Affaire Christine Tasin : a-t-on encore le droit de critiquer les religions ?

[Par René DASSIE’]

Christine Tasin la présidente de l’association Résistance républicaine a été condamnée pour avoir déclaré que « l’islam est une saloperie » par le tribunal de Belfort. Une sanction qui semble réintroduire le « délit de blasphème ».

Christine Tasin [Photo tirée de Liberation]

Christine Tasin [Photo tirée de Liberation]

Frapper au portefeuille pour islamophobie. Le tribunal de Belfort a condamné vendredi à 3000 euros d’amende dont 1500 avec sursis Christine Tasin, ex-prof de lettres classiques et fondatrice de Résistance Républicaine, une association anti-islam, pour incitation à la haine raciale.

Cette agrégée de lettres classiques qui collabore également à Riposte Laïque un site dédié à la lutte contre l’islamisation de la France et dirigé par son compagnon, ancien typographe et ex-délégué syndical CGT à la Tribune était poursuivie par des associations musulmanes, pour avoir qualifié l’islam de « saloperie », devant un abattoir mobile installé pour le sacrifice rituel de l’Aïd el-Kébir à Belfort. L’échange avait été filmé et est toujours disponible sur [YouTube].
« Oui je suis islamophobe et alors ? La haine de l’islam, j’en suis fière. L’islam est une saloperie (…), c’est un danger pour la France », déclarait-elle alors face à des membres de la communauté musulmane et de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) lesquels lui répondent que son discours était motivé par la « haine de la religion » et le « racisme ». D’où la plainte de la CRI.
« On peut néanmoins se réjouir que le parquet ait décidé de sanctionner la militante d’extrême-droite, là où d’autres s’en étaient sortis sans problèmes. C’est lors de ces procès qu’il est donné l’occasion de reconnaître publiquement l’islamophobie comme un phénomène réel », se félicite [islamophobie.net].

On peut reprocher à Christine Tasin qui avait organisé l’apéro saucisson-pinard et les «Assises contre l’islamisation de l’Europe», aux côtés du Bloc identitaire, un mouvement d’extrême droite, la violence de ses écrits qui frisent parfois la paranoïa vis-à-vis de la religion de Mahomet. Au quotidien, Mme Tasin et les adhérents de son mouvement ignorent le pacifisme de l’immense majorité des musulmans, et ne rapportent que les méfaits des plus extrémistes d’entre eux, qui constituent une infime minorité. Cependant, l’interprétation juridique des propos qui l’ont conduit devant la barre est, sauf erreur, inédite et ne peut manquer d’étonner, au vu de la jurisprudence récente.

Belfort, le tribunal de grande instance. [Photo tirée de belfortains.fr]

Belfort, le tribunal de grande instance. [Photo tirée de belfortains.fr]

Car, pour requérir sa condamnation, le parquet de Belfort a estimé que ses propos étaient de « nature à susciter le rejet des musulmans en les désignant comme un danger pour la France ». Une confusion évidente entre la critique d’un livre religieux et la stigmatisation de ceux qui adhèrent à son contenu. Or, il y a une douzaine d’année, le tribunal correctionnel de Paris avait interprété de manière totalement opposée des propos similaires tenus par l’écrivain Michel Houellebecq. Dans une interview publiée dans la revue Lire peu après la parution de Plateforme, son roman qui traite à la fois du tourisme sexuel et de l’Islam, l’auteur avait déclaré que «La religion la plus con, c’est quand même l’islam», ajoutant qu’il avait été «effondré» à la lecture du Coran. Alors que des associations du culte musulman demandaient sa condamnation, le procureur de la République, avait estimé que les propos de Michel Houellebecq visaient l’islam et non les musulmans. Une position sur laquelle s’était alignée la 17e chambre correctionnelle de Paris, présidée par Nicolas Bonnal, laquelle avait statué qu’«Ecrire que ‘l’islam est la religion la plus con’ ne revient nullement à affirmer ni à sous-entendre que tous les musulmans devraient être ainsi qualifiés». L’écrivain avait été relaxé.
Cinq ans plus tard, en 2007, le journal satirique Charlie Hebdo avait pareillement été déclaré non coupable, à l’issue de son procès dans l’affaire des caricatures de Mahomet. «Dans une société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions, quelles qu’elles soient», avaient expliqué les juges, tout en rappelant que le blasphème n’est plus réprimé en France.
Si la loi sanctionne en effet lourdement les injures envers les personnes « à titre de leur appartenance, ou non appartenance religieuse », la liberté d’expression et la laïcité autorisent à l’opposée tout un chacun à critiquer ce que d’aucuns considèrent comme sacré, c’est-à-dire la religion. Car celles-ci sont « des idéologies comme d’autres, et injurier une idéologie, un système de pensée, n’est pas insulter les personnes qui y adhèrent », comme l’expliquait il y a quatre ans dans une interview accordée à [Metro news] Jean Boulègue, ancien professeur de Paris I et spécialiste de l’histoire africaine.
Le « délit de blasphème », en vigueur dans certains pays musulmans comme le Pakistan, a en effet été aboli en France en 1791. Seul le code pénal de l’Alsace et la Moselle sanctionne encore deux délits de cette nature, dont celui de « blasphème publique contre Dieu » en vertu d’un héritage de l’annexion entre 1871 et 1918 par l’Empire d’Allemagne. Toutefois, la dernière application par la justice y remonte à 1957.
Pour autant, du procès de Jacques Richard pour l’affiche de son film « Ave Maria » à celui de Christine Tasin, plus de vingt procès ont été intentés depuis 1984 contre les injures envers une religion. C’est l’intégrisme et l’épiscopat catholiques qui ont initié ce mouvement auquel se sont jointes les associations musulmanes. « La stratégie des partisans du rétablissement du délit de blasphème a été de tenter de faire confondre par les tribunaux l’injure envers une religion et l’injure envers les personnes qui y adhèrent. Ceci rétablirait, de fait, le délit de blasphème », analysait Jean Boulègue.
Jusqu’à l’affaire Tasin, la position de la justice française avait presque invariablement été de rejeter toute action assimilable au délit de blasphème. C’est pour cela que la condamnation dont elle a été l’objet constitue une régression et pourrait créer un dangereux précédent.

