Articles

IRAN – Massoumeh Raouf: «Le régime n’a plus aucune base populaire»

À la fin du mois de juillet 1988, des dizaines de milliers de prisonniers politiques sont exécutés en Iran. À l’occasion du trente-deuxième anniversaire de ce massacre, Massoumeh Raouf, ancienne prisonnière politique, auteure de la bande-dessinée «un petit prince au pays des mollahs» et membre du Conseil nationale de la résistance iranienne décrit les évolutions du régime et de la société de son pays depuis 1988.

Dans votre livre «un petit prince au pays des mollahs», vous rendez hommage à votre frère, exécuté lors des massacres de 1988. Pouvez-vous nous raconter comment un tel événement a pu se produire une dizaine d’années seulement après la révolution de 1979?

Durant plusieurs décennies, le Chah a régné en Iran. Les révolutions de 1979 l’ont détrôné. Rouhollah Khomeini est arrivé au pouvoir cette année-là et jouissait d’un grand soutien populaire.

Cependant, son discours a changé lorsqu’il a pris la tête de l’Iran et qu’il a établi une République théocratique islamique. Il a imposé sa parole et sa pensée à tout le pays. Il ne fallait en aucun cas le critiquer sous peine de subir de lourdes répercussions.


Après la révolution, 120 000 jeunes ont été exécutés, dont 30 000 opposants politiques, tués en 1988 sous les ordres du Guide Suprême Khomeini. Mon frère Ahmad Raouf Basharidoust a subi le même sort.


D’un autre côté, l’Organisation des Moudjahidines du peuple avait une vision beaucoup plus moderne et progressiste vis-à-vis de l’islam.

Nous avons rejoint ce mouvement avec mon petit frère Ahmad. Nous étions des fervents défenseurs du parti. Nous voulions changer le cours de l’histoire. Mais, les choses ne se sont vraiment pas passé comme prévu.

Khomeini a commencé à réprimer toute forme d’opposition qu’il ne supportait pas. Il justifiait ses actes en prônant l’argument de l’islam et la charia.

Après la guerre Iran-Irak, toute la population s’attendait à une ouverture du régime. Ce ne fut pas le cas.

Après la révolution, 120 000 jeunes ont été exécutés, dont 30 000 opposants politiques, tués en 1988 sous les ordres du Guide Suprême Khomeini. Mon frère Ahmad Raouf Basharidoust a subi le même sort.

Massoumeh RAOUF portant la photo de son frère assassiné en 1988 par le régime iranien.

Rouhollah Khomeini meurt un an après ces événements. Le mode de gouvernance du régime s’est-il modifié depuis 1988?

Il n’y a eu aucune évolution du régime des mollahs. Le principe reste le même: le guide suprême dirige le pays et les institutions… Officiellement, des élections au suffrage universel ont lieu pour élire le Président et les députés du Majlis [Parlement monocamérale].


Les femmes ne détiennent aucun droit. Il suffit d’enlever son hijab pour être envoyée en prison. Aucun média d’opposition et indépendant ne couvre l’actualité dans le pays.


En réalité les élections ne sont que des pièces de théâtre puisque le Conseil des Gardiens les contrôle fermement. Il est composé de six clercs désignés par le guide suprême et six juristes nommés par le chef de la justice. Ce conseil vérifie et valide la candidature des personnes qui se présentent.

Nos libertés et nos droits continuent d’être bafoués année après année. Le régime ne supporte aucune liberté individuelle. Les femmes ne détiennent aucun droit. Il suffit d’enlever son hijab pour être envoyée en prison. Aucun média d’opposition et indépendant ne couvre l’actualité dans le pays. Les articles de presse ne doivent pas contrarier le régime, sinon une vague de censure risque de se produire.

Un journaliste a par exemple consacré un article pour commémorer les 10 ans du grand massacre de 1988. C’était son dernier article en Iran.

De gigantesques manifestations se sont déroulées dès novembre 2019. Quelle est la portée de leurs revendications?

Des millions d’Iraniens sont descendus dans les rues pour manifester leur mécontentement face à ce régime inchangé depuis plusieurs décennies. Quarante ans auparavant, les citoyens croyaient au régime iranien. Mais ils ont subi tant d’abus et crimes qu’aujourd’hui ils n’acceptent plus cette situation et souhaitent renverser ce régime. 


Le gouvernement [iranien] a recommencé à exécuter les opposants politiques comme il l’a fait en 1988.


Dans ce contexte, le gouvernement a recommencé à exécuter les opposants politiques comme il l’a fait en 1988. Ils ont tout d’abord étouffé les manifestations, durant lesquelles près de 1500 personnes ont péri et 12 000 ont été arrêtées – le régime décompte quant à lui 300 morts. Récemment, des prisonniers politiques emprisonnés lors des manifestations sont également liquidés.

Malgré la forte répression, le régime n’arrive plus à contrôler et censurer la population. Je crois sincèrement que le mouvement enclenché en novembre 2019 a beaucoup de chance de le renverser. La population continue de se rebeller malgré cette répression. Ils ne peuvent plus nous tromper avec leurs slogans d’antan.


Aujourd’hui le désir populaire est de renverser le régime. Il tombera, c’est inévitable. Je ne sais pas quand cela se déroulera mais il faut garder la flamme de l’espoir. Si on perd cette flamme, c’est fini pour nous.


Le régime trompait les gens en opposant les deux factions pour donner une illusion démocratique aux élections – les modérés et les conservateurs. Nous étions totalement au courant de cette tromperie. En novembre 2019, les manifestants iraniens scandaient «nous ne voulons ni modéré, ni conservateur».  Le régime n’a d’ailleurs plus aucune base populaire.

Ils ont tenté d’afficher le contraire lors des manifestations en l’honneur du général Gassem Soleimani – numéro deux et bras armé du guide Suprême. Ils ont en réalité fermé tous les commerces et administrations et ont obligé les gens à participé à cette mise en scène. Je crois que c’est la fin de l’histoire des mollahs.

Au sein de ce pays privé de liberté, comment s’organise l’opposition au régime des mollahs?

L’opposition s’ordonne à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Dans un contexte de privation total de liberté, le Conseil national de la résistance iranienne est fondé en 1981 à l’initiative de Massoud Radjavi – dirigeant de la Résistance iranienne. Il regroupe différents partis politiques du pays: Organisation des moudjahidines du peuple iranien, Kurdes, Marxistes…

Je siège au sein du CNRI, composé de 540 membres. Nous avons adopté un programme pour préparer le pays à l’après-régime des Mollahs. Le CNRI dirigera l’Iran pendant six mois. Il organisera des élections libres sous l’égide de l’ONU et instaura la démocratie.

Le peuple iranien doit pouvoir exprimer librement ses choix. Aujourd’hui le désir populaire est de renverser le régime. Il tombera, c’est inévitable. Je ne sais pas quand cela se déroulera mais il faut garder la flamme de l’espoir. Si on perd cette flamme, c’est fini pour nous.

Dans la préface de votre livre, Ingrid Betancourt écrit que vous aviez «besoin de nous ramener [votre] frère vivant». Pouvez-vous nous en dire plus sur la volonté d’engagement de ce jeune frère ?

