de populations, mais il y a des besoins énormes en termes de finance et en termes de logistique médicale. »

MSF sur le terrain

A Teldou, en Guinée, les habitants regardent Médecins sans frontières pour prendre des mesures pour lutter contre la propagation du virus Ebola. [Photo par Samuel Aranda, The NY Times/Redux]

Teldou (Guinée) : les habitants regardent Médecins sans frontières pour prendre des mesures pour lutter contre la propagation du virus Ebola. [Photo par Samuel Aranda, The NY Times/Redux]

Médecins Sans Frontières, pour sa part, a déjà lancé une opération d’urgence dans beaucoup de pays africains où la maladie est signalée. Des spécialistes et du matériel sont attendus sur place. Pour le coordinateur MSF en RDC, Jeroen Beijnberger, l’expérience acquise par les autorités lors des six épidémies précédentes est atout indéniable pour contenir la flambée : « La situation en Afrique de l’Est est tout à fait exceptionnelle. Il est vrai que cela mobilise beaucoup de moyens de MSF pour faire face. Le point positif, c’est qu’il y a déjà un certain savoir-faire au regard de l’expérience acquise. Ceci étant dit, la zone est assez reculée. Cela pourrait peut-être faciliter la maîtrise de la situation. Cela n’empêche pas qu’il faut organiser un suivi rigoureux en certains points précis aux environs immédiats cette région.»
Selon Félix Kabange Numbi, le ministre de la Santé, il va falloir au moins trois mois pour venir à bout de cette épidémie.