 

 

N’est brume que moi

Un poème de Rana ZEID.
Traduit de l’arabe au français par Dima Abdallah‏.

© Muzaffar Salman‏

© Muzaffar Salman‏

Je suis Ô Dieu une feuille jaune

Et toi cinq saisons,

Et une chatte affamée

Qui s’amuse de mon angoisse avec ses griffes.

Je ne vois pas ce qu’il y a derrière la vitre sale

Je hume seulement l’air printanier,

Les fissures dans les murs aspirent mon âme

Loin,

Les feuilles jaunes

Près de mon cœur

Sont mon cœur.

Tout ce qui est au-dessus des pierres

Dans le puits

Ce qui est au-dessus de moi

Me fait chanter

Pour une ville blanche,

N’est brume que moi

Sur la route vers elle,

Tout ce qui vient de la faiblesse de l’amour

Pour moi seule,

Mes doigts ne sont pas faits pour les paroles rapides

Je fais vite seulement,

Pour que Dieu me jette au paradis.

 

 

 

 

Gaza-Mali : l’indignation sélective de l’extrême gauche française

[Par René DASSIE’]

L’extrême gauche française qui manifeste en faveur des populations de la bande de Gaza s’était montrée indifférente l’année dernière aux souffrances infligées par les islamistes aux populations du Nord-Mali.

Photo tirée de www.africapresse.com

Photo tirée de www.africapresse.com

Depuis le déclenchement début juillet dans la bande de Gaza de l’offensive militaire israélienne contre le Hamas et le Jihad islamique palestinien en réponse aux tirs de roquette sur plusieurs grandes villes de l’Etat hébreux, l’extrême gauche française mène la charge à Paris, contre Tel-Aviv.
Au menu, multiplication des sorties médiatiques d’indignation face aux bavures de l’opération « Bordure protectrice », haro sur le gouvernement Hollande taxé de complicité avec Israël, mais surtout, défi des interdictions administratives de manifester. Ainsi, alors que le Hamas désormais sûr de sa victoire médiatique eu égard au déséquilibre des forces et de victimes de part et d’autre rejette toute proposition de cessez-le-feu qui accorderait un répit aux populations gazaouites, le Parti de Gauche de l’outrecuidant Jean-Luc Mélenchon ne voit dans ce conflit qu’une « monstrueuse punition collective infligée à la population, enfermée dans Gaza par ses bourreaux ».
Evidemment, pas un mot n’a été prononcé de ce côté-ci contre les débordements antisémites qui ont ponctué les manifestations à Paris et en banlieue, plongeant la communauté juive de France dans une profonde inquiétude.

L’année dernière, la même extrême gauche s’insurgeait contre l’opération « Serval », un secours militaire apporté par la France au Mali, un pays d’Afrique de l’Ouest considéré comme une démocratie exemplaire, dont la stabilité était fortement compromise par une invasion djihadiste partie du Sahel.
Alors que les Maliens assistaient impuissants à l’instauration dans le nord de leur pays d’un Etat religieux basé sur la charia par les islamistes du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et leurs affidés d’Ansar Dine, Jean-Luc Mélenchon jugeait « condamnable » l’initiative française soutenue par la communauté internationale. Dans la même lancée, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot traitait « Serval » d’ « intervention néocoloniale sous leadership français ».
Même les prémisses de la vie selon la charia, les mains et pieds de voleurs coupés sur la place publique à Gao dans le nord du Mali par les justiciers islamistes, la suppression des droits des femmes soumises à un code vestimentaire contraignant ou sommées de rester cloîtrées chez elles n’avaient pas ébranlé les certitudes d’Olivier Besancenot et ses amis qui, pourtant, lors de leurs manifestations anti-guerre à Paris claironnaient « l’humain d’abord ».
On sait qu’en France, les formations de l’extrême, NPA qui avait présenté une candidate voilée aux élections régionales en tête, ambitionnent de devenir des partis de masse et manœuvrent pour séduire les banlieues à majorité musulmane. Ceci explique peut-être cela.

Gaza, je refuse que le Proche-Orient me soit conté

[Par Armand IRE’]

“On a entendu des cris à Rama,
Des pleurs et de grandes lamentations:
Rachel pleure ses enfants,
Et n’a pas voulu être consolée,
Parce qu’ils ne sont plus.”

Mathieu 2:18.