Pour moi Ahmad est toujours vivant. Il vit chaque instant à mes côtés. Je ne pouvais pas raconter son histoire autrement. 

Dans mon livre, c’est Ahmad qui raconte son histoire. Personnellement en tant que sœur c’est douloureux de parler des atrocités qu’il a subi. Pire, c’est voir l’indifférence de monde devant ce régime sanguinaire.

Ahmad est un exemple de la génération de la révolution qui a été écrasée par les mollahs. Elle a grandi si vite et si brillamment. Cette même génération qui a dit «non» à Khomeini et à ses bourreaux malgré les terribles conditions de détention. Une génération avec un rêve de liberté et de démocratie pour l’Iran.  

Après la révolution plus de 120.000 jeunes ont été exécutés par le régime des mollahs dont 30.000 en 1988 ont été exécuté en quelque mois. La majorité était membre ou sympathisant actif des Moudjahidine du peuple d’Iran, l’opposition démocratique aux mollahs.

Un dernier mot?

La lutte pour la liberté en Iran continu. En 1988, Khomeini, ce criminel impitoyable, a cherché à éliminer la résistance pour préserver son pouvoir. En vain ! Car la Résistance Iranien a survécu à tous les problèmes et obstacles et le mouvement pour la justice prend de l’ampleur en Iran et ne lâchera pas les mollahs.

Les générations qui sont nées après mon frère Ahmad sont aujourd’hui en quête de vérité et de justice pour les victimes du «plus grand crime commis sous la République islamique» comme l’a dit le 15 août 1988 l’ayatollah Montazeri, alors successeur de Khomeini.

Je vous assure que, le peuple iranien et sa Résistance ne connaitront pas de répit tant que les responsables du massacre des prisonniers politiques ne seront pas jugés. Nous continuerons à défendre la mémoire et les valeurs pour lesquelles Ahmad et ces milliers de héros ont donné leur vie.

L’organisation des moudjahidines du peuple iranien

L’organisation des moudjahidines du peuple iranien est un mouvement de résistance au Chah puis au régime des Mollahs. Allié de taille de Khomeini durant la révolution islamique, lors de son accession au pouvoir, le Guide Suprême réprime puis contraint à l’exil l’OMPI. Il représente le principal parti d’opposition et se caractérise de musulman progressiste.

L’OMPI croit en la lutte armée. Elle a été placée pendant quelques années sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis et par le Conseil de l’Union européenne avant d’être retirée. Le 11 mai 2011, le juge français Marc Trévidic rend «une ordonnance de non-lieu des chefs de l’OMPI de tous les faits terroristes.»

Devenue effective en France et en Europe, l’ordonnance considère l’OMPI comme une organisation de résistance et non terroriste.

«Le régime s’en est pris violemment aux vastes rassemblements de l’OMPI, qui en retour a mené des actes de violence mortelle contre les mollahs au pouvoir», explique dans un rapport d’évaluation indépendant, l’ambassadeur Lincoln Bloomfield Jr en 2011.

Le régime des mollahs a souvent cherché à associer l’OMPI à des actions hautement préjudiciables à son image, tout particulièrement en Iran, en Europe et aux États-Unis. Par exemple, ils ont mis sur le dos de l’OMPI l’attentat du 28 juin 1981 durant lesquel 74 membres du Parti de la République islamique ont été tués. L’OMPI dément avoir orchestré cet acte.

«Ceci ne signifie pas que toutes ces assertions potentiellement préjudiciables à l’OMPI soient fausses, mais [ce document] vise seulement à signaler que le gouvernement iranien, à plusieurs reprises, a dévoilé son jeu, livrant ces informations sans citer de sources aux média étrangers» note Lincoln Bloomfield Jr.

Il notifie également ce qui suit :

  • «L’OMPI, durant environ vingt ans après la révolution de 1979 en Iran, a commis des actes de violence ciblés contre les forces, les biens et les responsables du gouvernement révolutionnaire iranien, sans pour autant commettre aucun acte de violence aveugle contre des civils innocents.»

Avant 2002, des unités de résistance des moudjahiddines du peuple d’Iran ont par exemple tué Assadollah Lajevardi, procureur des tribunaux de la révolution islamique de Téhéran, surnommé « Le Boucher » de la sinistre prison d’Evine.

  • «Il n’existe apparemment aucune trace d’actes de violence perpétrés par l’OMPI depuis 2001 ou 2002.»

D’autres articles

Bangladesh – La liberté d’expression captive du gouvernement

Les journalistes bangladais vivent une période mouvementée. Les atteintes à la liberté de la presse se multiplient. Quels sont alors les leviers utilisés par le gouvernement dirigé par la Première ministre Sheikh Hasina pour museler la presse au Bangladesh ?

Shariful Chowdhury, Shelu Akand, Mostafizur Rahman Suman, la liste d’attaques à l’encontre des journalistes s’amplifie chaque mois. En juin 2020, cinq ONG de défense de la liberté de l’information ont interpellé la Première ministre, Sheikh Hasina à ce sujet.

Fondée en 1994, et membre de la fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), l’organisation Odhikar se charge de protéger les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels bangladais. Elle publie chaque année depuis 2003 un rapport d’activité dans lequel est abordé le thème de la liberté de la presse.

Dans ses deux derniers dossiers, durant la période de janvier à juin, Odhikar a décompté au Bangladesh 39 journalistes blessés au cours de l’exercice de leur métier, 18 agressés, 12 attaqués, 7 menacés, 1 arrêtés et 42 poursuivis en justice. Un total qui atteint déjà 119 actes à l’encontre des journalistes locaux en seulement 6 mois.

Plus généralement, en 2018 et 2019 – depuis l’investiture pour un troisième mandat consécutif de la Première ministre, Sheikh Hasina – 126 et 104 agissements contre les journalistes et médias ont été respectivement recensées par Odhikar.

Les illustrations décrites par la suite représentent et incarnent un aperçu du quotidien vécu par les journalistes exerçant leur métier au Bangladesh.


«La gravité et la recrudescence des violences perpétrées contre des journalistes qui faisaient simplement leur travail atteint un niveau inadmissible»


En termes d’exemple, au cours du scrutin municipal du 1er février 2020 dans les districts nord et sud de Dacca, une dizaine de journalistes qui couvraient l’événement ont été pris d’assaut par des militants de la Ligue Awani (AL) – parti du gouvernement au pouvoir.

Après avoir eu écho d’irrégularités dans le bureau de vote de l’école Nikunja Jan-e-Alam, le correspondant spécial de l’agence Press Bangla (PBA), Zisad Ikbal s’y est rendu pour enquêter. Lorsqu’il tente d’entrer dans le centre pour obtenir des informations, il est attrapé et roué de coups par des militants de l’AL.

Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters Sans Frontières interpelle les autorités locales.

«La gravité et la recrudescence des violences perpétrées contre des journalistes qui faisaient simplement leur travail atteint un niveau inadmissible. Nous appelons l’inspecteur général de la police, Javed Patwary, à tout mettre en œuvre pour que les auteurs de ces attaques systématiques soient traduits en justice. Surtout, compte tenu des liens des assaillants avec le parti au pouvoir, le secrétaire général de la Ligue Awani, Obaidul Quader, doit prendre des mesures immédiates pour exclure de ses rangs les militants qui refusent le rôle d’une presse libre dans le jeu démocratique.»