Photo crédits : MOHAMMED ABED/AFP/Getty Images

Les filles de Hasan Baker, 60-ans, pleurent lors de ses funérailles dans la ville de Gaza, le 22 Juillet 2014. [ Crédits photo : MOHAMMED ABED/AFP/Getty Images ]

Comme Rachel la mère hébraïque de la bible, les femmes ne cessent de hurler à Gaza car leurs enfants, leurs nouveaux nés ne sont plus. Des familles crient de douleur à Tel-Aviv, elles ont ras-le-bol d’un conflit qui tue la vie.
Qui va les sauver de Tsahal, du Hamas et de l’indifférence de la communauté internationale?

Laissez au moins vivre les enfants…pitié !

Je refuse que le Proche-Orient me soit conté, épargnez moi le compte d’un conte macabre. Je refuse le décompte sous les décombres.
La vallée de larmes et de sang ne cessera donc jamais sa crue sur la terre dite sainte?!

Stop ça suffit…ils veulent vivre tout simplement…ces enfants.

 

 

Affaire Samuel Eto’o, l’ex-maitresse saisit la justice française

Nathalie Koah, une ex-amante du footballeur Samuel Eto’o (cliquez ici pour lire l’article) qui l’accuse d’avoir publié sur Internet des photos d’elle dénudée, a déposé plainte à Paris.

[ Par René DASSIE ]

Privé de club- il serait actuellement en négociation avec  le londonien West Ham et exigerait un salaire hebdomadaire 126 360 euros- Samuel Eto’o Fils, richissime footballeur camerounais et ex-sociétaire de Chelsea, rebondit devant la justice française.

Le footballeur de 33 ans, sept fois nommé au Ballon d’or et triple vainqueur de la Ligue des champions est en effet l’objet d’une plainte pour «traite de personne, outrage privé à la pudeur, publications obscènes, proxénétisme, menaces sous conditions, chantage et déclarations mensongères» déposée devant le parquet de Paris par son ancienne maitresse, la dénommé  Nathalie Koah, hôtesse de l’air à la compagnie nationale aérienne camerounaise Camair-Co.

Nathalie Koah (Photo tirée de journalducameroun.com) et Samuel Eto'o (Photo tirée de masalamag.us)

Nathalie Koah (Photo tirée de journalducameroun.com) et Samuel Eto’o (Photo tirée de masalamag.us)

Cette jeune femme de 27 ans, qui a été sa maitresse pendant sept, de 2007 à 2013, l’accuse d’être à l’origine de la diffusion fin mai sur Internet, de plusieurs photos hautement suggestives d’elle.

Selon Le Parisien qui a pu consulter la plainte déposée le 8 juillet au commissariat du XVIe de Paris, Nathalie raconte que tout commence en novembre 2013, au moment où son idylle avec le footballeur se brise pour une histoire de jalousie. Samuel Eto’o la soupçonne alors d’entretenir une relation parallèle avec Fally Ipupa, une vedette de la chanson congolaise. Il lui demande en guise de preuve de sa loyauté, de prendre des photos dénudées du chanteur afin de les diffuser sur Internet dans le but de « détruire son image et sa carrière ». Ce qu’elle aurait refusé.

Mécontent, Samuel Eto’o porte plainte à Yaoundé, l’accusant de vouloir diffuser sur Internet des images de leurs ébats. Les gendarmes qui auditionnent Nathalie lui retirent ses portables personnels. Quelques jours plus tard, Samuel Eto’o la contacte sur son téléphone professionnel. « Il s’était visiblement fait envoyer mes portables chez lui, à Londres. Il a dit que, s’il voulait, il pouvait diffuser les messages et les photos qu’ils contenaient et ainsi me nuire ».

Le 29 mai dernier, alors qu’elle rentre d’une virée nocturne avec des copines, Nathalie est interpellée à Yaoundé par des policiers, qui lui apprennent qu’Eto’o a déposé une nouvelle plainte contre elle, pour escroquerie et vol. Le footballeur lui réclamerait une somme d’argent provisoirement arrêtée à quelques 300 000 euros ainsi qu’une montre Rolex qu’il l’accuse d’avoir volée chez lui. Un avocat d’Eto’o explique que son client envoyait régulièrement de l’argent à Nathalie pour alimenter sa fondation à Yaoundé, et que, vérification faite,  pas un sous ne serait parvenu à destination. La mise en cause rétorque qu’elle n’a jamais dirigé cette fondation qui existe depuis 2006, c’est-à-dire un an avant leur rencontre. Elle reconnait cependant avoir bénéficié des largesses du footballeur, qui lui aurait donné entre autre une montre Rolex en guise de cadeau d’anniversaire. Après trois jours de garde à vue, elle est libérée, faute de preuve.

C’est dans ce contexte que ses photos suggestives font leur apparition sur certains réseaux sociaux. Elles sont reprises, à peine brouillées, par des médias camerounais et africains, acquis pour la plupart, à la cause du footballeur. « Un véritable assassinat social », dénonce Me Thibault de Montbrial, l’avocat français Nathalie. Celle-ci  fait un malaise et doit être hospitalisée plusieurs jours. Remise de ses émotions, elle intente une action au Cameroun qu’elle stoppe peu après, au profit d’une procédure en France.

Samuel Eto’o qui avait promis qu’il ferait toute la lumière sur cette affaire après la coupe du monde s’est contenté de dire que Nathalie « cherchait à l’embrouiller ». Ce sont les médias camerounais qui ont régulièrement sonné la charge contre la jeune femme dont ils dénoncent la vénalité et soupçonnent aussi de faire partie d’un complot visant le joueur, orchestré par certains hauts responsables du régime camerounais.