Cette violence à l’encontre des journalistes s’est ancrée dans leur quotidien. Témoigner, enquêter et investiguer à propos de dirigeants politiques ou de corruption, riment avec menace, agression et risque pour sa propre vie.

Shelu Akand, journalistes pour le quotidien Palli Kantho Protidin, et correspondant du magazine Bangla Bazar Patrika à Jamalpur – nord du Bangladesh – enquêtait au sujet des activités d’Hasanuzzaman Khan, conseiller municipal, et de son fils Rakib, dirigeant local du Bangladesh Chhatra League à Jamalpur – branche étudiante de la ligue Awani.

Il devait également témoigner des brutalités orchestrées par ces deux personnages – notamment le passage à tabac de son confrère Mustafa Monju. Shelu Akand a été de nombreuses fois menacées par la famille Khan. Sans protection, il frôle la mort le 18 décembre 2019 après avoir été tabassé par une dizaine d’individus. Le frère du journaliste a déposé une plainte et Rakib Khan a été arrêté jeudi par la police.

Plus récemment, au 1er avril 2020, un groupe dirigé par l’un des leaders du syndicat Aushkandi Union Parishad Chairman de Nabiganj et de la ligue Awani, Muhibur Rahman Harun, ont attaqué le correspondant du quotidien Pratidiner Sangbad, Shah Sultan Ahmed. Ce dernier avait alors mis en exergue des irrégularités dans la distribution de riz adressée par le gouvernement et destinée aux personnes précaires. Il affirmait que chacun des nécessiteux auraient dû recevoir 10 kg de riz, mais Muhibur Rahman Harun en aurait donné simplement 5 kg.

Un arsenal législatif taillé sur mesure

La répression de la liberté de la presse s’appuie donc sur deux piliers. Outre l’indulgence de l’Etat central et son consentement tacite, les lois en vigueur offrent un contrôle total et légal des médias locaux.

Les condamnations des dissidents du pouvoir se basent sur les lois pénales. Le gouvernement bangladais possède notamment dans son arsenal législatif la «Digital Security Act», loi de 2018 sur la sécurité numérique [DSA].

Cette dernière place en permanence sous pression les journalistes et asphyxie les libertés de la presse et d’expression. Venue remplacer et abroger une majeure partie de la loi sur les informations et les technologies de 2006, en particulier l’article 57 tant décrié, la DSA étend et renforce en réalité la répression.

L’article 21 de cette loi prévoit une peine de 10 ans de prison pour quiconque s’aviserait d’organiser «toute propagande ou campagne contre la cognition de la guerre de libération, le père de la nation, l’hymne national ou le drapeau national.» En cas de récidive, l’individu risque une réclusion à perpétuité.

La cognition de la guerre de libération est définie dans la loi comme: «Les grands idéaux qui ont inspiré notre brave public à se consacrer à la lutte de libération nationale et nos courageux martyrs à déposer leur vie pour la cause de la libération, les idéaux du nationalisme, du socialisme, de la démocratie et laïcité.»

Cette définition large de sens, semble amplifier le champ d’action de cet article afin de permettre au gouvernement d’étouffer les critiques au nom de l’intégrité de la nation.

Une situation semblable pour l’article 25. Certains mots utilisés ne sont pas définis dans la loi et constituent un danger pour la liberté d’expression. Une information à caractère «offensant» pourrait être condamnable, bien que ce terme soit totalement subjectif. «Ternir l’image de la nation» est également utilisé, et pourrait donc permettre de poursuivre quiconque s’aviserait de critiquer le mode de gouvernance du parti au pouvoir.

Une analyse beaucoup plus approfondie est disponible sur le site d’Article 19, une association britannique œuvrant pour la promotion de la liberté d’expression et d’information.

En vertu de ces articles et de cette loi, le caricaturiste Ahmed Kabir Kishore a été arrêté pour avoir «diffusé sur Facebook des rumeurs et de la désinformation sur la situation du coronavirus», et «insulté l’image du père de la nation, l’hymne national ou drapeau national.»

Le caricaturiste avait alors publié une série de caricatures de personnages politiques bangladais intitulée «La vie au temps du corona».

Il mettait en cause des dirigeants du parti au pouvoir et les accusait de corruption dans le secteur de la santé. Il a été arrêté entre le 4 et le 6 mai par des agents du Bataillon d’action rapide (BAR).

«Journalistes, blogueurs et caricaturistes n’ont rien à faire derrière les barreaux pour avoir émis des opinions alternatives sur la façon dont les autorités gèrent la crise du coronavirus», s’indigne Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF.

Comme Ahmed Kabir Kishore en 2019, 42 personnes ont été arrêtées en vertu de cette loi pour avoir publié sous différentes formes des critiques du gouvernement, ou des personnalités éminentes de l’Awani League. Une pratique qui s’est accrue lors de la récente pandémie du Covid-19. Entre janvier et juin 2020, 96 personnes ont été arrêtées.

Il en résulte directement une auto-censure de plus en plus forte au sein des rédactions pour se protéger. D’autant plus que selon l’article 36 de loi de 2018 sur la sécurité numérique.

«Dans le cas d’une société qui commet une infraction à la présente loi, tous ces propriétaires, directeurs généraux, administrateurs, gérant, secrétaire, actionnaire ou tout autre dirigeant ou employé ou représentant de l’entreprise ayant un lien direct avec l’infraction sera considéré comme le contrevenant à moins qu’il ne puisse prouver l’infraction a eu lieu à son insu ou si il a pris toutes les mesures possibles pour arrêter la commission l’infraction.»

«En tant que responsable-éditorial, je me sens triste de devoir abandonner un papier qui a pris plusieurs jours de travail de la part d’un journaliste. Mais je prends cette décision pour l’unique raison de devoir protéger le journaliste car je sais qu’il y a des risques à le publier», avoue Matiur Rahman Chowdhury, responsable-éditorial du quotidien Manab Zamin au journal The Indian Papers en décembre 2018.

Le Bangladesh a pourtant ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. L’article 19-2 de ladite loi affirme que “toute personnes à droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.”  L’ayant signé en 2000, le Bangladesh s’est légalement engagé à respecter ce droit fondamental.

L’article 39 de la constitution du Bangladesh garantit de même les libertés d’expression, de pensée et de conscience.

Une situation d’autant plus contradictoire alors que Sheikh Hasina affirmait le 19 décembre 2018, après la ratification de la loi sur la sécurité numérique: «Le gouvernement croit fermement à la liberté de la presse. Personne ne peut dire qu’on n’a jamais réduit quiconque au silence […] nous n’avons jamais fait ça, et nous ne le ferons toujours pas.»

D’autres articles

EGYPTE – Episode 4 – La peur et la dépression contaminent la société égyptienne

EGYPTE – Episode 4 – La peur et la dépression accompagne la société égyptienne


«Je ne peux pas dormir, je ne peux plus penser, je me sens détruite» m’écrit la mère d’Hossam tard dans la nuit.


La famille d’Hossam attend. Que se passe-t-il pour lui ? Le manque d’information dévore de l’intérieur. Certains jours, sa mère est pleine d’espoir. Quelques temps plus tard, elle désespère. Ce rythme s’impose au quotidien. 

Durant les premières semaines de détention, j’ai observé la lente détérioration psychologique de la mère d’Hossam. Une souffrance profonde qui l’accompagne. Elle a beau imaginer où est son fils, ce qu’il fait, avec qui il est… Son seul désir, c’est sa sécurité malgré les rumeurs de torture en prison, et l’espoir d’un retour à la maison.

Ce n’est pas que dans sa tête que la mère d’Hossam perd pied face à l’emprisonnement de son fils : Un jour, la famille se préparait à visiter le fils en prison ; Le lendemain, la visite est reportée. Incertitude, frustration, impuissance ont infesté la maison d’Hossam pendant son absence. Le moral est atteint. 

L’impact de la répression sur les égyptiens

Derrière chaque citoyen égyptien détenu (sans motif et le plus souvent torturé), il y a toujours une famille, des amis, des collègues… Ces personnes ne sont pas seulement affectées psychologiquement par l’absence de leur proche, elles sont aussi menacées par le gouvernement.

Durant ces derniers mois, le gouvernement a étendu la répression aux proches, y compris les parents de ceux qui sont considérés dangereux pour la sécurité du pays. Nous avons plusieurs exemples. Lors d’une descente de police en janvier 2020, la maison d’un journaliste critique du gouvernement, Mohamed el-Gahry, a été perquisitionné, et finalement son frère a été arrêté.

Son frère n’est ni politisé ni revendicatif. Il est arrêté car c’est le frère de Mohamed el-Gahry. Donc, si Mohamed s’était rendu à la police, son frère serait libre. Project on Middle East Democracy («Projet sur la Démocratie du Moyen Orient») a rapporté après que la directrice du Carnegie Endowment’s Middle East Programme, Michelle Dunne: «C’est l’exemple le plus récent (parmi beaucoup) où les gouvernement égyptien cible des membres de famille des dissidents».

En conséquence, des milliers d’égyptiens sont affectés directement et indirectement par la répression. C’est un processus de détérioration graduelle de la santé mentale d’une société entière car elle atteint psychologiquement les familles égyptiennes. Il y a de quoi être angoissé. 

Le Président d’Egypte Abdel Fattah al-Sissi

Les gens brisés par la répression égyptienne

«Sh’ab Maksour» signifie «les gens brisés». Ce sentiment est partout en Egypte, souffrir de la perte d’un être cher car il est enfermé n’a rien d’exceptionnel. En revanche, les souffrances qui sévissent au sein des familles prennent des formes très différentes.


«Je regarde autour de moi et tout ce dont je me souviens n’est plus là. Amis en prison, amis à l’étranger, amis déprimés chez eux. Je n’ai pas de choix, sinon celui de m’habituer à ce sentiment de manque»


Parmi la jeunesse égyptienne, des gens sont morts durant la révolution. D’autres ont été blessés et n’ont jamais récupéré physiquement ou mentalement, d’autres jeunes sont encore en prison ou ont été forcés de s’enfuir.

Et comme si cela ne suffit aps, les arrestations en masse dès septembre 2019 a enfoncé encore plus de famille dans cette crise étatique et sociale. Pour le peuple égyptien, la dernière décennie est devenue une succession de traumatismes difficiles à oublier.

«Je regarde autour de moi et tout ce dont je me souviens n’est plus là. Amis en prison, amis à l’étranger, amis déprimés chez eux. Je n’ai pas de choix, sinon celui de m’habituer à ce sentiment de manque» s’exprime un ex-activiste en regardant tristement les autres tables d’un café bondé au centre-ville du Caire.

J’ai observé en silence ce scénario se répandre autour de moi.

Des gens sont assis seuls en sirotant leur thé et café turque. Quelques hommes âgés fument la shisha et jouent au traditionnel tawla. Des groupes d’amis partagent un repas en plaisantant. Malgré ces scènes normales de la vie quotidienne, je pouvais percevoir les dures épreuves de la société égyptienne contemporaine avec ses effets durables sur le bien-être des gens. Or, les données officielles ne font que confirmer cette triste atmosphère.

Des études récentes montrent les problèmes psychologiques en forte augmentation ces dernières années. En aout 2019, le Centre National d’Etudes Sociales et Criminologiques a enregistré qu’au moins 25% des égyptiens souffre de problèmes psychologiques.

Le taux de suicides est aussi alarmant. Environ 150 jeunes égyptiens entre 25 et 30 ans se sont suicidés pendant les premier huit mois du 2019, selon la Coordination Egyptienne des Droits et Libertés (« Egyptian Coordination for Rights and Freedoms »). Lorsqu’en décembre 2019 l’étudiant Nader Mohammed, âgé de 20 ans, se jette d’un bâtiment de 187 mètres au Caire, les vidéos qui capturent son suicide sont devenues virales sur internet. Malgré le chox des images, les égyptiens n’ont aps été surpris.

«Il y a de nombreuses sources de pression sur les jeunes égyptiens, y compris les études, la famille, les attentes sociales et les problèmes économiques… La dictature actuelle nous empêche de supporter la vie en Egypte» me confie un ami en lisant les journaux.

Nader Mohamed, 20, threw himself from the top of Cairo Tower

Sensibiliser la population égyptienne

Dans ce contexte, aborder le problème de la santé mentale n’est pas une tache simple. Si d’un côté le stigma social associé avec les problèmes psychologiques empêchent beaucoup de gens d’exprimer leurs difficultés, de l’autre nous trouvons très peu de services disponibles.

Comme les institutions gouvernementales sont insuffisantes, les organisations citoyennes ont essayé de combler la fosse, mais pas sans enjeux.

Le Centre de Gestion – Réhabilitation des victimes de violence El Nadim a aidé des milliers d’égyptiens en fournissant des thérapies psychologiques et physiques. Le Centre a gagné le Prix Amnesty International Droits de l’Homme en 2018 et il continue courageusement ses activités malgré les nombreux obstacles qu’il rencontre, y compris sa fermeture administrative par la police en février 2018.

@picture-alliance/dpa/Polaris Images/Amnesty/D.smile

Il y a d’autres initiatives créatives qui contribuent à sensibiliser les égyptiens sur les questions de santé mentale. Dans les années qui ont suivi la révolution du 2011, le journal indépendant en ligne Mada Masr a lancé une section spéciale dédiée à la santé mentale en Egypte. La série d’articles publiée était une tentative de briser un tabou traditionnel dans la société égyptienne en créant une plateforme d’échange sécure et libre.

Les égyptiens unis dans la peur et dans la dépression

Peur et dépression se propagent dans l’esprit des gens. Elles sont accompagnées par des sentiments de vulnérabilité, d’insécurité et même de culpabilité : pour n’importe quoi tu peux être placé sans raison en détention. Cela affecte durement le bien-être général de la société égyptienne et de sa jeunesse révolutionnaire en particulier. L’esprit des grands espoirs et de l’attente ambitieuse et ouvertement démocratique du printemps arabe qui dominaient les rues d’Egypte en 2011 a été remplacé par la frustration, voir de l’indifférence.