« Nous avons eu droit ces dernières semaines à des textes d’une « Etophilie » quasi militante .Or le sujet aurait dû inviter à la mesure », déplore Ndjama Benjamin, un contributeur du site Camer.be.

La plainte de Nathalie a été transmise au parquet de Paris, qui doit décider des suites à donner dans les prochains jours.

Antisémitisme : grande inquiétude dans la communauté juive de France

[Par René DASSIE’]

Les manifestations pro-palestiniennes et leurs débordements antisémites violents suscitent la peur chez les juifs de France. Depuis le déclenchement le 8 juillet de « Bordure protectrice », une nouvelle militaire israélienne dans la bande de Gaza, en réponse aux tirs de roquettes du Hamas, les Juifs sont victimes d’une recrudescence d’agressions antisémites, lors des manifestations pro-palestiniennes dans la région parisienne.

© Muzaffar Salman

La manifestation pro-palestinienne qui s’est déroulée dans la capitale, samedi 19 Juillet, à Barbes.
© Photo crédit : Muzaffar Salman

Le ton est donné dès le dimanche 13 juillet, avec les « morts aux juifs » entendus dans les rues de Paris, au cours de la première manifestation qui rassemble des milliers de personnes, entre Barbès et la place de la Bastille. Au moment de la dispersion de la foule, plusieurs personnes tentent de pénétrer par la force dans deux synagogues, situées rue des Tournelles (IVe) et rue de la Roquette (XIe). C’est grâce l’intervention des forces de l’ordre qu’ils en sont empêchés.
Rebelote six jours plus tard à Barbès, dans le nord de Paris. En dépit d’une interdiction administrative, quelques milliers de personnes ont répondu à l’appel à manifester lancé par une quarantaine d’organisateurs, parmi lesquels le NPA, le Parti des Indigènes de la République, le Collectif des musulmans de France et l’Union générale des étudiants de Palestine. Parmi eux, plusieurs dizaines de casseurs. La manifestation commencée dans le calme dégénère en scène d’émeute, lorsque les forces de l’ordre tentent de s’interposer. Ils sont vivement pris à partie par certains manifestants qui leur lancent cailloux, pétards et autres projectiles et ripostent avec des gaz lacrymogène. Bilan : une vingtaine de policiers et de gendarmes blessés, une quarantaine d’interpellation et de nombreux biens publics, dont des cabines téléphoniques, des supports publicitaires et deux camionnettes de la RATP détruits. I-télé filment des jeunes brûlant des drapeaux israéliens.
Le lendemain dimanche, la banlieue est contaminée par cette violence qui cible la communauté juive. A Sarcelles, une ville de 60 000 habitants du Val d’Oise surnommée « la petite Jérusalem » eu égard à l’importante communauté juive séfarade qui y vit depuis des décennies, un nouveau rassemblement lui aussi interdit par les autorités réuni dans la soirée plusieurs sympathisants pro-palestiniens. Les casseurs qui ont infiltré les rangs des manifestants réussissent effectivement à s’en prendre à des commerces appartenant à des israélites. En criant à nouveau « mort aux juifs ». Une pharmacienne présente dans la ville depuis des décennies, l’épicier casher dont l’établissement avait déjà été la cible d’un attentat à la grenade il y a deux ans, verront leurs enseignes attaquées par les flammes. Dans le même temps, des voitures et des poubelles sont brûlés et d’autres commerces vandalisés. Un élu syndicaliste évoque une « vraie guérilla urbaine », tandis que le maire socialiste de la ville, François Pupponi, dénonce pour sa part « la haine contre l’autre exprimée en plein jour », ajoutant que « la communauté juive a peur ».

Antisémitisme
Selon le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, jusqu’à sept synagogues ont été victimes d’agression, depuis le début des manifestations. Les analystes sont pourtant unanimes à reconnaitre que les juifs de France n’ont rien à voir avec ce qui se passe actuellement dans la bande de Gaza. Où la nouvelle escalade de violence fait suite à l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes israéliens, suivi par l’assassinat tout aussi lâche d’un jeune palestinien, vraisemblablement brûlé vif, par des extrémistes juifs. On sait qu’après ces crimes, le Hamas, l’organisation islamiste qui tient la bande de Gaza a déclenché les hostilités et refusé un cessez-le-feu proposé par Israël. En un peu plus de deux semaines d’affrontement, le bilan est lourd, avec plus de 815 morts côté palestinien et 36 côté israélien.