Avec toutes ces émotions difficiles à partager et la répression aveugle qui pèsent sur les épaules des égyptiens, les expressions artistiques qui mentionnent les problèmes psychologiques sont appréciées avec enthousiasme par la population.

Cette nouvelle scène artistique est révélatrice de l’explosion d’énergie des gens qui chantaient les paroles de «Cherofobia» lors du dernier concert de la rock band égyptienne Massar Egbari. Des paroles simples et pénétrantes qui touchent le cœur des égyptiens, laissant sortir l’accumulation de sentiments négatifs tenus à l’intérieure trop longtemps.

I’m apologizing to you for my silence, when you want to talk

I’m apologizing for my existence, and apologizing for my absence

And that i tend to isolate, and row material for depression

And that i have Cherophobia, and severe lack of interest


Je m’excuse avec toi pour mon silence, quand tu veux parler

Et que moi j’ai Cherophobia, et une sévère manque d’intérêt

Je m’excuse pour mon existence, et je m’excuse pour mon absence

Et que je tends à m’isoler, et matière première pour la dépression


انا بعتذرلك عن سكوتي، وقت ما تحبي الكلام

وان عندي شيروفوبي ونقص حاد في الاهتمام

انا بعتذرلك عن وجودي، وبعتذر ع الغياب

واني مايل لانعزالي، ومادة خام للاكتئاب

« Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne », la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.

Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.

La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.

Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».

Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.

Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.

Autres articles

Chronicles from Egypt 3/4 – Searching for Justice

“Everyone has the right to life, liberty and security of person” the Universal Declaration of Human Rights (1948), Art. 3 recites.

This appears not to be the case in today’s Egypt, where reinforced security measures have increasingly been constricting Egyptian citizens’ life, liberty and security in the last years.

The government’s reaction to the wave of protests on September 20th, 2019 does not but confirm the presence of a policy of total repression under President Abdel Fattah al-Sisi’s rule.

Equally, the measures adopted to prevent any popular mobilization on the occasion of the anniversary of the Egyptian Revolution on January 25th, 2020 is highly indicative of the imposition of a state of total fear in the country.

A closer look into some everyday life stories of Egyptians cannot leave us indifferent.

Rather, it signals a worrying oppression leading to a deterioration, if not complete neglect, of human rights under what Project on the Middle East Democracy (POMED)’s Deputy Director for Policy, Andrew Miller, has called “the most repressive government in modern Egyptian history”.

Among the several stories that could clearly illustrate this scenario, we chose to present in a series of episodes the example of Hossam, who prefers to remain anonymous for security reasons. His vicissitudes since September 2019 stimulate a number of reflections on the current situation in a country that strongly prioritizes its national security but where citizens can hardly feel secure.

Episode 3 – Searching for justice: lawyers and human rights organizations at work

Let us go back to the tense moments following Hossam’s disappearance.

Suddenly, his family and friends found themselves into an unprecedented situation that required careful consideration. What were the best steps to take? Which were the most suitable people to reach out? Which organizations could help following his case? Who could be trusted?

With all these questions in mind and no time to waste, Hossam’s beloved ones quickly mobilized in his desperate search.

In reason of the distressing events of those days, major local human rights organizations were extremely responsive. Their Facebook pages were filled with documents explaining the most recommended procedures. Similar information were circulating through WhatsApp accompanied with phone numbers of trustworthy lawyers. A network of knowledgeable people were mobilizing to offer as much help as possible. Despite the unfavorable context, people falling into the unfortunate possibility of knowing anyone victim of enforced disappearance were not alone.

Few days after going to the local police station, Hossam’s family received the confirmation of what they had suspected from the very beginning. Hossam’s name appeared in the official list of people taken by the National Security near Tahrir Square on Saturday.

From that moment, the regular life of a tranquil family living in the Cairo countryside was turned ups and down. They had no choice but to start reach out lawyers, human rights organizations, local authorities in an attempt to bring Hossam safe back home.

Ahlam Almuetaqala (Dreams of the Detainee) Créateur: Inji Efflatoun Lieu: Egypt

The Egyptian fight against terrorism in court

After Al-Sisi takeover in 2013, fighting terrorism has represented the focal point in the official state discourse, progressively used after 2015 and further reinforced after last September protests. A comparative observation of the most recurrent charges suggests the arbitrary nature of legal justifications for the most recent detentions.

In addition to the accusation of “joining terrorist groups”, the charges of “spreading false news”, “misuse of social media” and “undermining national security” are persistently used. Under these very broad statements, it is evident that anyone could easily fall into the category of people to detain, as it was the case for Hossam.

As reported by Amnesty international in the weeks following the outbreak of protests, “The protesters and those arrested –who all face terrorism-related charges- have an extremely diverse range of age, socio-economic, gender and religious backgrounds, including non-political backgrounds”.

Human rights organizations have been pursuing several paths to review the penal code in order to bring more clarity to the reasons for detention in Egypt.

On December 14th and 15th, the National Council for Human Rights (NCHR) called for “the need to update and activate amendments”, especially with regards to pre-trial detention, but in vain. Rather, during the first months of 2020, the government proposed new legislative amendments to further toughen what human rights groups call the “draconian” 2015 anti-terrorism law. In fact, On February 10th, Egyptian parliament approved amendments to the anti-terrorism law, broadening the definition of terrorist activities and terrorist financing as well as imposing harsher sentences for terrorism-related crimes.

Lawyers and human rights organization at work: a strenuous struggle

In a country where the rule of law seems a mere abstraction, lawyers and human rights organizations could naturally be deluded. Nonetheless, many believers in the need for justice do not give up.

Remarkably, the weeks following the wave of arrests saw a well-orchestrated coordination of lawyers, human rights organizations, journalists, academics and activists denouncing that reality.

Numerous statements bringing light to the alarming application of law in Egypt were released. In October, NCHR called the last wave of arrest of people on the street unconstitutional. As a reaction, security forces mobilized all media outlets to criticize the council and his President, Mohamed Fayek, declaring that “he lacks knowledge of his own country’s laws”.

Although recurring to legal instruments to bring justice has proved to be extremely challenging, several lawyers continued their valorous struggle.

They were incessantly monitoring the situation, releasing essential information and taking action. Most importantly, they have put themselves at complete disposal of the community in need, sacrificing vital hours of sleep and any kind of personal life. A look into the Twitter and Facebook accounts of major lawyers reveals weeks of uninterrupted work, with posts published every hour, day and night.

Not only has that urgent scenario put a serious strain on lawyers’ psychological health, but it has also implied dangers for their safety.

Generally, an Egyptian lawyer defending sensitive causes can put his or her own life at risk. Remarkably, Ibrahim Metlawy, a lawyer working on the case of Italian PhD student Giulio Regeni murdered in Egypt during his field research, was arrested, detained and tortured in September 2017.

Last September scenario further proved the current criminalization of human rights. Not only detention and torture, but also harassment and threats are recurrently adopted to discourage this activity. Among others, Human right lawyer and executive director of the Arabic Network for Human Rights Information (ANHRI) Gamal Eid was assaulted by a dozen of armed men who he suspected were police officers as reported by BBC on December 30th, 2019.