© Fred Dufour / AFP Haïm Korsia (grand rabbin de France)

© Fred Dufour / AFP Haïm Korsia (grand rabbin de France)

« La haine qui s’exprime n’est pas liée à ce qui se passe à Gaza. Si c’était vraiment lié à l’actualité internationale, on aurait vu des gens manifester à Paris contre ce qui se passe en Syrie ou des massacres de populations dans le monde. Mais non, ce qui s’exprime c’est l’obsession anti-israélienne et antisémite. Une haine qui se manifeste au quotidien même quand il n’y a pas de guerre : des jeunes juifs sont frappés dans le métro, dans la rue… », analyse Haïm Korsia, Aumônier général des armées et nouveau grand rabbin de France, connu pour ses efforts dans le dialogue interreligieux.
Journaliste multimédia, Natacha Polony ne dit pas autre chose, dans une tribune publiée dans Le Figaro. «L’antisémitisme des banlieues a crû parallèlement à une radicalisation religieuse savamment entretenue par certains imams salafistes gracieusement fournis par des puissances du Golfe. Le drame des populations palestiniennes n’était alors qu’un opportun catalyseur. » Et d’ajouter : « C’est dans les manifestations contre la loi sur les signes religieux à l’école, en 2003 et 2004, qu’on entendit les premiers «mort aux Juifs.» Pour le Premier ministre Manuel Valls, « L’antisémitisme «se répand dans nos quartiers populaires, auprès d’une jeunesse souvent sans repères, sans conscience de l’histoire qui cache sa «haine du Juif» derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’Etat d’Israël ».
Du coup, dans la communauté juive règne une profonde inquiétude. Certains évitent de se montrer avec des signes religieux trop évidents, tandis que d’autres envisagent de quitter la France. Selon Oded Forer, directeur général du ministère de l’Immigration israélien, plus de 5.000 juifs de France vont immigrer en Israël en 2014, un record depuis la création de cet Etat il y a 66 ans.
Les autorités tentent de rassurer les juifs de France. Pour, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, « les juifs en France ne doivent pas avoir peur ». Son collègue de l’Intérieur Bernard Cazeneuve assure de son côté que la communauté juive « sera protégée par le gouvernement ».
Pour Frédéric Haziza, journaliste à LCP et à radio J, « la République représente justement cet élan pour vivre ensemble sans exclusive. Il est du devoir des Républicains, de le rappeler, de s’unir et de faire du retour à la cohésion sociale une «grande cause nationale».
Pour le grand rabbin de France, la situation invite à faire un diagnostic de cette « haine des juifs qui « s’habille des oripeaux de l’antisionisme », Puis à « mettre en route des mesures de formation de la jeunesse, un contrôle de ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux et les satellites, qui arrive du monde entier et qui diffuse la haine ».

Printemps arabe : Les femmes vont-elles faire leur révolution ?

[Par Maha HASSAN]

Traduit de l’anglais au français par Quentin Davidoux.

Cliquez ici pour lire l’article en arabe paru dans le blog de Maha Hassan, le 1er Avril 2014.
Cliquez ici pour lire l’article en anglais paru dans le site du Heinrich Boell Stiftung, le 24 Avril 2014.

Je suis venue au monde comme une femme : avant la révolution syrienne.
Je ne nie pas avoir oublié parfois que je suis une femme, préoccupée par l’écriture et la vie, et obsédée par mon pays qui oscille entre les berges de la mort. Au moment où j’ai commencé à écrire, j’avais longtemps ignoré  que j’étais une femme. L’éducation masculine que j’ai reçue m’a poussée à renier mon sexe et je sentais mon infériorité du fait de ma féminité ; par ailleurs les modèles féminins apparus dans les domaines littéraire et médiatique ne m’ont jamais captivée, le rêve qu’ils poursuivaient n’ont jamais du reste croisé le mien.

Protester contre le harcèlement sexuels et la échecs de la police. Syndicat de la presse. Photo: Hossam el-Hamalawy. Creative Commons LizenzvertragThis image is licensed under Creative Commons License.

Protester contre le harcèlement sexuels et la échecs de la police. Syndicat de la presse. Photo: Hossam el-Hamalawy. Creative Commons LizenzvertragThis image is licensed under Creative Commons License.

Mes rêves étaient masculins. Je m’identifiais aux hommes ; j’étais l’un d’entre eux : Sartre, Nietzsche et Hegel, puis Kafka et Proudhon, et, finalement, dans la période précédant mon éveil féministe, Dostoïevski, Kundera et beaucoup d’autres, tous, en fait. Dans ma vie privée, je rencontrais beaucoup de femmes exceptionnelles, mais aucune n’était une célébrité de la littérature ou du cinéma ; ainsi, à l’époque, je ne me rendais pas compte de leur distinction car mon jugement sur les autres était lié à ce qu’ils écrivaient.

Enfant, ma bibliothèque était remplie de livres de Camus, Sartre et Colin Wilson ; j’ai grandi comme un homme et c’était à eux que je m’identifiais. Peut-être qu’inconsciemment je détestais ce que j’étais : une femme.

Les textes de Nawal el Saadawi étaient nouveaux pour moi. Ce monologue me repoussait et ne me concernait pas. Je ne lisais pas les textes de Ghada Al Samman ou d’autres auteures arabes, et même des écrivains arabes, dont les textes me laissaient de marbre avec leur narcissisme, leur immaturité intellectuelle en quête d’une identité – d’une unicité, peut-être…

En grandissant, je fus soudain confrontée aux tabous sociaux. Je découvris que d’autres ne me voyaient pas comme moi je me voyais. Je ne me présentais pas comme une femme, mais ces gens-là, d’un coup de crayon (cette expression tombe à point nommée) me plaçaient dans la boite étiquetée « femme » et je subissais leur mépris et leur manque de respect. Dans un minibus à Alep, un jeune homme tenta de me violenter, et lorsque je le repoussai – comme son égal et non comme une créature inférieure à un homme –, il dit d’un ton menaçant qui me fit peur : « Ferme-la ou je te frappe devant tout le monde ! » . Je me tus, en victime, et subis ma peur. A ce moment-là, je réalisai que j’étais une femme, et que mon identité dans les sociétés de l’est était déterminée par mon corps, non par mon esprit. Jour après jour, les barrières s’érigeaient toujours plus hautes devant moi, juste à cause de ma condition de femme. Beaucoup d’opportunités m’étaient refusées à cause de ce corps de femme, un corps, croyait-on, qui contenait un esprit différent de ceux des hommes.

En remontant mon chemin (encore un cliché) dans le monde des femmes, je me suis considérée comme une étrangère parmi elles. Car, dans l’environnement où je vivais, les femmes sont des dictionnaires d’elles-même, très différent du monde de ces hommes qui m’éduquèrent : mes pères. J’eus de nombreux pères : Sartre, mon père spirituel ; mon père biologique ; Khaled, mon père intellectuel ; et bien d’autres…

Je me suis retrouvée comme une étrangère dans le monde des femmes : des tentatrices, des mangeuses d’hommes avec de la ruse, de l’intuition et une foule d’autres qualités que je ne comprenais pas. Troublée, je comptais me trouver un endroit qui me correspondrait mieux, et un ami me dit : « Une vraie femme couche avec des douzaines d’hommes sans qu’aucun ne le découvre. Tu es trop transparente ». Mes amis considéraient que la féminité chez une femme vient de sa capacité à tourmenter les hommes, or, j’étais très loin de la tourmenteuse idéale : à travers mes lectures et mon éducation, j’avais appris à croire en l’égalité parmi les êtres et au respect mutuel. « Transparence » était mon mot d’ordre dans la vie, et je finissais par être accusée d’un manque de féminité. Moi, une femme élevée dans le scepticisme, avec Descartes, Nietzsche et la pensée rationnelle, comment pouvais-je m’en tenir à une féminité consistant à suggérer mais jamais déclarer, flirter et manipuler, approcher et reculer… ? Des garçons plus jeunes que moi m’enseignèrent la chose : fais-le danser, mais garde-le dans l’incertitude…et j’échouais. En cherchant à me rapprocher des hommes, je découvris aussi leur hypocrisie ; une hypocrisie qui, à de rare exceptions près, était en quête d’une compagne libérée, une sœur ou une femme, qui ne se révélerait devant personne d’autre.

Je baissai les bras. Je ne suis pas un homme fourbe, une femme dissimulatrice. Je suis une écrivaine. Je me réfugiai dans la narration et commençai à réévaluer ces femmes que j’avais précédemment ignorées. Et J’écrivis.
Je n’ai aujourd’hui pas l’intention de discuter des portraits des femmes dans mes récits, ou même de Daughters of the Wilderness, la nouvelle qui représente mon manifeste artistique, dans lequel j’annonce que je suis devenu une femme, là où un jour je m’étais détournée de mon sexe, convaincue que l’œuvre de l’écrivain n’avait rien à voir avec son genre biologique.
Je ne suis pas si féministe que ça, mais lorsque j’écris – écrire étant une des pierres angulaires de mon identité – je prends le parti des victimes, des plus faibles, et il est toujours clair pour moi que, en gros, la femme est constituante de ce parti, même si ce n’est pas toujours l’homme qui la rabaisse.
Marquez a dit qu’il était né pour raconter des histoires, et je crois que n’importe quel romancier contient cette vérité en lui. Moi aussi, je suis née pour raconter des histoires, mais notez bien : je suis née femme et j’ai laissé mon pays parce que j’étais une femme ; serais-je née homme, j’aurais subie moitié moins d’épreuves que ce que j’ai subi en étant une femme. Être une femme, c’est subir deux fois plus de douleurs : une part pour l’être humain et une part supplémentaire pour la femme.

A l’âge que j’ai maintenant, je ne crois pas que le sexe influence l’écriture, mais, alors que j’écris, une magnifique voix résonne : la voix de ma grand-mère, la voix de femmes disparues, et de celles qui restent, torturées, enchaînées, effrayées ; un chœur enfoui profondément en moi qui chante lorsque j’écris, et, voltigeant à travers mes textes, me rappelle le fait que je suis, comme elles, une femme.

La révolution en tant que femme : Lorsqu’un air printanier a atteint la Syrie.
Lorsque commença la révolution en Syrie, j’allai là-bas dans le même état d’esprit : comme une femme qui embrasse de nouveaux horizons et qui les sent avec son capteur interne… Un mélange d’instinct biologique et de connaissances acquises lors d’une vie de lectures et d’expériences théoriques.

Je m’engageai dans la révolution en tant que femme. Une femme qui croyait à son rôle, non comme une fonctionnaire au sein des systèmes des parties politiques, associations ou croyances majoritaires, mais comme une personne entrant spontanément dans la chaîne et la trame de l’expérience des autres : de leurs douleurs, leurs injustices, leur rébellion, leur liberté…
La révolution entame sa quatrième année, et de jour en jour, la marée de sang, de mort et de destruction augmente.

Une femme… pardon : je voulais dire une révolution à laquelle nombreux rêvaient : une femme belle et impartiale balayant une histoire d’injustice, de discrimination et de désespoir imposé transformée chaque jour en cadavre pour réapparaître le suivant, l’espoir serré dans son poing.
Une femme… pardon : je voulais dire une révolution qui sait qu’elle doit traverser un champ de mines placé en travers de ses espoirs les plus chers, traverser une foule d’hommes, l’un après l’autre essayant de la couvrir d’un voile, de la dissimuler, de la guider, comme s’il était son mari légal et officiel.