Gamal Eid posted a picture of himself covered in paint after the alleged attack-BBC

In their report “Human rights behind bars in Egypt”, EuroMed Rights monitors current human right defenders at risk showing the innumerous faces of those who have been targeted. In addition to detention, the Egyptian state frequently recurs to police probation, travel ban, asset freeze.

Lawyers and human rights defenders represent a vital component of the Egyptian community in search for justice. With their knowledge, strenuous work and unstoppable commitment, they have been assisting thousands of people in their journey through detention, while putting themselves at risk.

However, people’s confidence in the power of law to bring justice in cases of arbitrary detention has been challenged to the point of exhaustion. Without doubt, what remains in the mind of victims of injustice is the need of change while continuing “wrestling with the darkness” (نصارع الظلام) as framed by Egyptian revolutionary musician and poet Ali Talibab.

Autres articles

EGYPTE – Episode 3 – La dictature s’attaque aux familles des prisonniers

C’est l’histoire d’une famille qui se bat pour communiquer avec Alaa Abd El Fattah, militant emprisonné dans les geoles égyptiennes. Seif, sa soeur, a été enlevée par des forces de sécurité en civil devant le bureau du procureur général dans le quartier de Rehab au Caire ce mardi 23 juin 2020. Seif était venue déposer plainte en tant que victime d’un attentat et d’un vol qualifié survenu la veille devant le complexe pénitentiaire de Tora.

Le complexe pénitentiaire de Tora, de sinistre réputation, continue de broyer des citoyens égyptiens. Enfermés pour un rien, l’enfer des prisons égyptiennes est une série proposée par l’Oeil de la MDJ. 

Mardi, Sanaa est arrivée devant le bureau du procureur général vers 14 heures. Des agents de sécurité en civil l’ont arrêtée, elle et son avocat, à la porte de l’immeuble et lui ont demandé sa carte d’identité nationale.


Depuis le 12 mars, tous les prisonniers en Égypte ont vu leur famille et leurs avocats suspendus en raison de restrictions liées aux coronavirus.


Une fois son identité établie, ils ont repoussé son avocat et ont forcé Sanaa à monter dans un microbus banalisé et sont partis, suivis de trois voitures banalisées. Elle est apparue une heure et demie plus tard au parquet, selon son avocat, Khaled Ali. On ne sait toujours pas quelles charges sont retenues.

Sanaa, sa mère Laila Soueif, et sa sœur Mona Seif, s’étaient rendues au bureau du procureur général en compagnie de leurs avocats pour déposer une plainte concernant l’attaque de lundi à l’extérieur de Tora.

Les trois femmes se rendaient à Tora tous les jours depuis plusieurs jours afin de recevoir une lettre d’Alaa que les responsables de la prison avaient promis de leur transmettre.

Depuis le 12 mars, tous les prisonniers en Égypte ont vu leur famille et leurs avocats suspendus en raison de restrictions liées aux coronavirus.

Mais ces dernières semaines, la communication par lettre a été autorisée – mais pas pour Alaa, qui n’a reçu que deux correspondances en trois mois:

  • Une brève note le 18 mai informant sa famille qu’il mettait fin à une grève de la faim qu’il avait lancée après son et d’autres prévenus n’ont pas pu assister aux audiences de renouvellement de la détention.
  • L’autre, un message tout aussi court le 6 juin.

Pendant plusieurs jours avant l’agression, les autorités pénitentiaires ont promi qu’une lettre serait livrée. Chaque jour, Laila Soueif revenait aux portes de la prison et aucune lettre n’apparaissait. Samedi, après avoir été retirée de force de la zone d’attente habituelle, Laila a décidé qu’elle ne rentrerait pas chez elle et dormirait devant les portes de la prison.

Dimanche soir, ses filles Mona et Sanaa l’ont rejoint. Elles ont toutes dormi sur le trottoir à l’extérieur de la prison, puis à l’aube ont été attaqués par un groupe de femmes en civil.

Elles les ont battues avec des bâtons, les ont traînées par les cheveux et ont volées leurs affaires à la vue des agents de sécurité se tenant devant la prison. La famille a ensuite publié en ligne des photos montrant de graves ecchymoses sur le corps de Sanaa. Ils surveillaient de près les signes de commotion cérébrale.

La seule raison pour laquelle Sanaa est venue avec nous aujourd’hui, c’est que les procureurs voient les ecchymoses sur son corps, comme preuve de l’attaque d’hier”, a déclaré Mona.

«Le procureur connaît les menaces et les abus auxquels Alaa et notre famille ont été confrontés… Au lieu de la recevoir en tant que victime de coups et d’agressions perpétrés sous la direction du ministère de l’Intérieur et de la sécurité de l’État, et de documenter ses blessures, le procureur est complice de la remettre aux services responsables des violences dont elle fait l’objet” a déclaré Mona dans un flux en direct environ une heure après l’enlèvement.

«Rappelez-vous, Sanaa a été battue, y compris avec un bâton, traînée par terre, volée et agressée verbalement en plein air, devant les forces de sécurité à la prison de Tora hier. Imaginez le danger dans lequel elle se trouve actuellement”, a déclaré Mona.

Et imaginez le danger qu’Alaa et les autres prisonniers dont nous ne savons rien se trouvent également. Ma mère et moi ne quitterons pas le bureau du procureur avant que Sanaa ne soit amenée ici.”

Alaa Abd El Fattah est l’un des militants et des penseurs politiques les plus connus d’Égypte, bien qu’il ait été emprisonné pendant la grande majorité des années depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah el Sisi.

Il fait partie des milliers d’Égyptiens actuellement en détention provisoire. Il a été arrêté en septembre 2019, dans le cadre de la «vague d’arrestations de septembre” à la suite de petites manifestations provoquées par le dénonciateur, Mohamed Ali.

Données sur le nombre de détenus par la Commission Egyptienne pour les Droits et les Libertés - The Egyptian Commission for Rights and Freedoms © ECRF

Autres articles

EGYPTE – Episode 2 – Au-delà des privations de liberté

“Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.

Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.

La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.

Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».

Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.

Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.

Torture systématique et abus dans les prisons égyptiennes

Depuis la présidence d’Abdel Fattah el-Sisi, tout le monde sait que la répression d’activistes, bloggeurs, journalistes et chercheurs a atteint un pic alarmant.

C’est devenu une pratique commune, celle de réduire au silence l’opposition grâce à la disparition forcée, l’assaut et la détention des gens qui défient le discours officiel de l’Etat.

Sauver des détenus égyptiens

Dans son reportage biannuel sur la détention en Egypte, le Detention Watch Project a compté :

  • 932 disparitions forcées
  • 638 détentions arbitraires
  • 320 meurtres équivoques dans la première moitié de l’année 2019

En décembre 2019, l’Institut International de la Presse a comptabilisé 61 journalistes emprisonnés dont 25 arrêtés entre ctobre et décembre.

© CPJ – Statistiques des journalistes attaqués en Egypte depuis 1992

En plus, les protestations de septembre ont provoqué une intensification ultérieure de répression gouvernementale. La campagne lancée sur Twitter en novembre 2019 avec l’hashtag #SaveEgyptianDetainees confirme une augmentation déplorable des détentions arbitraires.

Comme dans le cas d’Hossam, plusieurs personnes ont été enlevées dans la rue, environ 4321 détenus entre le 20 septembre et le 21 octobre 2019, selon la Commission Égyptienne pour les Droits et les Libertés (The Egyptian Commission for Rights and Freedoms – ECFR).

Données sur le nombre de détenus par la Commission Egyptienne pour les Droits et les Libertés - The Egyptian Commission for Rights and Freedoms © ECRF

Pendant celle période, des milliers de citoyens ont fait l’expérience d’une détention.

Après une période exténuante d’attente (peu d’informations et beaucoup d’incertitudes extrêmes), quelques détenus ont été progressivement libérés. Comme une journaliste du Wall Street Journal basée au Caire, Amira el-Fekki, l’a expliqué le 4 décembre 2019: «Pendant que les autorités égyptiennes ont continué à libérer centaines de détenus depuis les événements du 20 septembre, les rétracteurs du gouvernement sont ténus en prison sous des vagues accusations».

La menace de la détention a pris sa forme extrême, menant à une conscience diffusée de la prédominance de «Dhulm», injustice, dans l’actuel Etat égyptien.

La torture systématique dans les prisons égyptiennes. Si «Dhulm» est une pensée récurrente dans la tête de milliers d’égyptiens, le mot «Ta’azib», torture, est également devenu très important dans le vocabulaire égyptien arabe.

En Egypte, la détention ne se limite pas à la privation de la liberté. Depuis les années du Président Gamal Abdel Nasser, les prisons ont été associées avec maltraitements, abuses et, surtout, torture.

Encore, sous la présidence d’Abdel Fattah el-Sisi, les méthodes des forces de sécurité de l’Etat semblent devenir exponentiellement brutales. «C’est juste, mais dépassé. Les prisons aujourd’hui sont beaucoup pire que ça», un activiste égyptien qui vit à l’étranger a exclamé.

Il était à la projection d’un film inspiré par des événements réels sur la torture en Egypte titré «el Hatk» (L’assaut), réalisé par Mohamed el Bahrawi.

Cette perception de l’augmentation de brutalité dans les pratiques adoptées pour silencer l’opposition est confirmée aussi par des études officielles réalisées par des organisations internationales.

En juin 2017, le Comite ONU contre la Torture a affirmé que la situation actuelle mène à «la conclusion incontestable que la torture est une pratique systématique en Egypte».

Les nombreux témoignages des ex prisonniers également envoient un message alarmant. Dans l’article «Thinking with Alaa» apparu dans le journal indépendant en ligne Mada Masr, le célèbre activiste des droits de l’homme Alaa Abdel Fattah a commencé à dénoncer ouvertement les conditions déplorables des prisons depuis sa dernière détention en prison.

Outre la durabilité inévitable de la torture, pendant son emprisonnement on lui a nié tout besoin fondamental y compris l’accès aux matériels de lecture, à la lumière naturelle et à l’eau propre.

Pendant que le gouvernement a récemment tenté de montrer une image positive des prisons égyptiennes en organisant des visites pré-programmées pour des journalistes et des officiers, comme la visite ouverte à la prison de Tora en novembre 2019, une recherche indépendante sur le sujet suggère une réalité complètement différente.

La réaction internationale

Le 14 novembre 2019 Al Monitor reporte que la cofondatrice du mouvement 6 April et journaliste Israa Abdelfattah va commencer une grève de la soif. Elle essayait à ouvrir une enquête officielle sur des plaintes concernant son endurance à la torture en détention provisoire.

Dans un Etat où les appels à une application équitable et transparente de la loi sont vains, les gens ont été laissés sans d’autres moyens sauf des gestes extrêmes pour faire entendre leur cause. C’est donc naturel de se demander quelle est la réaction internationale à un pays qui a manifestement violé les droits fondamentaux de l’homme universellement protégés par des conventions internationales.

En février 2020, six ONG en défense des droits de l’homme ont demandé dans une lettre collective au Conseil Européen «une révision complète des relations de l’Union Européenne avec l’Egypte» en raison de la répression continue des droits de l’homme dans le pays.

Tandis que nombreuses organisations internationales comme Amnesty International, Human Rights Watch, Reporters without Borders, Committee to Protect Journalists et d’autres dénoncent la réalité alarmante dans l’Egypte actuel, les Etats ont souvent fermé les yeux sur la question.

Même devant des cas importants qui ont reçu une grande couverture médiatique et sont directement reliés avec d’autres pays, les gouvernements ont réagi très peu ou pas du tout.

Le cas le plus récent de l’égyptien Patrick Zaki George, étudiant en Italie arrêté lors de son arrivée à l’Aéroport du Caire le 7 février 2020, a provoqué une indignation générale accompagnée par des affirmations de politiciens comme le président du Parlement Européen David Sassoli.

Cependant, nous ne pouvons pas observer aucune mesure qui effectivement rédiscute les relations diplomatiques et économiques avec l’Egypte. Entre outres, les affaires commerciales entre l’Italie et l’Egypte ont même augmenté.

Le journal panarabe al-Araby al-Jadid a reporté quelques jours après la possibilité d’un accord imminent sur l’armement de 9 billiards d’euros entre le Caire et Rome.

Les cas où les victimes du système répressif égyptien ne sont pas seulement des citoyens égyptiens sont récurrents, de la disparition mystérieuse, torture et meurtre de l’étudiant italien Giulio Regeni en 2016 à la mort en prison de l’américain-égyptien Mustafa Kassem le 13 janvier 2020.

La question est si la communauté internationale aura jamais l’’intention d’entendre activement et pas seulement prétendre d’entendre les voix de milliers de personnes qui souffrent des injustices en Egypte.

Celles voix qui crient fort l’inhumanité des prisons en Egypte, comme exprimé dans la chanson puissante de Ramy Essam «Fe segn bel Alwan» (Prison colorée). «Oh état de gens tristes, honte sur vos idées. Gloire aux prisonniers tant que vous êtes des hypocrites».

Autres articles

Egypte – Épisode 1 – D’une simple promenade à la détention

“Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.

Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.

La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.

Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».

Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.

Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.

Episode 1 – D’une simple promenade à la détention

Samedi 21 septembre 2019, Hossam se promène dans la rue près de Tahrir Square. Il arpente l’avenue du 6 octobre pour déposer la nourriture fait-maison que sa mère de 53 ans avait préparée pour un ami étranger résident au Caire.

Juste après ce bref rendez-vous, il devait être de retour chez lui. Sa mère l’attend à la maison… Mais le fils ne rentre pas. Son frère ainé qui vit à l’étranger tente de le contacter, en vain. Il a pourtant deux téléphones, mais les deux sont mystérieusement injoignables !

La majorité des arrestations en Egypte commence de cette manière

Plus tard, la famille découvre qu’il a été kidnappé près de Mohamed Mahmoud Street, un des centres de la révolution de 2011. A cette époque, les murs du quartier étaient encore couverts de graffitis. Depuis, ils ont disparu.

Pour Hossam, c’est le Service de Sécurité Nationale qui l’a brutalement enlevé dans la rue avant de le conduire à la station de police puis en prison.

En quelques heures, Hossam passe du statut d’homme libre se promenant dans la rue à celui de criminel potentiel confiné en détention.