Djihad, islamisation, militarisation, chacun avec leurs objectifs et étapes soigneusement définis. La révolution est passée de main en main, de slogan en slogan ; elle esquive et glisse à travers et au-delà des camps des belligérants et en ressort inaltérée, franchissant carrefour après carrefour, barrière après barrière, d’une prison idéologique à une autre, la tête haute et sur les lèvres : « Je suis la Révolution ; je ne suis pas comme vous. »
Beaucoup d’hommes se prétendent son protecteur, pour la représenter et faire respecter sa légitimité ; ils y sont aidés et encouragés par des femmes, alors que les filles de la révolution souffrent et sont violentées. Mais la révolution… pardon, la femme, qui connaît et comprend les stupidités de ses enfants, tant légitimes qu’illégitimes, ceux qui frappent à sa porte et affirme en pleurant qu’elle est leur, elle leur ouvre la porte à tous, car la femme… pardon, la révolution, rejette la discrimination.

C’est son coté sentimental, sa faiblesse peut-être, qui l’empêche de claquer la porte sur ceux qui viennent, animés de bonnes intentions, ou de mauvaises, pour l’aider. Aujourd’hui, elle est femme, femme au sein d’une révolution : c’est la formulation adéquate, la formulation qui transmet sa justice et sa droiture.
Un révolutionnaire ne respectant pas la femme ne mérite pas la gloire de la révolution. Quiconque essaye de soustraire la femme ou de la faire taire est contre les deux, femme et révolution.

Quiconque enlève les femmes est contre les deux ; quiconque empêche les femmes d’obtenir ce qui leur appartient de droit, qui leur jette de la mie de pain comme compensation de leurs pertes, est un ennemi de la femme et de la révolution.
Lorsque la femme est en danger, la révolution est en danger, la société est en danger, l’homme est en danger. La femme est la base de la révolution. La révolution est en danger si la femme est en danger : la femme est la pierre de touche de la révolution.
La révolution est en danger lorsque Samira Khalil, Razan Zeitouneh et bien d’autres femmes et hommes sont retenus par ceux qui affirment être les enfants de la révolution. Les deux femmes ont été enlevées le 10 décembre 2013 par un groupe d’hommes armées anonyme qui a attaqué le Centre de documentation des violations de Douma, ville proche de Damas. Ils ont enlevé les deux activistes, ainsi que deux de leurs collègues masculins, Wael Zeitouneh (le mari de Razan) et Nazim Hamadi, dont on est toujours sans nouvelle à ce jour.

C’est ce qu’est la révolution, comme l’histoire des femmes : les ennemis brandissent des slogans abscons, s’abritant derrière pour atteindre leurs buts, pendant que la révolution, ou la femme, demeure la moindre de leurs préoccupations.
La même chose se vérifie à travers l’histoire schizophrénique des hommes : les hommes qui défendent les droits de femmes avec lesquelles il n’ont aucun lien biologique ou légal bafouent ces mêmes droits chez eux pour bien montrer que ce sont eux qui dirigent.
Certains hommes blanchissent leurs dossiers honteux avec un liquide nettoyant magique appelé « les problèmes des femmes ». Ainsi, dans la révolution, nous pouvons aussi trouver ceux qui tentent de dissimuler les sombres taches qui gangrènent leurs pensées, comportement et intentions, avec cette javel occulte qu’est la révolution.

On ne peut pas se fier à ce qui ne peut pas être féminisé. Les révolutions qui ne peuvent pas être féminisées ne sont vouées qu’à devenir des champs de batailles et des massacres mutuels. La révolution se porte bien si la femme en son sein se porte bien. La révolution se porte bien quand tous baissent la tête devant les femmes et brandissent haut leurs images, comme l’ont fait d’autres nations. Les Français, par exemple, brandissent toujours l’image de Marianne, inébranlable, plus puissante que les portraits de leurs dirigeants. Marianne, l’incarnation de la république française, la femme à bonnet dont les statues et les peintures sont à l’honneur lors des célébrations républicaines, qui fait jeu égal avec le drapeau. Le choix du nom, cela dit, demeure un mystère. Marie-Anne était un prénom très populaire au XVIIème siècle, et souvent utilisé comme un diminutif pour « le peuple ». Sous la révolution, Marianne en vint à symboliser la liberté et la République. Elle servit d’inspiration pour nombre d’œuvres, comme le tableau d’Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple.

La révolution est une femme. Libre, elle n’a pas besoin de pères, de guides ou de chefs. Elle a besoin d’enfants qui travaillent avec l’amour et la foi du changement, et de prendre fait et cause pour les femmes (en particulier) et pour l’espèce humaine.

Le printemps, les femmes et la culture.
L’an dernier, en mai 2013, j’ai pris part à un forum d’une manifestation culturelle ayant lieu pour marquer la fondation du PEN au Liban, et faisant partie d’une série d’événements organisées en collaboration avec PEN international, et avec le support du festival de Hay. La discussion au forum tournait autour des révolutions arabes et des femmes.