Et pendant ce temps, sa famille n’a aucune information officielle sur les raisons de sa détention.

Le centre du Caire se transforme en État policier

Cet épisode n’est pas étonnant pour quelqu’un qui a vécu au Caire récemment. “Wust el-Balad”, le centre et ses alentours, sont devenus des points sensibles et donc soumis à d’intenses contrôles de sécurité. Policiers en civil, voitures de police et soldats déploient leur force autour des rues, places et ponts principaux, comme si l’Etat était en guerre ou prêt à en mener une.

Dans un tweet daté 27 septembre 2019, le correspondent arabe de la BBC en Egypte et Moyen Orient, Sally Nabil décrit un déploiement sans précédent des forces de sécurité dans la capitale égyptienne et conclut: «Tahir Square parait plutôt une station militaire!».

As I was living in Cairo at the time, I could myself witness a reality where “Egyptians are treated as criminals simply for peacefully expressing their opinions” in Naja Bounaim’s, Amnesty International North Africa Campaign Director, words.

Not only did people get used to be extremely cautious when speaking, but they equally feel vulnerable while simply walking or even staying in their own homes. In addition to “spot checks” of peoples’ phones, looking for content that might deem political, visits of people’s apartments from the “Mabaheth”, State Security Service Investigations, increased in frequency and degree of intrusion.

On a Sunday morning, I opened the door of my apartment in Mounira neighbourhood and I found myself in front of two people with civilian clothes accompanied by the “Bawab”, the doorman. After asking for the contract of the apartment, they did not hesitate to enter the rooms of my two flatmates and I. After a thorough search through our books, laptops and phones accompanied by precise questions on our identity, they proceeded to the nearby apartment.

Quand je vivais au Caire, j’ai vu une société où «les Égyptiens sont traités comme des criminels pour la simple raison qu’ils souhaitent exprimer leurs opinions pacifiquement», pour paraphraser Naja Bounaim, Directrice de la Mission d’Amnesty International en Afrique du Nord.

Les égyptiens sont devenus très prudents en exprimant leur opinion, ils se sentent vulnérables tout le temps, y compris quand ils se promènent ou qu’ils rentrent chez eux.

Outre les contrôles inopinés des téléphones portables pour rechercher des contenus qui peuvent être politiquement sensibles, les inspections du «Mabaheth», le Service d’Investigation pour la Sécurité de l’État, dans les appartements des égyptiens sont augmentés en fréquence et dégrée d’intrusion.

Un dimanche matin, j’ai ouvert la porte de mon appartement dans le quartier Mounira et je me suis retrouvée devant deux personnes en civil accompagnées par le «Bawab», le gardien du bâtiment. Après avoir demandé le contrat de logement, ils n’ont pas hésité à rentrer dans ma chambre ainsi que celles de mes colocataires.

Après une recherche approfondie dans nos livres, ordinateurs et téléphones, accompagnée par des questions précises sur notre identité, ils ont poursuivi dans l’appartement suivant.

Au-delà des mesures urgentes de sécurité: la normalisation de l’intrusion dans la vie privée des gens

C’est à cause d’une série de vidéos d’un ex-contractuel égyptien dans l’Armée que les protestations de septembre ont commencées. Il s’agit de Mohamed Ali qui de l’Espagne dénonçait la corruption du gouvernement. Dès lors, le régime a décidé d’agir en urgence.

Les mesures adoptées sont alors conçues comme une partie de la «bataille contre le terrorisme», priorité du programme d’Al-Sisi depuis sa prise de pouvoir en 2013.

Les mots publiés par le compte officiel d’Al-Sisi sur Twitter le 27 septembre souligne la nécessité de combattre le terrorisme en tant que Nation, une bataille qui, il a déclaré, «n’est pas encore finie».

Tandis qu’on peut considérer cette répression exponentielle comme une réaction temporaire à la vague de protestations du 20 septembre 2019, l’observation du Caire dans la période suivante nous dit quelque chose de diffèrent.

Ces derniers mois, les mesures renforcées susmentionnées pour préserver la stabilité du pays ont été renforcées sans interruption, avec des différences d’intensité qui change de semaine en semaine.

Comme l’activiste égyptienne pour les droits humains Mona Seif l’explique dans un tweet daté 13 octobre 2019: «Chaque semaine un nouvel activiste est kidnappé dans la rue, chez lui ou au travail».

En Janvier 2020, la même atmosphère du septembre passé, caractérisée par un contrôle total sur les mouvements, les mots et la vie des gens, réapparait dans la capitale.

Lors de l’anniversaire de la révolution du 25 janvier – au présent appelée la célébration traditionnelle d’«Aid al Shurta», «La Journée de la Police», dans la rhétorique officielle du gouvernement, le centre de la ville était fermé. Cela ne constitue pas une surprise.

La correspondante au Caire du Wall Street Journal, Amira el-Fekki, à ce jour-là rapporté sur Twitter: «Dans ce qui est en train de devenir un assaut normalisé à la vie privée des égyptiens, la police inspecte les téléphones des gens autour du centre du #Cairo, #Tahir. Certains restaurants ne font pas de consignes dans cette partie de la ville aujourd’hui, pour éviter que leurs livreurs soient harcelés par la police».

Dans l’article, «Your guide to surviving downtown during the revolution anniversary crackdown» (« Votre guide pour survivre dans le centre-ville pendant la répression de l’anniversaire de la révolution »), publié par le journal indépendant en ligne Mada Masr le 21 janvier, les témoignages des gens qui décrivent leurs expériences d’arrestation arbitraire, raid et inspection aléatoire suggèrent un scénario répété de contrôle total auquel tout égyptien peut être sujet.

Entre passé et présent Ces mesures de sécurité ont été appliquées à de nombreuses villes en Egypte. Le scénario du centre du Caire où Hossam a été kidnappé en septembre passé, illustre la politique actuelle du gouvernement de contrôle total sur l’espace publique et privé.

Paradoxalement, ce centre de la capitale égyptienne est historiquement associé au développement intellectuel, l’échange culturel et à la créativité artistique, est devenu le décor d’un état policier.

Les principes de «Aysh, Hurriya, wa Adala Ijtimaiya» – «Pain, Liberté et Justice Sociale», qui circulait dans le même quartier en 2011, a été rapidement substitué par une atmosphère de peur constante, où toute activité, mouvement et mot, est contrôlé.

Une question demeure: quand cette place symbole de la liberté et du peuple renouera-t-elle avec son glorieux passé de symbole de la liberté ?

Pour l’instant, les égyptiens observent en silence les changements de l’environnement et de la société qui animent la région. Un processus de transformation où le concept de «the square», comme formulé dans la révolution égyptienne, est devenu «mémoire»… Ce serait presque le souvenir d’un rêve alors que le présent est cauchemar.

«Une histoire à raconter à travers des narrations», comme le rock band égyptienne Cairokee qui a mis en garde le pouvoir dans sa fameuse chanson révolutionnaire «al Midan», la «Square».


O you the square, where were you long ago? […] sometimes I am afraid that we become just a memory we get away from you then the idea dies and fades away and we go back to forget what happened and you become a story to tell in narrations.


Photo by New York Times in Egypt

 

Other articles