Ce qui fut alors dit à propos des droits des femmes semble maintenant presque complaisant à la lumière des derniers événements en Syrie : ce serait comme tenter de sauver un livre d’un bâtiment en flamme s’écroulant autour de ses occupants. J’ai souligné mon rejet de la militarisation de la révolution et de l’arrivée au pouvoir des groupes islamistes parce que j’étais sûr qu’ils supprimeraient le peu que les femmes avaient réussi à obtenir. J’ai dit qu’il n’était possible de ne parler des droits des femmes qu’en temps de paix, que les femmes elle-mêmes pourraient être les grandes perdantes en temps de paix comme en temps de guerre. J’ai révélé le niveau de despotisme dans la société arabe, affirmant que les sociétés arabes sont profondément despotiques, et que ce despotisme dans nos pays est complexe, comme des couches sédimentaires. Si l’on retire la couche du despotisme politique, on trouve le despotisme religieux. En retirant celle-ci, le despotisme familial est révélé. cycles après cycles, la plupart emmenée par une femme qui, comme l’homme, est la victime de chacune de ces couches, mais est finalement aussi la victime du despotisme de l’homme, quand bien même celui-ci fut peut-être lui-même la victime d’une oppression antérieure. C’est comme si la femme habitait dans un champ de clôtures de barbelés. A la fin, la femme est la grande perdante, perdante en temps de paix comme en temps de guerre. Et maintenant, alors que des révolutions ont lieu autour d’elles, révolutions pour lesquelles elles n’ont pas le choix de prendre les armes (principalement par le fait que la majorité des femmes s’y oppose, encore que cela soit un problème profond et épineux lié à la recherche des tendances instinctivement pacifiques des femmes et de leur prédilection pour l’esprit de famille, l’habitude et des processus de changement rationnels et sans confrontation), les femmes n’abandonnent pas et poursuivent leur lutte non-violente au sein de cycles verrouillés de violence.

Une discussion sur les violences commises par tous les partis ne signifie à aucun moment que nous mettons sur un pied d’égalité la victime et l’auteur, mais cela implique d’obliger les femmes à entrer dans une lutte qui n’est pas la leur en leur qualité de citoyenne et d’égaler le partenaire qui s’engage en politique, dans la société civile ou dans des actions d’aide publique, tout en payant parallèlement deux fois ce que paierait un homme. A la fin, pour une écrasante majorité, elle est un objet et un symbole, jamais une entité indépendante. En temps de guerre elle est une otage, en temps de paix l’honneur de la famille : dans les deux cas un symbole avec des valeurs génériques et jamais une personne en soi. Les femmes sont la fille, l’honneur et la honte, la première de la famille, puis du clan, puis des environs, puis du pays.

Les femmes prises dans la révolution ne se sentent pas immédiatement concernées par leurs droits. Bien sûr, quelques faibles efforts sont faits par des collectifs de femmes et des associations qui œuvrent pour informer et contrôler la situation des femmes en Syrie et les violations de leurs droits, mais au regard des massacres et des meurtres de masses, de tels efforts semblent irréalistes.
La femme perd parce qu’elle met ses droits de côté, parce qu’elle rejoint les hommes dans une révolution qui, selon elle, va garantir ses droits en tant que citoyenne et le concept même de citoyenneté, ce qui devrait nécessairement lui assurer ces droits et l’égalité. Mais tout ça n’est que théorie, parce que la réalité, c’est que les révolutions dans les pays avoisinant ont laissé la place à des régimes dictatoriaux, des régimes dictatoriaux de nature différente certes, mais, pour la femme, une dictature religieuse n’est pas moins dangereuse et abusive qu’une dictature politique. Les Syriennes ne sont pas descendues dans la rue pour défendre les conseils de la Charia ou la mise en place de punitions islamiques. Elles sont descendues dans la rue pour la défense de concepts civils et contemporains : pour la justice et l’égalité.

Il y a ensuite la tyrannie sociale, lorsque les femmes souffrent de l’autoritarisme masculin : le diktat du frère, du mari, du fils du voisin ou du cousin. Tous ces hommes ont des droits sur la femme parce qu’elle porte leur honneur et leur honte. Il n’y a pas de période de post-oppression : à la tyrannie d’aujourd’hui en succède toujours une autre.

La plus profonde couche de tyrannie que les femmes doivent combattre est celle de l’homme réactionnaire, l’ombre dissimulée derrière tous les hommes occidentaux qui les empêche de considérer la femme comme leur égal. La présence des femmes aux conférences culturelles et politiques est symbolique. Au fond d’eux, les hommes pensent que la femme leur est inférieure, qu’elle a besoin de conseils, et certaines femmes s’identifient à ce courant de pensée masculin, elles oppressent leurs semblables et souscrivent avec une infériorité subconsciente à cette idée que l’homme est un protecteur. Elles se blottissent contre les hommes et recueillent les bénéfices : contentement, protection et sensation de sécurité.

Parce que la femme est la garante de l’honneur, et parce que tous les hommes ont le droit d’intervenir dans ses affaires pour protéger cet honneur, il en résulte que même ces femmes qui se sont élevées contre le régime se sont heurtées à la religion et à l’autorité patriarcale une fois le pouvoir du régime mis en pièces. C’est ce qu’il s’est passé pour Samira Khalil et Razan Zeitouneh qui se sont battues contre le régime et le despotisme politique, et sont devenues en fin de compte les premières victimes de la révolution « patriarco-religieuse » qui, identique en cela au régime, réprima leur liberté et les enferma.